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Une démarche de recherche qualitative et abductive

Méthodologie et étude exploratoire

1.2. Une démarche de recherche qualitative et abductive

Il existe trois voies possibles d’exploration : l’exploration théorique, l’exploration empirique et l’exploration hybride (Charreire et Durieux, 2003) :

L’exploration théorique consiste à opérer un lien entre deux champs théoriques (au minimum) jusqu’alors non liés dans des travaux antérieurs ou entre deux disciplines. [...] L’exploration se situe au niveau du lien nouveau opéré. L’exploration théorique nécessite de procéder de manière inductive. [...]

[L’exploration empirique] consiste à explorer un phénomène en faisant table rase des connaissances antérieures sur le sujet. Le chercheur travaille alors sans a priori. [...] La démarche logique propre à l’exploration empirique est l’induction pure.

L’exploration hybride consiste à procéder par allers-retours entre des observations et des connaissances théoriques tout au long de la recherche. Le chercheur a initialement mobilisé des concepts et intégré la littérature concernant son objet de recherche. Il va s’appuyer sur cette connaissance pour donner du sens à ses observations empiriques en procèdant par allers-retours fréquents entre le matériau empirique recueilli et la théorie. La démarche est abductive dans ce cas. (Charreire et Durieux, 2003, p. 68-70)

Nous avons privilégié dans notre travail l’exploration hybride, démarche abductive qui permet d’enrichir ou d’approfondir des connaissances antérieures. L’abduction consiste à « partir des faits avec déjà de premières idées, chercher des anomalies et formuler des conjectures, retourner aux faits pour en trouver de nou-veaux qui permettront de retenir une des conjectures contre les autres » (Dumez, 2007, p. 10). Ainsi, réflexion et construction des résultats se sont faites en recourant à une démarche qui nous a menée à faire des itérations permanentes entre théorie et terrain, à explorer et à tester continuellement. L’objet de l’abduction n’est toutefois pas la détermination de lois universelles mais la production de sens à partir d’un système d’observations :

[L’abduction] permet d’échapper à la perception chaotique que l’on a du monde réel par un essai de conjecture sur les relations qu’entretiennent effectivement les choses [...]. L’abduction consiste a tirer de l’observation des conjectures qu’il convient ensuite de tester et de discuter. (Kœnig, 1993, p. 7 in Charreire et Durieux, 2003, p. 61)

Dans cette démarche, le chercheur procède par association, il interprète ce qu’il observe en juxtaposant des faits et des théories.

Au début de notre recherche, nous ne savions ni la problématique précise de notre travail, ni même les « lunettes » théoriques que nous voulions utiliser. En revanche, nous avions effectué une observation participante sous la forme d’un stage de 3 mois en contrôle de gestion au sein d’une banque française internationale lors de notre mémoire de recherche. Ceci nous avait permis de côtoyer les contrôleurs de gestion, de partager en partie leur travail quotidien, d’échanger de manière informelle avec

aussi sur leurs aspirations professionnelles. Ces interactions ont alors éveillé notre curiosité et nous avons décidé de nous intéresser aux trajectoires professionnelles des contrôleurs de gestion. Nous voulions comprendre leurs choix d’orientation pro-fessionnels : que rejettent-ils du métier ? Qu’apprécient-ils ? Comment valorisent-ils leur expériences ?, etc. Nous souhaitions ainsi placer l’individu au cœur de notre étude.

De même, nous n’arrivions pas vierge de lectures académiques sur le métier de contrôleurs de gestion. Nous sommes allée sur le terrain avec des connaissances conceptuelles acquises lors de nos différentes lectures. Cependant nous n’avons pas souhaité mettre en place un quelconque modèle à tester, une quelconque théorie à utiliser. Bien que la littérature nous fournisse des idées de compréhension sur ce qu’il se passait sur le terrain, elle ne permettait pas de tout comprendre. La litté-rature en contrôle de gestion donnait bien du sens à certaines observations : rôles réels, rôles espérés, stéréotypes, compétences que devraient posséder les contrôleurs de gestion, etc. sont autant d’éléments traités qui pouvaient nous amener à com-prendre une partie de notre sujet. En revanche la question précise des trajectoires professionnelles et des facteurs l’influençant avait été peu traitée. Au fur et à mesure de notre recherche, nous avons alors effectué de nombreux allers et retours entre les données empiriques, la littérature en contrôle de gestion et, plus tard, la littérature sociologique pour traiter notre objet de recherche.

Cette démarche abductive a justifié le recours à une méthodologie qualitative (Char-reire et Durieux, 2003), celle-ci constituant la meilleure stratégie de découverte d’un nouveau domaine de recherche (Miles et Huberman, 2003). Mais le choix de cette démarche est également renforcée par le choix de notre thématique de recherche. En effet, compte tenu de notre thématique de recherche, nous nous sommes naturellement portée sur les méthodes de recherche et de recueil de don-nées qualitatives :

[Les méthodes quantitatives de collecte de données] s’avèrent d’un maniement particulièrement délicat, voire totalement inappropriées lorsque le sujet abordé touche à un sujet aussi sensible que le métier, qui renvoie à des questions délicates comme celles de l’identité, du pouvoir et de la relation. Les interlo-cuteurs peuvent céder, même inconsciemment, à la tentation de renvoyer une image « satisfaisante », « positive » d’eux-mêmes via les questionnaires. Les méthodes qualitatives de recueil des données se sont donc imposées comme le moyen le plus pertinent d’accès au réel. (Lambert, 2005, p. 181)

recherche puisqu’elles permettent de s’intéresser aux émotions des individus, aux représentations qu’ils se font de la réalité qui les entourent (Silverman, 2005 ; Yin, 2012). Elles permettent donc de cerner la façon dont les individus vivent leurs ex-périences de travail / au travail. En ce sens, elles permettent de comprendre les explications que les individus donnent de leur quotidien, tout en prenant en compte le contexte réel dans lequel ils évoluent (Miles et Huberman, 2003).

Enfin, les démarches qualitatives offrent au chercheur une meilleure flexibilité que les méthodes de recherche quantitatives en ce qui concerne l’orientation de son sujet de recherche final. Elles permettent en effet de se laisser porter par les données et de prendre en compte ce qui n’avait pas été envisagé dans un premier temps par le chercheur (Baumard et Ibert, 2003 ; Miles et Huberman, 2003 ; Becker, 2012), ce qui est particulièrement adapté à notre démarche de recherche.

1.3. L’entretien comme principal outil de collecte des données

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une donnée ? Qu’entendons-nous lorsque nous utilisons ce terme dans notre travail ?

Les données sont les représentations acceptées d’une réalité que l’on ne peut ni empi-riquement (par les sensations) ni théoempi-riquement (par l’abstraction) embrasser. [...] La réalité n’est pas réductible à une partie moindre qui peut toute entière l’exprimer. Le fait d’avoir « vécu » une réalité ne signifie pas que l’on est porteur de celle-ci, mais tout au plus qu’on en a étreint certains aspects, avec une intensité plus ou moins grande. La métaphore de l’accident de voiture peut permettre ici de mieux comprendre ce paradoxe. Tout un chacun peut « décrire » avec plus ou moins de pertinence un accident de voiture, mais ceux qui l’ont vécu possèdent une dimension supplémentaire qui ne peut être exprimée. [...] Ainsi, le statut de « données » est partiellement laissé au libre arbitre du chercheur. (Baumard et Ibert, 2003, p. 84-85)

Les données recueillies permettent ainsi d’éclairer une réalité et non la réalité. En tant que chercheur, nous exposons un aspect de celle-ci et nous ne considérons pas que nous sommes détentrice d’une vérité absolue.

L’entretien est un outil de collecte de données qui convient aux chercheurs adoptant une démarche interprétativiste (Blanchet et Gotman, 2010) et permet d’appréhen-der les représentations des acteurs (Dubar et Gadéa, 1998), objet de notre recherche (1.3.1.). Puis, nous verrons que l’entretien est toutefois une situation sociale com-plexe entre le sujet et le chercheur (1.3.2.).

cement de la recherche

En recherche qualitative, deux modes principaux de collecte de données primaires sont utilisés : l’entretien (individuel ou de groupe) d’une part ; et l’observation (parti-cipante ou non parti(parti-cipante) d’autre part (Baumard et al., 2003). Plus précisément :

L’entretien est une technique destinée à collecter, dans la perspective de leur analyse, des données discursives reflétant notamment l’univers mental conscient ou incons-cient des individus. Il s’agit d’amener les sujets à vaincre ou à oublier les mécanismes de défense qu’ils mettent en place vis-à-vis du regard extérieur sur leur comportement ou leur pensée. (Baumard et al., 2003, p. 235)

L’observation est un mode de collecte de données par lequel le chercheur observe de lui-même, de visu, des processus ou des comportements se déroulant dans l’organisation, pendant une période de temps délimitée. (Baumard et al., 2003, p. 238)

L’entretien individuel a été choisi comme principal outil pour collecter les données1

qui est une situation de face-à-face entre l’investigateur et le sujet. Contrairement à d’autres méthodes qui nécessitent une idée précise de ce qui est recherché (entre-tien par questionnaires par exemple), l’entre(entre-tien en recherche qualitative peut être relativement peu structuré (Alvesson, 2003). Il laisse la possibilité à la personne interrogée d’évoquer librement ce qui lui semble le plus pertinent sur un sujet spéci-fique et constitue, dès lors, une technique particulièrement bien adaptée pour récolter des informations sur les expériences, les idées, les connaissances et les impressions des individus (Fontana et Frey, 1994).

Il est distingué deux types d’entretien que sont l’entretien non directif et l’entre-tien semi-directif appelé aussi entrel’entre-tien semi-directif centré (ESDC). L’entrel’entre-tien non directif définit un thème général. Par la suite, le chercheur relance et peut cher-cher à approfondir, mais sur les seules idées énoncées par les personnes interrogées (Baumard et al., 2003 ; Romelaer, 2005). Au contraire, lors des entretiens semi-directifs centrés, le chercheur s’appuie sur un guide d’entretien contenant une liste de thèmes auxquels il s’intéresse et sur la base de laquelle il est susceptible d’effectuer des relances :

L’ESDC réalise un compromis souvent optimal entre la liberté d’expression du répondant et la structure de la recherche. Le répondant s’exprime sur les thèmes qu’il souhaite, et dans son propre langage : la directivité de l’entretien est donc très réduite. Le chercheur en retire deux éléments : (1) des informations sur ce qu’il cherche a priori (les thèmes du guide de l’intervieweur) ; (2) des données auxquelles il n’aurait pas pensé (la surprise venant de la réalité du terrain). (Romelaer, 2005, p. 104)

1. Nous avons également réalisé, pour notre étude de cas des observations. Nous reviendrons plus précisément sur ce point dans la partie 2.3.3.

toires, les entretiens semi-directifs centrés laissent la possibilité au chercheur d’accé-der à des idées et données auxquelles il n’avait pas pensé a priori et qui lui offriront de nouvelles pistes à explorer, de nouveaux thèmes à intégrer à son guide et ainsi, de déplacer son questionnement initial. L’entretien semi-directif centré s’est trouvé être un outil particulièrement adapté à la phase exploratoire de notre recherche : en effet, comme évoqué précédemment, nous n’arrivions pas vierge de tout préjugé sur mon terrain, j’avais une idée des thèmes, bien que vague, que je souhaitais aborder avec les contrôleurs de gestion. Les entretiens semi-directifs sont menés et ont été menés sur la base de trois types de question2

:

Rubin et Rubin (1995) définissent trois types de questions : les « questions prin-cipales » qui servent d’introduction ou de guide dans l’entretien, les « questions d’investigations » destinées à « compléter ou clarifier une réponse incomplète ou floue, ou à demander d’autres exemples ou preuves » et les « questions d’implication » qui font suite aux réponses aux questions principales ou visent à élaborer avec précision une idée ou un concept. Les questions d’investigation et d’implication ne peuvent être préparées à l’avance. Elles doivent être amé-nagées par le chercheur au fur et à mesure de l’entretien. (Baumard et al., 2003, p. 236)

Au fur et à mesure de l’avancée de notre recherche et du choix du cadre théorique, il est apparu que l’entretien était une méthode de collecte de données toujours perti-nente, et c’est pourquoi nous avons continué de l’utiliser. En effet, traiter de l’identité requiert une analyse des relations subjectives aux catégories d’identification puisqu’il existe une diversité de discours et de pratiques de la part de répondants pourtant classés, a priori, dans une même catégorie socio-professionnelle (Dubar et Gadéa, 1998 ; Dubar, 1998). Il est alors nécessaire de déterminer les « catégories langa-gières » utilisées par les individus, catégories qui apparaissent dans les situations d’entretien. Par exemple, dans notre cas, qu’entendent les contrôleurs de gestion lorsqu’ils parlent d’activités de conseil. Le chercheur se doit de les prendre en consi-dération :

Le point de vue développé ici suppose que l’on accorde autant d’importance aux catégories langagières utilisées par les individus en situation d’entretien de recherche qu’aux catégories institutionnelles fixant des « positions objec-tives » (scolaires, professionnelles...). La prise au sérieux, par le sociologue, des paroles sur soi d’un sujet, sollicité à « se raconter » dans un « récit de vie » (Bertaux, 1997), et entrant dans un dialogue particulier, véritable « exer-cice spirituel » (Bourdieu, 1993), avec un chercheur capable d’écouter, consti-tue peut-être une condition sine qua non d’un usage sociologique de la notion d’identité. (Dubar, 1998, p. 73)

de ses identifications (Ashforth et al., 2008). L’entretien est ainsi plus adapté que l’usage des statistiques pour appréhender l’identité pour soi, histoire intériorisée des individus et subjective par nature (Dubar, 1998, 2010). Il permet en effet de cerner les schémas de pensée, les représentations conscientes ou inconscientes et les logiques des sujets interrogés (Baumard et Ibert, 2003 ; Blanchet et Gotman, 2010).

Si l’entretien semi-directif était adapté à la première phase de la recherche, au fur et à mesure des entretiens menés, notre objet de recherche se précisait. Nous avons alors mis en place des entretiens dits mixtes (Romelaer, 2005) : ceux-ci com-mencent sur les bases de l’entretien semi-directif centré et se terminent sur une phase d’entretien plus guidée, comportant des questions précises non abordées par le ré-pondant auparavant et sur lesquelles l’intervieweur souhaite obtenir des réponses précises.

Nous avons donc choisi l’entretien comme principale méthode de collecte de données, que ce soit pour la phase exploratoire, aussi bien que pour la suite de la recherche. Pourtant, tout comme Alvesson (2003), nous ne considérons pas l’entretien comme une technique de collecte de données supérieure à d’autres pour traiter les pratiques sociales et les expériences des individus.

1.3.2. L’entretien comme situation sociale complexe

L’entretien est une situation sociale complexe puisque construite par le cher-cheur pour obtenir des informations « authentiques et honnêtes » qu’il pourra en-suite utiliser pour publier (Alvesson, 2003). Une interaction complexe se met alors en place dans laquelle les participants font des efforts pour produire des discours ordonnés et minimiser les embarras et frustrations. Mais lorsqu’il se déroule bien, il devient finalement une conversation au cours de laquelle le sujet se livre et vainc ses mécanismes de défense naturels qu’il pourrait avoir face au chercheur, qui est tout de même le représentant d’une logique externe (Romelaer, 2005 ; Blanchet et Gotman, 2010).

Au cours de l’entretien, sujet et chercheur s’influencent l’un l’autre (Al-vesson, 2003). L’image et les attitudes par lesquelles l’interviewé se présente au chercheur influencent ce dernier dans son analyse et la façon de mener l’entretien. Le chercheur influence par ses attitudes également la façon dont le sujet se présente. L’entretien est donc une mise en scène au sens de Goffman (2011) au cours duquel

pouvons négliger notre influence lors des entretiens, nous ne pouvons que tenter de la minimiser.

Le chercheur doit donc tenter de rester le plus neutre possible, d’instaurer un climat de confiance (Gotman, 1985) et ce, dès le début de la prise de contact pour que les entretiens se déroulent au mieux. La façon dont il s’introduit peut en effet influencer la situation d’entretien (Blanchet et Gotman, 2010) : le chercheur va-t-il conserver l’anonymat de mon témoignage ? Pourquoi souhaite-t-il m’interroger ? Est-il bien-veillant ? etc. sont autant de questions que les sujets peuvent se poser. Ainsi, dès les mails échangés nous avons informé les personnes sollicitées de notre situation, de notre projet de recherche et de la confidentialité de l’échange3

.

Au début de chaque entretien, nous avons reprécisé ces informations et avons de-mandé à la personne si elle acceptait d’être enregistrée en lui précisant que nous pouvions couper l’enregistrement à tout moment si elle le désirait4

. Nous précisions que l’enregistrement nous permettrait une retranscription et faciliterait notre travail par la suite. Enfin, les personnes interrogées nous proposaient parfois une rencontre en-dehors de leur lieu de travail, ce que nous acceptions : les entretiens ont ainsi pu être réalisés dans des cafés, des parcs, etc. Ceci permettait, selon nous, de créer un climat de confiance avec les sujets propice à un échange beaucoup plus ouvert. De plus, lors des discussions, pour marquer notre intérêt et afin qu’ils poursuivent leur narration, mais aussi pour montrer que nous ne les jugions pas, nous avons réguliè-rement acquiescé en hochant la tête, marqué verbalement les échanges en recourant à des onomatopées et des mots brefs tels « hum hum » ou « d’accord ».

Lors de l’entretien, le chercheur par ses attitudes — utilisation de termes spécifiques, gestuelle, prise de notes plus ou moins intensive, silences, etc — influence les réponses de l’interviewé (Gotman, 1985 ; Alvesson, 2003). Il doit alors trouver un équilibre lors des situations d’entretien et s’adapter continuellement aux personnes qui lui font face. Il doit donc faire preuve de flexibilité (Baumard et al., 2003). Mais il doit aussi faire preuve d’empathie, comprise comme la faculté de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce que le sujet ressent (Baumard et al., 2003 ; Perret et Seville, 2003 ; Ahrens et Chapman, 2006). Ce n’est qu’à cette condition que le

3. Pour un exemple, se référer à l’annexe E.

4. L’entretien pour exemple retranscrit en annexe F commence donc après l’accord de la per-sonne et occulte souvent les phrases introductives d’accueil, voir les moments de présentation du sujet lorsqu’il commencçait à nous interroger dans l’ascenseur,etc.

devient dès lors l’un des critères de validité des recherches interprétatives (Perret et Seville, 2003).

Cette empathie et les questions posées ont parfois transformé l’entretien en véritable séance de psychanalyse (Devereux, 1980) comme le montre l’extrait suivant issu de nos entretiens : « tu me poses des questions que je ne me suis jamais posées donc tu me fais une très belle séance de psychanalyse. Et je t’en remercie » (Sébastien), et ce particulièrement dans les cas extrêmes où les contrôleurs de gestion ne se sentaient pas bien dans l’organisation.

L’entretien est donc une mise en scène (Goffman, 2011) au cours duquel les acteurs cherchent à donner une certaine image d’eux-mêmes, se présentent. Sujet et cher-cheur s’influencent alors mutuellement et nous ne pouvions nier ce fait. Cependant, cette présentation des contrôleurs de gestion, cette mise en scène de la part des sujets était aussi ce que nous cherchions à capter, cette histoire d’eux-mêmes qu’ils pro-duisent pour clamer qui ils sont et qui ils aimeraient être. C’est bien ces efforts dans la présentation de soi, dans la recherche de cohérence, produits dans les situations d’entretien qui nous intéressent. Par conséquent, nous n’avons pas cherché à savoir si l’identité pour autrui (et non la perception de celle-ci par les contrôleur de gestion) coïncidait parfaitement avec l’identité revendiquée par les contrôleurs de gestion, ce qui aurait nécessité de rencontrer des managers. En revanche, nous avons cherché à savoir comment les contrôleurs de gestion intégraient ces identités pour autrui, comment ils percevaient l’influence d’autrui dans leur construction identitaire.

2. De l’étude de cas à l’étude de cas unique : un