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Une structure favorisant l’emploi assisté (dit supported employment)

C. L’accompagnement des assurés par les organismes pour les personnes handicapées

5.1. Une structure favorisant l’emploi assisté (dit supported employment)

On le sait, l’emploi assisté est peu développé en Belgique aujourd’hui et ce sont principalement des accompagnements qui s’inscrivent dans l’approche « Train-then-Place » qui y sont développés. Les recherches qui existent à ce jour révèlent que l’approche « Place-then-Train » est prometteuse à plusieurs égards. Or, nous n’avons pas distingué en Belgique de structure publique qui rende ce type d’accompagnement financièrement viable. Il existe par contre de plus en plus de jobcoachs qui relèvent soit des projets 107 - qui demeurent toutefois des projets « pilotes » -, soit des organismes pour personnes handicapées. Le nombre de ces jobcoachs est cependant très limité.

En Europe, d’autres pays ont développé une structure qui permette de rendre pérenne l’emploi assisté. L’Autriche, la Norvège et la Suède sont des pays cités en exemple qui ont développé une structure spécifique pour le financement et la réglementation de l’emploi assisté250.

La Suède a, par exemple, développé un programme de Jobcoach (appelé SIUS) au sein de son service de l’emploi et destiné aux personnes sans emploi de longue durée251. Le programme est financé par l’Etat et est parfois complété de financements locaux et d’une aide du fonds social européen252. Les personnes souffrant de troubles mentaux, y compris ceux qui sont invalides, participent souvent - mais pas exclusivement - à ce programme.

L’OCDE estime cependant que le programme pourrait être davantage dirigé vers eux253. Concrètement, le programme a une durée de trois mois et est conçu pour aider le demandeur d’emploi à reintégrer le marché du travail, pour conseiller l’employeur sur la façon dont il doit réintégrer ces personnes et pour l’informer des enjeux psychosociaux sur le lieu de travail254. Un plan de réintégration est conçu entre l’employeur, le jobcoach et le demandeur d’emploi qui sera évalué au cours des deux réunions suivantes. Une aide par téléphone est également prévue pour répondre aux questions de l’employeur. En 2009, il y avait 325 jobcoachs et 51% de personnes suivies ont réintégré le marché du travail. En

250 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., p. 7.

251 OCDE, Mental Health and Work: Sweden, Paris, 2013, p. 105.

252 Certaines ONG peuvent également soutenir le programme. Voyez le Rapport d’étude COWI,

« Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., p. 158.

253 OCDE, Mental Health and Work: Sweden, op. cit., p. 108.

254 Ibid., p. 105.

2015, on dénombre approximativement 500 jobcoachs255. Un jobcoach devrait accompagner 15 nouveaux assurés chaque année et aurait au total 30 assurés à suivre sur le long terme.

Le salaire du travailleur est payé par l’Etat le temps que dure le programme et puis il est pris en charge par l’employeur. Dans ce dernier cas, le salaire est parfois complété par une subvention salariale ou une intervention de l’assurance invalidité256.

Pour prendre un autre exemple de pays qui a mis en place une structure pour l’emploi assisté, la Norvège a également, à travers son ministère du travail, institutionnalisé des jobcoachs qui relèvent des services de l’emploi et de la santé dans le cadre du programme Arbeid met bistand (ou AB-initiative). Elle a initié une réflexion dans l’enceinte parlementaire à ce sujet257. Ce projet pilote a démarré en 1992 et été institutionnalisé en 1996258. A son commencement, il était basé sur trois principes259 : primo, la formation au travail et l’emploi ordinaire doivent être mis en place de façon concomitante. Secundo, les subsides financiers doivent être une exception et non la règle260. Tertio, les services ne doivent pas seulement aider le travailleur qui a connu une capacité de travail réduite mais également ses collègues de travail ainsi que l’employeur et ce, dans l’objectif que le travailleur parvienne à obtenir et à maintenir son emploi. Des 40 jobcoachs initialement engagés pendant le projet pilote, la Norvège en comptait 260 en 2000 et 410 en 2002261. En 2002, un jobcoach suivait en même temps 6 à 10 personnes262. En 2002, 2460 personnes avaient accès à ce dispositif263. Le programme concerne toute personne rencontrant un handicap à l’emploi ou qui est socialement défavorisée. L’objectif est d’aider ceux qui ont le plus besoin d’un suivi pour accéder à un emploi rémunéré sur le marché du travail ordinaire264. Le suivi s’arrête en général après une période de trois ans mais peut aller au-delà de cette période, entre autres pour les personnes souffrant de troubles mentaux265. Le dispositif a été évalué comme

255 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., p. 156.

256 Ibidem.

257 Voyez à ce sujet The Rehabilitation White Paper (Rapport au Parlement n° 39 (1991-1992).

258 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit.,p. 128.

259 SPJELKAVIK Ø., FRØYLAND K., EVANS M., « Supported Employment in Norway. A National Mainstream Programme », op. cit., p. 7.

260 Ceci ne l’a pas empêché de développer des subsides dans le cadre de sa réforme “Flexible job”(Ibid., p. 10).

261 Ibid., p. 12 et EVANS M. J., « History of Supported Employment and Vocational Rehabilitation Measures in Norway », Employment Disability Unit, Dundee.

262 SPJELKAVIK Ø., FRØYLAND K., EVANS M., « Supported Employment in Norway. A National Mainstream Programme », op. cit., p. 11.

263 Ibid., p. 12.

264 Ibid., p. 11.

265 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., p. 129.

particulièrement positif à l’égard de ces dernières266. Le salaire du travailleur est payé par l’employeur et il est parfois compensé par une subvention salariale et complété par un revenu de l’assurance invalidité. Le programme Arbeid met bistand est considéré comme un des meilleurs exemples selon Mike Evans, expert dans le domaine de l’emploi assisté et ancien Vice-Président de l’Union européenne de Soutien à l’Emploi 267. Celui-ci estime cependant qu’il y a encore de nombreuses améliorations à faire, notamment en ce qui concerne le développement de carrière, la rémunération et le fait que le dispositif devrait être davantage étendu268. Récemment et pour une période plus courte, le programme s’est vu adjoindre un programme appelé « Follow-up »269. Ce programme permet notamment d’accompagner encore plus d’assurés que ce qui était le cas précédemment.

Quant au modèle IPS, il est progressivement mis en place en Suède et est destiné surtout aux patients souffrant de schizophrénie270. En Norvège, nous avons déjà expliqué que le modèle IPS était étendu - et évalué - à des personnes souffrant de troubles modérés. Le projet IPS est également étendu depuis 2014 au Royaume-Uni à un public plus large et les premiers résultats d’une comparaison entre le modèle IPS et les autres projets plus traditionnels sont attendus pour 2015271. En Australie, le modèle IPS est appliqué à des populations plus jeunes dans le cadre du Australia’s Orygen Youth Health272. A l’heure actuelle, le modèle « IPS » s’inscrit encore souvent dans le cadre de projets pilotes. Ils sont financés en général par les ministères de l’emploi ou de l’assurance invalidité.

Dans d’autres pays, il existe des projets locaux relatifs à l’emploi assisté mais sans qu’ils soient « le résultat d’une décision politique nationale »273. C’est le cas par exemple de la République tchèque, de l’Espagne et du Royaume-Uni. Les auteurs du rapport de 2012 relatif à l’emploi assisté et commandé par la Commission européenne constatent que, aussi longtemps qu’il n’y a pas une réelle institutionnalisation de ce type d’accompagnement, l’implémentation de l’emploi assisté court le risque d’être éphémère :

« Dans beaucoup de pays, l’emploi assisté est encore considéré comme un projet expérimental ou un projet pilote, ou simplement comme des projets personnels, et ce, même si l’emploi

266 SPJELKAVIK Ø., FRØYLAND K., EVANS M., « Supported Employment in Norway. A National Mainstream Programme », op. cit., p. 8.

267 Ibid., p. 39.

268 Ibid., p. 28, p. 32, pp. 18-19.

269 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., p. 128.

270 OCDE, Mental Health and Work: Sweden, op. cit., p. 121.

271 OCDE, Fit Mind, Fit Job. From Evidence to Practice in Mental Health and Work, op. cit., p. 173.

272 Ibid., p. 52.

273 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., p. 15.

assisté est mis en place et opérationnel depuis de longues années dans le pays. Ceci indique clairement que beaucoup de pays ont du mal à institutionnaliser l’emploi assisté ou à le généraliser »274.

Il est également précisé dans ce même rapport qu’un projet pilote peut avoir du sens pour lancer ce type d’accompagnement mais qu’il a également certaines limites :

« Il est important de savoir comment l’emploi assisté est financé et quelles en sont les conditions. Un financement sans conditions préalables peut être utile dans la phase initiale de la mise en place de l’emploi assisté, mais il y a un risque que ce concept ne soit pas institutionnalisé et continue de revêtir l’aspect de projet pilote avec un impact limité »275.

L’élément décisif pour s’assurer de l’implémentation de l’emploi assisté tient surtout à la création du rôle de jobcoach et à la formation dispensée à ces jobcoachs. Toujours d’après les auteurs du rapport de 2012 relatif à l’emploi assisté, la principale raison de la réception positive des employeurs du modèle d’emploi assisté tient au fait que « l’agence d’emploi assisté garantissait la participation d’un accompagnateur d’emploi qui prendrait part active dans le processus d’inclusion, pour que la responsabilité ne repose pas sur l’employeur seul »276. Ce constat a été confirmé par plusieurs études belges et étrangères277. Certaines études recommandent que le jobcoach conseille davantage les acteurs sur le lieu de travail plutôt qu’il organise lui-même le travail de la personne278. Notons toutefois qu’il est également possible que le jobcoach n’apparaisse pas sur le lieu de travail - et demeure invisible à l’employeur et aux collègues - lorsque la personne souffrant de troubles mentaux ne souhaite pas révéler l’existence de sa souffrance279.

Enfin, la mise en place d’une structure d’emploi assisté s’accompagne parfois de modifications de la réglementation. C’est ainsi que certains pays ont inséré dans leur législation le droit de l’assuré d’avoir accès à ce type d’accompagnement. En Allemagne par exemple, le livre IX du Code social est destiné à la réhabilitation des personnes handicapées. L’article 38a de ce livre IX, inséré en 2009, a trait spécifiquement à l’emploi

274 Ibidem.

275 Ibid., p. 16.

276 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., p. 18.

277 Pour la Suède, voyez GUSTAFSSON J., PERALTA J., DANERMARK B., « The employer’s perspective on supported employment for people with disabilities: successful approaches of Supported employment organizations », Journal of Vocational Rehabilitation, 2013, 38 (2), pp. 99-111.

278 SPJELKAVIK Ø., FRØYLAND K., EVANS M., « Supported Employment in Norway. A National Mainstream Programme », op. cit., p. 15. Pour la Belgique, voyez les résultats de la recherche-action menée par l’asbl Article 23 en collaboration avec la Fondation Roi Baudouin dans le rapport d’activités 2014 de l’asbl Article 23.

279 Ibid., p. 26.

assisté. La mesure concerne en pratique des jeunes qui rencontrent des déficiences intellectuelles ou des problèmes mentaux mais qui n’impactent pas leur capacité de travail au point qu’ils ne pourraient pas travailler dans le circuit régulier280. 2000 personnes par an ont accès à cet accompagnement. Elles étaient 2300 en 2009281.

Cependant, à ce jour et malgré la mention expresse de cette forme d’accompagnement, l’emploi assisté demeure peu connu des employeurs et faiblement utilisé282. Des critiques concernent en outre le fait que cette mesure est seulement accessible à un groupe limité d’allocataires et que l’appel du pouvoir public à des opérateurs privés aurait conduit à privilégier les opérateurs peu coûteux par rapport aux opérateurs offrant un service de plus grande qualité aux bénéficiaires283.

D’autres critiques concernent le fait que la formation continue prévue pour les assurés - et devant leur permettre d’accroître leur libre choix d’une activité professionnelle - est inexistante car ils sont engagés dans des secteurs à budget serré qui ne requièrent pas que leurs travailleurs suivent des formations spécifiques leur permettant d’augmenter leurs connaissances284. Enfin, le statut de la personne handicapée qui travaille est également prévu à l’article 36 du livre IX. Malgré une volonté annoncée des autorités publiques de conférer des droits égaux aux personnes handicapées, force est de constater que la protection sociale des personnes handicapées est néanmoins en-deçà de celle des autres travailleurs. Ainsi, en vertu de l’article 36, les personnes handicapées ne sont pas considérées comme des travailleurs selon la législation du travail et ils n’ont droit qu’à une protection amoindrie. De facto, beaucoup de personnes handicapées sont payées en-dessous du salaire minimum et demeurent attachées juridiquement à des ateliers protégés tout en travaillant pour le circuit régulier du marché du travail285.

Pour conclure, une modification de la réglementation pour insérer l’emploi assisté peut être souhaitable mais elle n’est pas suffisante à elle seule si aucune sanction n’y est attachée et s’il n’existe pas une volonté politique - et budgétaire - de modifier le paysage institutionnel pour que cette mesure soit réellement effective. Il convient en outre d’avoir égard à l’ensemble de la réglementation en rapport avec le dispositif d’emploi assisté.

280 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., pp. 83-84.

281 Ibid., p. 83.

282 Ibid., p. 87.

283 DOOSE S., « Supported employment in Germany », Journal of Vocational Rehabilitation, vol. 37, 2012, p. 200.

284 Rapport d’étude COWI, « Supported Employment for people with disabilities in the EU and EFTA-EEA. Good practices and recommendations in support of a flexicurity approach », op. cit., p. 85.

285 DOOSE S., « Supported employment in Germany », op. cit., p. 201.

5.2. Une réglementation qui garantit la sécurité juridique des assurés et qui accroît