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Une transposition plus large du modèle IPS pour les assurés de l’INAMI ?

C. L’accompagnement des assurés par les organismes pour les personnes handicapées

4.3. Le modèle IPS en Belgique

4.3.3. Une transposition plus large du modèle IPS pour les assurés de l’INAMI ?

Après avoir décrit les différents parcours de réinsertion pour les assurés de l’INAMI, plusieurs éléments démontrent que le modèle IPS n’est pas le modèle actuellement privilégié en Belgique et ce, pour plusieurs raisons :

- Le médecin-conseil peut empêcher un assuré désireux de s’exercer à un nouvel emploi (même si cette décision de refus peut être notifiée après la reprise d’un emploi). La Commission supérieure du Conseil Médical de l’Invalidité (CSCMI) peut toutefois vérifier que ce refus est justifié mais le délai de traitement des demandes est souvent estimé comme étant trop long par les acteurs de terrain.

- La collaboration entre les services de la santé et de l’emploi/ de la réhabilitation professionnelle est encore peu articulée.

- Les acteurs qui accompagnent l’assuré semblent privilégier majoritairement des modèles qui relèvent d’une approche « Train-then-Place ». En outre, le plan de réhabilitation s’ancre davantage aujourd’hui dans cette approche (orientation -formation - réintégration). Selon les adeptes du modèle IPS, ce plan - fixé et approuvé par la CSCMI - ne permet pas de tenir assez compte de l’évolution des personnes.

- L’accompagnement de l’assuré s’inscrit sur une durée déterminée (certains relais existent mais ils ne sont pas systématiquement mis en place),

242 KNAEPS J., DESMET A., VAN AUDENHOVE A., « Nota 3: Ernstige psychiatrische aandoeningen en regulier betaald werk: effectieve principes in de Vlaamse praktijk », werknota, mars 2011, LUCAS-KU Leuven, p. 3, p 20 et p. 21 et VAN AUDENHOVE A., KNAEPS J., « Begeleiding van personen met psychische kwetsbaarheid naar regulier werk : Aanbevelingen », LUCAS-KU Leuven, 2012, pp. 3-4.

243 Ibidem.

- L’assuré ne reçoit pas toujours de garantie claire sur le risque de perte de ses allocations et les incitants pour retravailler sont par ailleurs trop faibles,

- Le travail est trop peu rémunéré et le revenu lié aux allocations est souvent plus élevé qu’un travail mal rémunéré ce qui peut créer un phénomène de piège à l’emploi.

- La réglementation du travail à temps partiel reste peu flexible selon plusieurs acteurs de terrain.

- Certains employeurs sont sensibilisés par certaines organisations aux problématiques de santé mentale et de maladie mentale mais cette sensibilisation reste, de manière générale, limitée et les obligations légales des employeurs pour engager ou réintégrer ces travailleurs demeurent très limitées.

Bref, à de nombreux égards, plusieurs éléments attestent que les structures d’accompagnement mises en place aujourd’hui n’offrent pas les garanties suffisantes à l’assuré pour que celui-ci ose retravailler en toute sécurité et, par conséquent, pour que le modèle IPS soit mis en place.

Cependant, d’autres éléments montrent également que le modèle IPS pourrait trouver une terre d’accueil en Belgique :

- La création du rôle de jobcoach, telle que développé depuis plusieurs années par l’INAMI, se rapproche du rôle de l’agent IPS.

- La création prochaine d’une formation en Disability Management au sein de l’INAMI devrait permettre d’accroître la connaissance des acteurs de terrain (en particulier de l’administration) quant au fonctionnement du système des allocations sociales et en particulier des conditions d’octroi de l’assurance soins de santé et indemnités244. Il faut toutefois noter que cette formation ne saurait résoudre certaines situations d’insécurité juridique connues aujourd’hui par les assurés. Cette question sera plus amplement abordée lors des recommandations générales.

244 Le Service des indemnités a conclu un contrat de licence avec l'institut canadien National Institute for Disability Management and Research (NIDMAR) pour mettre en place la formation « Disability Management » (et sa certification) en Belgique. Un projet pilote de formation devrait débuter début 2016.

- Certaines collaborations existent entre des services de l’emploi et de la santé.

Elles sont indispensables pour que le modèle IPS soit mis en place. A cet égard, une étude flamande expose que la collaboration entre les services de l’emploi et de la santé, d’une part, et celle entre les services de l’emploi et les employeurs, d’autre part, sont cruciales pour dépasser la peur des usagers de chercher rapidement un emploi et remettre en cause l’idée préconçue selon laquelle une rapide remise à l’emploi débouche sur l’échec si elle n’est pas précédée d’une longue phase de préparation245.

En Flandre, cette collaboration devrait devenir prochainement structurelle. En effet, les autorités publiques flamandes ont encadré décrétalement les trajets intégrés de travail et de soin246.

- Le fait que la législation relative au bien-être au travail est progressivement renforcée peut être une garantie parmi d’autres pour éviter des risques de rechute en lien avec le travail. Cependant, à ce stade-ci, de nombreux éléments doivent être mis en œuvre pour que cette législation soit plus effective247.

- Certains organismes qui ont a priori une approche « Train-then-Place » semblent déjà appliquer certains principes du modèle IPS et par là, opter implicitement pour une autre philosophie de type « Place-then-Train ».

Enfin, si le modèle IPS était mis en œuvre, certains « pré-requis » pourraient être envisagés :

- Il serait adéquat qu’une évaluation soit faite dès le lancement du projet pilote, plus précisément sous forme d’un randomized controlled trial, qui permet d’objectiver la mise en œuvre du modèle IPS en Belgique248,

245 KNAEPS J., DESMET A., VAN AUDENHOVE C, « The IPS Fidelity Scale as a Guideline to Implement Supported Employment », Journal of Vocational Rehabilitation, 2012, 37(1), p. 21.

246 Voyez la présentation du décret du 25 avril 2014 portant les parcours de travail et de soins à l’encadré B.

247 Voyez les recommandations générales.

248 Dans ce contexte, il est important que la mise en oeuvre du modèle en Belgique atteigne un haut degré de fidélité au modèle IPS, tel que décrit par les auteurs américains. En Angleterre, une étude RCT a été mise en cause en raison de la mise en oeuvre peu fidèle du modèle. Pour un protocole relatif à l’évaluation des effets du modèle IPS dans le cadre d’une étude randomisée, voyez SVEINSDOTTIR V., LØVVIK C., FYHN T., MONSTAD K., LUDVIGSEN K., ØVERLAND S., and ENDRESEN REME S.,« Protocol for the effect evaluation of Individual Placement and Support (IPS):

a randomized controlled multicenter trial of IPS versus treatment as usual for patients with moderate

- Il est indispensable que le statut social de la personne soit clarifié tout au long de son parcours de réinsertion professionnelle (les rechutes rencontrées par l’assuré doivent être prévues). Aujourd’hui, l’assuré peut recevoir des informations différentes, voire contradictoires de la part de ses interlocuteurs249. Assez logiquement, l’assuré ose difficilement retravailler s’il n’a pas la garantie d’avoir au moins les mêmes revenus que lorsqu’il ne travaillait pas et s’il n’a pas la garantie de retrouver le même statut social lorsqu’il devra quitter son emploi.

- Il faut que les employeurs soient incités à engager des personnes souffrant de troubles mentaux et puissent accéder à certaines structures quand ils ont des questions au sujet de la signification des troubles mentaux (quand ils ont connaissance de ceux-ci). Il faut également que davantage d’emplois soient rendus accessibles aux personnes souffrant de troubles mentaux tout en évitant le caractère stigmatisant de politiques de discrimination positive. Cela nécessite de revoir la réglementation et d’instaurer certains dispositifs novateurs. Nous renvoyons à ce sujet aux recommandations générales.

- Enfin, si le modèle IPS est mis en place, il est indispensable de former rapidement et correctement les accompagnateurs. Le professionnalisme de ceux-ci est essentiel pour garantir le succès d’un tel projet.

5. Analyse de certaines réformes étrangères relatives à la réinsertion