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CHAPITRE 4 : RÉGIME ET COMPORTEMENT ALIMENTAIRES

I) UNE STRATÉGIE ALIMENTAIRE MIXTE : ADAPTABILITÉ ET SÉLECTIVITÉ

I.1)

Adaptabilité

La stratégie alimentaire généraliste des babouins est donc supposée en relation avec leur taille relativement importante (Post, 1982). Ils sont omnivores (Sharman, 1981 ; Post, 1982) et ont un régime alimentaire très diversifié. Ils présentent une grande adaptabilité grâce à leur capacité à trouver et à utiliser une large variété de plantes et d'autres nourritures en se déplaçant sur des domaines de plusieurs kilomètres carrés, dans une grande diversité d'habitats (Altmann et Altmann, 1970 ; Rhine et al.1989). Les profils alimentaires décrits dans les nombreuses études montrent une grande variation selon les différents habitats : la consommation de fruits varie de 3 à 74%, celle d'aliments souterrains de 1 à 53%, celle de feuilles de 8 à 53%. Cette capacité à s'adapter à différents habitats est le résultat de la flexibilité de la stratégie alimentaire associée au modèle d'habitat lui-même : dans la savane, les babouins ont la possibilité d'exploiter une diversité d'aliments inhabituelle (Whiten et al., 1991). La diversité alimentaire des babouins est aussi liée à leur capacité à extraire des nutriments de la plupart des compartiments de l'environnement (Whiten et al., 1991). Les babouins exploitent essentiellement les couches d'herbes et de buissons, mais ils se distinguent des ongulés qui partagent cette niche alimentaire par leur capacité à utiliser

d'autres strates (Whiten et al., 1991), grâce à leur vue fine et leur habileté à grimper, creuser, arracher, cueillir ou ronger (Altmann et Altmann, 1970). Ils ont ainsi accès à la strate arboricole, qui étend la gamme de feuilles, fleurs et fruits disponibles et rend accessible des aliments particuliers comme la sève et les œufs d'oiseaux, et à la strate souterraine, qui permet de déterrer les racines et les organes de stockage d'une grande variété de plantes (Whiten et

al., 1991). En plus de l'adaptation à différents habitats, l'exploitation de toute cette diversité

de sources de nourriture permet aux babouins de s'adapter aux saisons (Whiten et al., 1991 ; Barton et Whiten, 1994), particulièrement la saison sèche pendant laquelle la couche herbeuse disparaît, obligeant les ongulés à des migrations que les babouins peuvent éviter (Whiten et

al., 1991). Ainsi, les différentes plantes ne sont pas mangées en même quantité ni avec la

même combinaison selon les mois, les saisons et les années (Altmann et Altmann, 1970 ; Sharman, 1981 ; Norton et al., 1987).

I.2)

Types d'aliments consommés

I.2.a) Aliments d'origine végétale

Bien qu'ils soient omnivores, les babouins dépendent largement du matériel végétal (Sharman, 1981). Ils peuvent consommer différentes parties de nombreux types végétaux : pousses, tiges, feuilles, bourgeons, fleurs, fruits, baies, graines, cosses, sève ou gomme, écorce, cambium, bulbes, tubercules, racines, rhizomes et champignons (Altmann et Altmann, 1970 ; Sharman, 1981 ; Post, 1982 ; Norton et al., 1987 ; Barton et Whiten, 1994).

Sharman (1981) a déterminé au moins 58 espèces végétales différentes consommées par des babouins de Guinée tandis que Norton et al. (1987) en ont répertorié au moins 185 consommées par des babouins cynocéphales.

Dans l'étude d'Altmann et Altman (1970) la part la plus importante de l'alimentation des babouins est constituée de graminées et d'acacias. De nombreuses parties des acacias sont consommées : feuilles, gomme, cambium, graines, cosses des graines, fleurs et même le bois des racines (peut-être pour accéder à des termites ou autres insectes y vivant). Les babouins consomment les grains des graminées lorsqu'ils sont disponibles, pendant la saison sèche. Pendant cette période ils se nourrissent préférentiellement de rhizomes et de racines de graminées. Leur consommation d'autres espèces végétales varie selon les saisons.

D'après Sharman (1981) Papio papio se nourrit principalement de fruits. Son régime alimentaire est constitué d'en moyenne 60% de fruits et 17% de graines. La consommation

des autres aliments varie fortement au cours de l'année. Les babouins ont aussi été observés retournant les pierres pour accéder à quelques invertébrés. Cependant, l'importante proportion de fruits observée est probablement liée au fait que les observations de Sharman ont plus été réalisées dans les arbres que dans les hautes herbes où la mauvaise visibilité les rend beaucoup plus difficiles.

I.2.b) Aliments d'origine animale

Les babouins se montrent parfois prédateurs d'autres animaux (Altmann et Altmann, 1970; Sharman, 1981; Post, 1982; Rhine et al., 1989). Ces animaux sont principalement des invertébrés : insectes (sauterelles, crickets, papillons, scarabées, termites, fourmis, larves de termites, chenilles), vers de terre et limaces. Des lézards, des œufs d'oiseaux, des oiseaux et des petits mammifères, rongeurs ou léporidés, peuvent occasionnellement être consommés. De jeunes gazelles ou même d'autres espèces de primates (singes vervets et galagos) peuvent aussi servir de proie, généralement aux mâles adultes (Altmann et Altmann, 1970 ; Strum, 1975, 1990). Ceux-ci sont les principaux consommateurs de viande, qui peut parfois constituer une portion significative de leur alimentation (Altmann et Altmann, 1970). Toutefois, les babouins ne sont pas des prédateurs très efficaces et la viande n'est pas une source de nourriture très importante. Les insectes sont leur principale source de protéines animales (Rhine et al., 1989). Il est à noter qu'aucun cas de consommation de charogne n'a été observé. Les babouins ne consomment que de la viande d'animaux fraîchement tués (Altmann et Altmann, 1970).

I.2.c) Aliments liés à la présence de l'homme

La proximité de l'homme peut offrir aux babouins d'autres sources de nourritures très avantageuses. Les babouins peuvent se révéler être de redoutables pilleurs de cultures, de sites touristiques ou de décharges, en dépit des dispositifs plus ou moins sophistiqués censés les tenir à l'écart. Pour eux, les gains potentiels sont si importants qu'ils n'hésitent pas à prendre des risques (Dunbar et Barrett, 2001). Dans certains pays, comme l’Égypte, ils sont devenus de véritables commensaux de l’homme et ont développé des comportements agressifs envers celui-ci, ce qui pose de réels problèmes de sécurité et de santé publique (Bénard, communication personnelle). Les animaux ayant accès à des décharges choisissent surtout des

fruits et des légumes mais peuvent aussi consommer des aliments préparés, comme de la confiture, des biscuits et des produits laitiers ainsi que de la viande (Altmann et Muruthi, 1988). Ce dernier point est surprenant car comme nous l'avons déjà mentionné les babouins ne mangent généralement que de la viande très fraîche (Altmann et Altmann, 1970 ; Altmann Muruthi, 1988).

I.3)

Sélectivité

De nombreuses études indiquent que l'adaptation alimentaire des babouins est à la fois généraliste et sélective (Rhine et al.1989). Whiten et al. (1991) expliquent que malgré leur remarquable diversité alimentaire une sélection considérable peut être démontrée à plusieurs niveaux. Premièrement, les babouins n'utilisent en fait qu'une petite proportion des espèces végétales disponibles. Par exemple, les 185 espèces végétales consommées par les babouins du parc Mikumi sont sélectionnées parmi environ 700 espèces (Norton et al., 1987). Cette sélection peut s'exprimer à un très fin niveau de discrimination entre des espèces végétales du même genre, impossible à différentier à l'œil nu par l'homme (Whiten et al., 1991). Deuxièmement, ce n'est souvent qu'une ou quelques parties d'une espèce qui sont consommées. La séparation peut être très précise par exemple cueillir une fleur ou un fruit et même préparer la nourriture, en épluchant et en enlevant certains composants (Whiten et al., 1991 ; Altmann et Altmann, 1970). Par un tel procédé les babouins exercent un contrôle considérable sur ce qu'ils ingèrent au final (Whiten et al., 1991). Ils présentent l'apparente capacité à manger sélectivement la partie la plus nutritive des plantes disponibles dans leur habitat à chaque période de l'année (Altmann et Altmann, 1970).

II)

TECHNIQUES D'ALIMENTATION ET COMPORTEMENT