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CHAPITRE 2 : ÉTUDE DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

III) DISCUSSION

III.6) Limites de l’étude

Outre celles mentionnées dans les paragraphes précédents, la principale limite de notre étude est, comme nous l’avons évoqué, l’absence de notion de quantité.

D’un point de vue strictement quantitatif l’ingestion de nourriture par un individu correspond au produit du temps total qu’il passe à manger par le taux d’ingestion par unité de temps passé à manger et par la taille, le poids ou la valeur nutritive moyens d’une bouchée de chaque type d’aliment (Post et al., 1980). La quantité exacte de nourriture ingérée est donc très difficile à évaluer et les études n’utilisent souvent que des mesures indirectes, comme le temps passé à manger, le nombre et la durée des épisodes alimentaires (Barton et Whiten, 1993) ou dans notre étude, le nombre de prises alimentaires observées par repas au cours de scans effectués à intervalles réguliers. Or le taux d’ingestion lui-même est peut-être influencé par l’âge, le rang ou le stade physiologique. Enfin, l’efficience alimentaire réelle dépend non seulement de la composition de la nourriture, mais également des aptitudes digestives des animaux pour les différents constituants, ainsi que de l’efficacité du métabolisme, c’est-à-dire de l’utilisation de l’énergie et des nutriments par l’organisme (Post et al., 1980; Gilleau et Pallaud, 1988; Oftedal, 1991). Nous avons déjà mentionné que ce dernier paramètre dépend au moins du stade physiologique.

Une autre limite, qui accentue encore la première et nuance nos résultats, est que le repas du soir n’est pas observé en entier. Plusieurs catégories de femelles montrent des taux d’observation encore élevés à la fin des observations. Toutefois, les restes sont souvent très faibles au moins en ce qui concerne les aliments frais. En revanche, ils sont souvent un peu plus importants pour les croquettes sur le sol ou dans les mangeoires. Or d’après les soigneurs celles-ci sont généralement vides le matin. Les animaux sont donc impliqués dans des comportements alimentaires plus longtemps qu’il nous a été possible de les observer. De plus, à l’extérieur, même s’il est plus aisé de déterminer les limites des repas et même si les restes sont généralement peu importants, les individus ont été observés ramassant des restes des repas à n’importe quel moment de la journée.

Enfin, nous n’avons pas étudié le comportement alimentaire des mâles ni des enfants et des juvéniles. Pour les raisons que nous avons déjà évoquées, le comportement alimentaire des enfants et des juvéniles constitue un sujet d’étude à part entière qui serait particulièrement intéressant à traiter.

IV)

CONCLUSION

Notre étude ne permet pas de conclure de façon claire et précise sur l’influence du rang hiérarchique, de l’âge et du stade physiologique sur le comportement alimentaire des femelles. C’est également le cas dans la majorité des études sur le comportement alimentaire. En effet, il est souvent difficile d’examiner plusieurs aspects du comportement alimentaire en fonction de ces différents facteurs séparément. Le facteur sexe, que nous n’avons pas considéré ici puisque notre étude ne porte que sur les femelles, intervient aussi, et se conjugue probablement aux autres facteurs pour donner lieu à des différences sur le plan alimentaire, sans qu’il soit possible de déterminer indépendamment l’apport de chacun d’eux (Gilleau et Pallaud, 1988). De plus, les habitudes alimentaires sont sous la dépendance de l’organisation sociale dans son ensemble (Pallaud, 1987). Mais les relations de tolérance mutuelle en situation alimentaire ne sont pas toujours le reflet identique des relations affiliatives en situation de repos. Elles révèlent un réseau de commensalité possédant sa propre construction et sa propre cohérence (Gilleau et Pallaud, 1988).

Nous n’avons pas non plus établi de relation évidente entre le comportement alimentaire et la survie des petits.

Cependant, nous avons dégagé plusieurs points qui apportent quelques éléments de réponse. L’ordre d’accès à l’alimentation semble lié à l’espace et/ou à la distribution de la nourriture. En effet, dans la loge intérieure, où l’espace est réduit et la nourriture abondante et concentrée, les femelles ne semblent pas manger toutes en même temps, alors que ce n’est pas le cas sur le plateau extérieur : les femelles dominantes semblent manger avant les femelles dominées; les femelles allaitantes semblent manger après les autres femelles; les femelles dont les petits meurent semblent manger après les femelles dont les petits survivent. En ce qui concerne le nombre de prises alimentaires et les rations, les femelles dominées ne semblent pas manger moins et semblent manger les mêmes proportions de chaque type d’aliment que les femelles dominantes. Cependant, le fait qu’elles mangent après laisse supposer des différences quantitatives et qualitatives – que notre méthode n’a pas pu mettre en évidence – dans les aliments ingérés, notamment les aliments frais. Les femelles gestantes semblent être celles qui mangent le plus mais qui mangent la plus faible proportion de croquettes pour singes, alors que les femelles allaitantes semblent manger moins mais manger une plus grande proportion de croquettes pour singes. Enfin, les femelles dont les petits meurent ne semblent pas manger moins que les femelles dont les petits survivent mais semblent manger moins de

croquettes. De plus, le fait qu’elles mangent après implique les mêmes hypothèses que celles précédemment évoquées pour les femelles dominées quant à la qualité de la ration.

D’un point de vue nutritionnel, les primatologues n’ont jusqu’à maintenant que rarement abordé les considérations énergétiques et tenté de déterminer l’optimisation théorique, et se sont contentés d’énumérer les différents facteurs influençant la sélectivité alimentaire. Mais ceci est largement dû au fait que les régimes et les stratégies alimentaires des primates sont souvent trop complexes pour être réduites à un modèle simple d’optimisation (Barton et Whiten, 1994). De plus, les efficacités digestives des babouins en fonction des classes d’âge, de sexe et de rang ne sont pas clairement connues. Enfin, certains facteurs évoluent au cours de la vie des individus et les comportements et stratégies alimentaires devraient par conséquent être considérés comme une partie intégrale de l’histoire de la vie d’un individu (Post et al., 1980). En conclusion, l’intervention simultanée de nombreux facteurs rend l’approche du comportement alimentaire beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît (Gilleau et Pallaud, 1988).

Concernant l’alimentation du groupe du PZP, de nombreuses questions se posent encore et plusieurs éléments, en particulier l’alimentation des jeunes et ses conséquences sur leur avenir reproducteur, restent à explorer.