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Une parenthèse mathématique : opérateurs auto-adjoints

6.2 Observables

6.2.1 Une parenthèse mathématique : opérateurs auto-adjoints

Opérateurs auto-adjoints hermitiens bornés

Soit H un espace vectoriel sur C. Une forme hermitienne sur H est une application

h·,·i:H × H −→C, satisfaisant les propriétés

– ∀u, v, w∈ H, ∀λ, µ∈C, hu, λv+µwi=λhu, vi+µhu, wi – ∀u, v ∈ H, hv, ui=hu, vi

– ∀u∈ H,hu, ui ≥0 ethu, ui= 0 =⇒ u= 0.

Une conséquence de ces relations est que hλu, µvi = λµhu, vi. Nous avons adopté ici la convention des physiciens, malheureusement inverse de celle utilisée par les mathématiciens4. La dernière propriété garantit le fait que

|| · || :H −→ [0,∞[, défini par ||u||2 =hu, ui, est une norme. Si (H,|| · ||)est complet, nous dirons que (H,h·,·i)est un espace de Hilbert hermitien.

Dans la suite nous ne considérerons que des espaces de Hilbert hermitiens qui sont soit de dimension finie, soit séparables (ce qui entraîne qu’ils admettent

4qui écrivent plutôthλu, µvi=λµhu, vi.

une base hilbertienne dénombrable).

Exemples — L’espace H = Cn, muni du produit hermitien hu, viCn :=

Pn

j=1ujvj, où u= t(u1,· · ·, un)et v = t(v1,· · ·, vn).

L’espace H:=L2(R3,C) muni du produit hermitien hϕ, ψiL2 :=

Z

R3

ϕ(x)ψ(x)dx.

Opérateur adjoint — Soit H1 et H2 deux espaces de Hilbert, H1 et H2 res-pectivement leurs duaux topologiques etT :H1 −→ H2un opérateur linéaire continu. Son adjoint est l’opérateur T :H2 −→ H1 défini par

∀β ∈ H2,∀u∈ H1, (Tβ)u=β(T u).

En présence du produit hermitien, l’adjoint T peut être représenté par un opérateur de H2 dans H1. En effet d’après le théorème de Riesz–Fréchet il existe des isomorphismes R1 :H1 −→ H1 et R2 :H1 −→ H2 définis par

∀u∈ Ha,∀v ∈ Ha, (Rau)v =hu, vi, pour a= 1 ou2.

Il découle de cette définition que l’isomorphisme de Riesz–Fréchet Ra est R-linéaire etC-antilinéaire, c’est à dire

∀u∈ Ha,∀λ ∈C, Ra(λu) =λRau.

Ces isomorphismes permettent alors de construire l’opérateurT:H2 −→ H1

parT :=R11◦T◦R2. Par exemple si H1 =H2 =Cn, on peut identifier T avec une matricen×n complexe et T s’identifie alors à la transposée de la conjuguée deT : T= tT.

Définition 5 SoitHun espace de Hilbert hermitien. Un opérateurT :H −→

H est dit hermitien auto-adjoint si et seulement si T =T. Cette propriété est équivalente à

∀u, v ∈ H, hT u, vi=hu, T vi. Les bra- et les -cket de Dirac

Un système de notation fut introduit par P.A.M. Dirac. Il s’avére être re-lativement commode et est très largement utilisée par les physiciens. Etant donné un espace de Hilbert hermitien H (censé représenter un espace des états physiques), siψ ∈ H, on note

– |ψi:=ψ

– hψ|:=Rψ∈ H, oùR :H −→ Hest l’isomorphisme de Riesz–Fréchet.

Si de plus T :H −→ H, on notera – T|ψi:=T ψ l’image de ψ par T

– hψ|T :=T(Rψ) =R(T ψ), l’image de hψ| par T. Alors le produit hermitien entre ϕ etψ ∈ H se note

hϕ, ψi= (Rϕ)ψ =hϕ|(|ψi) =: hϕ|ψi.

Ne résistant pas au plaisir d’un jeu de mot5, Dirac appelle alors un « bra- » touthψ| ∈ H et un « -cket » tout|ψi. Un intérêt de cette notation est qu’un opérateur T est auto-adjoint hermitien si et seulement si

∀|ψi ∈ H,∀hϕ| ∈ H, (hϕ|T)|ψi=hϕ|(T|ψi),

qui peut s’interpréter comme une propriété d’associativité. On notera donc, pour tout opérateur T tel que T =T,

hϕ|T|ψi:= (hϕ|T)|ψi=hϕ|(T|ψi).

Par exemple si H = L2(R3,C), alors si ϕ, ψ ∈ H et si T : H −→ H est autoadjoint, on note

hϕ|T|ψi= Z

R3

ϕT ψ dx.

En outre cette notation s’avérera être commode lorsque, dans la suite, on désignera un vecteur par des grandeurs qui le caractérisent complètement (modulo la multiplication par une constante complexe de module égal à un, qui n’a pas de sens physique). Par exemple supposons qu’un opérateur auto-adjoint hermitien (l’hamiltonien) Hb : H −→ H soit « diagonalisable » avec des sous-espaces propres de dimension 1 sur C, c’est à dire : H = ⊕n=0Vn

(somme hilbertienne), chaque Vnest une droite complexe de vecteurs propres de Hb pour la valeur propre En et les valeurs propres En sont distinctes deux à deux. Alors on notera |Eni ou même de façon plus concise |ni un vecteur engendrant Vn, de sorte que Hb|ni = En|ni. Si la connaissance de la valeur propre En ne suffit pas, on peut ajouter d’autres nombres, correspondant à des valeurs propres d’autres opérateurs commutant avec H. Nous verronsb cela plus en détail plus loin (à propos des Ensembles Complets d’Observables qui Commutent).

5le mot « crochet » se dit « bracket » en anglais

Opérateurs non bornés

Malheureusement les seuls exemples d’opérateurs auto-adjoint hermitiens que nous avons rencontrés au début de ce chapitre ne sont pas définis sur l’es-pace de Hilbert hermitien sur lequel il serait naturel de travailler, à savoir L2(R3,C). Par exemple l’opérateur hamiltonien Hb = −2m~2∆ +V de l’équa-tion de Schrödinger est un opérateur différentiel du second ordre, défini a priori sur le sous-espaceC2∩L2(R3,C). Il est possible de faire un peu mieux et de donner un sens à cet opérateur sur un espace un peu plus large, l’espace de Sobolev

H2(R3,C) :=

ψ ∈L2(R3,C)/∃ψα, ψαβ ∈L2(R3,C) (α, β = 1,2,3),

∀f ∈ Cc2(R2), Z

R3

∂f

∂xαψ+f ψα = 0, Z

R3

∂f

∂xβψα+f ψαβ = 0

.

Les fonctions ψα sont appelées les dérivées faibles ou dérivées au sens des distributionsde ψ, lesψαβ sont les dérivés secondes au sens des distributions.

On les note respectivement ∂x∂ψα := ψα, ∂xα2∂xψβ := ψαβ, bien qu’il ne s’agisse pas de dérivées partielles au sens classique.

On peut vérifier que si V ∈ C(R3) et si V et ses dérivées premières et secondes sont uniformément bornés sur R3, alors Hb applique continument H2(R3,C) sur L2(R3,C). Mais il n’est pas possible d’étendre cet opérateur à toutL2(R3,C).

Définition 6 Soit H1 et H2 deux espaces de Hilbert munis de structures hermitiennes h·,·i1 et h·,·i2, respectivement. Un opérateur non borné de H1

dansH2 est la donnée d’un sous-espace vectoriel D(T) deH1 (ledomaine de l’opérateur) et d’un opérateur T :D(T)−→ H2.

Nous ne considérerons que le casH1 =H2 =Het des opérateurs non bornés T tels que :

– D(T)est muni d’une structure hermitienneh·,·iT, a priori différente de celle de (H,h·,·i)

– D(T) est fermé pour la topologie induite parh·,·iT

– D(T) est dense dans (H,h·,·i)

– T est un « opérateur non borné borné », c’est à dire :T : (D(T),h·,·iT)−→

(H,h·,·i)est continu.

Toutes ces conditions sont satisfaites dans H = L2(R3,C) pour T = Hb et D(T) = H2(R3,C) muni du produit hermitien hϕ, ψiH2 := R

R3ϕψ + P

α

∂ϕ

∂xα

∂ψ

∂xα +P

α,β

2ϕ

∂xα∂xβ

2ψ

∂xα∂xβ, à condition que V et ses dérivées premières et secondes soient bornées.

Deux autres exemples d’opérateurs bornés de H=L2(R3,C)dans lui-même sont :

– l’opérateur bxα, dont le domaine est D(bxα) := {ψ ∈ L2(R3,C)/bxαψ ∈ L2(R3,C)}avec le produit hermitien hϕ, ψibxα :=R

R3ϕψ+ (xα)2ϕψ – l’opérateur pbα, dont le domaine est D(pbα) := {ψ ∈ L2(R3,C)/∂x∂ψα

L2(R3,C)}avec le produit hermitien hϕ, ψipbα :=R

R3ϕψ+∂x∂ϕα

∂ψ

∂xα

Adjoint d’un opérateur non borné — Soit T : H1 −→ H2 un opérateur non borné entre deux espaces de Hilbert dont le domaine est D(T). Nous supposerons queD(T)est dense dansH1 et queT :D(T)−→ H2est continu.

On définit :

D(T) :={α∈ H2/∃C > 0tel que |α(T ψ)| ≤C||ψ||1,∀ψ ∈D(T)}. Pour tout α ∈D(T)nous définissons Tα, une forme linéaire sur D(T), de la façon suivante :

∀ψ ∈D(T), (Tα)ψ=α(T ψ).

Il est clair que, à cause de la définition de D(T),Tα est une forme linéaire sur D(T)qui est continue pour la topologie induite par h·,·i1. Comme D(T) est dense dans H1 pour cette topologie, il existe une unique forme linéaire sur H1 qui prolonge Tα. Nous noterons également Tα ce prolongement6. Alors l’opérateur

T : D(T) −→ H1

α 7−→ Tα est l’adjoint de T.

Définition 7 Soit (H,h·,·i) un espace de Hilbert hermitien et T un opéra-teur non borné de (H,h·,·i) dans lui-même. On suppose que D(T)est dense dans (H,h·,·i) et que T : (D(T),h·,·iD(T)) −→ (H,h·,·i) est continu. Alors

6dans le cas oùD(T)n’est pas dense dans H1, il est possible de construire un prolon-gement (non unique) deTαen utilisant le théorème de Hahn–Banach.

on dit que T est auto-adjoint hermitien si et seulement si D(T) est l’image deD(T)par l’isomorphisme de Riesz–FréchetR:H −→ H etT◦R=R◦T sur D(T).

Exercice 15 On considère l’opérateur hamiltonien Hb = −2m~2∆ + V, où V ∈ C(R3) est uniformément borné sur R3, ainsi que ses dérivées pre-mières et secondes. Son domaine est H2(R3,C) ⊂ L2(R3,C). On rappelle que Cc(R3,C), l’espace des fonctions de C de R3 vers C à support com-pact, est dense dans (L2(R3,C),h·,·iL2) et dans (H2(R3,C),h·,·iH2).

1) Démontrer que ∀ϕ∈ Cc(R3,C), ∀ψ ∈H2(R3,C), hϕ,Hψb iL2 =hHϕ, ψb iL2.

2) En déduire que D(Hb) = RL2(H2(R3,C)) et que Hb est auto-adjoint her-mitien.

3) Démontrer de même que pbα et xbα sont des opérateurs auto-adjoints her-mitiens non bornés de L2(R3,C) dans lui-même.