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L’équation d’Hamilton–Jacobi

p q

nh

Fig. 5.2 – Une interprétation semi-classique de la « quantification » d’un mouvement périodique : l’aire entourée par la trajectoire dans l’espace sym-plectique est un multiple entier de h.

Le résultat de cet exercice montre que la règle de quantification de Bohr a une interprétation de même nature que celle de Planck (où l’on avait assimilé un mode électromagnétique à un oscillateur harmonique) : dans les deux cas, l’intégrale R

pdqsur une orbite périodique (donc l’aire symplectique enfermée par la trajectoire hamiltonienne) est un multiple entier de h (il s’agit d’une observation due à Einstein).

5.4 L’équation d’Hamilton–Jacobi

Nous allons remonter un peu en arrière et revenir à une question que s’était posée Hamilton : comment concilier le principe de Huygens et celui de Fer-mat pour la lumière ? Rappelons que, selon le point de vue de Huygens, la lumière est une onde qui se propage dans l’espace un peu à la manière des ronds que l’on observe à la surface de l’eau d’un étang lorsqu’on jette un caillou. Cette hypothèse fut confirmée expérimentalement par les expériences de diffraction de Young et Fresnel et est totalement prise en compte dans la description de la lumière comme une oscillation du champ électromagnétique donnée par la théorie de Maxwell. Suivant Huygens, nous pouvons donc as-socier à une onde lumineuse des surfaces (« fronts d’onde », que dans le cadre de la théorie de Maxwell nous pouvons interpréter comme les surfaces de niveau d’une des composantes du champ électromagnétique satisfaisant l’équation des ondes) se propageant dans l’espace. Il argua qu’en connaissant

t t +dt

Fig. 5.3 – Le principe de Huygens : le front d’onde à l’instant t+dt est l’enveloppe des sphères de rayon c dt centrées sur tous les points du front d’onde à l’instant t.

la position d’un front d’onde à un certain instant t et la direction dans la-quelle la lumière se propage, il est possible de construire géométriquement la position du front d’onde à un instant infinitésimalement ultérieur t+dt, comme étant l’enveloppe de sphères infinitésimales de rayoncdt centrées sur tous les points du front d’onde. Cette construction est leprincipe de Huygens.

Ce principe était concurrent d’une autre description de la lumière, envisagée comme la propagation d’un rayon suivant le plus court chemin, comme le prévoit le principe de Fermat. Il semblait toutefois que les partisans d’un tel point de vue aient perdu la bataille au début du XIXème siècle, lorsque les expériences de diffraction avaient imposé le point de vue de Huygens7. Cependant Hamilton cherchait à comprendre comment les deux aspects anta-gonistes de la lumière pouvaient être compris simultanément : il s’agit de bâtir une description intégrant la propagation de fronts d’onde et de « rayons » ponctuelles. L’idée est que chaque sphère infinitésimale de Huygens de rayon cdtsoit simplement le lieu des extrémités des chemins de longueur extrémale (donc des segments de droite) issus d’un même point A sur le front d’onde

« initial » (à l’instant t). Le front d’onde « ultérieur » (à l’instant t+dt) étant l’enveloppe de toutes les petites sphères, il est nécessairement tangent aux sphères infinitésimales. Donc le segment de droite infinitésimal qui joint

7Bien sûr les découvertes de Planck et Einstein viendront restaurer partiellement la pertinence d’une théorie corpusculaire de la lumière

A A’ A A’

t t+dt t t+dt

Fig. 5.4 – Le chemin de A àA0 est à la fois le plus court chemin entreA et le point de contact de la sphère de Huygens avec le front d’onde ultérieur (en t+dt) et le plus court chemin entre A et le front d’onde ultérieur.

le point A sur la surface initiale au point de contact de la sphère centrée en A avec la surface ultérieure est aussi le plus court chemin qui joint A à la surface ultérieure (voir figure 5.4).

Nous donnons dans la suite une présentation mathématique de cette idée et de sa généralisation (en partie due à Carathéodory) pour un problème va-riationnel à une variable (le temps). Dans la suite on pourra imaginer que la densité lagrangienne est L(γ,γ) =˙ m2|γ˙|2−V(γ), c’est à dire est celle du principe de Maupertuis.

Principe — Nous considérons un ouvert Ω de R×R3 (espace-temps) et une densité lagrangienne L ∈ C1(Ω×R3) (une fonction des variables (t, x) ∈ Ω et v ∈R3). Cela définit une action A pour toute trajectoire (I,Γ)(où I est un intervalle de R et I 3t 7−→ Γ(t) = (t, γ(t))∈ Ω paramétrise une courbe de classe C1) par :

A[I,Γ] :=

Z

I

L(t, γ(t),γ(t))dt.˙ Nous cherchons :

– une famille d’hypersurfaces(Hs)s[s,s]qui forme un feuilletage deΩ(les

« fronts d’onde » dans l’espace-temps)

– une famille de trajectoires (Iqq)qω (où ω est un ouvert de R3) qui

forme un feuilletage de Ω, où Iq3t 7−→Γq(t) = (t, γq(t))∈Ω.

Avec les propriétés que

(i) chaque trajectoire Γq coupe chaque hypersurface Hs en un seul point (tsq, xsq) := (tsq, γq(tsq)) et

(ii) si Iqs :=]− ∞, tsq]∩Iq, (Iqsq|Isq)est point critique de A pour des varia-tions qui autorisent le point extrémité (tsq, γq(tsq)) à « glisser » le long de Hs.

x t

Hs Hs γ Hs

q

q t q

Fig.5.5 – Le feuilletage de Ω par la famille de fronts d’onde (Hs)s[s,s] et la famille de trajectoires(Iqq)qω.

La propriété (ii) est une généralisation du principe de Huygens. Précisons un peu les hypothèses. Sans perte de généralité, nous pouvons choisir l’indice q de façon à ce qu’il désigne le point de l’espace dont est issue la trajectoireΓq : Iq est un intervalle de la forme [tsq, tsq] et γq(tsq) =q. Nous supposons de plus que {(tsq, q)/q ∈ ω} coï ncide avec une hypersurface Hs et {(tsq, xsq)/q ∈ ω} avec une autre hypersurfaceHs.

Pour touts ∈]s, s]nous notons

Eqs:={([tsq, t],Γ)/Γ∈ C1([tsq, t],Ω),∀τ ∈[tsq, t],Γ(τ) = (τ, γ(τ)), γ(tsq) =q,Γ(t)∈Hs} et, pour toute valeur de(s0, s00)telle ques ≤s0 < s00 ≤s≤s, nous définissons

la fonctionnelle sur Eqs

Ass000(I,Γ) =

Z (t,γ(t))Hs00

(t,γ(t))Hs0

L(t, γ(t),γ(t))dt.˙

Noter que l’hypothèse (ii) signifie que (Iqsq|Iqs) est point critique de Ass sur Eqs.

Cela va entraîner la propriété suivante : pour tout q1, q2 ∈Hs les trajectoires Γq1 etΓq2 issues respectivement de(tsq1, q1)et(tsq2, q2) ont même action entre deux valeurs s0 < s00. C’est à dire, ∀s0, s00, telles que s≤s0 < s00 ≤s,

Ass000(Iq1q1) =Ass000(Iq2q2). (5.5) Preuve— Supposons dans un premier temps ques < s0. Soit]−ε0, ε0[3ε7−→

q(ε) un chemin de classe C1 dans ω et considérons la famille de trajectoires à un paramètre (Iq(ε)q(ε))ε correspondantes. Nous posons q := q(0). Nous considérons une famille de déformations( ˜Iε,Γ˜ε) de(Iqq), où I˜ε = [tsq, tsq(ε)00 ], telle que Γ˜ε coï ncide avec Γq sur un voisinage de tsq dans [tsq, tsq(ε)0 [, et coï ncide avec Γq(ε) sur [tsq(ε)0 , tsq(ε)00 ]. De

Ass00( ˜Iε,˜Γε) =Ass00(Iqq) +o(ε) et

Ass0( ˜Iε,Γ˜ε) =Ass0(Iqq) +o(ε),

nous déduisons par soustraction (puisque Ass00 =Ass0+Ass000) que Ass000(Iq(ε)q(ε)) =Ass000( ˜Iε,Γ˜ε) = Ass000(Iqq) +o(ε).

Cela entraî ne donc que Ass000(Iqq)est constant lorsque q parcourt Hs (car la dérivée de cette expression par rapport à ε est nulle).

L’identité (5.5) pour s < s0 < s00 ≤ s s’étend au cas s = s0 de la façon suivante : puisque γq est C1 sur [tsq, tsq], lims0sAss000q) = Ass00q). Il suffit donc de passer à la limite dans (5.5) lorsque s0 →s.

Une conséquence de (5.5) est la suivante : puisque Ass000(Iqq) ne dépend que de s0 ets00, on peut poser Ass000(Iqq) = F(s0, s00). Et à cause de la pro-priété d’additivité Ass0000 (Iqq) = Ass000(Iqq) +Ass00000(Iqq), on a F(s0, s000) =

ε )

= o(

s’’

s’

s’’

s’

s’’

s’

s’’

s’

s’’

s’

A

A A A

s’

s’’

=

A - A

- +

-Fig.5.6 – L’idée du calcul de Ass000(Iq(ε)q(ε))− Ass000(Iqq).

F(s0, s00) +F(s00, s000) et donc F(s0, s00) = f(s00)−f(s0), pour une certaine fonctionf. Supposons quef soit une fonction monotone8 (et donc un difféo-morphisme), alors, quitte à changer s en f(s), nous pouvons supposer que f(s) = s. Donc nous nous ramenons ainsi au cas où

Ass(Iqq) = s−s. (5.6) Définissons la fonction S : Ω−→R par ∀s ∈[s, s], ∀(t, x)∈Hs, S(t, x) =s.

Autrement dit les ensembles de niveau deSsont exactement les hypersurfaces Hs. La définition de S et la propriété (5.6) peuvent être résumées par

∀q∈ω,∀s∈[s, s], S(tsq, xsq) =s=s+ Z tsq

tsq

L(τ, γq(τ),γ˙q(τ))dτ. (5.7) Cette relation entraî ne, en remplaçant (tsq, xsq) par (tsq+t, γq(tsq+t)) et en

8cela est vrai si par exempleL(t, γq,γ˙q)>0, qω,t, une propriété satisfaite dans la plupart des exemples empruntés à la mécanique.

dérivant par rapport à t, en t= 0 : Equation d’Euler–Lagrange pour (Iqq)— Nous allons à présent chercher la condition sur les trajectoires(Iqq)qui caractérise le fait que ces trajectoires sont points critiques deAss, pour touts∈]s, s]. Pour cela nous envisageons des variations de(Iqsq), oùIqs= [tsq, tsq]de la forme([tsq, tsq+τ(ε)],Γq+εΦ), oùε∈

Pour exploiter cette relation, nous pouvons dans un premier temps supposer que τ = 0 et ϕ s’annule sur un voisinage de tsq. Alors la condition (5.9) est bien évidemment satisfaite. Tous les termes à l’ordre 1 dans le membre de droite de la dernière expression s’annulent sauf la dernière intégrale. Pour que la variation première soit nulle pour toutes les valeurs deϕ, il faut donc queγq soit solution de l’équation d’Euler–Lagrange

∂L

Dans un deuxième temps, on utilise l’équation que nous venons d’obtenir pour simplifier la variation première de As qui vaut maintenant

δAss=L(t, xsq,γ˙q(tsq))τ0(0) + ∂L

∂vα(tsq, xsq,γ˙q(tsq))ϕα(tsq).

Il faut que cette expression soit nulle pour toutes les valeurs de(τ0(0), ϕα(tsq)) satisfaisant (5.9). Cela est vrai si et seulement si il existe un réelλ (multiplica-teur de Lagrange) tel que L(t, xsq,γ˙q(tsq)) = λ ∂S∂t(tsq, xsq) + ∂x∂Sα(tsq, xsq) ˙γαq(tsq)

Enfin en substituant ces valeurs dans (5.8) on déduit immédiatement que λ= 1. Nous en concluons que S satisfait :

Il faut noter que pour tout (t, x) ∈ Ω il existe un unique q et un unique s tels que (t, x) = (tsq, xsq). Donc nous obtenons queS est solution de l’équation d’Hamilton–Jacobi sur Ω :

∂S

∂t(t, x) +H

t, x, ∂S

∂xα(t, x)

= 0. (5.11)