• Aucun résultat trouvé

Le chaos ou comment les lois du hasard interviennent dans un

Il est immédiat que{F, H}est de classeCk1. Cette quantité apparaî t natu-rellement lorsque l’on considère une solution(x, p)des équations de Hamilton pourH: dtd(x(t), p(t)) =ξH(x(t), p(t)), et que l’on calcule le taux de variation de F(x(t), p(t)) au cours du temps, c’est à dire

d

dt(F(x(t), p(t))) =dF(x(t),p(t))H(x(t), p(t)))..

Un calcul très simple (Exercice) donne d

dt(F(x(t), p(t))) ={F, H}(x(t), p(t)).

Deux propriétés fondamentales du crochet de Poisson sont qu’il est antisy-métrique :

{H, F}+{F, H}= 0 et qu’il satisfait l’identité de Jacobi :

{F,{G, H}}+{G,{H, F}}+{H,{F, G}}= 0.

Dans le cas où le problème variationnel est invariant au cours du temps, c’est à dire où le lagrangien ou l’hamiltonien sont indépendant du temps, l’antisy-métrie du crochet de Poisson implique que, si dtd(x(t), p(t)) =ξH(x(t), p(t)),

d

dtH(x(t), p(t)) ={H, H}(x(t), p(t)) = 0, c’est à dire la conservation de l’énergie.

2.2 Le chaos ou comment les lois du hasard in-terviennent dans un système déterministe

Dans les deux paragraphes qui précèdent, nous avons présenté un modèle microscopique d’un gaz qui entre parfaitement dans le cadre de la mécanique

classique, c’est-à-dire dont la solution, du point de vue mathématique, se ramène à la résolution d’une équation différentielle. Dans l’esprit du texte de Laplace cité à la fin du premier chapitre, on peut dire que la connaissance des conditions initiales du système que nous étudions doit permettre de calculer complètement son évolution.

Nous allons voir dans ce paragraphe que ceci est impossible pour deux rai-sons principales. Nous verrons aussi comment il faut modifier notre approche mathématique pour pouvoir faire des prédictions pertinentes.

La première raison est très simple : l’équation différentielle qu’il nous faut résoudre est une équation du premier ordre en 6N variable, où N est le nombre de particules de notre gaz. Cela est tout simplement hors de portée de la technologie humaine et le restera sans doute encore un certain temps.

La seconde raison concerne l’état initial : il est impossible de décrire l’état de 1023 particules à un instant donné5. On pourrait cependant penser qu’il est possible d’en décrire une approximation et, si l’évolution temporelle était assez stable, c’est-à-dire si elle gommait de petites erreurs faites sur l’état initial au fur et à mesure que le temps passe, cela pourrait être suffisant.

C’est malheureusement exactement le contraire qui se passe.

Pour illustrer le second problème (il n’y a guère besoin d’illustrer le premier !), nous allons étudier un exemple très simple, en dimension 2 : le mouvement de réflexion d’une particule piégée à l’intérieur d’un disque circulaire et se réfléchissant sur le bord de D2 selon la loi (2.3). Notons D2 := {x+iy ∈ C/x2+y2 <1}. Alors l’ensemble des trajectoires est

E :={t7−→eγθ(ct)/θ∈]0, π], β ∈[0,2π[, c∈R}, où

∀n ∈Z,∀t ∈

2nsinθ

2,2(n+ 1) sinθ 2

, γθ(t) =einθ

1 +i

t−2nsinθ 2

eiθ/2

. (Exercice.) La solutionγθest celle qui passe en1ent= 0et décrit le segment de droite joignant 1 à e avec une vitesse égale à 1. Le paramètre c est la

5Si on est capable de stocker un gigaoctet dans un gramme de matière (barrette de mémoire vive par exemple), il faut de l’ordre de un milliard de tonnes de matière pour noter un seul état du système.

θ

Fig. 2.1 – Une boule de billard dans un disque

célérité etβ est une sorte de phase. Enfin la vitesse de γθ est donnée par

∀n∈Z,∀t∈

2nsinθ

2,2(n+ 1) sinθ 2

, γ˙θ(t) =iei(n+12)θ. Sur cet exemple, il facile de se rendre compte que :

– la moindre variation deθest amplifiée au bout d’un temps suffisamment long. Par exemple, pour deux valeursθ, θ0 ∈]0,2π]différentes maistrès proches, les trajectoires dont les positions seraient confondues au point 1 et qui auraient comme vitesses respectivesieiθ/2 etie0/2 à l’instant 0 finiraient par s’écarter et par avoir des vitesses très différentes au bout d’un temps suffisamment long.

– Si θ ∈ 2πQ, c’est à dire θ = 2πp/q, où p ∈ Z et q ∈ N sont premiers entre eux, les valeurs prises parγ˙θ sont

iei(2k+p)π/q/0≤k < q . Siθ∈ ]0, π]\2πQles valeurs prises parγ˙θsont denses dans le cercleS1. Notons que le premier cas a une probabilité égale à 0, tandis que le deuxième cas a une probabilité égale à 1. (Cela est physiquement significatif et entraî ne que dans une expérience pratique, il seraitimpossiblede fixer une valeur rationnelle pourθ.)

Pour interpréter cet exemple « physiquement », il est important de distinguer les cas où l’on observe le mouvement sur un temps très court ou sur un temps très long. Dans le premier cas, le système se manifestera de façon déterministe. Dans le deuxième cas, comme il est impossible de prescrire ou de mesurer θ avec une précision infinie, on finira toujours par observer

un comportement chaotique au bout d’un temps suffisamment long. A ce moment, on peut dire que le modèle déterministe n’est plus très utile. En compensation nous pouvons observer le phénomène suivant : siθ∈]0, π]\2πQ, pour tout intervalle ouvert I ⊂S1,

Tlim→∞

|{t∈[−T, T]/γ˙θ(t)∈I}|

2T = |I|

2π, (2.4)

où ici on désigne la mesure de Lebesgue d’un ensemble mesurable Apar |A|. (Exercice.) Cela signifie que, à défaut de faire des prédictions exactes, nous pouvons faire des prédictions probabilistes. Ici par exemple on pourra obser-ver n’importe quelle vitesse dans S1avec une densité de probabilité uniforme.

Des propriétés comme (2.4) sont caractéristiques de l’ergodicitéde l’évolution temporelle de notre système. Cette ergodicité, lorsqu’elle est présente, est ce qu’il reste de régulier dans une évolution chaotique. Cela nous suggère forte-ment qu’une description statistique de notre système sera bien plus efficace qu’une description déterministe.

Exercice 3 On considère, pour toute fonction f ∈ C0([0,1]), la limite µ(f) := lim

T→∞

1 T

Z T 0

f(|γθ(t)|)dt.

Montrer que µ(f) = R1

sinθ2 f(r)√2r dr

r2sin2θ2. Interpréter : quelles prédictions peut-on faire lorsque l’on mesure la distance de γθ(t) à 0 connaissant θ? Nous voyons sur cet exemple simple que sur des temps très longs, il est impos-sible de prédire quoi que ce soit de précis sur la direction du vecteur vitesse, et très peu de choses sur la position de la particule6. Or il se trouve que dès que l’on remplace le disque par pratiquement n’importe quelle courbe fermée, même très régulière, les phénomènes de chaos seront beaucoup plus importants et concerneront autant les positions que les vitesses : la mesure de probabilité de la position d’une particule sera la mesure uniforme dans le

6On pourrait varier ce modèle, par exemple remplacer le disque par l’intérieur d’une ellipse, et on observerait alors des phénomènes similaires. Mais les cercles et les ellipses sont des courbestrès particulièresqui n’existent qu’en approximation dans la nature.

domaine et il en sera de même pour la direction du vecteur vitesse7. Ces pro-priétés d’ergodicité sont difficiles à démontrer mathématiquement en général, mais on peut les vérifier de manière très convaincante par des observations expérimentales (boules deLoto) ou par des simulations sur ordinateur (cf. le dernier chapitre du livre de Harthong).

Revenons maintenant au modèle de billard pourN particules : il n’y aura pas de changement qualitatif dans l’émergence du chaos, mais une amplification.

Une première raison pour cela est le fait que N est très grand (de l’ordre du nombre d’Avogadro) et que le mouvement des molécules est très rapide (de l’ordre de 1840m·s−1 pour l’hydrogène à 273ř K). Par conséquent, même si l’on part d’une configuration « ordonnée », le temps au bout duquel les phé-nomènes deviendront chaotiques sera extrêmement court et de plus, si nous voulons estimer une limite analogue à (2.4) il suffira de prendre un temps d’observation T petit à l’échelle des temps macroscopiques. Une deuxième raison qui est moins immédiate est liée aux propriétés mathématiques (chao-tiques) du billard : les chocs entre particules engendrent encore d’avantage d’instabilités dynamiques que les chocs entre les parois. C’est à dire que deux trajectoires différentes qui ont des conditions initiales très proches dansTNr s’écartent très rapidement l’une de l’autre (résultats de Y.Sinai). En outre il est impossible de mesurer et de préparer un système physique correspondant à un point particulier (ou même un voisinage extrêmement petit d’un point) dans l’espace de phase TNr . Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas décrire de façon déterministe un tel gaz. En revanche une description statis-tique donnera d’excellents résultats.

En conclusion nous pouvons tirer deux enseignements des considérations pré-cédentes. Le premier est, qu’en dehors des cas exceptionnels (et irréalisables en pratique) où l’enceinte Ω qui enferme le gaz a une géométrie très par-ticulière, il est impossible d’avoir la moindre information précise sur l’état microscopique d’un gaz à l’équilibre, toute information partielle à un instant donné étant immédiatement rendue obsolète par le caractère chaotique de l’évolution de cet état. La seule approche possible du problème est donc une

7Seule ici la norme du vecteur vitesse est prédictible, car c’est une constante du mouve-ment. Noter que si on remplace le domaine bidimensionnel parNr comme dans la section précédente et si on interprète le mouvement comme celui d’un système deN particules, la conservation de la norme du vecteur vitesse dans Nr ne signifie rien d’autre que la conservation de l’énergie cinétique totale du système de particules.

approche statistique.

Le deuxième enseignement vient tempérer le premier : c’est le caractère er-godique de l’évolution microscopique (dans les bons cas), qui se traduit par un phénomène de « balayage uniforme au cours du temps » de l’espace des phases par une trajectoire, illustré par (2.4). Nous aurons besoin au prochain chapitre de supposer que cela est vrai en général (principe ergodique).

2.3 Premier usage des probabilités : les gaz