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Une logique de régulation d’enseignement-apprentissage

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PARTIE 1 : ORIENTATION THEORIQUE ET PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

B. Une logique de régulation d’enseignement-apprentissage

L’évaluation ne se réduit pas à des techniques certificatives ou sommatives dans une logique d’orientation où elle est souvent planifiée, formalisée et encadrée par des temps prédéfinis. Au cours d’interactions enseignant-élèves (Altet, 1994), l’évaluation peut être une activité intégrée aux situations d’enseignement-apprentissage. L’enseignant serait attentif aux démarches et aux réponses de l’élève et prendrait en compte ses réussites et ses erreurs (Rémond, 2008 ; Crahay, 2007 ; Caffieaux, 2009). Il identifierait donc ce qui se passe chez l’élève en cours ou en fin de réalisation de la tâche pour, éventuellement, le soutenir et l’aider à construire les connaissances attendues. En d’autres termes, évaluation et régulation coexisteraient au service d’un co-processus d’enseignement et d’apprentissage en classe (Allal et Mottier-Lopez, 2005 ; Mottier-Lopez, 2009, 2012).

1. Un contexte de classe en évolution

En classe, l’enseignant est en présence d’une diversité d’élèves dont les mécanismes d’apprentissages varient de manière inter-individuelle, mais aussi intra-individuelle. Ce constat s’est probablement renforcé en collège et en lycée depuis qu’a été impulsée la démocratisation de l’enseignement13, favorisant alors la poursuite scolaire des élèves dans le second cycle : 60% des élèves de collège intègrent les filières d’enseignement général et technique en 2012 (DEPP, 2013). La pratique du redoublement est en recul. Alors qu’en 1993, 46% des élèves de troisième présentaient un retard scolaire d’un an ou plus, ils ne sont plus que 24% à la rentrée 2013 (DEPP, 2014). Afin d’atteindre ces objectifs, les compétences professionnelles demandées aux enseignants ont évolué et se sont centrées sur la prise en

12 Dans une visée d’orientation

13 Au collège, notre référence sera l'abrogation de la loi Haby (1975). Au lycée, elle concernera les dispositions de Chevènement en l'an 2000.

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charge des difficultés d’apprentissage, tout en favorisant la construction des connaissances attendues pour un niveau scolaire donnée (MEN, 2006, 2013). Quotidiennement, selon Wanlin (2011) et Mottier-Lopez (2012), une partie de l’activité d’enseignement concerne la gestion de la diversité des élèves. Le professeur repérerait des éventuelles difficultés puis organiserait une régulation de son enseignement « afin d’aider l’élève à intégrer (les) nouvelles connaissances, à les comprendre et à les transférer dans de nouvelles situations (…) » (Mottier-Lopez, 2012, p. 8) : cette régulation d’enseignement devant favoriser alors la régulation des apprentissages.

Par nos travaux de master 1, nous nous sommes intéressée à la prise en compte des difficultés des élèves et à l’organisation par l’enseignant d’évaluations formatives verbales dans le cadre de l’enseignement de la physique et de la chimie en terminale S. Nos résultats en 2009 révélaient alors que la préoccupation de l’enseignant était peu centrée sur la régulation des apprentissages, mais davantage sur l’enseignement de l’ensemble des contenus tel que l’envisageait le programme scolaire : l’évaluation certificative du baccalauréat étant en jeu. Depuis, de nouvelles réformes scolaires ont été instaurées en collège et en lycée. Alors que les directives n’ont cessé de soutenir une politique de réussite pour tous, de diminution des redoublements et une politique favorisant l’accès aux élèves à un niveau de fin de cycle de l’enseignement secondaire, qu’en est-il exactement aujourd’hui de cette prise en charge des difficultés scolaires en classe ?

Notre intérêt se situera bien autour de cette question. Mais, en regard des travaux de Wanlin (2011) et Mottier-Lopez (2008, 2012), nous nous intéresserons plus spécifiquement aux pratiques d’évaluation et de régulation verbales que l’enseignant mettrait en place en situation d’enseignement-apprentissage. Par rapport à nos anciens travaux, nous souhaiterions élargir le champ du terrain à celui des classes de seconde et de première S où il existe un enjeu d’orientation en fin d’année14, depuis la modification des programmes scolaires en 2010. En effet, les enseignants sont incités à placer davantage l’élève dans des situations d’activités expérimentales que dans des situations de cours magistraux. De plus, comme nous le présentions en introduction de ce travail, la question de l’évaluation et de la prise en charge des difficultés des élèves a donné lieu à une consultation puis à des recommandations de pratiques (MEN, 2014). Par ailleurs, Marin (2014) rappelle l’importance d’orienter une réflexion sur des formes d’évaluation intégrées aux apprentissages. Nous nous demandons

14 mais pas d'évaluation diplômante

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alors si l’évaluation verbale dans une logique de régulation d’apprentissage est envisagée comme telle dans les pratiques d’enseignement et si oui, quelle est sa forme ? À quel moment de la séance s’organise-t-elle ? Combien de temps les enseignants s’accordent-ils par rapport à la durée de la séance ? A qui est-elle adressée ?

2. Notion de régulation verbale des apprentissages et de l’enseignement

La régulation verbale des apprentissages peut être abordée par de multiples références conceptuelles allant de la psychologie cognitive, du développement à celle des conceptions de l’apprentissage, etc (Mottier-Lopez, 2012, 2013). Avant tout à ce stade de notre travail, il nous semble nécessaire de préciser ce que nous envisageons sous la notion de « régulation des apprentissages et de l’enseignement ».

2.1 Réorganisation des structures cognitives selon Piaget (1975)

La notion de régulation est introduite dans les travaux de Piaget (1975). Elle est alors décrite comme un mécanisme de rééquilibration des structures cognitives, après un déséquilibre produit lors d’interrelations avec un environnement comme une situation problème. Par exemple, lors de manipulations en activité expérimentale15 en physique-chimie, l’élève doit réaliser le montage d’un circuit en parallèle avec une pile et de deux lampes. Il peut alors résoudre cette tâche par une succession d’essais et d’erreurs lors de la construction de ce circuit électrique spécifique. Dans ce cas, il se produit alors des perturbations de sa structure cognitive qui l’amène à s’adapter par régulations. Cette fonction interne à l’élève est alors un contrôle rétroactif qui maintient soit un équilibre relatif d’une même structure cognitive ou soit une ré-équilibration par une nouvelle organisation en voie de construction produisant de nouvelles connaissances, la tâche étant réalisée avec justesse.

Ainsi, le terme de régulation renvoie à l’idée qu’il y a une modification des structures de pensée de l’élève. Néanmoins, placer l’élève seul en confrontation à une situation-problème n’est pas toujours suffisant pour favoriser l’apprentissage. Il peut mettre beaucoup de temps avant de résoudre la tâche et peut aussi se démotiver. Dans le cas de l’enseignement de la physique-chimie, il est souvent observé que les exercices ou les activités expérimentales ne sont pas réalisés (ou partiellement), les élèves étant dans une impasse de réussite après de nombreuses tentatives. Dans un contexte où la gestion de la temporalité est une des

15 Discipline physique-chimie

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préoccupations des enseignants (Wanlin, 2011), l’interaction par essai-erreur peut être considérée par l’enseignant comme chronophage. Par ailleurs, elle n’est pas la seule source pouvant amorcer une réorganisation de la structure cognitive de l’élève et favoriser l’apprentissage.

2.2 Repérage et guidage des stratégies d’apprentissage

Saint-Pierre et Lafortune (1995) et Rémond (2008) ont appréhendé le rôle de l’enseignant lorsqu’il observe des erreurs chez un élève. Elles montrent que des mécanismes d’enseignement sont en jeu d’une part pour constater la défaillance de l’élève et d’autre part pour y remédier. L’enseignant repérerait les « lacunes » de planification, de contrôle et d’organisation des structures cognitives et métacognitives de l’élève (ex. : représentation erronée de la tâche à réaliser, connaissances ou mobilisation des connaissances insuffisantes).

Ce dernier tenterait alors de mobiliser d’autres stratégies et connaissances « déjà là », mais aussi, de mettre en œuvre des modifications pour en construire de nouvelles (Raymond, 2008). Par ce fait, il initierait une régulation de l’apprentissage dans le sens où son activité d’enseignement a pour intention d’intervenir sur le processus cognitif ou métacognitif afin d’assurer le contrôle et l’ajustement. Sous forme de guidage, l’enseignant tenterait alors de faire prendre conscience à l’élève de l’importance de la gestion de son activité d’apprentissage pour en assurer son efficacité (Saint-Pierre et Lafortune, 1995).

2.3 Le rôle du langage verbal de l’enseignant

Selon l’approche socio-constructiviste, la participation verbale de l’enseignant dans l’orientation des modifications du processus d’apprentissage des élèves est bien prégnante.

Elle joue un rôle de repérage et de médiation dans la réorganisation psychique de l’élève, orientant alors effectivement la régulation de ses apprentissages (Vygotski, 1934/1997 ; Rivière, 1990 ; Mottiez-Lopez, 2012). Cette régulation verbale externe a la fonction

« d’instrument médiateur » prenant son sens dans la dynamique même de cette activité en classe, mais aussi au travers de significations socio-culturellement construites par les deux sujets (Mottier-Lopez, 2008, 2013). Le langage verbal de l’enseignant est donc un moyen constructeur de la pensée de l’élève notamment par la recherche de zone proximale de développement (Vygotski, 1934/1997)16. Ainsi, lors d’échanges verbaux en classe, nous

16 Voir chapitre 2, §B, page 42

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pouvons supposer qu’il est un instrument participatif à l’évaluation et la structuration de la pensée de l’élève, donc à la régulation des apprentissages.

Néanmoins, en situation d’enseignement-apprentissage, dans la dynamique d’activité d’enseignement, le professeur alterne des moments d’évaluation et de régulation, des moments de gestion de classe, des moments d’avancer du processus didactique, etc. Nous allons voir à présent que les moments d’évaluation et de régulation peuvent ainsi être organisés au cours d’une séance de classe, de manière différée vs immédiate, de manière formelle vs informelle.

2.4 Évaluation - régulation verbale, immédiate et informelle

Mottier-Lopez (2013)17 dans l’ouvrage régulation des apprentissages a très précisément décrit les différentes façons temporelles et techniques d’organiser des évaluations et des régulations afin d’intervenir sur les difficultés de l’élève ; l’enseignant peut les planifier ou non, il peut aussi dissocier le temps de repérage des difficultés et de régulation.

a) L’activité de régulation peut avoir des fonctions de remédiation avec reprise de contenus, après le temps d’enseignement, dans le but de « compenser » les éventuelles erreurs ou démarches (Leplat, 2006). Très souvent, la régulation des apprentissages est alors différée et formalisée, c’est-à-dire qu’elle ne se déroule pas au moment de l’activité de l’élève et de l’activité d’évaluation par l’enseignant, mais plutôt à la fin de la tâche de correction d’exercices ou lors d’une autre séance. Par exemple, à la suite d’une activité de corrections d’exercices, l’enseignant peut proposer aux élèves, en fonction de leurs erreurs, d’autres exercices pour consolider la construction de leurs connaissances. Ces moments de régulation différés sont donc conscientisés par l’enseignant dans le sens où il les a planifiés. Dans ce cas, il n’y a pas d’évaluation formative.

b) L’activité de régulation peut se réaliser au cours de l’activité de l’élève, dans le but d’orienter l’élève pendant le processus d’apprentissage favorisant ainsi la progression. La régulation est donc immédiate, et sans rupture temporelle avec le repérage par l’enseignant des éventuelles difficultés : il est en interaction directe avec l’élève. Dès qu’il perçoit une difficulté, il favorise la fonction de médiation verbale18 pour initier l’élève à réguler ces apprentissages. On peut donc penser que cette activité n’est ni planifiée ni formalisée sur des temps définis. Dans ce cas, l’évaluation et la régulation verbales se co-construisent dans

17 Les travaux de Allal (2007) ont été aussi repris dans cet ouvrage.

18 La médiation peut être aussi écrite.

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l’immédiateté et de manière informelle. L’enseignant évalue et intervient directement sur le processus d’apprentissage des élèves. Il l’aide à s’orienter pour réaliser une tâche scolaire en effectuant des opérations sur ses connaissances en fonction d’objectifs précis (Jonnaert, 1995). Ces moments de régulations immédiats ne semblent pas toujours conscientisés par l’enseignant. En effet, nos travaux de master 1 et 2 ont montré qu’à la lecture des résultats sur leurs pratiques d’évaluation verbale, les enseignants observés expliquaient ne pas « se rendre compte » de cette activité.

2.5 Immédiateté pour répondre à des tensions

Dans des situations de classe, nous l’avons déjà évoqué, la gestion de la diversité de niveaux scolaires des élèves, ainsi que la gestion temporelle des contenus à enseigner peuvent amener l’enseignant à faire mobiliser des orientations. Par exemple, en classe de seconde, alors qu’il introduit le modèle de « l’ion », nous pouvons penser que l’enseignant cherche à : - s’assurer que les élèves ont construit la représentation du modèle de l’atome - plus particulièrement celle d’électrons et du « remplissage des couches L, M, N… »,

- s’assurer que les élèves « comprennent » les contenus qu’il est entrain d’enseigner - certains atomes peuvent perdre ou gagner des électrons -,

- et enfin, ne pas dépasser le temps d’enseignement qu’il a prévu sur ces contenus.

Pour cela, à certains moments, des évaluations dans une logique de régulation verbale immédiate et informelle seraient organisées pendant le processus d’apprentissage des élèves, en alternance avec d’autres moments d’avancée du processus didactique. Mais alors, quelles sont les natures des actions d’évaluation et de régulation qui permettent de repérer les éventuelles difficultés des élèves et de les orienter vers un processus d’apprentissage en réussites ? Pour répondre à cette question, dans un premier temps, nous nous orienterons vers la notion de feedback, associée souvent à une dimension plus large que celle de régulation des apprentissages (Georges et Pansu, 2011), puis, dans un deuxième temps, vers celle d’actions19 d’évaluations verbales.

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