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Connaissances des enseignants sur l’évaluation

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 124-130)

PARTIE 2 : METHODOLOGIE ET, DESCRIPTION, EXPLICATION ET COMPREHENSION DES

A. Connaissances des enseignants sur l’évaluation

Notre enquête a eu pour premier objectif de tenter d’approcher les connaissances des enseignants de physique-chimie au regard de leurs pratiques. Dans une première partie, nous ciblerons les connaissances collectivement partagées. Dans une deuxième partie, nous tenterons de définir des profils de classe distincts de ce groupe d’enseignants en lien avec des caractéristiques personnelles, c’est-à-dire le type d’établissement et l’ancienneté du professeur.

A. Connaissances des enseignants sur l’évaluation

1. Logique et signification de l’évaluation

Un premier regard sur les statistiques descriptives fait ressortir que la notion d’évaluation est fortement ancrée par les termes « contrôler » (91%), « apprécier » (84%) et « mesurer » (82%). Les trois quarts des enseignants considèrent, dans une moindre acception, qu’évaluer renvoie aussi à une approche interactive avec les élèves : « communiquer » (69%),

« informer » (64%), « adapter » (62%). Par ailleurs, 58% des enseignants rejettent le fait de

« juger » les élèves, mais ce résultat n’est pas significatif.

a) Le contrôle

La notion de contrôle fait débat dans le champ des sciences de l’éducation. Selon Vial (1996), il y a toujours une part de contrôle dans toute évaluation. Cette part représente le but de l’évaluation : vérifier, attester, prouver, qui s’oppose à la logique du reste.

Selon Ardoino et Bergé (1989) et Talbot (2009), le contrôle se caractériserait par « un agir » dont le système de référence se construirait antérieurement et extérieurement aux contextes de l’opération. Ce système de référence serait construit à partir de normes objectivées parfaitement définies comme par exemple les fiches de correction type pour le baccalauréat. Souvent associé à la notion de mesure, le contrôle serait souvent défini comme un écart entre un produit fini c’est-à-dire la production de l’élève et une valeur étalon

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constante, cet écart étant alors symbolisé par une valeur quantitative et numérique. Le contrôle renverrait aussi à une notion intemporelle, mais aussi égalitaire, la norme définie une fois pour toutes, quels que soient le temps, le lieu, la classe, l’établissement. En conséquence, les enseignants de physique-chimie percevraient l’évaluation comme la construction d’un modèle de référence extérieur et antérieur à la situation d’enseignement-apprentissage. De plus, elle serait conçue comme l’attribution d’une valeur quantifiable entre un référé (la production de l’élève) et un/des référent(s)99, la valeur correspondant à une mesure100 de résultat selon une échelle numérique. Les connaissances sur l’évaluation des enseignants se construiraient donc dans une logique de quantification à des fins d’orientation ou de certification101 et au travers une vision objectiviste.

Pourtant, l’analyse nous amène à nuancer ces premiers propos. En effet, comme nous le décrivions ci-avant, l’évaluation serait un jeu d’interactions et « d’appréciation »102 (84%) dont nous pouvons inférer le rôle de l’interprétation en lien avec la situation, la valeur attribuée étant alors plutôt de l’ordre du qualitatif ou de la sémantique103.

Un doute subsiste sur la notion « adapter ». Au cours d’échanges informels après la passation du questionnaire104, certains enseignants nous ont fait part de conceptions divergentes. Pour certains, évaluer serait « s’adapter aux contextes de classe », ce qui nuancerait la vision externaliste du contrôle. Pour d’autres, évaluer serait « adapter le processus d’enseignement en fonction de la production de l’élève », l’évaluation prenant alors une logique de régulation. La question posée étant fermée, il n’est pas possible d’apporter de conclusions et notamment, d’associer la notion de régulation à celle d’adaptation comme nous le souhaitions au départ.

b) Notion de jugement

La notion de jugement n’est pas stabilisée dans le champ des sciences de l’éducation et de la formation (Dechamboux, 2013). Selon Lecointe (1997) et Talbot (2009), « juger » se distingue « d’évaluer » par le fait qu’il s’agit d’une attribution de valeur plutôt centrée sur la personnalité de l’élève. Il n’existerait pas forcément un but pédagogique et didactique explicite. L’attribution d’une valeur ne se ferait pas forcement sur un résultat ou un processus

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en cours d’apprentissage. Ainsi, le jugement ne serait pas nécessairement « pensé et réfléchi » (Talbot, 2009).

Selon Lafortune et Allal (2008, p. 4), le jugement professionnel de l’enseignant serait assimilable à un « processus qui mène(rait) à une prise de décision, laquelle prend(rait) en compte différentes considérations issues de son expertise professionnelle. (…) Il suppose(rait) une collecte d’informations à l’aide de différents moyens, la justification du choix et des moyens en lien avec les visées ou intentions et le partage des résultats de la démarche dans une perspective de régulation ». Il s’agirait donc de cibler « la valeur scolaire » de l’élève ou de son travail. Finalement, le jugement est un acte à des fins de prises de décisions, comme fil d’orientation scolaire en fin d’année (Mottier-Lopez, 2008). D’ailleurs, selon Scallon (2007) et Allal (2007), cette valeur n’est pas dissociable de la mise en place de moments de régulation ou d’autorégulation des apprentissages.

Nous sommes donc face à une diversité d’appréhension de la notion de jugement, nous pouvons supposer qu’il en est de même pour les enseignants. Cette notion de jugement serait plutôt ancrée à 58% dans un registre moral sur l’élève, elle ne serait pas associée ou assimilable à celle de l’évaluation. Pour autant, les 42% d’enseignants restant qui assimile la notion de jugement à celle d’évaluation, paraissent se rapprocher de la définition suivante ; l’évaluation serait l’attribution d’une valeur « plus globale » sur l’élève dans un but de prise de décision se référant à la fois à une logique de régulation et à une logique de certification et d’orientation (Lafortune et Allal, 2008).

2. Des références pour évaluer

Le deuxième objectif pour cette enquête était d’approcher les éléments constituant le système de référence, la référentialisation105 des enseignants.

Les programmes scolaires de physique-chimie sont très significativement appréhendés comme des outils permettant aux enseignants de construire des indices sur les connaissances attendues (89%). Ils participeraient donc à la production d’indices de référence uniformément égaux entre enseignants, quel que soit l’établissement ou la classe enseignée. Cependant 86%

d’entre eux considèrent qu’ils construisent aussi des repères à partir de leur expérience professionnelle. Il semblerait donc que des références relevant des caractéristiques personnelles et des contextes dans lesquels les enseignants exercent leur profession participent à la construction du système de référentialisation. Ceci laisse ainsi présager que

105 Voir chapitre 3, §B, page 60

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l’enseignant construit des indices à partir de l’interprétation de la lecture du programme en lien avec ses connaissances « pratiques »106.

Seulement un quart des enseignants collaboreraient avec leurs collègues pour élaborer des références. Concernant, ceux exerçant en collège, ils se retrouvent généralement seuls dans l’établissement du fait du nombre d’heures d’enseignement par semaine et du nombre d’élèves dans l’ensemble des collèges, ce qui paraît rendre plus difficile un travail collaboratif. Il n’est cependant pas possible de conclure qu’il existe un lien entre les enseignants collaborant avec leurs collègues et le type d’établissement où ils exercent (lycée ou collège).

Le programme du baccalauréat n’intervient que pour 68% des enquêtés comme référence pour évaluer. Mais, il ne paraît pas possible d’établir un lien entre ce choix de référence et le type d’établissement où les professeurs exercent.

3. Adressage et fonctions de l’évaluation de la production des élèves

L’évaluation est toujours adressée aux élèves, pour 76% à l’enseignant et pour 71% aux parents.

Il semblerait donc que l’évaluation ait une fonction sociale (Talbot, 2009) ; elle informerait l’élève, l’enseignant et les parents d’un résultat d’apprentissage (91%). En outre, elle est très peu considérée comme outil d’information pour les autres acteurs de l’établissement ou les autres collègues. Nous pouvons nous en étonner. Les conseils de classe s’appuient, en partie, sur les résultats des évaluations sommatives pour l’orientation des élèves, les décisions étant le plus souvent collégiales entre collègues et chefs d’établissement.

L’évaluation lorsqu’elle est adressée à l’élève et à l’enseignant, est perçue pour une part significative comme ayant une fonction pédagogique. Pourquoi et quelle forme peut-elle prendre ?

Nous l’avons décrit en première partie de cette analyse, pour 64% d’entre eux, l’évaluation renvoie à l’idée d’une prise d’informations et à 69% de communication. Ceci laisse donc présager que l’évaluation n’est pas une activité dissociée de l’activité d’enseignement-apprentissage. 86% d’entre eux conçoivent qu’évaluer consisterait à rechercher les progressions des apprentissages des élèves mais le moment de la passation des évaluations est réalisé à 91% en fin de chapitre à l’écrit. Il s’agit alors d’évaluer des résultats

106 Nous rappelons que l’ensemble des enseignants interrogés ont au moins 5 ans d’expérience.

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d’apprentissages des élèves (98%). Autrement dit, ceci confirmerait une tendance : le type d’évaluation serait plutôt perçu comme sommatif dans une logique de certification à partir de résultats sur les apprentissages des élèves (98%). Il nous paraît possible de penser que l’évaluation sommative prendrait alors une fonction pédagogique dans le sens où des temps de régulation seraient formalisés et différés comme dans des moments de correction.

Néanmoins, ce questionnaire ne nous permet pas de décrire ce qu’envisage réellement l’enseignant une fois qu’il a pris connaissance par les évaluations écrites de l’état de la progression des élèves.

Pour continuer, nous nous sommes interrogée sur la fonction pédagogique de l’évaluation lorsqu’elle ne prend pas la forme d’évaluation écrite en fin de chapitre. En effet, une partie significative des enseignants situe aussi des moments d’évaluation pendant l’apprentissage des élèves107. Mais alors comment ?

En nous référant aux données statistiques suivantes, significativement 87% les enseignants envisagent peu de moments d’évaluation verbaux au cours d’un processus d’enseignement-apprentissage, et 67% d’entre eux ne perçoivent pas réaliser des évaluations orales sous forme d’échanges avec les élèves pendant la séance. Cependant, un lien très fort est établi entre les 33% d’enseignants restants et le fait qu’ils travaillent en collège108. De même les enseignants ayant eu une longue expérience109 pensent réaliser des évaluations verbales en SEA.

Autrement dit, il semblerait que les enseignants de collèges de plus de 15 ans d’expérience favorisent les actions verbales directes avec les élèves pour connaître le processus d’apprentissage en cours. Nous pouvons alors penser qu’il existerait une activité d’évaluations formatives, activité moins présente dans l’enseignement en lycée110.

Nous avons dans un second temps proposé aux enseignants des items évoquant, non plus la notion d’évaluation, mais plutôt la notion d’échanges verbaux. Il apparaît que ces moments sont présentés comme des outils importants pour faire progresser l’élève chez 91% des enseignants et pour prendre en compte leurs difficultés chez 92% d’entre eux. Les enseignants organiseraient donc des actions verbales pour s’informer du processus d’apprentissages, repérer d’éventuelles difficultés et les prendre en compte pour inciter l’élève à modifier le processus d’apprentissage défaillant. Or au regard de ce que nous avons analysé lorsque nous évoquions des moments d’évaluation verbale en SEA, ces résultats sont surprenants. Nous

107 Chi2 théorique (3,841) < Chi2 pratique (4)

108 P< 0,0045

109 P<0,047

110 Résultats qui confirmeraient nos travaux de master 1.

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pouvons alors supposer que les enseignants ne perçoivent pas ces moments d’échange comme une activité d’évaluation verbale dans une logique de régulation, c’est-à-dire une AVEF.

Pourtant, cette activité selon eux participerait à la fois à la progression des élèves et à la fois à la prise en compte des difficultés.

4. Résumé de l’analyse du questionnaire

En résumé, l’enquête par ce questionnaire montre que les enseignants de physique-chimie ont construit des connaissances collectives sur la notion d’évaluation en lien avec des pratiques professionnelles, sociales, culturelles et historiques. Cette notion d’évaluation s’inscrirait dans une configuration de type sommative écrite111. Ils ne paraissent pas avoir conscience112 d’organiser des moments d’évaluations formatives à visée de régulation directe et informelle en SEA : c’est-à-dire prendre en compte les difficultés éventuelles des élèves et les amener à modifier leur processus d’apprentissage en cours. Ces résultats corroborent ceux de nos travaux de master 2. L’analyse que nous venons d’effectuer permet une première approche des représentations sociales des enseignants sur l’évaluation, plus spécifiquement des connaissances au regard de leurs pratiques. Des éléments collectivement partagés entre enseignants semblent définir « un noyau central » organisé par les items suivants :

- évaluer serait « contrôler », « mesurer » et « apprécier », mais pas « juger »

- évaluer aurait une fonction sociale pour les parents, les enseignants et les élèves, mais pas pour les collègues

- évaluer aurait une fonction pédagogique : chercher à faire progresser des élèves - évaluer porterait sur des résultats d’apprentissage, mais pas sur des

comportements, en fin de chapitre, sous forme écrite - le système de références serait les programmes scolaires

- évaluer ferait référence à des valeurs construites par expérience professionnelle - évaluer ne prendrait a priori pas la forme d’échanges verbaux avec les élèves

pendant la séance

- il existe des échanges verbaux qui permettent de faire progresser les élèves et de prendre en compte leurs difficultés.

111 Sur les 46 questionnaires complétés, trois enseignants ont fait remarquer qu’ils ne voyaient pas le lien entre la notion d’évaluation et celle des moments d’échanges verbaux (items 5a et 5c du questionnaire). Deux enseignants ont aussi noté sur leur feuille qu’il ne peut y avoir évaluation que sur des résultats d’apprentissage.

112 Dans le sens, où ils ne « disent » pas ou ne « conçoivent » pas organiser des AVEF.

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Néanmoins, suivant leur ancienneté et le type d’établissement fréquenté, nous nous sommes demandée s’il n’existerait pas des « prises de position » divergentes et donc des profils de groupe disjoints sur certains éléments de connaissance sur l’évaluation au regard de leurs pratiques.

B. Profil de classes disjointes en fonction du type d’établissement et

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