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Une activité inscrite dans un contexte professionnel

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PARTIE 1 : ORIENTATION THEORIQUE ET PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

A. Une activité inscrite dans un contexte professionnel

1. En situation de classe : « l’enseignement »

L’utilisation de la terminologie enseignement dans la littérature en Sciences de l’Education nous ouvre une grande porte dont il est difficile de percevoir où elle mène. Néanmoins, suivant les courants psychologiques ou sociologiques, nous pouvons distinguer différents regards, loin d’être exhaustifs.

Alors que les théories behavioristes constituaient un paradigme dominant jusqu’au début des années 1980, un de leur plus célèbre chercheur, Skinner, concevait « l’enseignement (comme une organisation des) contingences de renforcement d’un apprentissage donné » (Bayer, 1973, p. 31). Autrement dit, le but de l’enseignant était d’agir sur l’activité de l’élève pour développer les apprentissages dont il avait déterminé antérieurement les objectifs (Gauthier et Tardif, 1996). Peut-on réduire l’activité d’enseigner à un modèle de type

« processus-produit » dans lequel les résultats des élèves seraient considérés comme « l’effet direct » de l’activité d’enseignement du professeur ?

Depuis, des travaux de recherche, notamment ceux de Bru (1987, 1991) ont montré l’existence d’un système où l’enseignement et l’apprentissage sont conçus comme des sous-systèmes interactifs entre eux, mais aussi, avec le sous-système « contextes » dans lesquels ils évoluent. Cette interdépendance entre le processus d’enseignement et celui de l’apprentissage laisse à penser la présence de communication qui se caractériserait par des échanges de signification entre l’enseignant, la classe ou l’élève pris individuellement (Bayer, 1973).

Selon Bayer (1973), enseigner reviendrait donc à organiser des apprentissages, c’est-à-dire à

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organiser des échanges de significations avec la classe - et avec l’élève - qui pourraient être verbaux ou non verbaux comme la mimo-gestuelle, la proxémie ou encore la kinesthésie (Florin et al., 2002).

Par conséquent, l’activité d’enseignement pourrait être assimilée à « un processus interactif (…) qui utilise les interactions verbales et non verbales pour atteindre un objectif d’apprentissage » (Altet, 1994, p. 125). Il serait trop réducteur de penser qu’organiser des interactions suffit pour que l’élève apprenne, car, chaque enfant peut engendrer un processus d’apprentissage différent. Nous considérons alors l’activité d’enseignement comme « un agir » créant des conditions matérielles, temporelles, psychologiques, relationnelles, cognitives sociales ou encore affectives pour que l’élève apprenne (Bru, 1991 ; 2001 ; 2004) dans le contexte de classe. De ce fait, évaluer verbalement en SEA participerait aussi à la création des conditions pour permettre à l’élève d’apprendre.

2. Motif et représentation collectifs

Durkheim (1898) définit le collectif comme un groupe social dans lequel apparaît une conscience « de perceptions, de sentiments et de volitions propres » (Anzieu et Martin, 1968, p. 54) : « il peut être restreint lorsqu’il est composé de 6 à 13 sujets ou large pour 25 à 50 » (Anzieu et Martin, 1968, p. 36-37). Dans ce groupe, chaque sujet a une perception individualisée des autres et se sent réciproquement perçu, des interrelations entre eux sont donc envisageables. Ensuite, même si chacun n’a pas le même rôle, un « sentiment de solidarité » est alors présent, et des relations affectives peuvent de manière intense se construire. Enfin, ils ont des motifs communs à poursuivre (idem).

L’enseignant n’est pas un travailleur fondamentalement « isolé », il fait partie d’un groupe professionnel. Si son activité d’enseignement s’inscrit dans une dimension sociale et professionnelle (Marcel, 2006 ; Lefeuvre, 2007), il n’est pas non plus le seul à enseigner telle ou telle matière dans une institution ou un établissement et à vivre les mêmes expériences. Il est alors possible d’imaginer un collectif d’enseignant ayant les mêmes besoins par exemple, la satisfaction d’avoir réduit les écarts des niveaux de connaissances entre élèves, une réussite au baccalauréat pour l’ensemble de classe… Nous rejoindrons alors l’idée de Léontiev (1975) selon laquelle des motifs collectifs se mobilisent et se construisent au travers de valeurs43

43 « Au sens subjectif, c’est le poids qu’on accorde plus ou moins aux choses ; une hiérarchie, un découpage propre à chacun à propos de ce qu’on estime, préfère, ou au contraire qu’on néglige(…) » (Durrive et Schwartz, 2001 ; Schwartz, 2009).

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(Amigues, 2003 ; Schwartz, 2001), de normes (Schwartz, 2009), et de connaissances historico-culturellement partagées entre enseignants (Bronckart, 2004) pour satisfaire les besoins. Tout ceci constituerait alors des représentations « collectives » (Bronckart, 2004, 2012) sur la base d’une culture professionnelle commune.

3. Une activité « collective » et une activité « personnelle »

D’après le paragraphe précédent, un présupposé collectif constituant ce qui s’apparente à un genre professionnel relatif à l’évaluation, faisant référence à un passé, se matérialiserait par une forme d’activité « collective »entre pairs. Elle serait guidée par des représentations construites sur l’évaluation lors d’expériences, d’échanges et de Formations partagées. En cela, nous nous éloignerons de l’approche de Léontiev (1975) ; cette activité ne relève pas de la somme d’activités personnelles dues à la division du travail.

Néanmoins, il serait réducteur de considérer simplement cette forme d’activité.

L’enseignant a aussi son vécu professionnel qui a contribué à la construction d’une culture professionnelle personnelle par la multitude des situations d’enseignement-apprentissage auxquelles il a fait face, aux diverses relations sociales qui s’élaborent dans son établissement ou pendant les formations. En ce sens, nous allons à présent définir la notion d’activité d’évaluations formatives verbales.

4. Une activité d’évaluations formatives et verdictives verbale en SEA

Nous définirons l’activité d’évaluations formatives et verdictives (EFV) verbales comme l’activité pouvant résulter de tensions internes chez l’enseignant, en SEA (Wanlin, 2011).

Tout d’abord, ce dernier est soumis à un débat de normes (Schwartz, 2007) entre une culture professionnelle collective et une culture professionnelle personnelle qui l’oriente vers des préoccupations, c’est-à-dire vers ce qu’il souhaiterait faire (Saujat, 2004, 2011 ; Faïta et Saujat, 2010). Pour échapper à l’invivable ou l’insupportable et assurer sa propre santé (idem), il doit prendre des orientations dans l’ici et maintenant (Perrenoud, 1994 ; Wanlin, 2011) qui se caractériseraient par des ajustements et des adaptations (Monnier, 2009), en réalité des compromis (Faïta et Saujat, 2010). L’enseignant est considéré, en ce cas, comme une « personnalité » (Malrieu, 1988) qui « (…) agit même à (son) corps défendant, (mais) dans une pluralité de formations sociales qui le provoquent » (Malrieu cité par Clot, 1994, p. 184). En référence à l’approche de Vygotski (1934/1977), nous pouvons penser que les éléments constituant la SEA pourraient être « perturbateurs » et impulseraient ce débat de

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normes. L’activité d’EFV verbale dans sa dynamique jouerait le rôle de médiation entre « une culture collective » et « une culture personnelle » dans l’ici et maintenant. Toutefois, l’affranchissement de ces tensions ne serait que partiel car toute activité in situ est composée d’une activité réalisée et d’une activité empêchée (Clot, 1999 ; Faïta et Saujat, 2010). La première est celle que le professeur fait, elle est observable (Leplat et Hoc, 1983), tandis que la seconde est, celle « qu’(il) ne se fait pas, ce qu’on ne peut pas faire, ce qu’on cherche à faire sans y parvenir (…), ce qu’(il) aurait voulu ou pu faire, (…) ce qu’(il) rêve pouvoir faire ailleurs » (Clot, 1999, p. 119).

C’est l’activité d’évaluation verbale réalisée que nous décrirons dans ce travail. Elle est activée par les motifs que l’enseignant s’est fixés44, comme prendre en compte les difficultés constatées de certains élèves et organiser des régulations du processus d’apprentissage immédiat. Cependant, ce motif déterminé par la culture professionnelle renvoie souvent à un

« agir » non réalisable immédiatement car lié aussi au contexte, comme la gestion du temps et de l’ensemble des contenus à enseigner45. Dans la dynamique de l’activité d’enseignement, pour « échapper provisoirement aux tensions » entre régulation des apprentissages en direction les élèves en difficultés vs avancée du processus didactique, pour accomplir les objectifs prévus dans les programmes, il prend des positions par un processus de discernements qui orientent l’organisation des différents types d’actions d’évaluations formatives et verdictives verbales, voire des explicitations dans la temporalité de la séance.

Dans ce sens, l’enseignant cherche « le sentiment d’être pour quelque chose dans ce qui (lui) arrive » (idem, p. 47), un équilibre de santé dans lequel il ressent le pouvoir d’agir et d’accomplir ce qui lui est demandé, et ce qu’il souhaite réaliser dans les conditions situationnelles de la classe. Cependant, il resterait toujours une forme « d’insatisfaction », l’activité empêchée, pouvant être celle de ne pas suffisamment avancer dans le processus didactique ou celle de laisser certains élèves « de côté ».

Avant de préciser l’approche sur la notion d’action d’évaluation verbale, nous souhaitons à présent définir l’activité à partir de caractéristiques temporelles et spatiales.

44 Qui est une préoccupation collectivement partagée par les enseignants de collèges de physique-chimie, voir chapitre 7, §A, page 128

45 Prescription du programme scolaire

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5. Caractéristiques de l’activité d’enseignement du professeur

5.1 Une activité inscrite dans une dimension temporelle

Schwartz (2009) considère que l’activité dans sa dimension générale n’est pas prédéfinie.

« Elle n’exhibe aucune condition aux limites » (2001, p. 68), elle n’est donc pas séquentielle, c’est-à-dire décomposable temporellement. Pourtant, en considérant l’activité d’enseignement réalisée comme objet de recherche, nous rejoignons plutôt les propos d’Amigues (2003) et Venturini (2012). L’activité d’EFV verbale réalisée est bornée temporellement, mais sa durée est assez étendue (Tiberghien et al, 2007). Nous circonscrirons l’échelle de temps de l’ordre d’une, deux ou trois séances dans ce travail.

5.2 Une activité inscrite dans une dimension spatiale

Parce que nous étudions l’activité d’EFV en SEA, nous circonscrirons cette activité à la dimension spatiale de la classe (Bru, 1991 ; Clanet, 1997 ; Talbot, 1997), en présence des élèves sur des temps institutionnalisés. Cette espace d’accueil peut être une salle de classe traditionnelle (tableau, bureau du professeur et en face, les tables des élèves alignés) ou en salle de travaux pratiques.

Nous venons d’aborder une approche de la notion d’activité au regard de la spécificité de notre travail. À présent, nous allons nous diriger vers celle d’Action d’Évaluations Formatives et Verdictives verbales.

6. L’Action d’Évaluations Formatives et Verdictives verbales(AEFV)

Ce que nous nommerons « action », correspond à des éléments indicateurs de l’activité d’évaluation, c’est-à-dire ceux observables pendant les différents moments de la situation :

« (ce) qui se voit » (Clot, 1999). Elle est repérable par des « gestes, marques » verbaux (Schwartz, 2001, 2009 ; Saujat, 2011).

Nous l’avons déjà abordé dans le paragraphe 4 ci-avant, l’action d’évaluations formatives et verdictives verbales est orientée par les buts que se donne l’enseignant dans la dynamique de l’activité. Cependant ces buts ne sont pas des allants de soi. Il apparaît des tensions dues aux préoccupations dans l’ici et maintenant. Nous avons supposé selon les travaux de Mottier-Lopez (2008, 2012) qu’elles relèvent de la gestion des écarts des processus d’apprentissage en cours de séance entre élèves et de la gestion de la temporalité, pour

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permettre à une majorité d’entre eux de construire les connaissances attendues46. Pour s’en soustraire et rendre vivable son activité d’enseignement, le professeur organiserait un processus de discernements qui dans le premier cas, orienterait différents types d’actions d’évaluations formatives verbales. Il repérerait alors des éventuelles difficultés chez des élèves qu’il a ciblées, puis initierait une régulation du processus d’apprentissage. Dans le deuxième cas, le processus de discernements se concrétiserait plutôt par l’adressage d’actions verbales de type explicitation, ou par l’adressage d’actions d’évaluations formatives pour lesquelles il attendrait une réponse correcte d’un élève en réussites. Dans tous les cas, il y aurait tune avancée du processus didactique.

Aussi dans notre travail, ce sont bien ces tensions puis les processus de discernements qui vont orienter notre problématique de recherche. C’est pour cela que nous nous centrerons sur l’étude des AEFV. Ces actions peuvent alors être conçues comme des entités « segmentaires et atomistiques » pourvues de conditions aux limites qui seraient repérables à partir d’un début et d’une fin. Mais, leur durée serait peu étendue. C’est aussi dans ce sens qu’Amigues (2003) oriente ses propos en déterminant l’action comme un temps assez court, celui d’une séance par exemple. Tiberghien et al. (2007) considèrent que l’échelle de temps prise en compte dépend du type d’analyse recherché. Dans notre cas où l’action verbale du professeur correspond à des temps d’énoncés, le niveau de granularité d’analyse doit être fin. Par conséquent, elle prend une forme « atomistique » pouvant se caractériser par un mot ou une phrase, et une forme « segmentaire » car les actions verbales sont dissociables temporellement. L’échelle du temps choisie sera donc bien microscopique, de l’ordre de quelques secondes, nous le préciserons dans le chapitre 6.

Nous venons de nous centrer sur l’aspect notionnel de la terminologie « activité » et

« action ». Toutefois, l’activité ou l’action dans notre travail correspond à un « agir d’enseignement » verbal que nous avons ciblé : celui d’évaluer de manière formative et verdictive. Le paragraphe suivant consistera donc à préciser ce que nous entendons par

« évaluation », « formative » et « verdictive ».

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