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CHAPITRE II. Les réalités rurales du Nevado de Toluca : une zone vulnérable et marginalisée

2. Une exposition forte aux aléas hydro-climatiques

Le travail de terrain a permis de constater que la précarité économique est un des

facteurs d’enracinement social à ces territoires.

2.1. Des territoires stratégiques économiquement, mais à risques hydro-climatiques

L’extension du bâti dans les localités du Nevado de Toluca s’explique tout d’abord par

la propriété foncière. Rappelons qu’à l’origine ces terrains ont été destinés aux ejidos et aux

communautés indigènes. En effet, au siècle dernier, le but était de permettre l’installation des

paysans sur ces terres destinées à l’agriculture. Avec la croissance démographique de la région,

il reste de moins en moins de surfaces constructibles et les terres de culture commencent à céder

constructibles. En règle générale, dans ces localités, les familles restent groupées. Au fur et à

mesure, elles occupent les terrains familiaux encore disponibles. Toutefois, les facteurs

économiques encouragent davantage cette situation. Alors, si d’un point de vue urbanistique

ces terrains peuvent parfois être classés à risques, la facilité d’accès à la terre contribue à

l’installation de nouvelles maisons à moindre coût. En plus, les autorités des communes sont

peu regardantes sur l’occupation du sol dans cette zone et elles le sont encore moins sur le type

de constructions mises en place. Il paraît donc évident que d’un point de vue économique, il est

plus facile de construire une maison dans ces localités que dans les zones urbaines des alentours.

L’occupation des terres est d’autant plus attractive qu’il n’y a pas de grosses taxes

foncières ou autres à payer. De fait, seuls les agriculteurs doivent s’acquitter d’une taxe annuelle

par hectare cultivé, mais le montant ne dépasse jamais les 100 pesos, c'est-à-dire les 6,06 €/an

et par ha. Quant aux services, l’électricité étant inexistante dans certaines localités, seule l’eau

est payante. Toutefois, le plus souvent, il s’agit d’une petite taxe annuelle

102

qui ne prend pas

en compte les mètres cubes consommés, mais l’accès à ce service qui peut se résumer à un

simple point d’eau dans la maison.

Par ailleurs, la proximité de la forêt constitue une importante ressource pour les

populations locales. D’abord, elle fournit le bois de chauffage qui est nécessaire en période

hivernale. Ensuite, la forêt permet de combler de temps en temps les manques alimentaires qui

frappent les familles les plus démunies. Pour elles, la collecte de bois de chauffage en automne

s’accompagne très souvent en effet de la cueillette de champignons et parfois même de la chasse

aux lapins. Si cette dernière n’est pas une pratique quotidienne des populations locales, elle est

à saisir lorsque l’occasion se présente. Pour les familles les plus modestes, le petit gibier est une

source de protéines non négligeable. Enfin, en plus des produits alimentaires qui de manière

ponctuelle permettent de nourrir les populations locales, en hiver la collecte de la mousse en

forêt, puis sa vente

103

, est aussi une source de revenus qui aide à couvrir les dépenses les plus

essentielles de certaines familles.

102 Selon les personnes rencontrées dans différentes localités, la taxe annuelle de l’eau varie entre 100 et 200 pesos,

soit entre 6,06 et 12,12 euros par an. Toutefois, d’après nos interlocuteurs, dans nombreuses localités l’accès à l’eau est gratuit.

103 Dans la tradition mexicaine, il est courant qu’à Noël les familles décorent leurs crèches avec de la mousse qui

s’achète soit dans les marchés locaux soit sur le bord des routes, comme c’est parfois le cas sur la route Toluca-Temascaltepec.

Ainsi, la difficulté économique des Névadiens pour accéder à la propriété de la terre

ailleurs engendre des facteurs de risques hydro climatiques constants aux conséquences

désastreuses occasionnées : glissements de terrain suite à des épisodes pluvieux exceptionnels

sur le versant sud-ouest en 2010, perte totale des cultures en 2011 sur tout le versant nord-est

en raison des gelées précoces

104

, paralysie fréquente des localités comme Raíces ou La Puerta

en raison d’abondantes chutes de neige.

2.2. Les catastrophes du passé associées aux aléas hydro-climatiques

Selon F. Leone et F. Vinet (2006), l’exposition est la coïncidence spatiale entre les

enjeux et l’aléa, d’où la notion de risque. D’un point de vue temporel, ils assimilent l’exposition

aux phénomènes saisonniers comme les cyclones. En ce sens, l’exposition aux aléas concerne

les populations, mais aussi les milieux ou les activités qui peuvent être affectés par la présence

soudaine d’un aléa climatique.

2.2.1. Des pluies abondantes qui déstabilisent les sols sur le versant sud-ouest

Hormis à Cajones où tous les mois sont pluvieux, les précipitations se placent très

largement, entre 85% et 90% (

Tableau 10

), entre mai et octobre, avec une fréquence journalière

d’un événement tous les deux jours.

Station No. Station Cumul ppt. annuel (mm) Cumul ppt. mai-octobre (mm) Jours de pluie mai-octobre Nevado de Toluca 15062 1228,3 1088,8 ; 88,6% 115 Agua Bendita 15374 968,9 876,5 ; 90,5% 103

San Francisco Oxtotilpan 15088 1438,2 1270,1 ; 88,3% 117

Cajones 15285 2699,1 1832,4 ; 67.9% 104

Palo Mancornado 15174 927,7 823,4 ; 88,7% 97

San José Contadero 15276 1005,6 895,4 ; 89% 111

Loma Alta 15229 829,4 703,8 ; 84.85% 93

San Francisco Putla 15240 896,1 783,4 ; 87.4% 102

Tableau 10. Précipitation totales moyennes annuelles et proportion des précipitations durant la saison de pluies considérée entre mai et octobre sur les huit stations météorologiques proches du Nevado de Toluca.

Valeurs constatées entre 1951 et 2010 – source : CONAGUA, d’après les données en ligne.

Les situations extrêmes conduisent à la saturation du sol et à sa déstabilisation. Ainsi, le

05 février 2010, suite aux pluies qui se sont prolongées durant 72 heures, un important

glissement de terrain s’est déversé sur deux maisons de la localité de Mesón Viejo provoquant

ainsi la mort de 10 personnes. Des pertes matérielles ont par ailleurs été enregistrées : au moins

104 D’après le Programa Sectorial de Desarrollo Agropecuario, Pesquero y Alimentario 2013-2018 (DOF, 2013)

l’année 2010 est considérée comme l’année la plus pluvieuse jamais enregistrée au Mexique et 2011, celle où les gelées ont été le plus intenses et atypiques.

20 véhicules enterrés, une centaine d’autres bloqués sur la route Toluca-Temascatepec, la zone

affectée s’étendant sur 50 m et atteignant 1,5 m en hauteur

105

. En outre, plusieurs localités, dont

San Francisco Oxtotilpan, se sont retrouvées isolées à la suite des coulées de boue.

Aujourd’hui, les habitants de San Francisco Oxtotilpan évoquent cet événement comme

un moment historique. Ils savent que cela aurait pu finir d’une manière dramatique, comme à

Mesón Viejo. Mais, plus important encore, est qu’ils ont pris conscience du danger qu’ils

encourent à vivre dans cette zone montagneuse qu’ils croyaient sûre. Depuis, la vie a repris son

rythme, certes, mais les séquelles de ces bouleversements sont importantes. D’une part, il y a

celles qui témoignent encore de ces pluies exceptionnelles (Photo 4). D’autre part, il y a celles

que l’on ne voit pas, mais qui sont présentes dans la mémoire collective de la population locale.

Depuis ce jour-là, la population se sent en danger lorsque la période des pluies arrive et ils

avouent même ne pas se sentir en confiance pour s’introduire dans la forêt.

Photo 4. Séquelles des pluies torrentielles à San Francisco Oxtotilpan, produites le 05 février 2010. a) Arbres emportés par la pluie ; b) Ravinement de terrain; c) Maison ravagée.

Clichés : A. Salinas Rojas, le 19 novembre 2011.

105 El Sol de Toluca, 06 février 2010

2.2.2. Des gelées précoces et des pertes économiques sur le versant nord-est

L’exposition du versant nord-est aux vents froids est aussi une source constante d’aléas

pour les cultures et, par conséquent, pour les conditions de vie des agriculteurs. Ces impacts

sont d’autant plus importants que les cultures y sont majoritairement saisonnières. Selon le

Service d’Information Agroalimentaire et de Pêche

106

, l’État de Mexico est le second

producteur de maïs et d’avoine fourragère dans le pays. Il est aussi le troisième producteur de

pommes de terre. Le Tableau 11 montre que ces trois cultures sont présentes dans l’ensemble

des communes dont une partie du territoire appartient au Nevado de Toluca. C’est sur celles qui

se trouvent sur le versant nord-est que la production de ces cultures a été la plus importante en

2010 : Almoloya de Juárez (première productrice de maïs), Villa Victoria (deuxième

productrice d’avoine fourragère) et Zinacantepec (deuxième productrice de pommes de terre).

Cependant, malgré le fait que la production du reste des communes soit moins importante, dans

l’ensemble elles apportent 21 % de la production de maïs et 21 % de la production d’avoine de

l’État de Mexico. Par ailleurs, si pour l’année 2010 la production de pommes de terre de ces

communes semble moins importante (16 877 t.), que la quantité de maïs (266 595 t.) et d’avoine

fourragère (328 254 t.), la pomme de terre en provenance des communes appartenant au Nevado

de Toluca représente 38% de la production de l’État de Mexico. De fait, la commune de

Zinacantepec apporte, à elle seule, 39% de la production de ce féculent. Ces données montrent

bien l’importance agricole des communes du Nevado de Toluca aussi bien sur le plan local que

régional. Mais surtout, elles mettent en évidence les enjeux économiques du secteur agricole

face aux aléas climatiques de la région.

Principales cultures

Production 2010 Production 2010 par commune du Nevado de Toluca

État de Nevado Toluca Alm. de Juá. To- luca Villa Vict. Ten. del Va. Zinac antep ece. Cali maya Coat. Hari nas Tema scalt. Ama nalco Villa Gro. Mexico Total % PDT t. 101554 38263 38 - 360 8000 10640 15013 488 638 125 3000 - €*1000 37481 16877 45 - 153 3879 4836 6081 163 261 49 1455 - Maïs t. 1548327 328254 21 97697 86605 41548 36635 36998 25871 7560 9490 19500 2900 €*1000 290603 64608 22 17274 14994 7617 7105 5157 4620 1553 2214 3545 527 Avoine t. 1248178 266595 21 57552 6300 94560 11625 5273 10500 41450 18670 20100 565 €*1000 28100 6432 23 488 229 2865 204 145 191 1220 577 494 17

Tableau 11. Production agricole par commune du Nevado de Toluca, saison printemps-automne 2010.

Source : SIAP (siap.gob.mx/cierre-de-la-produccion-agricola-por-estado).

À partir de ces données, on peut mieux comprendre la dimension des enjeux

économiques agricoles face aux aléas hivernaux. Les gelées exceptionnelles qui ont affecté les

différentes régions du pays en septembre 2011 et particulièrement les hauts plateaux du Nevado

de Toluca, mettent en évidence l’exposition des cultures aux températures extrêmes. Ainsi, au

regard du taux d’affectation des gelées sur les cultures par commune (Figure 13), on s’aperçoit

que des dégâts ont eu lieu sur l’ensemble de communes du Nevado de Toluca, mais qu’ils ont

été particulièrement graves sur le versant nord-est.

Sur les 26 432 ha de maïs cultivés à Almoloya de Juárez, 20 000 (80%) ont été reconnus

comme sinistrés

107

. Dans les autres communes, les dégâts moins importants ne sont pas

négligeables. A Villa Victoria et à Tenango del Valle, plus du 50% des superficies cultivées ont

été affectées. Il en est de même pour la culture de pommes de terre dont le meilleur exemple

est celui de Zinacantepec, où la récolte de pommes de terre n’a concerné que 15% (347 ha) du

total cultivé (2 347 ha). Ceci a été une situation véritablement catastrophique car même si à

Temascaltepec la perte de pommes de terre été totale, cela n’a représenté que 9,2 ha

108

.

Figure 13. Taux de cultures affectées par des gelées précoces au Nevado de Toluca, printemps-été 2011.

Source : SIAP (siap.gob.mx/cierre-de-la-produccion-agricola-por-estado).

D’après plusieurs cultivateurs rencontrés à Zinacantepec, alors que le rendement moyen

habituel est de 25 tonnes de pommes de terre par hectare, en 2011 la pomme de terre a poussé

difficilement et les récoltes n’ont donné que cinq tonnes par ha. D’ailleurs, étant donné que

cette maigre production n’a pas été de bonne qualité, son prix sur le marché est parti à la baisse.

107www.siap.gob.mx

108 Ces dégâts restent exceptionnels, mais ce n’est pas la première fois qu’ils se produisent. D’après Matías

Ramírez L. G, et al. (2001), en janvier 1992, 100 mil agriculteurs ont été affectés également par la perte de leurs

cultures comme conséquence des gelées qui se sont abattues sur la commune de Zinacantepec, où la température est descendue jusqu’à -14°C.

Au dire des agriculteurs, le kilo de pommes de terre varie entre cinq et sept pesos

(0,30-0,42 centimes d’euro), ce qui permet, dans le pire des cas, d’avoir un retour d'investissement

et, dans le meilleur des cas, de gagner un peu d’argent. Or en 2011, aux halles (central de

abasto) de Toluca, le prix de la pomme de terre n’a pas dépassé un peso et cinquante centimes,

soit 0,09 centimes d’euro/kilo. Dans ces conditions, la perte a été totale. De nombreux

producteurs ont même préféré abandonner la pomme de terre sur le champ plutôt que d’engager

encore des frais pour la récolte.

À la différence de la pomme de terre produite à des fins commerciales, le maïs est

destiné à l’autoconsommation. En ce sens, le gel sur les cultures de maïs a eu pour impacts

principaux de généraliser les pertes des petits et des moyens producteurs, entraînant ainsi à des

conséquences tout aussi graves. Au-delà des pertes économiques, ceci a accentué la pauvreté

des ménages par l’indisponibilité de la céréale de base de leur alimentation (Photo 5)

.

Photo 5. Récolte de maïs affecté par les gelées du 07 septembre 2011 à Dilatada Sur.

À gauche, des épis de maïs endommagés par le gel ; à droite, des épis de maïs moins endommagés mais pas suffisamment développés – clichés : A. Salinas Rojas, le 13 novembre 2011.

2.3. Incapacité institutionnelle face aux aléas hydro-climatiques

La capacité de réponse des institutions publiques face aux aléas hydro-climatiques

enregistrés dans la région du Nevado de Toluca s’avère limitée. Les autorités de différentes

communes n’affichent pas de prédisposition à anticiper l’apparition de perturbations humaines,

économiques, organisationnelles ou autres en cas d’éventuelles intempéries. En cas de

phénomènes naturels inattendus, les institutions gouvernementales et les autorités locales ont

tendance à agir de façon dispersée, entraînant ainsi un retard dans les réponses lors des

catastrophes naturelles. La coulée de boue survenue en 2010 à San Francisco Oxtotilpan, dans

la commune de Temascaltepec, illustre cet état de fait (Encadré 1). La population locale a

accusé les institutions gouvernementales de ne pas avoir réagi correctement face aux besoins

des sinistrés et éprouve le sentiment d’avoir été abandonnée face à une déstabilisation sociale

répandue dans toute la localité. D’ailleurs les habitants de San Francisco Oxtotilpan affirment

avoir dû s’organiser eux-mêmes pour faire face aux dégâts causés par la boue qui avait envahi

les rues de cette petite localité indigène. Ils racontent avoir dû être solidaires pour faire en sorte

que le retour à la normale dans leur localité arrive dans le plus court délai.

Encadré 1

L’incapacité institutionnelle face aux coulées de boue

D’après les habitants de San Francisco Oxtotilpan, le 05 février 2010, une grande coulée de boue a emporté sur son passage des rochers, des arbres et a même détruit la maison d’un de leurs. Ils décrivent ce moment comme une situation difficile et triste à la fois puisque tous les chemins étaient coupés, le paysage désolé et aussi parce que, même si diverses autorités gouvernementales se sont déplacées sur la zone sinistrée, l’aide apportée n’a pas été à la hauteur des attentes. C’est ce qu’a expliqué un des interviewés :

« C’était à eux [les autorités gouvernementales] de nous aider, surtout d’aider ceux qui ont perdu leur maison […] ils auraient dû leur proposer de les reloger ailleurs et même, ils auraient pu les aider à refaire leur maison en leur apportant des matériaux, mais ça n’a pas été le cas […] On n’a pas été soutenu comme il l’aurait fallu. Quelques tôles ondulées et quelques vivres, ce n’est pas ce que l’on attendait » (Habitant de San Francisco Oxtotilpan, communauté agraire de San Francisco Oxtotilpan ; le 22 novembre 2011).

D’autres situations survenues lors des pluies exceptionnelles de février 2010 confirment

l’incapacité des institutions gouvernementales à apporter une aide d’urgence aux populations

sinistrées ou fragiles. À Dilatada Sur, par exemple, au nord du Nevado de Toluca, la pluie n’a

pas occasionné des dégâts majeurs mais, à la suite de quatre jours de pluie incessante, l’eau

traversait les murs de certaines maisons. Évidemment, ceci a provoqué la crainte parmi la

population la plus fragile de voir les maisons s’écrouler. Selon les autorités locales, lorsque la

pluie s’est arrêtée, la population s’est approchée d’elles pour solliciter de l’aide institutionnelle

afin de prendre en charge leurs maisons. Les autorités locales se sont donc adressées aux

institutions gouvernementales d’Almoloya de Juárez, puisque dans des cas comme celui-ci,

elles sont obligées de traiter directement de l’aide d’urgence avec les autorités de leur

commune. Mais l’aide apportée s’est traduite seulement par des tôles ondulées (mais en carton)

pour les maisons dont le toit avait besoin d’être protégé et par divers vêtement usagés. Devant

pareil constat, les autorités locales n’ont pas hésité à dénoncer une aide inadaptée à une situation

d’urgence, puis ont laissé transparaître un sentiment d’amertume vis-à-vis de ce manque

d’engagement officiel.

Ces gelées de 2011 ont révélé aussi l’incapacité financière des institutions

gouvernementales à faire face aux sinistres météorologiques sur les zones de culture. Étant

donné que cette année-là le gel a affecté différentes régions du pays, plusieurs mesures ont été

mises en place à l’échelle régionale. Ainsi, dans l’État de Mexico, le Programa Integral de

Apoyo a Productores afectados por Siniestros Climatológicos a cherché à dédommager les

cultivateurs de maïs, mais sans prendre en compte les dégâts enregistrés sur les cultures

d’avoine ni de pommes de terre. Les indemnisations ont été réparties dans la limite maximale

de trois hectares par cultivateur et au taux de 1 100 pesos/ha., soit 67 €/ha, ce qui a provoqué

l’indignation de nombreux paysans. Les discussions lors des focus group, avec les agriculteurs

locaux nous ont appris que le coût de production d’un hectare de maïs est en moyenne de 14 000

pesos (soit +/-850 €). Selon la zone de production, ces coûts variables de 1 à 3 sont liés à

différents facteurs naturels comme l’altitude ou l’exposition. Les indemnisations ne

représentent même pas 10 % des frais engagés. La plupart de cultivateurs ont certes accepté

d’être indemnisé mais l’aide apportée est donc loin d’avoir pallié les pertes.

D’après les agriculteurs eux-mêmes, ces pertes ont occasionné une déstabilisation sans

précédent du secteur agricole. En effet, la plupart d’entre eux n’ont pas d’assurance en cas de

sinistre. Par ailleurs, beaucoup cultivent leur terres en contractant des crédits informels auprès

de leur famille, d’amis ou en passant par de prêts sur gage devant être à remboursés une fois la

récolte réalisée. De fait, bon nombre d’agriculteurs d’Ojo de Agua et de Contadero ont dû

vendre leurs engins agricoles ou leurs voitures pour assurer leurs remboursements, comme le

souligne l’un d’entre eux à Ojo de Agua :

« […] le 29 septembre de l’année dernière nous avons eu une forte gelée qui nous a donné des pommes de terre de taille moyenne. Cette année le gel est arrivé avant et ça nous a quasi tués. Dans ces conditions, c’est une affaire qui nous revient trop chère puisqu’on est perdant à chaque fois. Franchement, les pommes de terre nous ont donné, mais aussi, elles sont en train de nous enlever le peu de choses que nous avons réussi à avoir […] »

Dans l’ensemble, ces éléments accentuent les conditions de pauvreté déjà présentes dans

ces milieux ruraux et favorisent la reproduction d’un cercle vicieux pauvreté-vulnérabilité.