Après avoir mis en avant les dynamiques de redistribution du foncier et d'exploitation
des forêts au filtre de l’histoire du Mexique, on peut comprendre pourquoi nombre de sources
estiment que la perte de couvert forestier, avec les effets secondaires que cela peut engendrer,
a atteint actuellement un stade critique. Il est vrai qu’au cours de ces dernières décennies, les
politiques de développement économique et de distribution de terres ont favorisé une
exploitation productive à court terme, mais aux bénéfices économiques éphémères. Par ailleurs,
le développement urbain a entraîné la fragmentation des écosystèmes forestiers. Quels sont
toutefois les effets mesurables de cette diminution du domaine forestier ? Quels sont les impacts
sur le développement social et économique actuel ? Cette partie s’appuie sur les estimations et
les discours officiels relatifs à la perte de couvert forestier. Afin de permettre au lecteur de
découvrir le contexte régional dans lequel s’insère notre objet d’étude, nous proposons
d’illustrer le propos avec la situation actuelle du bassin versant du rio Lerma, au nord-est du
Nevado de Toluca, dont la source se trouve au niveau du volcan.
41 Dans le cadre du programme bracero (1942-1964), la main d’œuvre mexicaine pouvait être employée, de
2.1. Déforestation et appauvrissement du couvert végétal à l’échelle nationale
Au vu des transformations spatiales et sociales de la seconde moitié du XXe siècle, le
changement d’utilisation du sol est, sans aucun doute, la cause la plus importante de la perte de
couvert forestier. A. Challenger et R. Dirzo (2009) affirment qu’en 2002, la surface boisée du
Mexique n’atteignait plus que 38% de la couverture originelle. L’écosystème le plus touché est
la forêt humide, dont on ne compte plus que 17,5% de la superficie originelle. De fait,
l’Inventaire National d’Usage du Sol de 2011
42estime, qu’entre 1976 et 2001, la diminution du
couvert forestier a été de 545 000 ha par an, dont 263 570 ha correspondent aux forêts
tropicales, 194 500 ha aux matorrals et 86 700 ha aux forêts tempérées (Barton Bray et al.,
2007). Étant donné que le Mexique est l’un des 12 pays qui concentrent environ 70% de la
biodiversité de la planète, la disparition des forêts conduit à la fragmentation d’habitats naturels
où l’on trouve 81% des 25 000 espèces végétales et plantes vasculaires et 75% des 1 352
espèces de vertébrés du pays (Barton et Merino, 2005). D’un point de vue social et économique,
les bois tempérés (Pinus spp., Abies spp. et Quercus spp.) représentent une source d’énergie
importante pour les populations rurales et indigènes les plus pauvres du pays. A l’égard du
caractère endémique de ces forêts, on retrouve cette réalité sociale dans la Sierra Madre
occidentale, Sierra Madre Orientale et Sierra Madre du Sud, ainsi que sur l’axe néovolcanique
transversal mexicain, dont fait partie le Nevado de Toluca.
2.2. Caractéristiques forestières du Nevado de Toluca
Quatrième montagne du pays en altitude, le Nevado de Toluca peut être délimité par le
niveau d’altitude 3 000 m, correspondant à la limite des différents périmètres de protection de
la nature
43qui s’y sont succédé et actuellement à l’Aire de Protection de la Flore et de la Faune
(A
PFF). Il présente ainsi une superficie totale de 53 915 ha (Franco Maass et al., 2009),
distribuée entre 10 communes (Carte 5) : Almoloya de Juárez, Villa Victoria, Amanalco de
Becerra, Temascaltepec, Coatepec Harinas, Villa Guerrero, Tenango del Valle, Calimaya,
Toluca et Zinacantepec (C
ONANP, 2013).
42 Nous avons considéré cette source car selon les commentaires de D. Barton Bray et al. (2007), il s’agirait des
données les plus fiables à partir d’images satellite. La réalisation de l’inventaire a été confiée à l’Institut de
Géographie de l’Université Autonome de Mexico (UNAM) pour l’INEGI, ainsi que pour la SEMARNAT.
43 Ce périmètre permet en effet, un accès commode aux données environnementales puisqu’il correspond à la limite
Carte 5. Le Nevado de Toluca dans le contexte régional : division territoriale par municipio et par localité.
Sur cette superficie, les bois de résineux (pin et oyamel (Abies religiosa)) sont les plus
abondants (66%), puis les essences de Latifoliées
44(5%) et, dans une moindre proportion
encore, les bois de cèdres (1%). Ainsi la couverture boisée correspond à 72% de l’espace
protégé. Le reste relève d’une utilisation agricole ou d’une couverture non-forestière (pelouse
alpine d’altitude principalement), toutes deux en proportions presque égales [Carte 6] (Franco
Maass et al., 2009).
44 S. Franco Maass et al., (2006) regroupent les bois d’aulne et de chêne en une seule variété car ces deux espèces
Carte 6. Végétation et usage du sol au Nevado de Toluca.
(Source : Franco Maass et al., 2009, p. 15 ; traduction personnelle).
L’ensemble de forêts est distribué de manière différenciée selon le versant et selon
l’altitude. La forêt de Latifoliées, par exemple, composée de bois de chêne (Quercus spp.) et
d’aulne (Alnus acuminata) se développe entre 2 800 et 3 200 m d’altitude. Elle est peu présente
sur le versant est, où la culture du maïs, de l’avoine et de la pomme de terre a déjà remplacé le
couvert forestier. Vers 3 200 m d’altitude, sur ce même versant, s’étendent quelques hectares
de cèdre
45. Par ailleurs, la forêt d’oyamel (Abies religiosa), dont les limites vont de 3 000
jusqu’à 3 400 m d’altitude, est plutôt propre aux versants nord-ouest et sud-ouest. On distingue
aussi quatre types de forêts de pins : Pinus montezumae, Pinus pseudostrobus, Pinus ayacahuite
et Pinus hartwegii. En général, ces forêts se développent autour de 3 200 m d’altitude, sauf la
dernière précitée caractéristique des zones beaucoup plus élevées, entre 3 500 et 4 000 m
d’altitude (Endara Agramont, 2007). Aux altitudes plus élevées (autour de 4 100 m), la
végétation arborée est rapidement remplacée par des pelouses alpines et par des chardons
(Sánchez, 1994). Enfin, plus haut encore, des éboulis recouvrent les versants (Figure 6).
45 S. Franco Maass et al. (2006), précisent que la présence de cèdres s’explique par des reboisements précédents.
En effet, lors de nos recherches de terrain, nous avons appris que le cèdre est une espèce exotique introduite dans la région en 1980.
Figure 6. Principalesespècesforestièrespartranched’altitudeauNevadode Toluca (versantnord-est).
Source : réalisée à partir des travaux d’Endara Agramont (2007) sur les espèces forestières au Nevado de Toluca. Les autres données sont issues de relevés personnels sur le terrain.
2.3. Changements dans la densité du couvert végétal
Connaître la dynamique du couvert forestier à travers le temps est, sans doute, un
indicateur clé de la pression anthropique exercée sur les forêts. En ce sens, une analyse récente
du couvert végétal, par photo-interprétation et par Systèmes d’Information Géographique
(SIG), au Nevado de Toluca (Franco Maass et al., 2006b), a fourni des estimations sur les
changements de la superficie forestière entre 1972 et 2000. D’une manière générale, les
résultats de cette étude indiquent que le taux moyen de déforestation a été de 0,48% par an, ce
qui équivaut à une diminution d’environ 156 ha par an, soit une perte totale de près de 4 370 ha
pour la période de référence. De manière plus spécifique, cette étude fait apparaître quelques
points particulièrement intéressants
46.
D’abord, on observe que selon les différentes espèces de bois, la perte forestière est très
inégale (Tableau 2). Ainsi, alors que la forêt d’oyamel présente des conditions plutôt favorables
46 Cependant, l’étude n’apporte pas de précisions sur les causes de la disparition des forêts (catastrophes naturelles,
puisqu’elle enregistre une légère augmentation entre 1972 et l’an 2000, la forêt de pins, quant
à elle, est une des plus affectées par la déforestation. Sa diminution est d’environ 190 ha par an,
soit un taux de déforestation annuel de près de 1,30%, ce qui représente une perte totale estimée
de plus de 3 473 ha au cours des 28 ans écoulés. De fait, ceci équivaut à 79,5% de la
déforestation totale indiquée pour le Nevado de Toluca. D’après S. Franco Maass et al. (2009),
les raisons en sont la valeur commerciale du bois de pin (Pinus ayacahuite) important pour la
fabrication de meubles et la construction, et aussi son utilisation fréquente comme bois de
chauffage. Quant à la forêt de cèdres, sa situation est forcément positive car elle est le fruit
d’actions de reboisement qui ont eu lieu au début des années 1980. Enfin, pour ce qui est des
Latifoliées, le taux de déforestation reste très faible.
Catégorie 1972 (ha.) 2000 (ha.) Variation annuelle (%) Variation annuelle (ha) Variation totale (ha) Forêt d’oyamel 14 400,16 14 816,58 0,150 23,13 416,42 Forêt de cèdre 0,00 259,72 - 9,27 259,72 Forêt de pin 16 955,32 13 481,84 - 1,270 - 192,97 - 3 473,48 Forêt de latifoliées 2 034,76 2 023,76 - 0,027 -0,61 - 11,00
Tableau 2. Variation des superficies forestières au Nevado de Toluca selon les types de forêts, 1972-2000.
Source : Franco Maass et al., 2006b.
S. Franco Maass et al. (2006b) livrent également le détail du changement de la superficie
forestière au fil du temps. Leurs analyses partent d’une nouvelle classification selon la densité
du couvert forestier (dense, semi-dense et fragmenté)
47. Ils considèrent également la superficie
agricole existante en 1972 et en 2000 (Tableau 3). Ainsi, cette reclassification permet de
constater : d’une part, la réduction importante de la forêt de pins (en 28 ans, la forêt dense et
semi-dense de pins a perdu presque la moitié de ses individus) ; d’autre part, une diminution de
la superficie agricole, de l’ordre de 3,9% ce qui voudrait dire que la pression sur la forêt n’est
pas une conséquence de l’avancement du front pionnier, mais d’un défrichement délibéré.
47 La reclassification réalisée par S. Franco Maass et al. (2006b), fait référence au « bois dense » lorsque la forêt,
quelle qu’elle soit, n’a aucune autre association végétale ; bois semi-dense, lorsque la forêt présente une association végétale secondaire, des zones d’agriculture ou simplement des zones sans végétation ; enfin, le « bois fragmenté », regroupe les légendes indiquant toute association végétale secondaire, agricole ou sans végétation mais avec au moins une association secondaire de type forestier.
Classe 1972 (ha) % 2000 (ha) % Variation (ha) %
Agricole 8 346,34 15,85 8 023,16 15,23 -323,18 -3,87
Forestier oyamel dense 13 301,44 25,25 13 040,22 24,76 -261,22 -1,96
Forestier oyamel semi-dense 1 098,72 2,09 1 776,36 3,37 677,64 61,68
Forestier oyamel fragmenté 1 048,28 1,99 1 347,64 2,56 299,36 28,56
Forestier cèdre dense Non
identifié
Non identifié
140,92 0,27 140,92 100,00
Forestier cèdre semi-dense Non
identifié
Non identifié
118,80 0,23 118,80 100,00
Forestier cèdre fragmenté Non
identifié
Non identifié
37,56 0,07 37,56 100,00
Forestier pin dense 13 279,24 25,21 7 814,52 14,84 -5 464,72 -41,15
Forestier pin semi-dense 3 676,08 6,98 5 667,32 10,76 1 991,24 54,17
Forestier pin fragmenté 2 339 4,44 4 691 8,91 2 352,48 100,58
Forestier latifoliée dense 859,64 1,63 1 060,52 2,01 200,88 23,37
Forestier latifoliée
semi-dense
1 175,12 2,23 963,24 1,83 -211.88 -18.03
Forestier latifolié fragmenté 519,12 0,99 574,92 1,09 55,80 10,75
Autres usages non forestiers 7 028,28 13,34 7 414,60 14,08 386,32 5,50
Tableau 3. Comparatif d’usages du sol entre 1972 et l’an 2000 au Nevado de Toluca.
Source : Franco Maass et al., 2006b.
En ce qui concerne le bois d’oyamel, la pression sur les ressources forestières est moins
forte que sur le pin, mais la tendance est similaire. Les bois semi-denses ainsi que les bois
fragmentés sont les plus affectés par la déforestation.
Quant aux Latifoliées, leur diminution est d’à peine 0,26%, soit 11 ha au total. Pour
autant, il s’agit « […] pour la plupart d’individus âgés qui ne parviennent plus à reproduire
des semis viables pour le développement de nouvelles plantules et le peu de repousses existant
est confronté au problème de tassement des sols à cause du pâturage » […] (Franco Maass et
al., 2009 , p. 21). En ce sens, ce type de forêt se trouve confronté à une situation de
fragmentation en puissance, entraînant ainsi la perte conséquente d’espèces endémiques
(Franco Maass et al., 2006). Enfin, pour ce qui est des oyamels, l’étude montre qu’à la
différence des deux autres espèces, celle-ci se trouve dans une phase de récupération, en
augmentation de 400 ha entre 1972 et 2000. Cependant, cette étude ne donne aucune explication
à ce surcroît de la population d’oyamels. En revanche, d’autres sources (Franco Maass et al.,
2009) supposent qu’il s’agirait d’une amélioration des conditions climatiques sous lesquelles
se reproduit cette espèce, ce qui engendrerait une régénération beaucoup plus rapide que celle
du temps d’extraction.
Par ailleurs, il convient de souligner que de l’existence de ces forêts dépend la
reproduction de nombreuses ressources de grande importance économique pour les populations
locales : de la mousse, des champignons et aussi de la perlilla (Symphoricarpos microphyllus
magasins de vanneries à Toluca, ainsi qu’auprès des mairies du District Fédéral et de Toluca
48.
Elles l’utilisent pour l’élaboration de balais artisanaux employés dans le nettoyage des rues de
la ville.
2.4. Principales causes de la réduction des forêts au Nevado de Toluca
2.4.1. La pression agricole
Malgré la vocation forestière de cet espace protégé, l’agriculture et le pâturage font
partie des activités économiques traditionnelles dans la région. Ces terres ont été attribuées
légalement aux populations locales à travers la réforme agraire. Ceci explique qu’aujourd’hui
67,6% de la superficie totale du Nevado de Toluca correspond à des ejidos, 18,9% à des biens
communautaires, 5,4% à de la propriété privée ; et 4,1% appartient à l’État, 2,5% l’information
n’est pas donnée et 1,5% se trouve en propriété contiguë (Carte 7). Mais il ne faut pas oublier
que la réforme agraire n’a fait que redistribuer les terres qui, au moins depuis la fin du XIX
esiècle, étaient déjà soumises à l’exploitation agricole par les hacendados.
48 Dans le cas de la localité de San José Contadero, il s’agit d’un réseau d’intermédiaires, hors Nevado de Toluca
(Zinacantepec et Toluca), qui vient régulièrement acheter des cargaisons de perlilla à quelques petits groupes de
cueilleurs locaux qui, eux, la collectent dans différents ejidos (San Antonio Acahualco, San Cristóbal Tecolit et
Tlacotepec). Autre la fabrication de balais, la perlilla est utilisée dans le tressage d’artisanats propres à la période
Carte 7. Distribution de la propriété foncière au Nevado de Toluca
Source : élaborée à partir de Vulling (2008) et de PROBOSQUE.
Dans cet environnement montagneux, où l’agriculture est majoritairement saisonnière
et familiale, très peu technicisée, les principales cultures d’autoconsommation comme le maïs,
les haricots, les fèves ou l’avoine ne sont pas des cultures rentables et, souvent, sont soumises
à des extrêmes hydrométéorologiques qui provoquent alors leur perte totale
49(C
EPANAF, 2008).
Au-delà du coût économique, plusieurs préjudices environnementaux sont identifiés. À titre
d’exemple, l’abandon d’exploitations non rentables accroît les risques d’érosion des sols
(C
ONANP, 2013). La culture de la pomme de terre est aussi une activité fréquente dans la région,
mais avec des dynamiques agricoles plus agressives pour les sols. D’abord, il s’agit d’une
culture qui nécessite un apport important de produits agrochimiques
50tout au long du cycle de
culture. En outre, cette culture se fait dans le sens de la pente afin d’éviter l’excès d’humidité,
ce qui renforce les pertes en terre (Avila Islas et al., 2012 ; Dolci P., 2013). L’impact est d’autant
plus important que les bénéfices économiques de la pomme de terre suscitent l’accaparement
de terres, louées par des entreprises privées (C
ONANP, 2013) et aussi par des particuliers. Quant
au pâturage, celui-ci est considéré comme la principale cause d’incendies délibérés durant la
saison sèche. En effet, pour certains éleveurs, le feu présente des avantages : il détruit l’herbe
non pâturable, stimule de nouvelles pousses durant la saison de pluies et assure des apports
nutritionnels au bétail. Cependant, sur le long terme, des feux trop fréquents entraînent des
impacts négatifs : ils détruisent la matière organique concentrée dans le sol, ce qui favorise son
érodibilité et altère sa fertilité.
Dans ces conditions, la déstabilisation du milieu forestier, par déforestation comme par
érosion, entraîne irrémédiablement le déséquilibre de ces écosystèmes et surtout une diminution
de la capacité d’infiltration de l’eau. Bien évidemment, cette situation n’est pas seulement une
conséquence de la réforme agraire, mais plutôt l’effet des politiques économiques, sociales et
de la croissance démographique de la ville de Toluca qui, à une quinzaine de kilomètres de cet
espace protégé, exerce une pression anthropique non négligeable.
2.4.2. L’extraction de sable et de gravier
Un autre phénomène qui contribue à la déforestation du Nevado de Toluca est
l’exploitation de gisements de sable et de gravier. Selon les données officielles (Ifomegem,
2012)
51, il existe sept sites d’extraction de sable et de gravier, ainsi qu’un nombre non précisé
de carrières de tepojal (roche volcanique similaire au pumice) au-dessus de 3 000 m d’altitude,
dont cinq seraient en activité. Selon la même source, la seule mine autorisée à travailler est
dotée d’un programme de fermeture pour la réhabilitation des terrains, contrôlé par le
50 Durant le travail d’enquêtes de terrain par des focus-group (décembre 2012-janvier 2013), on a appris que divers
produits sont appliqués pour la culture de pomme de terre. D’abord pour préparer le sol (incecticides/fongicides de type Furadan, Interguzan et CruiserMaxx), ensuite pour empêcher la propagation de végetaux indésirables (herbicides de type Sencore et Lexone) et, enfin, pour fertiliser et éviter l’apparition des maladies (Vitamines, fertilisant à base de phosphate et de potassium de type Agro-k, insecticides/fongicides de type Tamaron, Monitor, et Manzate, entre autres) durant la période de croissance, soit 90 ou 120 jours en fonction des variétés.
Secrétariat de l’Environnement de l’État de Mexico : la mine de Las Lágrimas (Photo 1), qui a
été en activité au moins jusqu’en 2012. Pour les autres, il n’y a pas d’information.
Photo 1. Gisement de sable et de gravier localisé dans l’ejido « Las Lágrimas », à 3 157 m d’altitude dans la
commune de Zinacantepec.
a) Vue générale de la carrière, b) Engin en train de prélever du sable et c) Profondeur de la carrière exploitée, supérieure à la taille des arbres (environ 40 m). Clichés : A. Salinas Rojas, novembre 2011.
Cependant, cette activité demeure inquiétante. Les gisements les plus productifs, comme
ceux situés au sud du Nevado, à Calimaya, sont en fonction la nuit. La destruction de la forêt
au passage des bulldozers est ainsi réalisée sans aucune contrainte et les arbres sont enterrés
dans les fossés d’exploitation de pelleteurs ou traînés plus loin. D’après le témoignage d’anciens
travailleurs d’une de ces mines, lors des contrôles, il y a toujours moyen de trouver un
arrangement financier entre les parties. En général, on extrait du sable, du gravier et du granzon
(plus fin de que le gravier). Mais on trouve aussi d’autres matériaux comme le tepojal qui,
trituré et moulu sur place, est transformé en briques. Par ailleurs, les grosses pierres, dites « de
boule », sont utilisées dans les travaux publics pour la construction de ponts, tout comme le
tepetate
52qui sert à la construction de routes. La vente de terrains potentiellement exploitables
se fait directement entre l’exploitant et le propriétaire du terrain. En fait, ce dernier vend le
produit à l’exploitant, c'est-à-dire sous la forme d’une sorte de concession d’une durée de deux
mois en moyenne, temps nécessaire à l’extraction de tout le matériau. Dans le meilleur de cas,
le terrain est ensuite aplani et rendu au propriétaire, prêt à être cultivé mais dénudé. Dans
d’autres cas, les terrains sont plus riches en matériaux, on creuse alors sans cesse, le terrain dans
ce cas est dit « mort » et le sol stérile est abandonné.
Cette pression anthropique sur la forêt et sur le sol est suivie d’autres perturbations
majeures. Les engins lourds compactent le sol. Comme D. Anton et C. Díaz Delgado (2000) le
soulignent, lorsque la terre est dénudée, l’infiltration de l’eau est radicalement modifiée et le
52Terme náhuatl qui signifie « lits de pierre », le tepetate se rencontre sur les versants de massifs volcaniques de
l’axe néovolvanique transversal. Les tepetates sont des tufs volcaniques relativement jeunes (10 à 40 000 ans).
« […] Les tepetates sont massifs, peu poreux, quasi stériles, dépourvus d’azote et de matière organique, carencés en phosphore, avec une microbiologie très réduite […] » (Prat et al, 1998).