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CHAPITRE III. Enjeux socio-spatiaux de la protection forestière au Nevado de Toluca

2. Un système socio-économique et politique en transformation

D’une manière générale, la lecture géographique que nous avons réalisée sur le Nevado

de Toluca, bien que non exhaustive, rend compte de la « dimension sociale » qui, au sens large

du terme, pèse sur cet espace protégé. A cet égard, les notions de lieu, d’espace social et de

territoire ont été fructueuses. Elles nous ont permis d’aller au-delà d’une simple description des

activités socio-économiques qui, de fait, n’aurait donné qu’une vision partielle, et, surtout,

superficielle de la réalité sociale. A l’heure actuelle, où les instances gouvernementales insistent

sur l’importance de la protection et de la conservation forestière de cet espace protégé, cela

aurait accentué l’idée que la pression anthropique y « persiste ». En effet, prenant appui sur les

conditions de marginalité et de pauvreté des Névadiens, les questions économiques auraient

rapidement pris le dessus pour justifier la relation des populations locales envers cet espace

« protégé ». Mais en faisant de la sorte, on aurait écarté la possibilité de passer par des questions

culturelles pour comprendre le rôle de ce massif dans la vie quotidienne des Névadiens. De

même que, nous aurions fait l’impasse des questions politiques qui peuvent aider à comprendre

les rapports sociaux dans l’espace.

2.1. La réalité locale en amont de la gestion forestière

En essayant de garder une position neutre dans l’interprétation de la réalité du Nevado

de Toluca, il nous a paru plus pertinent d’aller en amont des dynamiques socio-spatiales pour

mieux comprendre les rapports socio-spatiaux. Nous retenons alors les éléments suivants :

2.1.1. La dimension sociale est ancrée dans le temps et dans l’espace

Cette dimension rend compte des significations et des valeurs sociales que les

populations locales attribuent au Nevado en fonction des expériences, de croyances et de vécus

communs, qui, en même temps, servent à structurer leur organisation sociale et leurs pratiques

quotidiennes dans l’espace. Mais, étant donné que chaque localité est spécifique par son

histoire, son héritage culturel, son vécu, on doit accepter que le Nevado de Toluca soit investi

de valeurs et de symboles multiples et distincts donnant naissance à divers « petits univers »

socio-spatiaux. Pourtant, chacune de ces façons de se représenter l’espace névadien est, pour

les uns comme pour les autres, une façon de s’approprier symboliquement une portion de

l’espace pour en faire leur espace où se déroulent toutes leurs pratiques collectives, autrement

dit, pour en faire leur territoire. Ce qui veut dire que le Nevado de Toluca est un ensemble de

territoires symboliques.

2.1.2. La marginalité est socio-économique, mais pas politique

Les rapports socio-spatiaux des Névadiens ne pourraient pas s’expliquer aujourd’hui

sans tenir compte des questions politiques, autant pour le développement local que pour la

protection de la forêt. D’une part, les nouveaux acteurs politiques qui s’invitent sur la scène

locale font « sensation » et modifient le comportement interindividuel des acteurs. Les

territoires que l’on croyait stables parce que consolidés au fil du temps par des expériences

communes et par des liens solidaires se recomposent aujourd’hui. Ils intègrent des acteurs et

des réseaux externes en lien. Mais, si dans certains cas, cela se traduit plutôt par des effets

positifs, dans d’autres on observe de nouveaux rapports de pouvoir qui s’installent à l’échelle

locale et de nouvelles formes d’injustice sociale. D’autre part, on observe aussi que les

politiques forestières (sans entrer encore dans le détail de leur application à l’échelle locale) ont

modifié également les pratiques quotidiennes des populations. Elles ont parfois accentué leurs

conditions de pauvreté et, bien que moins visibles, créé des tensions sociales autour de

l’utilisation des ressources forestières. Dans ce contexte, les populations locales ne sont plus

complètement maitresses de leur organisation locale ni les seules à s’intéresser à « leurs »

ressources forestières.

2.1.3. L’organisation socio-spatiale est en pleine transformation

Il est déjà loin le temps où les Névadiens vivaient isolés et où l’on savait peu sur eux,

tout en considérant qu’ils étaient tous pareils : marginalisés, passifs et avec très peu, voire sans

capital social. Mais on ne gagne rien à sous-estimer ces populations locales à qui on demande

de protéger les ressources forestières dont elles sont les propriétaires. Il a été vu que face aux

contraintes actuelles pour utiliser ces ressources, elles arrivent à trouver des solutions pour

continuer à se procurer du bois. On a aussi constaté qu’à l’arrivée des acteurs extérieurs, les

Névadiens parviennent à s’adapter aux changements pour atteindre leurs objectifs communs,

sans que pour autant cela vienne modifier leur structure d’organisation interne. Ces populations

arrivent aussi à se servir de leur capital social, de leurs qualités organisationnelles et

relationnelles pour atteindre leurs objectifs communs auprès des acteurs institutionnels.

Cependant, ces qualités organisationnelles sont développées dans un jeu de règles locales et de

valeurs sociales qui structurent la façon dont les Névadiens interagissent au quotidien entre eux,

et qui servent d’appui aux projets institutionnels de développement local (Tableau 17).

Facteur Effet sur l’organisation sociale à l’intérieur des localités Nombre d’habitants à l’intérieur

des localités

Les localités à population réduite ont tendance à s’organiser collectivement parce qu’en général tout le monde se connait et que la plupart des gens interagissent entre eux. Il est plus facile d’établir des accords et des engagements collectifs avec des gens que l’on connait qu’avec des inconnus à qui l’on aurait du mal à faire confiance. Existence de liens sociaux forts

(amicaux ou familiaux)

Plus il y a de liens sociaux forts et plus la population locale s’engage sur des discussions à propos d’intérêts collectifs et des besoins qui touchent l’ensemble de la localité.

Partage de valeurs identitaires fortes (religieuses, idéologiques et/ou culturelles)

Aident à créer de la cohésion sociale entre les individus. Lors d’un projet commun, la cohésion sociale justifie et légitime l’action collective des acteurs. C’est d’ailleurs un élément fondamental qui facilite le dialogue lorsque dans le groupe il y a des désaccords qui bloquent la prise de décisions collectives.

Reconnaissance légitime de leurs pairs qui jouent des « rôles » importants en bénéfice de leur localité

Traduit la confiance que la population locale accorde à la personne qui les représente comme collectif vis-à-vis des personnes externes. C’est le premier pas pour qu’un groupe social s’organise. Ceci joue un effet positif sur l’organisation locale.

Démocratie participative Le fait que tout le monde puisse exercer son droit de voix et de vote au niveau local donne aux gens le sentiment que leurs idées sont importantes et nécessaires à l’amélioration des conditions de vie de leur localité.

Règles locales d’organisation sociale

L’existence d’un minimum de règles (simples), religieuses ou civiques, que tout le monde connait et qui se doit d’être respecté, est un indice de la tendance à structurer et à normaliser l’organisation sociale.

Punitions au non-respect de règles locales d’organisation locale

L’application de punitions (sanctions économiques, humiliations, marginalisation, emprisonnement, frappes) aident à renforcer le respect de règles locales, établies pour l’ensemble des habitants, pour préserver la structure sociale et d’organisation à l’intérieur de la localité.

Tableau 17. Facteurs qui favorisent l’organisation locale au Nevado de Toluca

Au regard de ces facteurs qui favorisent l’organisation locale, l’émergence des

territoires devient évidente comme le résultat d’un processus de construction sociale. D’ailleurs,

dans le contexte de la décentralisation, la nouvelle organisation des Névadiens illustre ce

qu’affirment A. Torre et J. E. Beuret (2012), les territoires ne sont pas seulement des entités

géographiques, ils associent et regroupent acteurs et/ou parties prenantes dans des espaces dont

les frontières peuvent varier au gré de leur interaction. Il en résulte des oppositions et des

compromis entre acteurs locaux et extérieurs, inscrits dans le long terme, avec une histoire et

des préoccupations fortement ancrées dans les cultures et les habitudes locales (ibid).

Dans le cas de programmes du F

ISM

, l’organisation locale semble être un levier pour le

développement local des Névadiens, qui, précisons-le, ne repose pas sur la croissance, mais sur

la satisfaction des besoins locaux et de leurs aspirations. Notons aussi que dans la lignée de

J. P. Deffontaines et al. (2001), les perceptions, les sentiments et l’expression propre des

hommes et des femmes trouvent ainsi place au sein de projets de développement local.

Pourtant, les intérêts des Névadiens semblent avoir peu d’importance dans les politiques

de conservation forestière, qui ne s’attardent pas sur ces questions et interdisent l’utilisation des

pâturages et des ressources forestières sans tenir compte des conséquences sociales,

économiques ou environnementales, à savoir notamment :

- la déstabilisation des petites économies d’autosubsistance

- l’accentuation de la précarité suite aux modes de vie qui disparaissent et aux difficultés

des populations analphabètes ou peu scolarisées à s’insérer dans un travail en ville.

- l’incitation des populations locales aux coupes clandestines dans la forêt.

- l’émergence de tensions et de conflits sociaux pour l’usage des ressources forestières.

Sachant que l’intérêt principal est celui d’assurer les réserves en eau pour les vallées de

Toluca et de Mexico, il convient de se demander si pour assurer la ressource vitale en plaine on

doit limiter l’usage des ressources forestières en montagne, même si cela conduit à des tensions

et parfois à des conflits sociaux ? Doit-on accentuer les conditions de pauvreté des Névadiens

pour essayer d’améliorer celles des citadins de Toluca ou de Mexico ? Enfin, doit-on se soucier

davantage de l’équilibre des milieux forestiers, même si cela doit déstabiliser les petites

économies de subsistance en montagne ? À l’évidence, non. Mais alors, comment gérer un

espace qui réunit autant d’intérêts économiques, sociaux, environnementaux, idéologiques que

de groupes d’acteurs qui y interagissent ? Comment gérer un espace qui traduit différentes

formes d’organisation et de gestion au niveau local en plus de celles qui s’imposent pour la

mise en place de programmes de conservation et de protection de la forêt ? Enfin, comment

surmonter les tensions et les conflits sociaux entre les différents acteurs afin d’arriver à une

coordination locale conjointe qui se traduise par des effets positifs sur le triple registre de

l’environnemental, du social et de l’économique ? La réponse n’est pas simple. Mais elle est

encore plus complexe sans passer par une connaissance fine de la réalité locale.

2.2. La pertinence de la notion de « territoire » pour une analyse socio-spatiale

Redécouvrir la réalité socio-spatiale et environnementale du Nevado de Toluca par la

notion de « territoire », à l’égard de l’économie territoriale

159

, nous autorise à dépasser l’idée

que cet espace protégé soit le support passif, immobile et sans âme, d’un milieu forestier soumis

aux décisions politiques de conservation de la nature. Ceci d’autant plus qu’en nous inspirant

de la pensée de C. Courlet (2001), l’espace n’est pas simplement le cadre où s’inscrivent les

phénomènes économiques, mais c’est un facteur important de leur mode d’organisation et de

leur dynamique. Ainsi, l’espace est le cadre d’émergence du territoire (Courlet, 2001) et ce

dernier conditionne l’action des acteurs.

Si la notion de territoire n’est pas facile à cerner (Courlet, 2001), il faut considérer que

le territoire « témoigne d’une appropriation à la fois économique, idéologique et politique de

l’espace par des groupes qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, de leur

histoire et de leur singularité » (Di Méo, 2001, p. 38). De ce fait, on reconnait que l’espace soit

soumis au contrôle social qui émane des représentations symboliques des groupes d’individus.

C’est pourquoi « l’espace, devenu territoire s’analyse de plus en plus comme une organisation,

un système constitué d’acteurs liés entre eux par des rapports sociaux, des rapports dynamiques

qui évoluent dans le temps en fonction des interactions qui s’établissent entre eux »

(Courlet, 2008, p. 10). Cela conduit à admettre que les représentations symboliques de l’espace

se heurtent parfois à la dynamique des rapports sociaux qui s’y produisent au quotidien.

En ce sens, selon nos observations, les localités névadiennes sont de petits univers

socio-spatiaux fondés sur des valeurs identitaires partagées qui se trouvent à la base de l’appropriation

symbolique et spécifique de l’espace. Leurs structures sociales, bien que multiples, sont le reflet

des rapports sociaux fondés sur des règles et des normes particulières qui régulent les

interactions sociales. Pour ces raisons, l’espace névadien peut être considéré comme un

ensemble de « territoires » forestiers différents, indépendants et en lien les uns avec les autres,

qui, tous, méritent d’être analysés afin de saisir l’ensemble des enjeux de la conservation

159 « L’économie territoriale, c’est la construction théorique de la notion même de territoire, et pas seulement les

références aux districts ou à la compétitivité » (Courlet et Pecqueur, 2013, p. 9). « Elle témoigne d’une volonté de s’ouvrir à la pluridisciplinarité et d’établir de ponts avec la géographie, la sociologie et la science politique » (Novarina, 2014, p. 49).

forestière. Ainsi, nous rejoignons S. Depraz (2008, p. 5), pour qui « le faisceau d’enjeux et de

représentations multiples autour des espaces protégés permet finalement d’envisager les parcs,

les réserves et toutes les autres structures équivalentes comme des territoires de protection de

la nature ».

Par ailleurs, avec les politiques de décentralisation, autant sur les questions de

développement social, économiques que de conservation forestière, le Nevado de Toluca est,

aujourd’hui, plus que jamais, un espace qui traduit les rapports sociaux des acteurs locaux et

des acteurs politiques. Entre intérêts locaux et institutionnels parfois divergents, il est le siège

de nombreuses tensions et de conflits pour l’espace. Mais il devient aussi le cadre de compromis

sociaux et politiques où les Névadiens sont de plus en plus investis. Par là même, cet espace

protégé rend compte d’une recomposition de pouvoirs locaux qui aide à la coordination de

projets économiques pour le développement local et pour la conservation des forêts. Cela

revient à considérer que cet espace protégé doit être analysé de plus en plus sous un angle

politique, sociologique, économique et culturel, davantage même que d’un point de vue

strictement forestier.

Ainsi, l’analyse du Nevado de Toluca à travers la notion de « territoire » permet

d’appréhender la globalité de cette réalité sociale si, à l’instar de C. Courlet et B. Pecqueur

(2013), nous considérons que le territoire est le lieu où se matérialisent les politiques publiques,

la gouvernance ou les relations sociales au sein d’une pluralité d’acteurs hétérogènes. En ce

sens, un des plus grands avantages que nous trouvons à passer par une analyse socio-spatiale à

travers la notion de territoire, est de pouvoir mettre en évidence les dynamiques territoriales de

cet espace protégé, non seulement celles qui sont induites par les décisions institutionnelles ou

formelles, mais surtout celles de type informel qui sont déduites des relations sociales qui, à

l’échelle locale, déterminent le processus de développement et de conservation des ressources

forestières.

En ce sens, la notion de territoire mobilisée ici, s’appuie sur les rapports

socio-économiques et spatiaux en lien direct avec les mutations récentes de la globalisation et les

nouvelles formes d’interaction dans l’espace. De ce fait, il convient de souligner quelques

éléments théoriques qui rendent compte du choix de notre démarche.

2.2.1. Viser le potentiel économique local : retour à la naissance du territoire

En économie, le territoire émerge à partir des travaux théoriques d’Alfred Marshal

(1879, 1890 et 1919) [Courlet, 2001]. Son intérêt est de comprendre la relation entre dynamique

industrielle et dynamique territoriale. Il est considéré que les formes d’organisation industrielle

qui résultent de l’expérience cumulée par les producteurs à travers le temps, ainsi que la culture

locale, sont des aspects non quantifiables mais déterminants comme facteurs de production. Le

développement d’un milieu industriel se traduira, selon lui, sous la forme de « district », soit le

lieu où les entreprises se rassemblent et coopèrent dans une « atmosphère industrielle »

(Zimmermann, 2008), en d’autres termes sous des externalités qui contribuent à l’efficience de

l’organisation industrielle. Il s’agit des relations non marchandes qui affectent (positivement ou

négativement) la productivité. Elles sont fortement ancrées territorialement car elles reposent

sur des structures historiques et sociales d’un district (Courlet, 2002), comme, par exemple, la

disponibilité à coopérer, la transmission du savoir-faire ou la circulation de l’innovation, entre

autres. C’est pour cela qu’on parle d’économie externe, à propos de la réalité observée, mais

sans dire pour autant que ce phénomène est fondamentalement lié à l’organisation locale des

noyaux spécialisés (Claval, 2008b).

Ces premières hypothèses marshalliennes sur l’existence des territoires sont venues se

confirmer à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt grâce aux travaux

italiens (Bagnasco, 1997 ; Garofoli, 1981 et 1983 ; Brusco, 1982 ; Fuà et Zacchia, 1985 ;

Becattini, 1979 et 1989) sur la Troisième Italie [Courlet, 2001]. Les travaux d’A. Bagnasco et

de G. Becattini ont été particulièrement déterminants pour comprendre la dynamique

socio-spatiale et économique des districts industriels. A. Bagnasco fournit des explications aux

relations qui se nouent entre une économie et la société locale à l’intérieur de laquelle elle

s’insère (Novarina, 2014). Les districts industriels (DI) se développent favorablement dans les

campagnes urbanisées, principalement au sein de familles rurales caractérisées par une tradition

artisanale ou commerciale, un esprit d’entreprise, des liens de solidarité qui valorisent le travail

indépendant (ibid). Ceci se traduit, dans l’ensemble, par une gestion efficace des conflits à

travers le réseau de paroisses, le syndicat de salariés et les coopératives (ibid). G. Becattini

souligne quant à lui l’importance de la proximité géographique des entreprises qui se traduit

par cette « atmosphère industrielle » (concurrence et solidarité qui conduisent à la diminution

de coûts de transaction, tendance à l’innovation). Enfin, la coordination des phases de

production n’est pas soumise à la hiérarchie des entreprises traditionnelles, mais remplacée par

la réciprocité dans les échanges, au-delà d’une transaction commerciale, évoquée auparavant

par Marshall (Courlet, 2001). De ce fait, les économies externes d’agglomération du district ne

sont pas transposables, mais fortement enracinées dans un contexte historique, culturel, social

et économique (Dimou, 2014).

A partir des DI, différentes déclinaisons ont été proposées en fonction des analyses

diverses et des contextes d’organisation particuliers (Pecqueur, 2006). Le terme générique, qui

a été donné, est celui de Système Productif Localisé (SPL), dérivée du DI, certes, mais inspirée

aussi de l’économie industrielle et de l’économie régionale sur l’innovation (Courlet, 2001).

Globalement, le SPL a servi à illustrer le rôle de la proximité géographique entre les entreprises

pour échanger des connaissances à travers des réseaux spatiaux entre acteurs économiques,

comme facteur d’innovation qui répond aux besoins de développement local. C’est par exemple

le cas des districts industriels et des milieux innovateurs. Par ailleurs, le SPL a permis de

comprendre certaines dynamiques rurales dans lesquelles l’isolement communautaire et

l’ouverture vers l’extérieur constituent une des conditions d’existence de ce type de système

(Courlet, 2001). Enfin, d’autres recherches ont porté sur les Systèmes Industriels Localisés

(Courlet et Pecqueur, 1991 ; 1992), ou encore sur l'aspect territorial de l'industrialisation et de

l'innovation (Gilly et Crossetti, 1993, Dupuy et Gilly 1993, 1995) [in : Benko et al., 1996].

Cependant, aux États-Unis, les économistes de l’École de la Régulation (Piore et Sabel),

ainsi que les géographes de l’Université de Los Angeles (Scott et Storper), ont renouvelé la

notion de DI en pensant cette forme d’organisation à l’échelle macroéconomique. Ils

anticipaient ainsi en estimant qu’un mode de production artisanale, dit de spécialisation

flexible, allait succéder au mode de production capitaliste de masse, rigide et structuré. Ils ont

montré que la proximité géographique réintroduisait l’économie dans la société et produisait

des externalités propres à permettre des performances économiques nouvelles (Pecqueur, 2009,

p. 207). Ceci va impulser toute une gamme de politiques publiques de développement local

(ibid). L’originalité de ces politiques repose sur la possibilité de récupérer et de valoriser toutes

les ressources locales

160

dont dispose déjà l’organisation sociale en place (Dimou, 2014). Les

liens sociaux qu’en tant que capital social par exemple peuvent aider à la coordination entre