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CHAPITRE IV PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ET DISCUSSION

4.2 Présentation, analyse des résultats et discussion

4.2.3 Culturat et innovation sociale

4.2.3.4 Une coprésence d’acteurs

La démarche Culturat est unificatrice. Elle rassemble les acteurs de divers secteurs ainsi que la société civile autour d’un projet commun. Selon un acteur de l’ATR : « Culturat a eu un effet unificateur qui a rejoint tant les citoyens que les entreprises. Dans le fond, c’est très audacieux de dire qu’on fait une mobilisation régionale ; on fait un projet de société régional dans une ère où en plus on était en plein démantèlement des systèmes. » (Extrait d’entretien, acteur de l’ATR.) Le qualificatif « projet de société » est lourd de sens. Cela laisse croire que l’ensemble des acteurs du territoire sont mobilisés autour d’un projet rassembleur. La notion de projet de territoire serait, à notre sens, plus approprié. L’échelle régionale est de moins en moins représentative pour les acteurs. Cela laisse croire que le territoire, tel que se le représentent les acteurs, est davantage lié à la région administrative ou touristique. En effet, « à un autre niveau, les régions administratives, qui avaient été créées en 1967 dans le sillon de la Révolution tranquille afin de faciliter le redéploiement territorial de l’État, ont été redéfinies. Leur

mandat est réorienté et, à terme, elles sont délaissées par le gouvernement au profit de la MRC […] » (Klein et al., 2009).

De surcroît, les porteurs de Culturat ont voulu démontrer l’importance d’une démarche inclusive favorisant une mobilisation massive.

Ce que l’ATR voulait démontrer c’était une démarche de mobilisation et qu’il fallait impliquer les acteurs du milieu. Faire connaître Culturat dans le milieu des affaires, dans le milieu scolaire, dans le milieu des organismes communautaires. Il y avait vraiment cette volonté-là de pénétrer le milieu (extrait d’entretien, acteur du développement).

Sous cette logique, « Culturat a créé une démarche autour de la culture qui a réussi à rapprocher les gens dans tous les domaines » (extrait d’entretien, acteur du développement). Cette coprésence d’acteurs, tant privés que publics, se caractérise par l’effet mobilisateur de Culturat.

D’abord et avant tout, il y a eu un effet mobilisateur. C’est la première chose. Deuxième chose, il y a eu plusieurs réponses à une invitation générale. Quand je dis plusieurs réponses, c’est que ça a pris différentes formes. Chaque communauté et chaque secteur d’activité s’est senti interpellé, de l’individu à l’organisme. Alors, ç’a donné naissance à beaucoup de création. Ça a mobilisé, ça a réveillé, ça a développé un sentiment de fierté et ça a touché tout le monde : les jeunes, les moins jeunes, les hommes et femmes, les Autochtones, les allochtones (extrait d’entretien, acteur du développement).

Un autre intervenant affirme cette volonté de rassembler les acteurs : « Je pense que c’est rassembleur. Je pense que ça rassemble les gens autour des projets… Je pense que ça met les gens en action et en équipe, en collaboration » (Extrait d’entretien, acteur de proximité).

En effet, l’« idée de Culturat a fait son chemin dans la communauté des gens d’affaires et auprès des conseillers municipaux. Il y a cinq ans, ils n’auraient pas mis 5 cents là-

dessus », insiste à dire un acteur de l’ATR. Les gens de divers horizons se sont rassemblés autour d’un projet commun et concret. « En tout cas, nous, ici, ça a été une occasion de créer des liens avec des personnes de la communauté et on s’est rassemblés autour d’un projet concret. Et s’il n’y avait pas eu ce projet concret-là, ce ne serait pas arrivé », révèle un acteur de proximité. La mobilisation des ressources, tant humaine que financière, s’est canalisée et structurée sous la démarche de Culturat. Les acteurs de divers horizons ont compris l’importance d’investir dans l’art et la culture pour améliorer la qualité de vie sur leur territoire.

En somme, cette volonté de travailler de pair avec tous les acteurs du territoire dans une vision commune du développement découle aussi directement des fondements de la démarche. En ce sens, « Culturat est née d’une volonté partagée par plusieurs acteurs du développement régional d’orienter leurs efforts dans une vision commune mettant l’identité, la culture et la qualité de vie au cœur du développement » (données secondaires, document interne ATR).

Force des individus

L’importance des individus est aussi soulevée. Nombreux sont ceux qui pensent que la démarche tient grâce à certains individus clés qui, par leur énergie, leur volonté et leur savoir-faire, poussent Culturat vers l’avant. Certains vont jusqu’à dire que sans ces personnes, Culturat ne tiendrait pas.

C’est sûr que s’il n’y avait pas ces individus-là, ça changerait la donne. La preuve en est qu’actuellement, Culturat, dans la dimension arts et culture, est un peu dans un cul-de-sac, ça n’avance pas. Tandis que le volet autochtone, ça avance, ça prend le pas. Ça tient beaucoup des individus en place (extrait d’entretien, acteur de proximité).

Certains affirment que certains acteurs clés du développement freinent la mise en œuvre de Culturat. Par manque de compréhension de la démarche, certains leaders ne semblent pas vouloir embarquer dans le mouvement.

C’est dur de faire comprendre Culturat. C’est un projet, c’est une mobilisation. Essaie de faire comprendre un projet de mobilisation, ce n’est pas évident. Donc, des fois, ce sont des freins pour les leaders qui sont là. Ceux qui l’ont compris, ceux qui prennent la machine et qui se l’approprient à leur secteur. Donc, ça repose beaucoup sur les individus qui vont décider de prendre le train ou non (extrait d’entretien, acteur de l’ATR).

En effet, l’émergence de l’innovation entraîne un processus de négociation, de résistance et d’accommodation entre les acteurs (Klein et al., 2014a). « L’innovation est un processus qui prend ainsi la forme d’un réseau dans lequel différents acteurs échangent, débattent, luttent, acceptent, rejettent ou adoptent les nouvelles pratiques. » (Klein et al., 2014a : 20) Cela provoque une inévitable opposition entre ceux qui résistent et ceux qui portent l’innovation (Klein et al., 2014a). Selon la littérature, il est normal d’avoir des oppositions entre les acteurs. Cette négociation, résistance ou accommodation doit cependant être encadrée par un processus de concertation.