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Les familles de graphes étudiées dans la section 2.3 sont toutes union-distinguables avec le nombre optimal ou le nombre optimal plus 1 de couleurs. Il est donc naturel de se poser la question de la borne supérieure de χ. Nous démontrons dans cette section le théorème suivant :

Théorème 2.13 (Bousquet, D., Duchêne, Kheddouci, Parreau). Pour tout graphe G(V, E), χ(G)≤

log2(|V | + 1) + 2.

Le principe de la preuve de ce théorème est simple : étant donné un graphe quelconque, en extraire un sous-graphe couvrant, puis en trouver une coloration union-distinguante et enfin rajouter les arêtes pour revenir au graphe initial au prix d’une couleur supplémentaire par le lemme 2.5.

Nous allons montrer que tout graphe admet une forêt d’étoiles subdivisées au plus une fois de taille au moins 3 comme sous-graphe couvrant. Par le théorème 2.11, chacune de ces forêts peut être optimalement union-distinguée. Par la suite, nous montrons que l’union de graphes optimalement union-distinguables peut être union-distinguée en utilisant le nombre optimal de couleurs plus une. Cela nous permettra d’obtenir le nombre optimal de couleurs plus 2 lorsque nous rajouterons les arêtes dans la dernière phase.

Lemme 2.14. Tout graphe n’ayant pas de composante connexe de taille 1 ou 2 a une forêt d’étoiles

subdivisées au plus une fois et de taille au moins 3 comme sous-graphe couvrant.

Nous rappelons que, comme dans le chapitre 1, le graphe obtenu en supprimant l’arête e de G est noté G− e.

Preuve. Supposons par contradiction qu’il existe un graphe G, dont toutes les composantes connexes

sont de taille au moins 3, n’ayant pas de forêt d’étoiles subdivisées au plus une fois et de taille au moins 3 comme sous-graphe couvrant. Choisissons G tel que celui-ci minimise, parmi les contre-exemples et dans l’ordre lexicographique, le nombre de sommets puis le nombre d’arêtes. Par sa minimalité, G est réduit à une seule composante connexe et a au moins 3 sommets.

Pour toute arête e∈ G, si le graphe G − e a une forêt d’étoiles subdivisées au plus une fois et de

taille au moins 3 comme sous-graphe couvrant, alors G en admet également une (car G− e est un

sous-graphe couvrant de G). Donc, par minimalité de G, pour toute arête e∈ G, le graphe G − e a

au moins une composante connexe de taille 1 ou 2.

Soit e = uv une arête telle que v est de degré maximum dans G (ce qui implique que d(v)≥ 2).

Tout d’abord, supposons que d(v) = 2. Alors, G est un chemin, et a une union de P3, P4, P5 comme sous-graphe couvrant, ce qui est une contradiction. Donc d(v)≥ 3.

Dans G− e, soit la composante connexe contenant u soit celle contenant v est de taille 1 ou 2.

Comme v a degré au moins 2 dans G− e, il s’agit de la composante connexe contenant u. Notons

que cette propriété est vérifiée pour tout voisin de v. Ceci implique que G est une étoile subdivisée au plus une fois avec v comme sommet central, ce qui est une contradiction.

Nous appelons k-graphe un graphe ayant un ordre compris entre 2k et 2k+1− 1. Notons que

l’union disjointe de deux k-graphes est un (k + 1)-graphe.

Lemme 2.15. Soient G1, G2deux k-graphes optimalement union-distinguables. Leur union disjointe

G1∪ G2 est également optimalement union-distinguable.

Preuve. Soient G1 et G2 deux k-graphes optimalement union-distinguables. Soient c1 et c2 les deux

colorations union-distinguantes de G1 et G2 respectivement. Notons que c1 et c2 utilisent chacune

k couleurs. Nous définissons une coloration c de G1∪ G2 de la façon suivante :

— c(e) = c1(e) si e∈ E(G1) ;

— c(e) = c2(e)∪ {k + 1} si e ∈ E(G2).

Il est aisé de constater que c est union-distinguante : les sommets de la composante isomorphe à G1 vérifieront tous idc(u) = idc1(u) et ceux de la composante isomorphe à G2 vérifieront tous idc(u) = idc2∪{k + 1}, donc deux sommets issus chacun d’une de ces deux composantes seront

distingués, et tous les sommets de chacune de ces deux composantes seront distingués car c1 et c2

sont union-distinguantes.

De plus, G1∪ G2 est un (k + 1)-graphe, et c utilise k + 1 couleurs. Donc l’union disjointe G1∪ G2

est optimalement union-distinguable.

Le lemme 2.15 nous permet de prouver ce résultat :

Lemme 2.16. Soient G1, . . . , G des graphes optimalement union-distinguables. Le graphe G formé

de l’union disjointe de G1, . . . , G vérifie χ(G)≤ log2(|V (G)| + 1) + 1.

Preuve. Soient G1, . . . , G des graphes optimalement union-distinguables. Supposons de plus qu’ils

sont ordonnés par nombre de sommets croissant. Nous démontrons par induction sur  que le graphe

G1∪ . . . ∪ Gadmet une coloration union-distinguante utilisant le nombre optimal de couleurs plus

Supposons d’abord qu’il existe deux k-graphes Gi et Gi+1 pour un certain entier k. Par le lemme 2.15, Gi∪Gi+1 est optimalement union-distinguable. Alors, le graphe G1∪. . .∪(Gi∪Gi+1)

. . .∪ G = G1 ∪ . . . ∪ Gi ∪ Gi+1 ∪ . . . ∪ G est optimalement union-distinguable par hypothèse

d’induction (car la séquence G1, . . . , (Gi∪ Gi+1), . . . , G contient − 1 graphes), ce qui prouve le

résultat.

Supposons donc que pour tout entier k, il existe au plus un k-graphe dans la séquence G1, . . . , G. Nous démontrons par induction sur i que, si Gi est un ki-graphe, alors l’union disjointe G1∪ . . . ∪ Gi (où chaque Gj est optimalement union-distinguable) admet une coloration union-distinguante utilisant ki+1 couleurs. Le cas de base i = 1 est trivial : G1admet une coloration union-distinguante utilisant k1 couleurs, donc il en admet une utilisant k1+ 1 couleurs. Considérons l’hérédité : soient

G1, . . . , Gi des graphes union-distinguables. Par hypothèse d’induction, l’union disjointe G1∪ . . . ∪

Gi−1admet une coloration union-distinguante ci−1utilisant ki−1+1 couleurs. De plus, Giadmet une coloration union-distinguante c utilisant kicouleurs. Notons enfin que ki ≥ ki−1+1. Nous définissons

ci, une coloration de H1∪ . . . ∪ Hi, de la façon suivante : — ci(e) = ci−1(e) si e∈ E(Gj) pour j < i ;

— ci(e) = c(e)∪ {ki+ 1} si e ∈ E(Gi).

Comme c et ci−1 sont union-distinguantes, et que ci−1(e) ne peut pas contenir la couleur ki + 1 car ki+ 1 > ki−1+ 1 (ce dernier étant la plus grande couleur disponible pour ci−1), il est aisé de constater que ci est union-distinguante et utilise ki+ 1 couleurs.

Donc, si G1, . . . , G sont optimalement distinguables, alors il existe une coloration union-distinguante ck de G1 ∪ . . . ∪ G utilisant k + 1 couleurs. Or, par définition de k et en notant

G = G1∪ . . . ∪ G, nous avons :

k≤ log2(|V (G)| + 1) ≤ log2(|V (G)| + 1)

Donc, G admet une coloration union-distinguante utilisant le nombre optimal de couleurs plus un.

Ceci nous permet de démontrer le théorème 2.13 :

Preuve du théorème 2.13. Soit G un graphe. Comme nous étudions uniquement les graphes n’ayant

pas de composante connexe de taille 1 ou 2, nous pouvons appliquer le lemme 2.14 pour obtenir une forêt d’étoiles subdivisées au plus une fois F tel que F est un sous-graphe couvrant de G. Par le théorème 2.11, chacune des composantes connexes de F est optimalement union-distinguable. Cela implique, par le lemme 2.16, que F admet une coloration union-distinguante utilisant au plus

log2(|V (F )| + 1) + 1 couleurs. Enfin, comme G est un supergraphe d’arêtes de F , il admet une

coloration union-distinguante utilisant au plus log2(|V (F )| + 1) + 2 = log2(|V (G)| + 1) + 2

couleurs.

On a donc χ(G)≤ log2(|V (G)| + 1) + 2. La méthode est illustrée figure 2.21.

2.5 Conclusion et perspectives

Le théorème 2.13 et la proposition 2.4 impliquent le résultat suivant, lequel établit que le para-mètre χ ne peut prendre que trois valeurs :

Théorème 2.17 (Bousquet, D., Duchêne, Kheddouci, Parreau). Pour tout graphe G(V, E) :

log2(|V | + 1) ≤ χ(G)≤ log2(|V | + 1) + 2.

Notons que ce ratio constant entre borne supérieure et borne inférieure diffère des autres pa-ramètres de coloration globalement distinguante pour lesquels le ratio est en général de l’ordre de

n

log2n (comme noté avec la proposition 2.4, la borne inférieure est généralement de l’ordre de log2n,

et pour la plupart de ces paramètres il existe des graphes d’ordre n tels que la valeur du paramètre est n).

{2} {1, 2} {2, 3} {1} {2} {1} {1, 3} {2} {1, 2} {3} {1, 3} {1, 2} {2, 3} {1} {2} {2,4, 5} {1, 2,4, 5} {2, 3,4, 5} {1,4, 5} {2} {1} {1, 3,4} {2,4} {1, 2,4} {3,5} {1, 3,5} {1, 2,5} {2, 3,5} {1,5} {2,5} {2, 4, 5} {1, 2, 4, 5} {2, 3, 4, 5} {1, 4, 5} {2} {1} {1, 3, 4} {2, 4} {1, 2, 4} {3, 5} {1, 3, 5} {1, 2, 5} {2, 3, 5} {1, 5} {2, 5} {6} {6} {6} {6} {6} {6} {6} {6} {6}

Extraire une forêt d’étoiles subdivisées au plus une fois.

Chaque étoile peut être opti-malement union-distinguée.

Construire une colora-tion union-distinguante de l’union disjointe.

Rajouter les arêtes retirées lors de la première étape.

Figure 2.21 – Illustration de la méthode permettant de trouver une coloration union-distinguante de G utilisantlog2(|V (G)| + 1) + 2 couleurs (à chaque étape, les couleurs ajoutées sont en rouge).

Les connaissances sur le paramètre χ sont résumées dans le tableau 2.2. Pour chacune des trois valeurs possibles du paramètre, nous rappelons des familles de graphes dont le nombre de coloration union-distinguante atteint ou est borné par cette valeur. Nous n’avons aucun exemple de graphe G vérifiant χ(G) =log2(|V (G)| + 1) + 2, aussi émettons-nous la conjecture suivante :

Conjecture 2.18. Pour tout graphe G, on a χ(G)≤ log2(|V (G)| + 1) + 1.

Une piste intéressante pour s’attaquer à cette conjecture serait de démontrer que tout arbre (ou toute forêt d’étoiles subdivisées au plus une fois) est optimalement union-distinguable. Étant donné que tout graphe admet un arbre (ou une forêt d’étoiles subdivisées au plus une fois) comme sous-graphe couvrant, le lemme 2.5 nous permettrait de conclure.

Par ailleurs, comme d’autres problèmes de coloration distinguantes, l’étude des variantes propres ou localement distinguantes pourrait se révéler intéressant. De même, nous n’avons pas étudié la complexité du problème de déterminer la valeur du paramètre pour un graphe donné, qui serait une piste de recherche intéressante. En particulier, les problèmes de décision 2.19 et 2.20 sont deux variantes possibles : la première pose la question de savoir si un graphe est optimalement union-distinguable, et la deuxième pose la question de connaître la valeur exacte de χ.

Problème de décision 2.19.

Optimalement union-distinguable ENTRÉE : Un graphe G(V, E).

QUESTION : A-t-on χ(G) =log2(|V (G)| + 1) ?

Problème de décision 2.20.

Nombre de coloration union-distinguable ENTRÉE : Un graphe G(V, E) et un entier k∈ {0, 1, 2}.

QUESTION : A-t-on χ(G) =log2(|V (G)| + 1) + k ?

Famille de G Valeur de χ(G) Référence Chemins Pn(pour n≥ 3)

log2(|V (G)| + 1)

Théorème 2.6 Cycles Cn (pour n≥ 4, n = 7) Théorème 2.8 Arbres binaires complets Théorème 2.9 Étoiles subdivisées au plus une fois Théorème 2.11

Cliques K2k Théorème 2.12 Cycles C3, C7

log2(|V (G)| + 1) + 1 Théorème 2.8

Cliques Kn (pour n= 2k) Théorème 2.12 Graphes hamiltoniens ≤ log2(|V (G)| + 1) + 1 Corollaire 2.7

Forêts d’étoiles subdivisées au plus une fois Lemme 2.16 Tout graphe ≤ log2(|V (G)| + 1) + 2 Théorème 2.13

Tableau 2.2 – Le paramètre χne peut prendre que trois valeurs pour tout graphe G. Cette table présente, pour chacune des trois valeurs, des familles de graphes pour lesquelles χ prend cette valeur où pour lesquelles χ est borné par cette valeur. Notons que nous n’avons aucun exemple de graphe G vérifiant

Chapitre 3

Des graphes vers les jeux

Résumé du chapitre

Dans ce chapitre, nous montrons plusieurs articulations possibles entre graphes et jeux. Nous verrons en particulier plusieurs moyens de dériver un jeu d’un problème de graphes. Parmi les différents types de jeux qui peuvent être construits, les jeux combinatoires seront détaillés dans le chapitre 4. La section 3.1 introduira le concept de jeu Maker/Breaker, puis la section 3.2 nous verra définir les jeux de construction et de partition, ainsi que les paramètres d’optimisation que ceux-ci induisent. Dans la section 3.3, nous verrons comment définir des jeux à objectif commun, puis dans la section 3.4 nous expliquerons des problématiques générales pour les différents types de jeux introduits précédemment. Enfin, ces problématiques seront illustrées dans la section 3.5 via le jeu de coloration de Grundy.