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5.6 CSG( {2}) dans les graphes

5.6.3 Résolution des grilles de hauteur 2 ou 3

Les grilles sont la famille d’origine d’étude de Cram, et donc de Arc-Kayles. Il est donc légitime de les étudier pour CSG({2}). Nous avons commencé par étudier des grilles de hauteur 2

ou 3. En l’occurrence, nous montrons que les grilles de hauteur 2, comme les arbres, les chemins ou les graphes bipartis complets, ne requièrent aucune stratégie ; tandis que dans les grilles de hauteur 3 une stratégie permet au joueur ayant une stratégie gagnante de vider la grille.

Théorème 5.38. Dans le jeu CSG({2}), soit G2,n une grille de hauteur 2. Alors,G(G2,n) = 0 si et

seulement si n est pair. Dans le cas contraire, G(G2,n) = 1.

Preuve. La preuve se base sur une structure invariante que nous appelons (1, grille. Une (1,

2)-grille est un sous-graphe connexe induit d’une 2)-grille de hauteur 2, avec la condition que les colonnes de hauteur 1 consécutives sont toujours en nombre pair. Une (1, 2)-grille est illustrée figure 5.21. Notons que, si G est une (1, 2)-grille non-vide, alors il existe un coup sur G : si un des bords est une colonne de taille 2, alors supprimer la colonne est un coup légal, et dans le cas contraire il y a deux colonnes de taille 1 consécutives, et les supprimer est un coup légal.

Figure5.21 – Une (1, 2)-grille.

Les deux seuls coups possibles dans une (1, 2)-grille sont les suivants :

— Supprimer deux sommets adjacents horizontalement. Comme il est interdit de déconnecter G, le graphe résultant du coup sera également une (1, 2)-grille.

Donc, tous les coups possibles (c’est-à-dire n) seront joués, et le graphe sera entièrement vide à la fin du jeu, ce qui prouve le résultat.

Les grilles de hauteur 3 fonctionnent sur un principe similaire, mais cette fois un joueur va vouloir suivre une certaine stratégie.

Théorème 5.39. Dans le jeu CSG({2}), soit G3,n une grille de hauteur 3. Alors, G3,n ∈ P si et

seulement si 3n2 est pair.

Preuve. La preuve se base sur une structure invariante que le joueur qui le souhaite (le premier joueur

si 3n2 est impair ; le deuxième joueur sinon) va maintenir au cours de la partie. Nous appelons

cette structure une (1, 3)-grille. Une (1, 3)-grille est un sous-graphe connexe induit d’une grille de hauteur 3, n’ayant que des colonnes de hauteur 1 ou 3, et dont les sommets des colonnes de hauteur 1 sont soit sur la ligne du haut soit sur celle du bas de la grille. Notons qu’un sous-graphe d’une grille de hauteur 3 isomorphe à un chemin est une (1, 3)-grille : nous pouvons l’aplatir pour faire en sorte que toutes ses colonnes soient de hauteur 1. Étant donnée une (1, 3)-grille G de k colonnes, nous définissons le mot s(G) = s1. . . sk où si∈ {1, 1+, 3} est la hauteur de la ième colonne (si le sommet

est sur la ligne du bas de la grille, alors si = 1 ; et s’il est sur la ligne du haut de la grille, alors

si= 1+). Une (1, 3)-grille est illustrée figure 5.22.

Figure5.22 – Une (1, 3)-grille G avec s(G) = 31131+333131.

Affirmation 5.39.A. Si G est une (1, 3)-grille vérifiant |V (G)| ≥ 2, alors il existe un coup vers une (1, 3)-grille.

Preuve de l’affirmation. S’il existe un coup vertical légal dans une colonne, alors la résultante sera

une (1, 3)-grille. Dans le cas contraire, pour tout i tel que si = 3, nous avons si−1= 1(resp. 1+) et

si+1 = 1+ (resp. 1), ce qui implique que G est un chemin et donc la résultante de tout coup sera un chemin, qui est une (1, 3)-grille.

Affirmation 5.39.B. Si G est une (1, 3)-grille vérifiant |V (G)| ≥ 2, alors, pour tout coup, il existe une réponse laissant une (1, 3)-grille.

Preuve de l’affirmation. Si le coup laisse une (1, 3)-grille, alors l’affirmation 5.39.A nous permet de

conclure. Sinon, cela signifie que le coup était horizontal. Il y a trois types de coups horizontaux possibles :

1. Supprimer deux sommets de la ligne du milieu dans les colonnes i et i + 1. En raison des règles du jeu, il n’y a que trois types de configurations possibles dans lesquelles ce coup existe (en considérant les symétries). La première est quand la colonne i+1 est la dernière et que si−1= 3 ; la deuxième est quand si−1= 3 et si+2= 3 ; la troisième est quand si−1= 3 et si+2= 1ou

si+2 = 1+. Dans tous les cas, répondre en jouant sur la ligne du haut (dans le troisième cas, si si+2 = 1) ou celle du bas (dans le troisième cas, si si+2 = 1+) dans les colonnes i et i + 1 laisse une (1, 3)-grille. Les configurations sont représentées figure 5.23

2. Supprimer deux sommets de la ligne du haut dans les colonnes i et i + 1. Cette fois, il y a six configurations possibles (en considérant les symétries), représentées figure 5.24. Nous ne les détaillons pas, mais répondre en jouant sur la ligne du milieu dans les colonnes i et i + 1 laisse une (1, 3)-grille.

3. Supprimer deux sommets de la ligne du haut dans les colonnes i et i+1. Ce cas est le symétrique du précédent.

333 termine s(G) 3333∈ s(G) 3331∈ s(G) 3331+∈ s(G)

Figure5.23 – Les configurations dans lesquelles le premier coup peut casser la structure de la (1, 3)-grille en jouant sur la ligne du milieu (les coups sont en gras et rouge). Jouer sur la ligne du haut ou du bas dans les mêmes colonnes restaure l’invariant.

s(G) = 33 331 commence s(G) 333 termine s(G)

1331∈ s(G) 3331∈ s(G) 3333∈ s(G)

Figure5.24 – Les configurations dans lesquelles le premier coup peut casser la structure de la (1, 3)-grille en jouant sur la ligne du haut (les coups sont en gras et rouge). Jouer sur la ligne du milieu dans les mêmes colonnes restaure l’invariant.

Supposons maintenant que 3n2 , qui est le nombre maximal de coups dans une partie sur une

grille de hauteur 3, est pair. Le deuxième joueur maintient la structure de (1, 3)-grille, ce qui est toujours possible par l’affirmation 5.39.B. À la fin du jeu, le graphe sera soit vide, soit réduit à un seul sommet, et le deuxième joueur aura joué le dernier coup. Il remporte donc la partie.

À l’inverse, si 3n2 est impair, alors le premier joueur joue vers une (1, 3)-grille, ce qui est possible

par l’affirmation 5.39.A. Il passe alors une configuration perdante au deuxième joueur, et remporte donc la partie.

Ainsi, un joueur a une stratégie garantissant qu’une grille de hauteur 3 est vide à la fin de la partie, et s’assurant la victoire de cette façon. Cependant, il semble difficile de définir une stratégie similaire dans des grilles de hauteur plus élevée. Déterminer l’existence ou la non-existence d’une telle stratégie dans des grilles de hauteur k pour k ≥ 4 est une question de recherche intéressante.

5.7 Conclusion et perspectives

Ces études montrent l’intérêt d’étendre les jeux octaux dans les graphes afin de chercher des résultats de périodicité spécifiques. Cependant, ces études se révèlent particulièrement complexes : même des jeux de soustraction connexes comme ceux de la famille CSG(IN), dont les versions

classiques SUB(IN) sont parfaitement comprises, sont beaucoup plus difficiles à étudier, y compris dans les étoiles qui sont des graphes très simples. Cependant, des structures semblent également apparaître, ce qui laisse espérer l’obtention de résultats plus forts, et une meilleure compréhension de ces familles. Par ailleurs, nous avons déterminé des algorithmes polynomiaux pour déterminer l’issue ou la valeur de Grundy de certains graphes pour plusieurs de ces familles, mais une étude plus générale de la complexité de ces jeux serait une étude intéressante.

Rappelons les autres questions intéressantes que nous avons soulevées dans ce chapitre :

1. Si L est fini, la fonction fL,G,u(qui associe à k la valeur de Grundy de Gu PPkpour CSG(L)) a-t-elle la même période minimale que la séquence de Grundy de SUB(L) ? (question ouverte 5.5) 2. Si L est fini, la fonction fN\L,G,u est-elle ultimement périodique ? (question ouverte 5.6) 3. Existe-t-il des théorèmes de réduction des chemins dans les étoiles subdivisées pour des jeux

CSG(IN) avec N ≥ 4 ? Pour les autres, a-t-on un résultat d’ultime périodicité de la fonction fIN,S,u où S est une étoile subdivisée et u une feuille ?

4. Quels entiers t peuvent être adjoints à un ensemble L de façon à ce que fL,G,u(k) = fL∪{t},G,u(k) pour tous G, u et k ?

5. Les valeurs de Grundy de CSG(I2) sur les arbres sont-elles non-bornées ? (conjecture 5.32) Si oui, est-ce également le cas pour les chenilles ?

6. Inversement, pour quelles classes de graphes des théorèmes de réduction sont-ils possibles pour le jeu CSG(I2), et sous quelles conditions ?

7. Les jeux de la famille CSG({N}) (pour N ≥ 3) joués sur les arbres admettent-ils tous une

caractérisation similaire au théorème 5.36 ? Sinon, pour quelles valeurs de N une telle carac-térisation est-elle possible ? (question ouverte 5.37)

D’autres questions peuvent encore se poser pour essayer de comprendre la famille des jeux de soustraction connexes aussi bien que nous connaissons les jeux de soustraction classiques. De plus, les résultats sur les jeux de soustraction connexes peuvent amener à une meilleure compréhension de l’origine de la difficulté dans des jeux de suppression de sommets tels que Arc-Kayles. Tout cela concourt à montrer l’intérêt de ce domaine de recherche.

Chapitre 6

Arc-Kayles Pondéré

Dans la section 5.6 du chapitre précédent, nous avons étudié une variante du jeu Arc-Kayles, dans laquelle il est interdit de déconnecter le graphe. Dans ce chapitre, nous présentons une autre variante d’Arc-Kayles dans l’espoir de mieux comprendre ce dernier, qui est un parfait représentant du saut de complexité des jeux octaux lorsque l’on passe des piles de jetons aux graphes. Rappelons que l’état de l’art sur Arc-Kayles est présenté dans la section 4.3.3.

Nous avons étudié cette variante avec Nicolas Bousquet (chargé de recherche CNRS à Gre-noble), Valentin Gledel (doctorant à Lyon) et Marc Heinrich (doctorant à Lyon), et nos travaux ont donné lieu à une soumission [41] et à plusieurs présentations (Combinatorial Game Theory Colloquium 2017, Seminario Preguntón à l’UNAM Juriquilla).

Résumé du chapitre

La variante d’Arc-Kayles que nous étudions, intitulée WAK (pour Weighted Arc-Kayles), se joue sur des graphes pondérés, dans lesquels les joueurs sélectionnent une arête et réduisent les poids de ses extrémités, tout sommet ayant un poids de 0 étant supprimés du graphe. Dans la section 6.2, nous verrons comment réduire les graphes sans changer leur valeur de Grundy, ce qui nous donne une réduction exponentielle entre WAK et Arc-Kayles. Nous montrerons ensuite dans la section 6.3 que les valeurs de Grundy de WAK sont non-bornées, ce qui démontre le même résultat pour Arc-Kayles et Node-Kayles. Dans les sections 6.4 et 6.5, nous étudierons WAK sur les arbres de profondeur 2 et démontrons un théorème global de périodicité quand tous les poids sauf un sont fixés. Nous démontrerons également dans la section 6.1 un lien entre WAK et un jeu de placement de pièces d’échecs.