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6.1 Introduction

6.1.2 Lien avec des jeux de placement de pièces d’échecs

Nous avons initialement étudié WAK car il s’agit d’une modélisation d’un jeu de placement de pièces d’échecs inspiré du jeu des reines [119], dans lequel les joueurs placent tour à tour des reines sur des cases non-attaquées par des reines déjà placées, le joueur ne pouvant plus jouer perdant la partie. Le jeu étant assez difficile avec les reines (le problème de placement des reines sur des échiquiers étant un exemple de problème combinatoire bien connu [12, 92]), nous étudions est une variante utilisant des tours.

Le jeu que nous introduisons est appelé jeu des tours sur un échiquier troué. Il se joue sur un échiquier rectangulaire C de taille n × m. Par ailleurs, il existe un sous-ensemble H des cases de

l’échiquier dont les éléments sont appelés des trous. À leur tour, les joueurs placent une tour sur une case inoccupée et qui n’est pas attaquée par une autre tour, sachant que les tours ne peuvent pas attaquer par-dessus les trous (en d’autres termes, deux tours peuvent se trouver sur la même ligne

à condition qu’il y ait un trou entre elles). La figure 6.2 illustre une partie sur un échiquier de taille

7× 3 avec un trou.

Z0Z0Z0S

0Z0s0s0

ZRZ0Z0Z

Figure6.2 – Exemple d’une partie terminée du jeu des tours sur un échiquier troué, remportée par le deuxième joueur.

QuandH = ∅, alors la valeur de Grundy est la parité de la plus petite dimension de l’échiquier :

à chaque tour, une ligne et une colonne sont retirés jusqu’à ce qu’une des deux quantités atteigne 0. Nous allons démontrer que toute position du jeu des tours sur un échiquier troué admet une position de WAK équivalente.

Théorème 6.3 (D., Gledel, Heinrich). Pour toute position J du jeu des tours sur un échiquier troué,

il existe une position de WAK G(V, E, ω) telle que G(J) = G(G).

Preuve. Nous définissons la couverture verticale par rectangles de l’échiquierRV comme l’ensemble

de rectangles sur l’échiquier, tels qu’aucun rectangle n’en intersecte un autre, que toutes les cases de l’échiquier sont couvertes parRV, qu’aucun rectangle ne contient de trou, et que les seules cases directement au-dessus ou en-dessous d’un rectangle sont soit des trous soit en-dehors de l’échiquier. Nous pouvons définir de façon similaire la couverture horizontale par rectangles de l’échiquier RH. La figure 6.3 illustre ces couvertures sur un échiquier troué. Notons que ces couvertures sont bien uniques, car tous les rectangles de RV et deRH sont maximaux au sens de l’inclusion.

V1 V2 V3 V4 V5 V6 V7 V8 H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7

Figure6.3 – Des couvertures verticale et horizontale par rectangles d’un échiquier.

couvertures horizontale et verticale par rectangles de l’échiquier de J . Nous construisons un graphe pondéré G(V, E, ω), c’est-à-dire une position de WAK, de la façon suivante :

— Pour chaque rectangle Vi∈ RV, nous ajoutons à V un sommet vi, avec ω(vi) égal au nombre de colonnes dans Vi moins le nombre de tours dans Vi ;

— Pour chaque rectangle Hj ∈ RH, nous ajoutons à V un sommet hj, avec ω(hj) égal au nombre de colonnes dans Hj moins le nombre de tours dans Hj ;

— Si deux rectangles Vi et Hj s’intersectent sur une case, alors nous ajoutons à E l’arête vihj. Cette construction est illustrée figure 6.4.

R V1 V2 V3 V4 V5 V6 V7 V8 R H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 h2 h1 h3 h4 h5 h6 h7 v1 v2 v3 v4 v5 v6 v7 v8

Figure 6.4 – Construction d’une position de WAK à partir des couvertures verticale et horizontale par rectangle d’un échiquier. Placer une tour comme indiqué en rouge revient à supprimer une ligne de H7et une colonne de V1, et donc à jouer sur l’arête h7v1 sur le graphe.

Chaque fois qu’un joueur place une tour sur l’échiquier, celle-ci se retrouve dans exactement un rectangle vertical Vi et un rectangle horizontal Hj. Jouer cette tour revient alors à supprimer une ligne de Hj et une colonne de Vi. Le graphe obtenu pour cette nouvelle position est donc celui où les poids de vi et de hj sont réduits de 1, c’est-à-dire celui obtenu en jouant sur l’arête vihj.

Réciproquement, si un joueur a pu sélectionner une arête vihjsur le graphe, alors ω(vi), ω(hj) > 0, ce qui signifie que Viet Hjont un nombre strictement positif de colonnes et de lignes, respectivement. De plus, cela signifie également que Viet Hj s’intersectent. Par construction, Vi∩Hjest un rectangle ayant autant de lignes que Hj et autant de colonnes que Vi, et ayant ω(vi) colonnes et ω(hj) lignes sur lesquelles jouer une tour. Il est donc possible de placer une tour sur Vi∩ Hj.

Si nous appelons f la construction décrite plus haut, nous avons montré que pour toute position

J du jeu des tours sur un échiquier troué, il existe un graphe G, c’est-à-dire une position de WAK,

telle que f (J ) = G. De plus, pour tout coup allant de J à J, il existe un coup allant de f (J ) à f (J), et réciproquement, pour tout coup allant de G à G, il existe un coup allant de f−1(G) à f−1(G). Cela démontre que J et G ont le même graphe de jeu, et sont donc équivalents.

La preuve du théorème 6.3 nous indique que l’emplacement exact de la case sur laquelle les joueurs placent une tour ne compte pas ; seule compte la « zone », c’est-à-dire l’intersection entre rectangle horizontal et rectangle vertical, dans laquelle la tour est jouée. Cela permettra de simplifier l’étude de différents échiquiers, comme l’illustre la figure 6.5 pour les échiquiers avec un trou sur leur bord.

Si l’on constate que les graphes obtenus avec la construction décrite ci-dessus sont nécessairement bipartis, on peut se demander si tout graphe biparti peut être transformé en un échiquier troué avec

n1 n2 h1 h2 m1 w1 h1 n1 n2 h2 m1 w1

Figure6.5 – La réduction du théorème 6.3 quand il y a un trou sur le bord de l’échiquier : seuls cinq types de coups différents existent, chacun correspondant à une arête sur le jeu de WAK équivalent.

la construction inverse.