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Chapitre 3 – De la vie contemplative à la vie active : l’investissement radical de l’ici-bas humain

3. Le salut par les œuvres : l’ascèse laïque de Benassis, Véronique Graslin et Madame de La Chanterie

3.2 Une bienfaisance consolatrice : agir pour (se) guérir

En effet, par-delà son mode de fonctionnement, la bienfaisance balzacienne s’éloigne de la charité chrétienne par ses intentions : « Le catholicisme, pour Balzac,

168 Balzac, L’envers de l’histoire contemporaine, Pl., t. VIII, p. 274. 169 Balzac, Le curé de village, Pl., t. IX, p. 778.

écrivait le controversé Léon Bloy, c’est invariablement un refuge pour les cœurs blessés, une consolation, rien de plus, rien d’autre. » Et il ajoutait péremptoirement en parlant de La Comédie humaine : « Ignorance incroyable de tout ce qui n’est pas humain. »171 Même

si on peut remettre en question la bonne foi de l’auteur du Désespéré – lui qui attaquait très durement le virage chrétien, opéré notamment par Chateaubriand et Hugo, vers un

sentimentalisme de plus en plus accusé172 –, il faut reconnaître que, sur ce point, son

diagnostic est juste. Le catholicisme balzacien est moins une recherche de vérité ou d’autorité qu’une réponse au besoin de consolation qui étreint l’être humain. Plus qu’une « consolation mystificatrice173 », celle qui serait à la base de la littérature populaire, la

consolation balzacienne est une consolation de l’action, qui préfère les gestes aux mots,

une « consolation qui illumine174 » sans gommer artificiellement les malheurs propres à la

condition humaine.

La façon dont le personnage de Benassis choisit de se vouer à son village et de devenir une sœur de charité pour tout un pays ne laisse pas beaucoup de doute sur la consolation personnelle qu’il en retire : « Ne me sachez pas gré de ma bienfaisance, dit-il à Genestas, j’y étais trop intéressé par le besoin de distraction que j’éprouvais. Je tâchais

alors d’user le reste de mes jours dans quelque entreprise ardue175. » Le besoin de

« distraction » identifié par Benassis prend un sens presque pascalien : fuir sa détresse en se lançant dans une entreprise ardue, en se « voua[nt] religieusement à l’état de chirurgien

de campagne176 ». Dans ce contexte, le principe de son action bienfaisante n’est

certainement pas l’amour de Dieu. Benassis semble avant tout mû par un amour déçu, par une passion compromise par sa faute et qu’il tente de sublimer à travers le don de soi : « Le repentir et l’amour sont deux vertus qui doivent inspirer toutes les autres, explique-t-il à

171 Léon Bloy, Journal, P. Glaudes (éd.), Paris, Robert Laffont, 1999, cité par Vincent Bierce, op. cit., p. 15.

172 Pour Bloy, ce sentimentalisme religieux constituerait l’auxiliaire moderne de la pensée des Lumières : « Admirable et providentiel renfort ! s’exclame-t-il dans le style grinçant qu’on lui connaît. La sentimentalité religieuse accourant à la rescousse des modernes persécuteurs [les penseurs du XVIIIe siècle, “le plus sot des siècles”]. » (Le désespéré, Paris, Flammarion, 2010, p. 165.)

173 Pour Umberto Ecco, cette « consolation mystificatrice », connotée négativement, serait à la base de la littérature populaire et de la narrativité commerciale. Par un jeu cathartique, la consolation amènerait le lecteur à accepter sa réalité telle qu’elle est, dans toute sa pesanteur, au lieu de la contester activement. Ecco fait la distinction entre le « roman de consolation » dont l’exemple le plus emblématique pour le XIXe siècle serait Les mystères de Paris d’Eugène Sue, et le « roman problématique » qui se soustrairait à cette mécanique consolatoire. Pour plus de détails voir « La structure de la consolation », dans De Superman au Surhomme [1978], Paris, Grasset, coll. « Le livre de poche », 2016, p. 56-71.

174 Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952), Actes Sud, 1981, trad. Philippe Bouquet, cité par Anne-Marie Baron, dans « Balzac hagiographe : Comédie humaine ou Légende dorée ? », Les Dossiers du Grihl, [en ligne]. http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/6433 [page consultée le 23 mai 2018].

175 Balzac, Le médecin de campagne, Pl., t. IX, p. 415. 176 Ibid., p. 415.

Évelina, juste après leur brusque rupture ; ainsi malgré les abîmes qui vont nous séparer,

vous serez toujours le principe de mes actions177. » C’est donc Évelina – et non Dieu – qui

constitue le principe autant que le but de sa bienfaisance et c’est pour honorer un amour qui fut jadis rejeté qu’il se consacre à son ascétisme philanthropique. La dévotion à Dieu est remplacée par le souvenir de l’être aimé, l’un menant naturellement à l’autre car, au

fond, « n’est-ce pas le bonheur du chrétien devant Dieu178 » que d’être admis devant la

personne aimée et de lui partager son cœur. La charité de Benassis puise donc dans un amour déçu son inspiration initiale ; tentative de réparation, mais surtout façon d’amoindrir un chagrin par le décentrement de soi. Si l’amour sensuel et charnel est un « égoïsme à

deux » (« nous nous aimons nous-mêmes en l’autre »179), la bienfaisance qu’il pratique,

bien que dirigée vers l’extérieur, n’en prend pas moins des allures de consolation individuelle, et dans une certaine mesure, égoïste. Loin d’être un abandon aux intérêts de Dieu, ou un amour de Dieu en l’homme, la bienfaisance pratiquée par Benassis est avant tout une tentative de réhabilitation de soi ; « suicide moral » qui lui permet d’amoindrir la souffrance enfouie au fond de lui et de se dédouaner de ses fautes passées.

Sur ce dernier point, il rencontre évidemment le personnage de Véronique Graslin, dont la confession permet de comprendre rétrospectivement tout ce qui entre de personnel dans les actions charitables qu’elle pose tout au long du roman. Véronique étant soucieuse de racheter le crime de son amant, mort par sa faute sur l’échafaud, sa bienfaisance est avant tout motivée par un amour humain, qui plus est, un amour s’adressant à un homme en particulier. Dieu n’est dans ce contexte qu’une préoccupation secondaire. Bien avant sa confession, on pouvait déceler l’humanisation de sa charité à travers les admonestations que lui adressait l’abbé Bonnet :

Faire le bien, reprit M. Bonnet, est une passion aussi supérieure à l’amour, que l’humanité, madame, est supérieure à la créature. Or, tout ceci ne s’accomplit pas par la seule force et avec la naïveté de la vertu. Vous retombez de toute la grandeur de l’humanité au culte d’une seule créature ! Votre bienfaisance envers Farrabesche et Catherine comporte des souvenirs et des arrière-pensées qui en ôtent le mérite aux yeux de Dieu. Arrachez vous-même de votre cœur les restes du javelot qu’y a planté l’esprit du Mal. Ne dépouillez pas ainsi vos actions de leur valeur. Arriverez-vous donc enfin à cette ignorance du bien que vous faites, et qui est la grâce suprême des actions humaines180 ?

177 Ibid., p. 568. 178 Ibid., p. 560. 179 Ibid., p. 562.

C’est bien là l’une des rares occasions, où Balzac, par le biais d’un personnage ecclésiastique, pointe les intentions qui se cachent derrière l’action charitable de l’un de ses personnages et qu’il va ainsi au-delà d’une pure appréciation conséquentialiste du geste accompli. Or, les reproches qu’adresse l’abbé Bonnet à Véronique ne concernent pas le fait que cette dernière choisisse l’homme plutôt que de choisir Dieu ; ils concernent le fait qu’elle agisse en vue d’une créature particulière – Jean-François Tascheron – en lieu et place de se dévouer à l’humanité entière. La « grâce suprême des actions humaines » vient de leur gratuité. Il faut les exercer sans « arrière-pensées » au risque qu’elles perdent leur valeur aux yeux de Dieu. Or, aucun des personnages ne semble à la hauteur de pareille exigence, pas même l’abbé Bonnet lui-même qui dit avoir choisi la vocation cléricale pour fuir des malheurs familiaux : « Mes goûts, mes idées, mes amours même devaient être contrariés tant que vivrait mon père, explique-t-il à l’abbé Gabriel. Sous la soutane du prêtre, il [son père] serait forcé de me respecter, je pourrais ainsi devenir le protecteur de

ma famille en certaines occasions181. » Ainsi, le choix fait par Bonnet d’œuvrer à la

« vigne » de Montégnac procède moins d’une grâce reçue de Dieu que d’une tentative de réparer une blessure familiale dont il porte tout le poids. Rappelant le Jocelyn de Lamartine, qui entre dans les ordres par amour d’une sœur, l’abbé Bonnet, contrairement à ce qu’il affirme, ne semble pas avoir été guidé par les « indéfinissables puissances de la

Vocation182 », mais bien par le besoin de quitter une vie malheureuse où il serait réduit à

la tyrannie d’un père dur et inflexible.

Ainsi ni Benassis, ni Véronique, ni Bonnet, ni même les Frères de la Consolation, pourtant si pieux, n’exercent la charité sans arrière-pensées personnelles en se dévouant à l’autre par amour de Dieu. Pour ces derniers comme pour les précédents personnages, l’exercice de la charité est une façon d’échapper à leurs propres malheurs. Dût-elle être motivée par les écrits de Saint Paul sur la charité ou par L’imitation de Jésus Christ de Gerson, la bienfaisance s’avère avant tout, pour les moines-ouvriers de l’Hôtel de La Chanterie, une façon de dépasser la souffrance qui les tenaille : « Nous nous parlons rarement de nous-mêmes ; nous nous sommes oubliés, et nous avons trouvé le moyen de

substituer une autre vie à notre vie183. » À la faveur de cet exercice de substitution – qui

181 Ibid., p. 731. 182 Ibid., p. 729.

rappelle l’aspiration portée par Benassis de « [s]e faire une vie autre que celle dont les peines [l]’avaient lassé » – les Frères de la Consolation comblent ce que Barbéris appelle

« le schisme romantique du Moi et de l’action184 », et réussissent à supporter leur existence

malheureuse sans tomber dans le piège d’une introspection complaisante. Mais on ne peut s’empêcher de relever dans leurs actions, comme nous l’avons fait pour Benassis, quelque chose qui se rapproche du divertissement : fuir sa propre souffrance dans l’effervescence de l’action, dans la « chasse » aux malheurs parisiens ; s’annihiler dans l’autre pour oublier son propre néant. Cette impression est confirmée par le fait que les habitants de l’hôtel de La Chanterie sont tous caractérisés par leur passé douloureux dont ils tentent d’oublier le souvenir par une vie chargée d’occupations. Le narrateur insiste : « Tous ces êtres

avaient souffert », et si la « palme du martyre »185 revient à Mme de La Chanterie,

comparée à un Job moderne186, personne ne semble avoir été épargné par la morsure du

malheur. Pourtant, les « occupations secrètes » des membres de cette étrange organisation laïque réussissent à imprimer sur leur visage une résignation sereine, à tel point qu’on dit de Mme de La Chanterie, dans un paradoxe qui fait toute sa sublimité, « qu’elle semblait

avoir été toujours heureuse »187.

On comprend donc qu’il n’entre pas beaucoup de pitié sociale ni d’amour divin dans l’activité des Frères de la Consolation. La charité se justifie par un malheur intérieur que l’on cherche à panser par l’autosacrifice, moins pour plaire à Dieu que pour se délester dans l’ici-bas des entraves de la souffrance. Il est vrai que Monsieur Alain, le plus « gai » de tous les commensaux, formule l’hypothèse altruiste selon laquelle l’exercice de la bienfaisance pourrait être entièrement motivé par son objet, par la misère sociale et la pitié qu’elle éveille : « Ne peut-on, demande-t-il à Godefroid, se sentir ému d’une pitié profonde au spectacle des misères que Paris enferme dans ses murs. Saint Vincent de Paul a-t-il eu besoin de l’aiguillon du remords ou de la vanité blessée pour se vouer aux enfants

abandonnés188 ? » Certes, la question se pose légitimement et la référence à

184 Pierre Barbéris, Balzac et le mal du siècle, op. cit., t. II, p. 1825. 185 Balzac, L’envers de l’histoire contemporaine, Pl., t. VIII, p. 256.

186 « N’a-t-elle pas sur Job l’avantage de n’avoir jamais murmuré ? » demandera Alain à Godefroid, en parlant de Madame de La Chanterie (Pl., t. VIII, p. 319).

187 Ibid., p. 256. 188 Ibid., p. 258.

Saint Vincent de Paul, n’est pas anodine189. Mais ce que Monsieur Alain dit de la charité

et de cette « pitié profonde » éveillée par le spectacle des misères de Paris ne semble pas correspondre tout à fait à la situation de Madame de La Chanterie et de ses commensaux. Monsieur Alain lui-même dément, aussitôt exprimée, l’idée d’une charité motivée par un sentiment désintéressé : « Quant à moi [...] dit-il en continuant ; ma vocation pour notre

œuvre fut déterminée par un sentiment de repentir, à cause d’une aventure...190 » On

comprend dès lors que l’aiguillon du remords fut plus puissant que celui de l’amour de Dieu. La charité arrive dans sa vie comme par défaut, après qu’il ait abandonné les illusions de la gloire : « Personne ne peut, à cet âge [avancé], s’élancer de cette destinée obscure et comprimée par le besoin vers une destinée éclatante ; mais on peut toujours se rendre

utile191. » C’est là une trajectoire qui recoupe celle de nombreux personnages dont nous

avons déjà parlé : Benassis, Gérard, Godefroid, tous s’essayent à la gloire et s’y blessent. Mais au lieu de plonger dans le désespoir, ils se tournent vers l’utile et l’action en allouant leur force, leur énergie et leur volonté à des œuvres de bienfaisance susceptibles d’apporter quelque remède aux pathologies du temps et surtout de les consoler de leurs malheurs.

Le mondain Godefroid, cet « ex-dandy192 » sans conviction pour la religion, mais

pourtant sensible à ses voix humaines, s’inscrit évidemment dans cette veine. Désirant quitter l’état de désœuvrement infécond où il se trouve, il se vouera à l’entreprise charitable de Madame de La Chanterie, habité de motivations toutes laïques. Sa « curiosité », mais plus encore la fascination qu’exerce sur lui Madame de La Chanterie, l’entraîneront au cœur des drames parisiens. C’est ainsi pour plaire à la grande dame et pour ne pas la décevoir qu’il se tourne comme les autres commensaux de la rue Chanoinesse vers la « prière active » et la lecture de L’imitation de Jésus Christ : « Imitez-les pour l’amour de Dieu, pour l’amour de moi, dit-elle avec une sérénité divine, avec une auguste

confiance193. » De la différence entre amour humain et amour divin, Madame

de La Chanterie, consciente de la nécessité d’humaniser la foi, ne semble pas faire grand cas. Comme avant elle l’abbé Bonnet, qui prédisait l’influence qu’aurait Véronique sur

189 On connaît l’influence qu’a pu avoir sur Balzac l’œuvre charitable de Frédéric Ozanam, fondateur, en 1833, de la Société Saint- Vincent-de-Paul.

190 Balzac, L’envers de l’histoire contemporaine, Pl., t. VIII, p. 259. 191 Ibid., p. 274.

192 Ibid., p. 245. 193 Ibid., p. 245.

l’indifférent Roubaud194, la « reine195 » des Frères de la Consolation prétend pouvoir mener

Godefroid à la religion par les sentiments qu’elle est à même d’éveiller en lui, comme si ultimement le culte à l’être suprême pouvait être écarté au profit d’une piété humaine dont elle serait le centre : « Si vous m’aimez, ajouta-t-elle, vous méditerez le chapitre de

l’Imitation, le premier du troisième livre, intitulé De la conversation intérieure196. » Mû

par sa curiosité et par un amour platonique dans lequel la pensée de Dieu entre bien moins que celle des vertus d’une femme admirable, Godefroid se lancera donc dans la vie charitable des Frères de la Consolation. La charité chrétienne ne s’impose à lui qu’à titre

de « spectacle », sublime et grandiose, dont il entrevoit à distance les « délices197 ». Plus

encore, il semble porté par un mouvement d’ambition personnelle qui le pousse à vouloir conquérir la « poésie du malheur » qui se cache ici et là dans Paris : « le monde des malheureux va m’appartenir », lance-t-il triomphalement, dans un mouvement qui n’est pas sans rappeler, comme le note avec justesse Alexandre Péraud, l’ambition d’Eugène de Rastignac198.

En somme, la charité balzacienne a pour point de mire la consolation de ceux qui la prodiguent et c’est à travers cet effet qu’il faut la comprendre. Si la quête du salut par les œuvres du repentir et de la charité demeure une préoccupation pour le personnel romanesque balzacien, c’est tout au plus comme vestige d’une spiritualité perdue. La Comédie humaine n’est plus le lieu où l’on « souhait[e] le Paradis pour Dieu

seulement199 », comme l’écrivait Dante. Tout se resserre autour de l’être humain, et

l’action, qu’elle prenne la forme de l’organisation sociale, de la bienfaisance ou de la charité, n’est plus pensée en fonction de l’Au-delà. Formant une véritable communauté des malheureux, les bienfaiteurs balzaciens dépassent, par le don de soi, « les peines de la vie

194 Le curé de Montégnac avait prédit avec justesse la conversion de l’indifférent Roubaud sous l’effet des charmes de Véronique : « Voilà le coup de foudre qui changera ce pauvre incrédule. Mme Graslin aura plus d’éloquence que moi. » (Le curé de village, Pl., t. IX, p. 811-812.)

195 Balzac, L’envers de l’histoire contemporaine, Pl., t. VIII, p. 242 et 318. 196 Ibid., p. 252.

197 « Il ne pouvait pas croire par moments au spectacle qu’il avait sous les yeux, et il cherchait des raisons à l’amitié sublime de ces cinq personnes, étonné de trouver de vrais catholiques, des chrétiens du premier temps de l’Église dans le Paris de 1835. » (Ibid., p. 250- 251.) Il y a quelque chose de désenchanté dans cette remarque du narrateur. Madame de La Chanterie et ses compagnons constituent une exception, un envers esthétisé que l’on regarde à distance, et qui ne saurait faire oublier la crise de la transcendance de l’histoire contemporaine.

198 Cf. Alexandre Péraud, « Scénographie de l’envers dans L’envers de l’histoire contemporaine », art. cit., p. 23.

199 Dante, Divine Comédie, cité par Jérôme David, « Balzac et la sécularisation romanesque de la figuralité chrétienne », AB 2013, no 14, p. 208.

[qui] sont infinies200 », au lieu de sombrer dans les abysses du désespoir. S’ils ne trouvent

jamais véritablement le bonheur, au moins pansent-ils la plaie sociale, au moins se rendent- ils utiles. Ainsi, leurs malheurs sont féconds et transformateurs, contenant les germes d’un futur à naître. Sans attaches métaphysiques qui contraindraient leurs actions, ils tournent leur regard vers l’avenir, temporalité libérée de toute détermination dont l’ouverture reflète l’autonomie foncière de la condition humaine et le désenchantement dont elle procède.

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