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CHAPITRE 2 : LES MIGRATIONS AU GABON DANS LE CONTEXTE

2. Une approche historique des migrations au Gabon

Bien que cette étude porte sur les mouvements forcés, on ne peut faire l’économie d’une analyse des migrations, notamment de l’immigration du Gabon car, les migrations contraintes intègrent cet ensemble. Comment le Gabon a-t-il toujours mené sa politique migratoire ? L’histoire migratoire du Gabon se confond avec l’évolution globale des grandes étapes de son développement politique et économique conduites d’abord par l’administration coloniale, puis par l’administration locale après l’indépendance du pays le 17 août 1960. L’appréciation de l’évolution de l’immigration se fera en la découpant en trois phases : la phase coloniale, la phase post-indépendance et la phase de fermeture des frontières à partir des années quatre-vingt. De plus, nous évoquerons la question de l’émigration et du transit des populations.

Les études historiques du peuplement du Gabon laissent entrevoir que les Pygmées sont les premiers habitants de ce pays et sont donc les ‘‘autochtones’’ de cet espace géographique. Cette assertion revient à affirmer que les populations qui vivent au Gabon sont d’origine étrangère. Si tel était le cas, cela voudrait dire que le Gabon a toujours connu l’immigration. Or, l’historien gabonais Anges Ratanga-Atoz fait remarquer que « des fouilles

archéologiques entreprises entre 1963 et 1965 ont laissé apparaître clairement, par la découverte de nombreuses pierres taillées et pierres polies, qu’il y a plusieurs milliers d’années le Gabon était peuplé par des ‘‘tailleurs de pierres’’ qui seraient les ancêtres lointains de certaines populations gabonaises d’aujourd’hui » (Ratanga-Atoz, 1985 : 5).

Seulement, et c’est peut-être là la limite de cette découverte, jusqu’à ce jour, aucune trace n’est capable de dire dans la cinquantaine de groupes ethniques qui existent dans ce pays, lesquels descendent de ces ‘‘tailleurs de pierres’’. Ce qu’Anges Ratanga-Atoz reconnaît volontiers.

Toutefois, si la certitude de la présence d’autres peuples que les Pygmées reste un sujet de discussion majeure dans le peuplement de ce pays et oblige les anthropologues et les archéologues a mieux nous éclairer dans ce sens, la première grande immigration de ce pays est celle des Bantu même si elle demeure également difficile à déterminer. Mais, « les

migrations des Bantu du nord vers le sud du continent sont un fait indéniable » (Moulengui

Boukossou, 1989 : 170) dont le Gabon a bénéficié. Pour ce qui est de leur origine, les hypothèses estiment qu’étant en marche vers le sud (Vennetier, 1972), « certains groupes se

sont infiltrés à travers la forêt, empruntant les vallées de la Sanga et de l’Oubangui ; d’autres ont longé la forêt jusqu’aux régions des Grands Lacs, où les populations se sont sédentarisées en créant de grands royaumes. Les mouvements de la population bantu commencés vers le Ier siècle de notre ère, se sont poursuivis jusqu’au XIXe conduisant à l’occupation complète de l’aire bantu actuel » (Moulengui Boukossou, Idem). Si nous

prenons le cas de la langue, François Nsuka Nkutsi nous renseigne, à partir d’une étude sur les principes généraux « morpho-synthaxe du proto-bantu » (Nsuka Nkutsi, 1989), qu’il y a certainement eu une double migration bantu allant de l’ouest du Cameroun vers le sud en longeant la côte occidentale et du Cameroun vers la région « interlacustre » en contournant la forêt. Cette immigration a laissé la place à celle des Européens.

A. De la découverte des côtes gabonaises au XVe siècle par les Européens aux migrations coloniales

Les Portugais ont été les premiers Européens à arriver sur la côte occidentale africaine au XVe siècle. Ils ont été également les premiers Européens à venir sur le Gabon Estuaire en 1472 (Ratanga-Atoz, 1985). Dans leur conquête de l’espace, les Portugais sont, parmi les Européens, ceux qui ont en premier repéré et accosté sur les rives du Komo. L’histoire, en effet, enseigne qu’en 1472, venant de Saô-Tomé et de l’île de Prince, les navigateurs portugais arrivent sur les côtes du Gabon. Le premier d’entre eux fut Lopo Gonçalves qui parviendra au delta de l’Ogooué et donnera son nom à la presqu’île de Mandji connue aujourd’hui sous l’appellation de Cap Lopez63. La même année suivront Ruy de Sequeira en pays Ngowé et Fernão-Vaz64 qui laissa son nom au village Fernan-Vaz. Dans l’Estuaire, la toponymie de cette époque montre que le premier nom européen recensé est Rio do Gabão, terme qui sera donné au pays tout entier, le Gabon.

Ces Portugais établiront avec les populations du littoral des activités commerciales, notamment par l’entremise du troc portant sur le caoutchouc, sur le bois. Comme dans les autres comptoirs des côtes occidentales africaines telles l’île de Gorée au Sénégal et Freetown en Sierra Leone, un réseau de la traite des Noirs se mettra en place. A la fin du XVIe siècle, d’autres Européens (les Espagnols, les Hollandais, les Anglais et les Français) s’établiront également sur les côtes gabonaises pour pratiquer le commerce. Ces relations commerciales dureront pendant plus de trois siècles. Les informations que l’on possède du Gabon à cette période ne concernent que la seule région côtière. Pour Anges Ratanga-Atoz,

« l’inaccessibilité de la forêt équatoriale explique, sans nul doute, que les rares renseignements que l’on possède sur le Gabon à cette époque portent pratiquement sur la seule région côtière, alors que dans l’hinterland se développaient des chefferies qui fourniront à la traite négrière dès les XVIIIe et XIXe siècles des hommes pour le commerce des esclaves »

(Ratanga-Atoz, 1985 : 25). Il souligne par ailleurs que c’est seulement à partir de 1819 qu’on aura quelques informations sur l’arrière-pays grâce au missionnaire T. Edward Bowdich. Ces informations seront complétées par les commerçants anglais, français et américains qui s’installeront dans cette partie du territoire.

Mais de tous ces pays, seule la France s’établira au Gabon puisque les autres nations se retireront très vite. Envoyé pour surveiller la côte du Gabon dans le cadre du mouvement

anti-esclavagiste qui poursuivait l’objectif de supprimer la traite des Noirs, le lieutenant Bouët-Willaumez65, assisté du capitaine Broquant, signera un traité avec le souverain mpomgwe66 Denis Rapontchombo67 en février 1839 concédant à la France le droit de s’installer sur la rive gauche de l’estuaire du Gabon. Après cet acte fondateur de la présence française, d’autres traités confirmeront cette présence. Il s’agit notamment des traités signés avec le roi Louis Anguilet-Re-Dowé68 le 18 mars 1842 qui permit l’acquisition de terres sur la rive droite de l’estuaire, le traité signé par le roi Quaben69 le 27 avril 1843 avec le commandant Baudin qui donnait à la France le territoire entre le village Quaben et le Cap Estérias. Puis, le 28 mars 1844 le roi Glass signa à son tour une convention qui céda ses terres à la France. Après cette acquisition des terres, les autres puissances européennes se retireront pour laisser le territoire de l’actuel Gabon à la France qui, dès lors, orchestrera la découverte et la pénétration de l’intérieur du pays particulièrement par les explorations de Paul du Chaillu70 et de Pierre Savorgnan de Brazza71.

La découverte des côtes gabonaises qui entraînera la traite des esclaves est donc la première forme d’immigration qu’a vraiment connue le Gabon. Puis, la période coloniale mettra en place les bases d’une organisation de l’immigration notamment pour cause de besoin de main-œuvre. Cette phase de l’immigration du travail commence avec « le

débarquement, en 1849, dans ce qui était encore appelé le « comptoir du Gabon », de cinquante-deux captifs libérés, en provenance de l’île sénégalaise de Gorée. Destinés à

65 Bouët-Willaumez (1808-1871) est un officier de marine et explorateur français. Il a exploré le fleuve Sénégal

et le Golfe de Guinée. Lieutenant de vaisseau en 1834, il est envoyé au Sénégal où il mène des explorations navales en remontant le fleuve sur l’aviso à vapeur l’Africain et en cabotant sur la côte d'Afrique sur La Malouine. Il conclut des traités de commerce et de protection avec des chefs côtiers du Golfe de Guinée, en particulier avec les rois du Gabon en 1839, 1841 et 1843. Capitaine de corvette en 1840, il exerce les fonctions de gouverneur du Sénégal de 1840 à 1843, période durant laquelle il étend la souveraineté de la France en ouvrant des comptoirs de commerce à Assinie et Grand-Bassam.

66 Groupe ethnique du Gabon. Selon la classification des langues Bantu établie par Malcolm Guthrie le

Mpongwe appartient au groupe des langues Myènè.

67 Souverain mpongwe

68 Un autre souverain appartenant à l'un des clans des Mpongwe qui englobait les villages de Louis, Quaben,

Kringer et Orety.

69 Neveu du roi Anguilet-Re-Dowé

70 Paul du Chaillu, Français de naissance, naturalisé Américain va effectuer trois voyage dans l’arrière-pays du

Gabon. Parti de la lagune du Fernan-Vaz, il sera le premier Européen à atteindre la Ngounié et à reconnaître entre 1863 et 1865 le massif qui porte son nom, les monts du Chaillu et toute la région qui avoisine les monts du Chaillu.

71 Pierre Savorgnan de Brazza explore l’Ogooué entre 1875 et 1885 et arrive sur le fleuve Congo en trois

voyages. Lors du premier voyage, il découvre que le bassin de l’Ogooué est indépendant du Congo. Ce voyage s’arrête sur l’Alima, affluent du Congo. Il demande aux autorités françaises des moyens pour effectuer un autre déplacement en mettant en avant l’importance commerciale et politique que devait revêtir le Gabon pour la France. Il refait un autre voyage au cours duquel il fonde en juin 1880 le poste de Franceville, actuelle capitale de la province du Haut-Ogooué. Il explore aussi le Niari et le Kouilou lors de ce voyage et signe un traité d’amitié avec le roi Batéké, Makoko, en septembre 1880. Lors de son troisième voyage, il crée 26 nouveaux postes qui aboutissent à la création de la colonie du Gabon et du Moyen-Congo.

répondre au besoin en main-d’œuvre du Comptoir, ces « esclaves », natifs de Loango, furent à l’origine de la création du fameux « village de Liberté », que d’aucuns considèrent comme le pivot historique de la ville de Libreville, cœur politique et administratif de l’actuel Gabon »

(Loungou, 2003 : 2).

Pour ce qui est de la naissance même de Libreville, Elikia M’Bokolo estime qu’elle relevait non seulement de calculs économiques mais aussi de préoccupations politiques (M’Bokolo, 1981). Anges Ratanga-Atoz (Ratanga-Atoz, 1985) raconte qu’en 1846, un vaisseau français, la frégate Pénélope, arraisonna un brick de commerce d’esclaves, l’Elizia chargé de 261 esclaves capturés au Congo, qu’il débarqua à Gorée après avoir pendu l’équipage qui avait refusé de se soumettre aux sommations d’usage. Ces esclaves libérés, le ministère français de la marine qui voulait développer au Gabon la culture de certaines espèces étrangères, pensa les envoyer au Gabon pour servir de main-d’œuvre libre dans les plantations. Mais le projet avorta car, le Gabon ne possédait pas d’infrastructures nécessaires pour les accueillir mais surtout, « pour le nouveau gouverneur du Sénégal, Baudin, le projet

était désormais sans intérêt et « entraînerait d’ailleurs à de grandes dépenses dont [il] ne voyait pas l’utilité » : l’argument n’était pas sans poids en ces années difficiles » (M’Bokolo,

1981 : 130).

C’est Bouët-Willaumez qui en 1849 réactiva le projet et reçut l’accord des autorités de Paris le 28 septembre 1849. Mais, beaucoup de Loango ne voulurent pas partir puisqu’ils s’étaient « ménagé une situation, des relations et des habitudes au Sénégal » (M’Bokolo, 1981). Il eut tout de même 52 esclaves libérés de l’Elizia qui arrivèrent au Gabon. Observateur et admirateur des méthodes britanniques comme le dit Elikia M’Bokolo, Bouët- Willaumez, parvenu au Gabon, donna à cette ville le nom de Libreville à l’exemple de Freetown, capitale de la Sierra Leone, ville des esclaves libérés. « L’Administration fit ensuite

élire à ces nouveaux Gabonais un conseil municipal et un maire (Mountier), premier maire de la commune de Libreville. Mountier était assisté d’un adjoint, lui aussi ancien esclave. Ensemble, ils devaient assurer la surveillance et la police du village. En 1860, Libreville était composée du village des anciens esclaves et des dépendances, de la ‘‘Station locale’’, c’est-à- dire de l’administration de la marine qui gouvernait le comptoir du Gabon, et qui avait émigré du fort d’Aumale (Sainte-Marie) au Plateau (Présidence actuelle) » (Ratanga-Atoz,

1985 : 29).

Dans l’intention de fournir à l’administration coloniale de la main-d’œuvre, les autorités coloniales appliquent au Gabon une politique fondée sur le recrutement des

à la pauvreté des bras. Cette politique, le gouvernement gabonais, après l’indépendance la perpétue.

B. La perpétuation de la politique d’immigration au Gabon après l’indépendance Après l’indépendance, le jeune Etat va lancer une phase d’immigration très encouragée. En effet, « en croissance rapide dès la décennie de l’indépendance grâce à

l’exploitation de ses matières premières, le Gabon est entré depuis le relèvement mondial du prix de celles-ci dans une phase euphorique : le budget de 1975, qui s’élève au triple du budget initial de 1974, lui-même doublé en cours d’exercice, en témoigne. Le prix de vente du pétrole a été multiplié par huit depuis 1971, et celui de l’uranium par cinq en 1975 »

(Anonyme, 1977 : 155).

L’explosion des budgets durant cette période conduit les dirigeants gabonais à mettre en route d’ambitieux projets pouvant doter le pays d’un nouveau visage et le conduire au développement. Ils lancent simultanément plusieurs chantiers nécessitant une main-d’œuvre abondante. De nouvelles bâtisses naissent dans Libreville (construction du nouveau palais de la présidence de la République dit ‘‘palais du bord de mer’’, l’immeuble du pétrole, siège de la primature et de certains ministères, la cité du 12 mars, devenue cité de la démocratie, qui abrite en son sein la plus grande salle des conférences du pays et plusieurs habitations réservées à l’accueil des chefs d’Etat étrangers lors des sommets, construction du grand stade du pays, le stade omnisport président Bongo, etc.). On assiste aussi aux travaux d’aménagement des voiries de la capitale, à la construction du chemin de fer Transgabonais, chantier dont les besoins en main-d’œuvre étaient estimés à 3000 personnes.

Avec une population officielle de 400000 personnes en 1960 au moment de l’indépendance et de 1100000 habitants dans les années soixante-dix, chiffre qui va s’avérer faux par la suite, la population gabonaise ne pouvait pas assumer tous ces travaux. Afin de

« pallier le déficit quantitatif et qualitatif de la main-d’œuvre locale (…), l’Etat gabonais, comme avant lui l’Etat colonial, a entrepris, durant les années fastes (1975-1985), d’« importer » des contingents de travailleurs étrangers, pour la plupart d’origine ouest- africaine » (Loungou, 2003 : 1). Une forte arrivée de populations africaines s’effectue vers le

nouvel Eldorado. Elles viennent de partout et même de la Côte-d’Ivoire, pays d’immigration. Ainsi, « dans Abidjan, on commence à voir circuler les véhicules des recruteurs de main-

En matière de salaire, les chantiers de Libreville durant cette période rémunéraient mieux par rapport aux autres pays de l’Afrique subsaharienne. Les comparaisons salariales de cette époque montrent qu’un maçon togolais gagnait 30 à 40000 FCFA alors que pour le même travail chez lui au Togo, il gagnait 6 à 8000 FCFA (Anonyme, 1977 : 157). Un chauffeur de poids lourd dahoméen qui percevait 100000 FCFA à Libreville n’avait que 25000 FCFA au Dahomey72. Ainsi, le besoin de main-d’œuvre a perpétué l’incitation de l’immigration au Gabon. Mais, en plus de l’absence des populations pour assurer les chantiers ouverts par le gouvernement, deux autres raisons peuvent expliquer ce prolongement de la politique d’immigration : la mainmise des sociétés françaises et la diplomatie gabonaise.

En effet, bien que le Gabon soit devenu indépendant, dans les années soixante et jusqu’à une époque très récente, l’économie gabonaise était presque tenue exclusivement par les entreprises françaises. Les exemples les plus parlants sont dans les trois secteurs qui fondent l’économie gabonaise à savoir le pétrole, les mines et la forêt. Dans le secteur pétrolier, le plus gros producteur a été Elf-Gabon, actuel Total-Gabon. Dans les mines, on a la Compagnie Minière de l’Ogooué (COMILOG), filiale locale d’ERAMET. Dans la forêt, on a Rougier Gabon, filiale de Rougier internationale qui en 1930 a construit une usine à Niort pour la fabrication de contreplaqués à partir d'okoumé importé du Gabon73. Ces sociétés, qui existaient déjà pendant la période coloniale et qui ont favorisé en ce moment l’importation des travailleurs, auraient difficilement accepté de se priver de cette méthode dans leur fonctionnement même si le nombre de Gabonais reste élevé dans ces entreprises74. Donc, la filière d’immigration du travail a été entretenue pendant un certain nombre d’années par les Français.

Quant à la diplomatie gabonaise, ayant été longtemps dirigée exclusivement vers ses anciens partenaires de l’AEF, de l’AOF (Afrique occidentale française) et vers la France, le Gabon va doucement en sortir pour étendre sa diplomatie vers d’autres horizons. La très forte croissance qu’il connaît et le lancement des grands travaux seront une aubaine pour s’ouvrir en favorisant l’immigration. Ainsi, même s’il ne signe pas de convention particulière avec le Nigeria et le Ghana, pour ne citer que ces deux pays, les études montrent que les autorités gabonaises ne font rien pour empêcher les ressortissants de ces pays de venir au Gabon. Si

72 Actuel Bénin. 73 www.rougier.fr

74 Il faut dire à ce propos que le nombre d’agents Gabonais dans ces entreprises n’est important que dans les

tâches d’exécution car, souvent, les ingénieurs et les responsables de direction sont « importés » de France. Un débat public a d’ailleurs eu lieu sur cette question il y a quelques années. La thèse défendue était celle qui

l’immigration de ces peuples ne fait l’objet d’aucune restriction à cette période, c’est assurément pour renforcer les relations diplomatiques avec ces pays.

Le Gabon, terre d’immigration, continue de recevoir des immigrés. Il faut vraisemblablement prévoir une nouvelle vague d’immigration avec le projet d’exploitation du fer de Bélinga75 pour deux raisons. Premièrement, le ministère des Mines prévoit que l’exploitation de ce gisement créera plus de 30000 emplois. Il est évident qu’en qualité comme en quantité, le Gabon ne pourra pourvoir à ce nombre. Deuxièmement, les constructions du palais Léon Mba, siège de l’Assemblée nationale, du palais Omar Bongo Ondimba, siège du Sénat et de la Maison Georges Rawiri, maison de la radio, ont fait venir de nombreux travailleurs de Chine. Or, ayant eu le bénéfice de l’exploitation de ce gisement de fer, ces entreprises chinoises ne se passeront pas de faire venir des travailleurs de Chine. Donc, cela ouvre la voie à une nouvelle filière d’immigration.

D’ailleurs, concernant l’immigration chinoise, il est important de se questionner sur elle en Afrique, en général et au Gabon, en particulier. Depuis son accession à la tête de la Chine, Hu Jintao a effectué quatre tournées sur le continent africain dont un séjour de travail au Gabon76 du 1er au 3 février 2004. Cette offensive diplomatique accompagne une politique volontariste de la conquête du continent noir engagée par la Chine. A l’image de la « Françafrique », Serge Michel et Michel Beuret (2009) parlent de la « Chinafrique » pour décrire cette offensive diplomatique de Pékin sur le continent noir qui, selon eux, est en train d’enterrer la « Françafrique » puisqu’« en moins de dix ans, la Chine a réussi là où la France

a échoué (…) [et que] la France recule dans tous les domaines : économique, politique, militaire, culturel. Et bien souvent au bénéfice de la Chine » (Michel ; Bueret, 2009 : 150). Ce

passage du Livre blanc77 cité par l’Ambassadeur chinois à Dakar lors d’un colloque que rapportent Brigitte Bertoncello et Sylvie Bredeloup montre le degré de « conquête » chinoise