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Frontière internationale et frontières africaines

CHAPITRE 4 : LES REFUGIES DANS LES ZONES FRONTALIERES

1. Frontière internationale et frontières africaines

La frontière est au centre des analyses des mouvements de populations en général, et de réfugiés en particulier, surtout lorsque ces réfugiés se retrouvent dans les zones frontalières110 comme c’est le cas des réfugiés congolais à Lébamba. Mais, qu’est-ce qu’une frontière ? Comment les frontières se sont-elles construites en Afrique ?

A. La construction de la frontière internationale

La frontière est une notion hautement polysémique comme beaucoup de concepts géographiques. Lorsqu’on parle de frontière, la pensée est prompte à renvoyer vers les frontières d’Etats, c’est-à-dire à des lignes de démarcation territoriale entre les pays. Ces frontières d’Etat appelées aussi frontières internationales sont en principe fixées par un accord international, souvent un traité. Ces frontières « comportent, selon Pierre George, trois types

de positions : celle de « confins », sous la forme d’une bande de terrain servant d’interface entre deux Etats, celle de « ligne de démarcation », précisant les limites réciproques des Etats concernés ; celle de barrière défensive, dotée de fortifications, de forteresses, de « glacis »

(Wackermann, 2005 : 9). Mais la frontière ne se résume-t-elle qu’à cette démarcation étatique ? Pour répondre à cette interrogation, reprenons l’encadré 3 que dresse Gabriel Wackermann.

110 Jean-Pierre Renard dans l’article publié dans l’ouvrage Le géographe et les frontières (1997) explique que

lorsque les géographes menaient leurs études en accordant un intérêt particulier aux lignes-frontières, ils parlaient beaucoup plus du concept de région-frontière plutôt que de celui de région frontalière. Pour lui, la zone frontière (région-frontière) portait en elle l’idée d’affrontement, de choc et de rupture, alors que la zone frontalière induisait l’idée d’animation et de vie autour de la frontière. La zone frontière était guidée par la volonté militaire de préserver une zone de manœuvres militaires dans le souci de protection de la ligne frontière. La zone frontière se présentait alors comme deux lignes frontières dédoublées avec en avant une ligne politique marquant la souveraineté nationale et de l’autre une ligne de défense militaire qui s’appuyait sur des éléments naturels (forêts, crêtes, fleuves, etc.). Cette conception imposait des contraintes qui empêchaient le développement de la vie économique et sociale. Or, la considération de l’idée de zone frontalière ôte à cet espace la dominance de la considération géostratégique exclusive pour lui permettre de développer des activités économiques et sociales qui donnent vie à cette zone et encouragent les échanges et donc les mouvements de populations.

Encadré 3 : Définitions de frontière

La frontière est une limite séparant deux zones, deux Etats. Elle représente une rupture souvent franche entre deux modes d’organisation de l’espace, entre des réseaux de communication, entre des sociétés souvent différentes et parfois antagonistes. La frontière a donc une forte implication géographique.

P. Baud, S. Bourgeat, C. Bras, Dictionnaire de géographie, Paris, Hatier, 1995 Limite d’un Etat, fixée par un accord international (traité) … Recouvre, en fait, trois notions :

Ɣ Bande de terrain plus ou moins large, sise aux extrémités d’un pays, bordant sa ligne de démarcation, quand elle existe … (confins) ;

Ɣ Ligne de démarcation (limites) ;

Ɣ Barrière défensive créée pour assurer la protection d’un pays contre les agressions des voisins… (frontière) »

P. George, Dictionnaire de la géographie, Paris, PUF, 1974

Les frontières marquent les limites de la souveraineté, de la jurisprudence et du pouvoir des systèmes politiques

A.-L. Sanguin

Le même terme désigne, surtout dans la géographie historique, en Amérique du Nord et du Sud, les régions qui ont longtemps été d’occupation et d’appartenance incertaines, notamment dans les régions de conflits avec les Indiens.

P. George, Dictionnaire de la géographie, Paris, PUF, 1974

Source : Wackermann, 2005 : 11.

Ces différentes définitions, d’une forte dimension géographique, marquent la limite, la séparation entre les Etats et la souveraineté dont ils jouissent. Mais, elles ne désignent pas exclusivement que cela car, Baud fait ressortir aussi le fait que c’est une séparation entre deux zones. Ce point de vue permet de transcender le cadre territorial étatique pour lire la frontière avant tout comme toute limite de territoire qui possède une « fonctionnalité ambivalente (enfermement/ouverture) »111 (Renard ; Picouet, 2007). Longtemps, la frontière a été vue comme une frontière naturelle déterminée par « des cours d’eau, des lignes de partages des eaux, des crêtes de montagnes ou lignes de faîte ». C’est ce que les géographes ont désigné par la notion de « frontière naturelle ». Mais dès les années trente, Jacques Ancel (Géographie des frontières, 1938) remet en cause la notion de « frontière naturelle » parce qu’il estime qu’elle est erronée, dangereuse et « nie l’existence de domaines physiques fermés

111 Cette fonctionnalité ambivalente se mesure en fonction de la densité des activités qui se déroulent sur la zone

frontalière et par le nombre des points de passage de la frontière ou par sa fluidité. Si une frontière est densément active et qu’il y a un grand nombre de mouvements de populations, on peut dire que cette frontière est ouverte. Dans le cas contraire où une frontière est sécurisée et où la présence militaire est forte et empêche une libre

qui puissent clore les Etats, les Nations ad aeternum » (Renard et al, 1997 : 47). Cette remise

en cause de la frontière naturelle entraîne un questionnement sur la linéarité des frontières telles que les cartes les dessinaient. Pierre George souligne à cet effet que la limite n’est alors qu’une constituante de la frontière. La frontière n’est pas qu’une ligne, elle est aussi une « bande » et un espace de protection. Cette allusion à la protection permet de revenir sur l’étymologie de la notion de frontière.

La notion de frontière tire son origine de l’adjectif féminin du substantif front (Foucher, 1994). Elle est à la fois, au sens ancien, le front d’une formation et d’une façade militaire et le front d’entrée d’un pays. Faire frontière c’est se mettre en bataille pour la défense ou l’attaque (Wackermann, 2005). A l’origine, la frontière relève de l’utilisation militaire par la relation entre front et frontière. Gabriel Wackermann souligne dans ce sens que de nombreuses frontières qui actuellement sont stables et paisibles ont été hier des zones de front. La frontière a également été pendant longtemps liée à la notion de front pionnier comme mouvement de conquête de nouveaux espaces (Tallet, 2007). La frontière n’est donc pas seulement un tracé séparant deux entités territoriales. C’est en plus d’être une limite, une zone d’exercice de souveraineté d’un Etat, une discontinuité spatiale au cœur des enjeux géopolitique et géostratégique. Pour Michel Foucher, « les frontières sont des structures

spatiales élémentaires, de forme linéaire, à fonction de discontinuité géopolitique et de marquage, de repère, sur les trois registres du réel, du symbolique et de l’imaginaire »

(Foucher, 1994 : 38). C’est ce que montre la figure qui suit :

Figure 5 : Les trois registres de la frontière

Source : Renard ; Picouet, 2007 : 22.

Ces discontinuités établissent des césures entre les sociétés, les Etats, les nations, etc. Le registre du réel s’incruste dans la limite spatiale de l’exercice de la souveraineté notamment en tant que ligne de séparation et de contrôle. Il est possible sur la frontière d’un

FRONTIERE : Objet géographique Le registre de l’IMAGINAIRE Le registre du REEL Le registre du SYMBOLIQUE

pays de caractériser sa configuration spatiale ou d’évaluer la présence de l’Etat sur sa frontière. Cette configuration peut se faire par exemple en comptant le nombre de points de franchissement de la frontière tenus par les agents de l’Etat ou de dénombrer les points de marchés frontaliers. Ces techniques, affirment Jean-Pierre Renard et Patrick Picouet, permettent de savoir si une frontière est close ou ouverte.

Avec le registre de l’imaginaire, la frontière rend compte des souvenirs historiques et des affections collectives. L’imaginaire situe dans le rapport à l’« Autre », la distanciation tenue à l’égard de l’« Autre » qui peut être voisin, ami, ennemi. Jean-Pierre Renard et Patrick Picouet affirment à cet effet que l’ancrage de la frontière dans le registre de l’imaginaire est un miroir de la circonscription de la société et du regard, souvent déformant, qu’elle porte sur l’« Ailleurs » et sur l’« Autre ». La frontière à ce moment devient une source d’imaginaire, de sentiments contradictoires pouvant être manipulés. Pour Michel Foucher (1994), ce détachement à l’autre renvoie au bout du compte à la relation qu’on a avec soi-même, à sa propre histoire et aux différents mythes fondateurs ou constructeurs de la société.

Le registre du symbolique renvoie à l’appartenance à une communauté politique inscrite dans un territoire qui est celui de ladite communauté. Pour Michel Foucher, ce registre du symbolique met en lumière la question de l’appartenance à une identité commune et évoque les différents marqueurs de la construction territoriale d’un Etat, de sa délimitation, des sacrifices collectifs que la communauté a subi.

Gabriel Wackermann attire l’attention en soulignant que la frontière ne peut être appréhendée en tant que telle sans la remettre dans une force géopolitique et idéologique où elle est une expression de la puissance et/ou de la défense (Wackermann, 2005). En abordant les frontières sous l’angle géostratégique, exercice auquel Michel Foucher se prête également, il amène à comprendre que la frontière est un espace « d’affirmation de la puissance d’un Etat ». A cet égard, les Etats et les frontières ont des rapports étroits, dit-il, à cause de la centralité qui se conçoit entre le centre, lieu d’excellence et de communion, et les multiples entités territoriales qui composent l’Etat. Pour Gabriel Wackermann, cette « communion (…)

implique un héritage, un chemin, des visions et des projets communs. La communion est en haut-lieu étatique et/ou national à l’origine de la création des fonctions centrales indispensables à la structuration, à l’organisation et au fonctionnement d’une communauté territoriale » (Wackermann, 2005 : 36).

En revenant sur les trois registres du réel, du symbolique et de l’imaginaire que dresse Michel Foucher, la frontière n’a plus pour unique objet la séparation spatiale des Etats, des

espace complexe qui peut être bien délimité ou s’apparenter à une zone dont le cadre est difficile à saisir » (Clochard, 2007 : 10). Cette complexité de la frontière impose l’obligation

de se poser une question : quel est alors le contenu des frontières et comment peut-on les classer ?

Michel Foucher affirme que « les frontières sont d’abord l’enveloppe continue d’un

ensemble spatial, d’un Etat, qui a atteint suffisamment de cohésion politique interne et d’homogénéité économique pour que les clivages principaux ne traversent plus l’intérieur du territoire et la collectivité humaine, mais aient été reportés, par changement d’échelle, en position limite (…) [et] sont dans le même temps un plan de séparation-contact ou, mieux, de différenciation des rapports de contiguïté avec d’autres systèmes politiques » (Foucher, 1994

: 39). Il soulève ici la question de la variation d’échelle de la frontière qui part d’une expression de limite territoriale, pour paraphraser Gabriel Wackermann, aux clivages socio- économiques en attrapant au passage l’idéologie de la construction de l’identité. Autrement dit, quels types de frontières existent-ils ?

L’observation historique, selon Gabriel Wackermann, montre que les frontières sont attribuées a priori ou tracées par les accords internationaux. Il existe de ce fait essentiellement deux types de frontières : les frontières maritimes et les frontières terrestres qui sont nombreuses et dispersées. Les plus courantes sont les frontières terrestres qui séparent les Etats. Les frontières maritimes sont celles qui se situent sur la façade maritime des Etats en leur donnant un accès direct à la mer et par conséquent une liberté d’action et parfois d’affirmation de puissance majeure. Les Etats ayant accès à la mer sont dits « Etats désenclavés » par rapport à ceux enclavés qui, pour effectuer des échanges maritimes, sont obligés d’utiliser l’espace national d’autres pays. Gabriel Wackermann estime que les frontières maritimes peuvent être cernées sous un double aspect d’extrémités continentales, parfois péninsulaires, qui, en délimitant les Etats, délimitent à la fois dans certains cas le globe. Beaucoup de ces espaces maritimes sont des pôles stratégiques qui se trouvent le long des axes de circulation vitaux pour les échanges internationaux. C’est le cas d’Hawaï ou de Taïwan. La mondialisation des échanges rend visible l’importance de ces façades maritimes.

En plus de cette séparation géographique, la frontière est également une discontinuité socio-économique entre Etats et au sein d’une même société. L’exemple des deux systèmes, communiste et capitaliste, qui ont guidé le monde pendant la guerre froide marquait bien une frontière, une démarcation, une discontinuité entre deux options de société qui n’avaient pas de points de croisement. Au sein des sociétés, on observe aussi des différences marquées entre les riches et les pauvres.

La frontière est enfin parfois un outil de démarcation identitaire entre les peuples. Le franchissement de la frontière d’un pays à un autre fait de toute personne un étranger. La frontière participe à la mise en territoire et, dans la circulation des populations, à les nommer soit comme citoyen ou comme étranger. Pour Pierre-Jean Thumerelle, le migrant en franchissant la frontière de son pays cesse d’être citoyen pour endosser le statut d’étranger qui ne lui confère que des droits limités et le plonge dans l’inconnu (Thumerelle, 1997). Cette démarcation identitaire ne se situe pas seulement au niveau de la frontière étatique mais peut se retrouver aussi, au sein d’un même pays, souvent justifiée par des divisions ethniques qui, en réalité, ne traduisent rien d’autre que les luttes politiques. C’est parfois le cas en Afrique. L’exemple des Grands Lacs est assez illustratif à cet égard, comme le montre Jean-Pierre Chrétien qui explique que le paradoxe identitaire qui prévaut au niveau de cette partie du continent africain est connu. Pour lui, « d’un côté l’antagonisme entre les communautés hutu

et tutsi a atteint son paroxysme, marqué par le génocide des Tutsi rwandais en 1994, qui remet en cause à terme la survie même de ces sociétés : le Rwanda associe la quête désespérée d’une réconciliation interne avec une fuite en avant guerrière vers le Congo, ce dernier est touché lui-même par le virus du fantasme opposant « autochtones bantoues » et « envahisseurs nilotiques », le Burundi voit la guerre civile s’aggraver sous le couvert d’une paix en trompe-l’œil. Or, d’un côté, le Rwanda et le Burundi, qui sont l’épicentre de la crise, représentent des entités politiques pluriséculaires, où la culture, la langue et l’histoire ont forgé de véritables nations précoloniales. Comment rendre compte de cet échec majeur, qui n’est pas le fruit de « haines » ataviques, mais d’une dérive politique de plus en plus grave depuis les années 1960 ? » (Chrétien, 2002 : 8). Ce passage fait ressortir la dimension

politique d’instrumentalisation des frontières identitaires à des fins politiques. Justement, à la suite de Jean-Pierre Chrétien, comment conçoit-on la frontière africaine ?

B. Les frontières africaines, un héritage de la colonisation

Il ne s’agit pas de faire une typologie des « bonnes » ou des « mauvaises » frontières africaines. Et encore moins de remettre en cause le tracé frontalier hérité de la colonisation. L’objectif ici est celui de montrer comment se sont construites nombre de frontières africaines et de se questionner sur les conflits frontaliers sur ce continent. Le débat est d’actualité dans la mesure où le 7 juin 2007 à Addis-Abeba la conférence des ministres africains chargés des questions de frontières a soulevé le problème et engagé un « Programme Frontière » avec pour but de prévenir les conflits et de promouvoir l’intégration. Cette conférence a, en effet,

constaté que « moins d’un quart des lignes frontalières africaines sont aujourd’hui définies,

que cette situation est porteuse de risques car elle engendre l’existence de « zones floues » à l’intérieur desquelles l’exercice de la souveraineté nationale peut se révéler problématique et qu’elle est une entrave réelle à l’accélération des processus d’intégration » (Foucher, 2007 :

57).

Depuis lors, ce programme est repris et discuté au niveau de chaque sous-région. L’Afrique de l’est, l’Afrique du nord et l’Afrique de l’ouest ont tenu leurs ateliers respectivement à Kampala (Ouganda), à Alger (Algérie) et à Ouagadougou (Burkina-Faso). L’Afrique centrale a tenu à Libreville du 21 au 23 mai 2009 son atelier « Programme Frontière » de l’Union Africaine (PFUA) et examiné en même temps le projet de « Programme Frontière » de la CEEAC. Sur le site de la CEEAC112 annonçant cet atelier, on pouvait lire que : « Le PFUA et le PF-CEEAC, qui s’inscrit dans son sillage, ont pour objet

de rechercher des solutions aux difficultés récurrentes liées à l’incertitude sur le tracé des frontières, aux difficultés de leur franchissement, au manque d’infrastructures transfrontalières et à l’insécurité qui y règne, tous obstacles qui entravent l’intégration régionale, et donc le développement économique sur le continent africain de manière générale et en Afrique Centrale en particulier ».

L’analyse de cette question sera conduite à partir de la frontière Gabon/Congo. Ce choix s’explique par le fait que l’évolution de cette frontière est comparable à celle de nombreux Etats africains car, à l’origine, elle n’était qu’une simple discontinuité administrative au sein de l’AEF et que sa ligne de démarcation est devenue, à la faveur du processus de décolonisation, une frontière politique séparant dorénavant deux entités étatiques distinctes (Avenot, 2008). La première frontière entre le Gabon et le Congo date de 1886 (carte 14).

Marc-Louis Ropivia et Jules Djéki expliquent que c’est suite à des querelles successives de juridiction entre Pierre Savorgnan de Brazza et Noël Ballay113 que la première distinction territoriale entre le Gabon et le Congo aura lieu. Cette séparation est contenue dans une décision du 26 juillet 1886 qui est libellée comme suit : « Sous la direction administrative

du Gabon une bande de la côte suivant une ligne partant de la station de Ndjolé dans

112 www.ceeac-eccas.org

113 Noël Ballay était médecin auxiliaire de la marine française. Il accompagne Pierre Savorgnan de Brazza lors

de sa première expédition dans l’Ogooué. Il participe également à la seconde expédition où il est chargé de transporter de France au Gabon une chaloupe à vapeur en pièces détachées. Par suite de retards et d'avaries, il ne revoit Pierre Savorgnan de Brazza qu'en juin 1883 à Diélé. En 1885, il défend les intérêts de la France à la Conférence de Berlin. Il est nommé lieutenant-gouverneur du Gabon en 1886 mais démissionne en 1889 à cause des désaccords avec Pierre Savorgnan de Brazza à qui il reproche sa mauvaise gestion.

l’Ogooué pour aller traverser le Kouilou à Kakamoéka et de là aboutir au point où l’enclave portugaise de Landana rejoint la frontière de l’Etat indépendant » (Ropivia ; Djéki, 1995 :

26). Le territoire gabonais qui jusque-là était cantonné au niveau du littoral en partant du bassin sédimentaire côtier de l’estuaire du Rio Muni jusqu’à l’embouchure du Kouilou (Ropivia ; Djéki, 1995) va dès cette décision administrative s’étendre en prenant doucement l’espace qui était celui du Congo.

Carte 14 : Evolution de la frontière Congo/Gabon

Pour Serge Loungou, cette séparation mettait en exergue deux conceptions opposées de l’aventure coloniale en Afrique centrale. Il explique, à la suite de Marie-Antoinette Ménier et de Roland Pourtier, que la première conception, portée par la Marine française, était attachée au domaine côtier de la vieille colonie du Gabon alors que la seconde conception, portée par Pierre Savorgnan de Brazza, était plutôt favorable à une expansion vers

l’hinterland et que le Congo devrait en être le centre de gravité. A cause du principe des « bassins hydrographiques » proposé par la conférence de Berlin114 et vue que le bassin du Gabon est considéré comme le ‘‘prolongement naturel’’ de l’Ogooué, cette limite va changer. C’est ainsi que « dès 1903, le Gabon vit son territoire s’agrandir au détriment du Congo ;