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Une approche européenne du test vivement critiquée

A. Une mutation du test en trois étapes en faisant un cheval de Troie au sein du

1. Une approche européenne du test vivement critiquée

En Europe, le test en trois étapes est classiquement perçu, et mis en œuvre, comme un « garde-fou » supposé éviter une trop grande emprise des exceptions sur le monopole de l’auteur, que l’Union européenne a décidé d’interpréter restrictivement (a), faisant naître d’importantes craintes au sein de la doctrine (b).

a. L’interprétation stricte devenue restrictive au sein de l’Union européenne

Classiquement, le test en trois étapes apparaît comme un « garde-fou » ; c’est en effet l’expression qui revient le plus souvent quand il s’agit de qualifier ce mécanisme international. Il est supposé empêcher les exceptions de prendre une ampleur trop importante et d’empiéter de façon démesurée sur les droits exclusifs des titulaires de droit. L’interprétation initiale qui a été faite de ce texte peut être qualifiée de stricte, mais il semble que sa transposition dans la directive DADVSI ait mené à rendre l’interprétation restrictive.

La distinction entre interprétation stricte et interprétation restrictive a été faite dans une thèse sur l’interprétation des textes fiscaux, mais peut être appliquée, par analogie, aux textes concernant le droit d’auteur. L’interprétation stricte est dans cet écrit considérée comme celle qui « consiste, en présence d’un texte clair et précis, à adapter ses dispositions à l’espèce, sans leur donner une portée plus large ou plus étroite que ne le permet le contenu formel. Cette adaptation (…) suppose donc qu'une marge de manœuvre minimale est laissée à l'interprète. »236 En revanche, une interprétation restrictive « consiste, pour le juge, à dégager d'éléments extérieurs au texte, une signification de la norme plus étroite que ne le permet une simple interprétation stricte. [Elle] (…) aboutit à conférer au texte une portée plus réduite que celle normalement inférée de sa seule analyse. »237 Il s’avère que l’interprétation initiale du test en trois étapes était stricte, et est devenue restrictive lorsqu’elle s’est retrouvée entre les mains des législateurs et juges de l’Union européenne, faisant passer le test d’un simple à un double garde-fou.

Le test en trois étapes, lorsqu’il a été créé au cours de la Conférence de Stockholm révisant la Convention de Berne, a été conçu comme un garde-fou : dans une optique de protection minimale des auteurs, il s’agissait de permettre aux États parties à la Convention de prendre des exceptions, ou pour ceux en ayant déjà dans leur régime de droit d’auteur de les garder, tout en leur imposant une limite. Accorder la faculté de créer des exceptions sans un certain encadrement aurait en effet pu avoir pour conséquence un renversement du principe et de l’exception : les limitations au droit d’auteur auraient pris

236 Philippe Marchessou, L’interprétation de textes fiscaux, Paris, Economica, 1980, à la p 141. 237 Id. à la p 190.

le dessus et seraient devenues le principe, le monopole serait devenu l’exception. Les législateurs, pour se conformer à leurs obligations internationales, doivent donc nécessairement ne créer que des exceptions remplissant les trois conditions du test. Le test en trois étapes apparaît alors comme un garde-fou international, et est censé être appliqué de la sorte dans chaque État partie à une convention le consacrant. L’interprétation peut donc être considérée comme stricte pour deux raisons. Tout d’abord, le test en trois étapes ne peut en principe à lui seul exclure un usage du monopole, puisqu’il n’a pas été conçu comme une exception générale au droit d’auteur, une telle conception allant à rebours de sa fonction de garde-fou. Le Professeur Sirinelli l’a soutenu en ces termes : « Concernant l’esprit du test en trois étapes, il faut se souvenir que ce dernier est un « garde-fou » supplémentaire, s’ajoutant à des exigences précises, et non un cas d’ouverture à des exceptions innommées. »238 Enfin, il est admis par les États de tradition copyright comme de tradition de droit d’auteur, et validé par l’OMC, que les trois conditions s’appliquent de façon cumulative239.

La transposition du test au sein de la directive DAVDSI a eu pour conséquences d’amener les juges nationaux à appliquer le test en trois étapes et les juges de l’Union européen à se prononcer sur l’application qu’il fallait en faire.

Les juges nationaux ont, comme abordé précédemment, pour la plupart appliqué le test conformément à son rôle de garde-fou, puisqu’ils ont soumis les cas d’espèce qui leur étaient soumis à son contrôle.

L’approche qu’ils ont privilégiée a été validée par la CJUE. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler les arrêts OSA et ACI Adam, déjà étudiés, à l’occasion desquels les juges de l’Union européenne ont bien précisé que ce dernier « se limit[ait] à préciser la portée des exceptions et des limitations »240, « ne saur[ait] être interprét[é] comme permettant

238 Pierre Sirinelli, « Exceptions – Citation – Droit à l’information – Reproduction d’une photographie à

des fins publicitaires • Cass. 1re civ., 25 mai 2004 Société Conception de presse et d’édition c/ Société Playboy Entreprises » dans André Lucas et Pierre Sirinelli, « Droit d’auteur et droits voisins » (2004) 12 Propriétés intellectuelles 766, à la p 776.

239 Rapport du Groupe spécial de l’OMC, op. cit., note 37, au para 6(74) ; Christophe Caron, Droit d’auteur

et droits voisins, 4e éd, Paris, LexisNexis, 2015, à la p 326.

d’élargir la portée [des exceptions] »241 et « [n’intervenait] qu’au moment de l’application [des exceptions] par les États membres »242. Ils avaient alors clairement suivi la position de l’avocat général de l’arrêt Infopaq243, qui avait plus explicitement déclaré que les étapes du test constituaient « des conditions supplémentaires que les actes [d’exploitation] devraient remplir, s’ils remplissaient les conditions » relatives à l’exception en cause. Il faut noter que ces décisions du juge de l’Union ne sont survenues qu’après les différents arrêts rendus par les juges nationaux relatifs au test en trois étapes, validant la position majoritaire adoptée à l’échelle nationale.

Les juges nationaux et les juges de l’Union, en se prononçant ainsi, ont en réalité érigé le triple test en condition supplémentaire d’application des exceptions : quand bien même un usage remplirait les conditions légales prévues afin qu’il entre dans le champ d’application d’une exception, il doit également respecter les trois étapes du test. L’arrêt Mulholland Drive est un exemple caractéristique. Les juges avaient notamment conclu que « l’atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre [était] propre à faire écarter l’exception de copie privée » 244. Cela signifie que l’absence de respect de l’une des étapes

du test implique que le juge refuse le bénéfice de l’exception à l’utilisateur s’en prévalant. Le test en trois étapes apparaît donc bien comme étant une condition supplémentaire à l’exercice des exceptions.

Ce dernier fait donc l’objet, depuis sa transposition en droit de l’Union européenne, d’une interprétation non plus stricte mais interprétation restrictive, les juges ayant retenu une signification plus étroite ayant pour conséquence de réduire la portée des exceptions. Si auparavant les lignes directrices d’application du test en trois étapes étaient l’impossibilité de l’utiliser pour créer de toutes pièces une exception et le caractère cumulatif de ses étapes, il faut désormais au surplus considérer le test comme une condition supplémentaire d’application des exceptions.

241 ACI Adam, op. cit., note 47, au point 49. 242 Id., au point 25.

243 Valérie-Laure Bénabou, « Concl. Avocat général près la CJCE Verica Trstenjak (point 134) aff C-5/08

Infopaq » (2009) Propriétés intellectuelles 185 ; Infopaq, op. cit., note 137.

Le choix d’une approche restrictive du test en trois étapes au sein de l’Union européenne peut s’expliquer par le principe d’interprétation stricte des exceptions qui y prévaut, tout comme en France.

Ce principe n’est pas spécifique au droit d’auteur puisqu’il provient de l’adage « Exceptio est strictissimae interpretationis », « maxime d’interprétation d’usage très fréquent, d’après laquelle toute solution exceptionnelle doit être appliquée de façon à ne pas en étendre la portée »245. Selon le Professeur Roland et le Doyen Boyer toujours, cette maxime peut même signifier une « [interdiction catégorique de] toute création d’exceptions en dehors d’une disposition légale précise »246.

Cet adage guide d’ailleurs le régime de droit d’auteur de l’Union européenne, puisque celui-ci comprend une liste exhaustive d’exceptions au droit d’auteur pouvant être prise par les États membres. La CJUE d’ailleurs rappelle fréquemment que la mise en œuvre des exceptions doit être guidée par ce principe d’interprétation stricte. C’est notamment le cas dans les arrêts Infopaq ou ACI Adam, dont la Cour profite pour souligner que « selon une jurisprudence constante de la Cour, les dispositions d’une directive qui dérogent à un principe général établi par cette même directive doivent faire l’objet d’une interprétation stricte »247. Cela explique tout à fait que l’Union européenne ait fait le choix d’une telle interprétation du test en trois étapes.

Cependant, le principe d’interprétation stricte, aussi poussé qu’en Europe tout du moins, ne vaut pas au sein de tous les régimes de droit d’auteur. C’est notamment le cas en droit canadien. En effet, les juridictions canadiennes ont estimé que les exceptions au droit d’auteur n’étaient pas d’interprétation stricte, mais devaient « recevoir une interprétation juste et équilibrée »248, ce qui permet d’ailleurs sans doute de garantir l’effectivité de la transformation des exceptions au droit d’auteur en droits des utilisateurs. Cela laisse présumer que l’interprétation restrictive, dérivée de l’interprétation stricte au sein de l’Union européenne, n’aurait sans doute pas prospéré au Canada si son droit d’auteur s’intéressait au test en trois étapes.

245 Henri Roland et Laurent Boyer, Adages du droit français, Paris, Litec, 4e éd, 1999, à la p 231. 246 Ibid.

247 Infopaq, op. cit., note 137, au para 56 ; ACI Adam, op. cit., note 47, au para 22. 248 CCH, op. cit., note 55, au para 48.

Cette évolution de l’interprétation du test en trois étapes participe également à creuser le fossé qui sépare les régimes européens des régimes nord-américains de droit d’auteur, les premiers utilisant le test en trois étapes de façon à restreindre encore plus le champ des exceptions, les autres conservant un régime ouvert duquel le test en trois étapes est particulièrement absent.

Le passage d’une interprétation stricte à une interprétation restrictive du test est en réalité une des conséquences directes de la transposition du test en trois étapes dans la directive DADVSI. Cela participe à expliquer les écarts entre l’Union européenne et les Canada et les États-Unis, mais ceux sont surtout les éventuelles répercussions d’une telle interprétation qui ont intéressé la doctrine et réveillé ses craintes.

b. Les craintes doctrinales relatives à l’interprétation restrictive

L’interprétation restrictive du test, et principalement son rôle de double verrou au sein de l’Union européenne, a fait naître de nombreuses craintes au sein de la doctrine, qui n’a en conséquence pas manqué de critiquer généreusement cette interprétation et ses conséquences sur l’application du test et la portée des exceptions.

L’une des principales craintes de la doctrine relatif à une interprétation restrictive du test en trois étapes est, comme l’a dit le Professeur Senftleben, farouche opposant, qu’il conduise le régime européen à « n’[offrir] ni de sécurité juridique, ni de flexibilité »249. En effet, il est souvent soutenu que les régimes ouverts ont l’avantage de la souplesse, et les régimes fermés l’avantage de la sécurité, et certains ont pu reprocher au test en trois étapes de retirer au régime européen de droit d’auteur son principal atout. Si le Professeur Hugenholtz avait craint qu’une transposition du test en trois étapes dans la loi néerlandaise « conduise inévitablement à des limitations plus ouvertes, ce qui risquerait de nuire à la sécurité juridique »250, c’est, selon une grande partie de la doctrine,

249 Martin Senftleben, « Ni flexibilité ni sécurité juridique » dans André Lucas, Pierre Sirinelli, Alexandra

Bensamoun. Les exceptions au droit d’auteur, État des lieux et perspectives dans l’Union Européenne, Paris, Dalloz, 2012 63, à la p 65.

250 Bernt Hugenholtz, « The Implementation of Directive 2001/29/EC in the Netherlands » (2005) 206

le phénomène inverse, soit l’interprétation du test rendant les limitations plus étroites, qui nuit à la sécurité juridique.

En effet, comme l’a souligné le Professeur Caron, « l’utilisateur n’est plus certain de pouvoir bénéficier d’une exception pourtant prévue par la loi, puisqu’elle est dorénavant susceptible d’être remise en cause en application de ce test à l’occasion d’un litige »251. Le test en trois étapes étant désormais appliqué comment condition supplémentaire du bénéfice d’une exception lorsqu’un litige se présente au juge, comment l’utilisateur peut- il raisonnablement prévoir d’entrer dans le champ de l’exception et s’assurer de ne pas être condamné pour violation du droit d’auteur ? Selon le Professeur Azzi, les réactions des utilisateurs à une telle interprétation du test en trois étapes ne pourront être que négatives : « L'usager ignorant se fera piéger par le test. L'usager craintif s'abstiendra d'utiliser l'œuvre alors pourtant qu'une exception le lui permet. Quant à l'usager prévoyant, il demandera systématiquement l'autorisation des ayants droit, y compris lorsqu'il n'est pas nécessaire qu'il le fasse. »252 Tandis que « l’usager ignorant » deviendrait « contrefacteur malgré lui »253, il devient difficile de percevoir l’intérêt des

exceptions. Le Professeur Bénabou a d’ailleurs estimé que « l’usager prudent contribuera spontanément à la reconstitution d’un droit exclusif total, les exceptions étant devenues effectivement factices. »254

Les trois étapes du test, et leur formulation, suffisent à accentuer cette grande incertitude des utilisateurs.

Il est indéniable que les étapes sont formulées de façon particulièrement floue et dans des termes impliquant, principalement pour la troisième étape, une balance des intérêts, rendant la formulation du test peu accessible. Comment, en effet, un utilisateur pourra-t- il déterminer avec un minimum de certitude si son utilisation ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et, surtout, si elle ne porte pas un préjudice injustifié à un intérêt légitime de l’auteur ? Dans le cadre de l’affaire Mulholland Drive, le Professeur Bénabou s’était interrogée en ces termes :

(…) quelle conscience à de nuire à l’exploitation normale ou aux intérêts légitimes de l’auteur peut avoir le copiste privé qui opère, comme dans le cas d’espèce, une migration

251 Christophe Caron, op. cit., note 239, à la p 327.

252 Tristan Azzi, « La loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de

l'information, ou le monopole préservé » (2007) 7 Communication Commerce Électronique 7, à la p 10.

253 Pierre Sirinelli, « Propriété littéraire et artistique » (2006) 43 Recueil Dalloz Sirey 2991, à la p 2997. 254 Valérie-Laure Bénabou, op. cit., note 218, à la p 74.

de support d’une technologie moderne vers une technologie plus ancienne ? Comment l’utilisateur peut-il apprécier en son âme et conscience l’impact économique dévastateur de "sa" copie ? »255

De plus, le Professeur Caron souligne que « ces critères (…) donnent en réalité une assez grande liberté aux juges du fond qui peuvent privilégier l’une ou l’autre solution, dès lors qu’ils motivent l’application de ces critères aux faits de l’espèce »256. En sachant que le juge auquel le cas d’espèce sera soumis a, au surplus, une importante marge de manœuvre, la prévisibilité n’en est que réduite. C’est ce que le Professeur Alleaume appelle l’« insécurité subjective »257.

Le test est ainsi finalement interprété dans le sens des traditions juridiques de l’Union européenne : in favorem auctoris. Cependant, cette interprétation peut sembler aux yeux de certains trop extrême, au point non plus de privilégier les auteurs mais d’affaiblir les utilisateurs qui se heurtent tant à la difficulté d’accessibilité du test, à la grande marge de manœuvre du juge, qu’au fait que cette interprétation « ne donne pas aux juges une latitude suffisante pour tenir compte des intérêts autres que ceux des ayants- droit »258. C’est également ce qui ressort de la Déclaration en vue d’une interprétation du

« test des trois étapes » respectant les équilibres du droit d’auteur259 de l’Institut Max Planck. En effet, après avoir « dressé un tableau de la situation actuelle dont le ton alarmiste ne laisse pas de surprendre », il y est déclaré que

Le droit d’auteur doit donc satisfaire les intérêts des détenteurs originaires de droits (…) autant que les intérêts de ceux qui acquièrent les droits dans le cadre de l’exploitation de l’œuvre (…) Le test des trois étapes ne devrait pas être interprété d’une manière qui compromette une solution adéquate à ce conflit d’intérêts. Il n’est pas dans l’intérêt général de promouvoir les intérêts des ayants droit au détriment des autres intérêts individuels et collectifs existant au sein de la société. Lorsque les intérêts des ayants droit et ceux du public entrent en conflit, un effort doit être fait pour parvenir à un arbitrage équilibré.

255Ibid.

256 Christophe Caron, op. cit., note 240, à la p 327.

257 Christophe Alleaume, « Le rôle du triple test, une nouvelle conception des exceptions ? » (2007) 25

Revue Lamy Droit de l’Immatériel 48.

258 Kamiel J. Koelman, op. cit., note 219, à la p 2 : « the three-step test does not give judges sufficient

latitude for considering other interests than the right-holders’. »

259 Christophe Geiger, Jonathan Griffiths, Reto M. Hilty, « Déclaration en vue d’une interprétation du « test

des trois étapes » respectant les équilibres du droit d’auteur » (2008) 29 Propriétés intellectuelles 399, à la p 400.

Dans le même sens, le Professeur Geiger, qui est d’ailleurs l’un de instigateurs de cette déclaration, a estimé que « Le problème n’est pas tant une certaine imprévisibilité, caractéristique de toutes les normes « évolutives » (chaque système juridique connaît des notions cadres et des clauses générales). Le problème est qu’il s’agit d’une flexibilité à sens unique, profitant uniquement aux titulaires de droit. »260 Il est donc également reproché à cette interprétation que la balance des intérêts inhérente au test penche d’un côté, celui des ayants-droit, et soit donc manifestement déséquilibrée.

Le Professeur Senftleben a par ailleurs estimé qu’une telle application restrictive, comme deuxième verrou à l’application des exceptions, représenterait un handicap pour l’industrie de la culture et conduirait à une limitation de l’accès à cette dernière. Il a en effet soutenu qu’une approche privilégiant un droit d’auteur dénué de toute flexibilité impliquerait « moins d’accès aux ressources culturelles et moins de diversité culturelle, un cadre juridique incapable de réagir aux nouveaux besoins des utilisateurs et un manque de liberté pour développer de nouveaux modèles de business prometteurs. »261

Catastrophiste, il considère que « les risques économiques et socioculturels [de cette application du test en trois étapes] sont considérables »262. Souhaitant un « cadre juridique

incapable de réagir aux nouveaux besoins des utilisateurs », il affirme qu’une interprétation moins restrictive du test en trois étapes permettrait « l’adaptation du système des exceptions aux impératifs de la société de l’information »263. L’un des soucis de cette interprétation tiendrait, en somme, à l’obsolescence264 programmée des exceptions fermées qui ne sont pas capables de suivre le rythme du développement des nouvelles technologies, et à l’impossibilité au juge d’y faire face et d’adapter les exceptions existantes.

Enfin, la doctrine la plus dissidente a estimé que cette interprétation allait à l’encontre des textes internationaux au sein desquels figure le test en trois étapes. Selon le Professeur Senftleben, le test a en effet été conçu comme « une source

260 Christophe Geiger, op. cit., note 202, à la p 17. 261 Martin Senftleben, op. cit., note 251, à la p 68. 262 Ibid.

263 Christophe Geiger, op. cit., note 202, à la p 22.

264 Lucie Guilbault, « Why Cherry-Picking Never Leads to Harmonisation: The Case of the Limitations in

Copyright under Directive 2001/29/EC » (2010) 1 Journal of Intellectual Property, Information Technology and E-Commerce Law 55, à la p 61.

d’exceptions265 », « un espace de liberté additionnelle » devant « ajouter la souplesse nécessaire pour remplir des besoins économiques, sociaux et culturels au niveau national »266.

Si l’interprétation restrictive du test en trois étapes est donc de mise au sein de l’Union européenne, elle est largement critiquée. Pourtant, une interprétation restrictive du test implique-t-elle une interprétation restrictive des exceptions ? D’ailleurs, selon Benoît Galopin, le droit de l’Union européenne implique certes une interprétation stricte