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Un territoire tardivement intégré à l’ensemble national

L’histoire du Yunnan a été longuement introduite en langue anglaise par Yang Bin en 2008 dans son ouvrage Between Winds and Clouds, The Making of Yunnan (Second century BCE, Twentieth century CE). Bin retrace l’origine du mot yunnan 云南 (au sud des nuages) à la dynastie des Hans. Le Yunnan actuel ne fut incorporé à la Chine que par les Mongols en 1253.

Au III ème siècle av J.C. sur le territoire du Yunnan contemporain, s’étendait le royaume de Dian. Ce royaume fut conquis temporairement par les Hans au II ème siècle av J.C. La zone resta sous contrôle chinois durant la période des trois royaumes (220 à 280), avant que les tribus locales s’autonomisent progressivement. Sous les Tang (VIIème au Xème siècle) le royaume de Nanzhao recouvrait la région actuelle du Yunnan et une large part de la péninsule indochinoise. Le Nanzhao était un état indépendant jouant d’alliances souples tantôt avec le Tibet tantôt avec les Tangs. Succédé par le royaume plus réduit de Dali (la vile de Dali 大理 toujours au Yunnan en porte le nom), il fut finalement conquis par les Mongols. Le premier gouverneur du Yunnan fut Ajall Shams al-Din Omar selon Yang Bin, un musulman aux ancêtres perses, qui serait lui-même un

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ancêtre direct du grand navigateur Zheng He65. Le Yunnan à cette époque était un point de passage

de la route de commerce liant la Chine, et les régions aujourd’hui occupées par le Laos, la Birmanie et l’Inde. L’inclusion à la dynastie des Yuan sous le gouverneur Ajall Shams al Din Omar donna lieu au développement du caractère multiconfessionnel du Yunnan, ce dernier s’appuyant sur les réseaux de marchands musulmans hui (tout en encourageant le développement du confucianisme) pour dynamiser le commerce; une communauté musulmane existe toujours au Yunnan. Le Yunnan lors de son rattachement à l’empire chinois, sous la dynastie Yuan, restait principalement tourné vers l’Asie du Sud-Est.

Le Yunnan commença à être réellement intégré et exploité économiquement par la Chine sous les Ming, qui abandonnèrent la particule guo 国 (qui veut dire nation ou pays) pour le caractériser. C’est sous les Ming que furent développés les réseaux postaux sur le territoire s’étendant jusqu’au Yunnan, on utilisait également le marbre de Dali pour la construction de palais à Pékin. Selon Tim Summers le Yunnan à cette époque restait entouré d’une sinistre réputation, celle d’une terre d’exil. Le dernier prétendant des Ming, Zhu Youlang 朱由榔 fuit par le Yunnan en Birmanie, il fut arrêté et mourut à Kunming.

Le Yunnan intéressa les Qing pour l’argent, le cuivre, le sel et le thé. Le cuivre du Yunnan devenant très utilisé, les systèmes de transports liant le Yunnan aux autres provinces furent développés. Au XVIIIème siècle des migrants Han et non Han, dont de nombreux Tibétains, s’installèrent en masse au Yunnan. Entre 1762 et 1830 la population fut multipliée par 3, de 2 à 6 millions. Les Qing réorientèrent le commerce du Yunnan de l’Asie du Sud-est par les réseaux de marchands musulmans vers l’empire mandchou et le Tibet. Les Qing réaffirmèrent un contrôle impérial sur le Tibet dynamisant le commerce du thé en provenance du Sichuan mais également du Yunnan en échange de chevaux. La route partant du Yunnan vers le Tibet était alors appelée : 茶马古道 chamagudao, « la route du thé et des chevaux », elle partait de Dali 大理。Cette réorientation des flux économiques vers l’empire fut à l’origine de la révolte du Panthay de 1856 à 1873 caractérisée selon l’historiographie officielle comme rébellion des populations musulmanes. Cette révolte aurait pour source le mécontentement des réseaux de marchands tournés vers l’Asie du Sud-Est

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déçus des freins mis à leur activité et du redéploiement des incitations économiques vers le Tibet et l’empire. La répression fut violente, et selon Yang Bin motiva les Qing à limiter le redéploiement du commerce avec la Birmanie et plus largement l’Asie du Sud-Est, pour ne pas renforcer les réseaux de marchands musulmans, et finalement à marginaliser le Yunnan comme une périphérie pauvre de l’empire.

Tim Summers décrit l’existence d’un « mythe yunnanais », aux yeux des Anglais et des Français, du XIXème au XXème siècle, celui d’une province riche en ressources à conquérir comme porte d’entrée vers le commerce de l’empire, porte d’entrée facile car loin au sud-ouest des instances dirigeantes. Les missionnaires catholiques, les espions, les vendeurs d’opium passaient par cette région lui donnant l’image d’un lieu trouble et d’accès privilégiés à des circuits détournés. Dans la pratique, les incursions anglaises rencontrèrent une forte résistance locale. Ainsi en 1895 un mouvement d’opposition locale à l’impérialisme français et anglais, força les Qing à prendre parti et à s’investir dans la région. Les Qing essayèrent notamment de contrer les trafics d’opium impulsés par les étrangers à la frontière, en faisant du Yunnan une province productrice d’opium, stratégie de substitution aux importations.

Ce regard historique de l’inclusion du Yunnan à l’empire chinois illustre principalement deux faits. Premièrement une inclusion relativement tardive, le Yunnan ne fut intégré formellement à l’empire chinois qu’au XIIIème siècle, et cette inclusion fut permise par une victoire militaire des armés mongols. Seconde conclusion, l’intégration du Yunnan à l’empire chinois est source de tensions, les liens avec l’Asie du Sud-Est étant extrêmes puissants et mis à mal par l’inclusion à la Chine.

2) La révolte des Panthays et le XIXème siècle au