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Un risque d’abaissement du niveau de qualification global

Dans le document AVIS SÉNAT N° 100 (Page 87-90)

A. LE BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL EN 3 ANS, UN REMÈDE QUI

4. Un risque d’abaissement du niveau de qualification global

leur apporter des réponses, sans renoncer pour autant à l’objectif de la généralisation.

Au cœur de ces inquiétudes, il y avait en effet l’avenir du BEP : c’est en effet après son obtention que se produisaient un nombre significatif de sorties. En le supprimant au profit d’un cursus de niveau baccalauréat en trois ans, l’on risquait de substituer à des élèves sortants en cours de cursus avec un diplôme de niveau V des élèves quittant le système éducatif sans aucune qualification. Telles étaient au demeurant les conclusions des premières expérimentations menées.

Le ministère de l’éducation nationale a entendu ces inquiétudes et a choisi de supprimer les formations spécifiques au BEP, sans supprimer le diplôme lui-même qui serait obligatoirement préparé par les élèves en cours de cursus. Selon toute vraisemblance, ce diplôme sera toutefois essentiellement passé sous forme de contrôle en cours de formation (CCF), ce qui peut conduire à formuler deux réserves majeures :

- même si, dans l’enseignement professionnel, le CCF est répandu et bien accepté, le glissement vers un diplôme quasiment totalement obtenu sous forme de CCF est inquiétant du point de vue de l’égalité républicaine et de la valeur intrinsèque du diplôme ;

- un CCF bien organisé supposant un nombre substantiel d’évaluations, les élèves des cursus en trois ans risquent de passer la plus grande partie de leur temps à passer des épreuves comptant pour le BEP ou préparant au baccalauréat professionnel.

Votre rapporteure doute donc de la pertinence du choix de conserver le BEP sans conserver les structures qui y conduisent.

Par ailleurs, elle s’interroge sur l’opportunité de généraliser le baccalauréat professionnel en trois ans, au nom d’une urgence qui reste à démontrer, tout en maintenant les formations classiques dans les secteurs où il n’existe pas de baccalauréat professionnel, comme en matière sanitaire et sociale, ou dans ceux où une rénovation profonde est en cours, comme l’hôtellerie-restauration.

Enfin, votre rapporteure s’interroge sur le choix, fait par le ministère, de renforcer l’offre de CAP dans un contexte de disparition des formations conduisant au BEP.

A l’origine de ce choix, il y a le souci, partagé par votre rapporteure, d’offrir des formations qualifiantes aux élèves qui ne paraissent pas en mesure d’entrer dans un cursus de niveau IV en 3 ans et qui ne pourront plus, par l’effet de la réforme, entrer dans un cursus de type BEP en 2 ans.

Ce faisant, le ministère de l’éducation nationale a décidé de faire du CAP le diplôme de niveau V de référence en lieu et place du BEP.1

Il n’est pourtant pas certain que ce choix soit réellement judicieux. Il s’appuie en effet sur l’idée que le BEP était un diplôme essentiellement propédeutique, à la différence du CAP, véritable qualification professionnelle garantissant une insertion.

Ce schéma est toutefois trop simple, pour deux raisons majeures : - dans certaines branches, le BEP était également conçu comme un authentique niveau d’insertion professionnelle ;

- de manière générale, les taux d’insertion au niveau du CAP sont loin d’être supérieurs à celui du BEP, bien au contraire.

Le tableau suivant, extrait du rapport rendu public par le secrétariat d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique, le démontre indiscutablement.

TAUX D’EMPLOI DES LYCÉENS PAR SECTEUR DE FORMATION ET PLUS HAUT DIPLÔME OBTENU (2007)

Données : Ministère de l’éducation nationale (DEPP)

Source : M. Éric Besson, L’employabilité des jeunes issus de l’enseignement professionnel initial du second degré, juillet 2008.

1 Tel n’est pas le cas dans l’enseignement technique agricole, cité à de nombreuses reprises en exemple par les interlocuteurs de votre rapporteure, puisque des formations au BEPA en deux ans y seront maintenues. Cette solution semble en effet la plus pertinente compte tenu des difficultés que ne manquera pas de soulever la généralisation.

Il n’existe qu’un seul secteur où le taux d’emploi des diplômés du CAP est supérieur à celui du BEP : il s’agit de celui des spécialités plurivalentes des échanges, du type finance et comptabilité. Par ailleurs, certains secteurs comme la coiffure ont développé un recrutement uniquement centré sur le CAP.

En dehors de ces exceptions, le BEP garantit toujours une meilleure insertion que le CAP : dès lors, la vocation propédeutique du BEP est loin d’être un frein à leur insertion, puisqu’ils sont 47,3 % à trouver un emploi là où 35,9 % des diplômés de CAP sont insérés.

Par ailleurs, ces données confirment la pertinence du parcours CAP-BEP, puisque l’obtention des deux diplômes, qui peut également se faire au cours d’une même année, garantit un niveau d’insertion quasi équivalent à celui des bacheliers professionnels (59,8 % contre 62,8 %).

Au total, et quelle que soit la valeur du CAP, il est donc possible de craindre une baisse du niveau de qualification des élèves qui, avant la réforme, auraient été orientés en seconde professionnelle et qui, après la réforme, rejoindront d’abord une formation préparant au CAP.

Le ministère de l’éducation nationale répond à ces inquiétudes en soulignant que les élèves titulaires d’un CAP pourront rejoindre directement la nouvelle première professionnelle, soit la deuxième année de « bac pro en 3 ans ».

Cette possibilité est une garantie intéressante, qui peut permettre de créer de nouveau parcours de réussite en quatre années (CAP en deux ans, bac pro en deux ans). Mais encore faut-il que l’articulation entre la terminale CAP et la première professionnelle soit réelle : il est permis d’en douter en l’état actuel, le décalage entre les parcours de type CAP et de type « bac pro » étant très important.

Pour fonctionner, cette nouvelle architecture suppose un double travail de refonte des programmes et des référentiels :

-le niveau du CAP doit être rehaussé, afin de devenir un diplôme ouvrant clairement la voie à la poursuite d’études tant du point de vue des enseignements professionnels que des enseignements généraux, ce qui revient en un sens à calquer pour une part le CAP sur le BEP ;

- les passerelles au niveau de la première professionnelle doivent être aménagées et renforcées, l’intégration d’un élève en cours de cursus de niveau IV, a fortiori à rythme accéléré, ne pouvant se faire sans un « sas » d’entrée et une construction modulaire claire des parcours.

A cet égard, il faudrait que les deux années de CAP permettent de valider entre 80 % et 100 % des modules de première année de baccalauréat professionnel en trois ans, le reste étant suivi en parallèle. On peut toutefois s’interroger sur la possibilité et l’opportunité de transformer le CAP à 50 % en une première année de « bac pro » en 3 ans.

Conscient de ces difficultés, le ministère de l’éducation nationale a annoncé qu’il réfléchissait à une transformation des maquettes des formations dans un sens plus modulaire et en développant les heures de remédiation ou d’aide individualisée.

Ces annonces vont dans la bonne direction, mais elles ne produiront leur effet que si elles sont mises en œuvre avec souplesse et pragmatisme, ces deux impératifs devant dominer la mise en place des nouveaux cursus en trois ans.

Pour autant, ces deux qualités n’ayant pas semblé jusqu’ici imprégner la démarche de généralisation du baccalauréat en 3 ans, votre rapporteure ne peut cacher la très grande inquiétude que fait naître en elle cette perspective.

5. Au total, une opportunité pour certains élèves, un risque

Dans le document AVIS SÉNAT N° 100 (Page 87-90)