• Aucun résultat trouvé

UN RÉSEAU D’ACTEURS OUVERT AUX PROBLÉMATIQUES CONTEMPORAINES

Aujourd’hui, certaines villes comme Calais sont freinées dans leur développement par des politiques basées sur la méfiance et le rejet de l’Autre, de l’étranger. D’autres acteurs comme par exemple Damien Carême, maire de Grande-Synthe, ou bien nous l’avons vu Marc Boulnois, maire de Norrent-Fontes, se dressent contre l’inaction de l’État et mettent en place leur propres actions d’hospitalité et d’entraide.

Lors du ciné-débat de l’ensa projetant le documentaire « La

ville-monde » d’Antarès Bassis, la conseillère municipale de la ville

de Nantes Catherine Bassani a profité de ce moment pour présenter ce qu’est l’Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita) créée le 27 septembre 2018 dont elle est elle-même signataire. Cette association est présidée par Damien Carême, maire de Grande- Synthe, et se compose d’élus et de collectivités souhaitant agir dans l’intérêt des personnes vulnérables et des indésirables dont font partie les migrants. Le communiqué de presse qui a résulté de la création de cette association appuie sur plusieurs points :

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

• la défaillance de l’État quant à une prise en charge plus qualitative de l’accueil des migrants,

• la nécessité de l’État à respecter ses engagements relatifs aux divers protocoles, pactes, conventions et codes qu’il a signé afin de respecter les droits humains fondamentaux,

• la responsabilité des élus et collectivités promouvant l’hospitalité envers leurs obligations réglementaires et législatives qui les poussent à agir aujourd’hui

• la volonté d’adapter les politiques d’hospitalité à chaque territoire tout en agissant collectivement car « Il n’y a pas UNE politique d’accueil, mais autant que de particularismes locaux. ».

Ainsi, ce sont déjà 14 élus ou représentants de collectivités qui se sont rejoints à Lyon afin de créer cette association. Sept autres villes sont concernées mis à part Grande-Synthe et Nantes : trois villes de la région parisienne avec Saint-Denis, Montreuil et Ivry-sur-Seine, trois villes du sud-est de la France avec Lyon, Grenoble et Briançon, ainsi que Strasbourg.

Le 17 décembre, la veille de la Journée internationale des migrants, c’est dans un article de Libération2 que Anvita décrit son action qu’elle veut contagieuse en appelant d’autres élus et d’autres communes à la rejoindre. Elle insiste sur la permanence du combat mené par les militants et les associations qui depuis le début veillent au meilleur accompagnement des migrants. Ce que je trouve important, c’est la mise en relation directe qui est faite avec les politiques nationales qu’elle juge « complémentaires » à l’engagement des associations. Il y a une réelle volonté de dialogue et d’échange qui veut se mettre en place. Elle demande donc une loi sur l’asile et l’immigration qui soit adaptée à la situation et qui apporterait de « réelles solutions ». Mais lesquelles ? Car comme beaucoup d’associations demandant un changement, elle ne propose pour le moment que peu de pistes afin de mettre en place le renversement souhaité. Pleine de bonne volonté et encore jeune,

2 Article web Libération, Tribune « Dans les communes et les territoires, accueillir les exilés », le 17 décembre 2018, par l’Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita)

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

l’Anvita voudrait donc participer à l’élaboration et la mise en place de réponses « concrètes » face aux difficultés que rencontre chaque territoire. Au-delà de l’hospitalité requise dans chaque ville en cette période hivernale, elle appelle à sécuriser les parcours migratoires et à respecter le droit des enfants mineurs isolés, Mais encore une fois, de quelle façon ? Si des prémices de solutions n’émergent pas encore, c’est en tout cas sur le faire-ensemble que l’association appuie fortement, consciente que sans l’aval de l’État et des promesses de financements, les démarches entreprises pourraient ne rester qu’embryonnaires.

Mais pour quelles raisons n’y aurait-il pas une seule politique de l’accueil en France ? Même si deux villes développent les mêmes problématiques concernant un accueil décent des migrants, cela ne signifie pas qu’elles ont les mêmes moyens financiers et encore moins le même territoire. Par exemple, entre Grande-Synthe et Nantes, la gestion est déjà aujourd’hui totalement différente. Dans le Pas-de- Calais, la population migrante tend à partir en Angleterre alors que celle présente à Nantes va majoritairement vouloir s’y installer. C’est aussi vrai au niveau financier : 30% de chômage à Grande-Synthe et très peu de moyens disponibles dans cette ville d’à peine 24 000 habitants. A Nantes, on se situe dans une situation très différente avec beaucoup plus de moyens et une population presque 40 fois supérieure à celle de Grande-Synthe. La présence de 700 migrants dans le dans le centre-ville nantais n’a ainsi pas autant d’impact sur la ville que les 1700 exilés que Damien Carême a accueilli à Grande-Synthe. La vision de l’Anvita serait donc plutôt basée sur l’exception que sur la banalité.

Par ailleurs, il me semble assez judicieux de placer Damien Carême à la présidence de l’Anvita. Ayant vécu et éprouvé le combat des migrants dans sa ville de Grande-Synthe depuis maintenant plus de 10 ans, c’est sans l’avis de l’État et sans financements qu’il ouvrait le camp d’urgence humanitaire de la Linière avec l’aide de MSF pour palier à l’arrivée massive de migrants arrivant brutalement suite au démantèlement de la Jungle de Calais en 2015. Il réussira finalement à faire céder Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur qui dira lors d’une visite du camp « On ne peut rien contre la volonté d’un homme. ». C’est cette même volonté qui, au côté d’autres acteurs comme l’architecte Cyrille Hanappe, a ouvert des portes à l’imagination pour offrir plus

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

de qualité au camp de la Linière et ainsi offrir un lieu se voulant plus hospitalier. C’est aussi en mettant en place un système de bus scolaire qu’il a permis aux enfants du camp de quitter cet enfer quotidien afin d’apprendre le français et jouer avec d’autres camarades de classe. C’est pour toutes ces raisons que Damien Carême est un acteur public considéré, admiré, parfois même détesté pour ses prises de position qui lui valent des relations politiques et associatives basées sur le respect, ce qui est un vrai avantage afin d’avoir plus de poids dans les débats. Et c’est sûrement ce qui lui a permis aujourd’hui d’être chef de file de l’Anvita, dans la continuité du mouvement engrangé il y a quelques années avec le Réseau des Élus Hospitaliers (REH). Sa notoriété est donc en hausse et son nom commence à être connu et retenu. C’est finalement peut être un leader comme lui, à cheval entre politique et action, dont à besoin aujourd’hui le mouvement associatif et militant, afin de se faire porte-parole des revendications liées au combat de « l’accueil inconditionnel » dans toute la France.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

Alors ? Signer la Charte de la ville accueillante, qu’est-ce que ça change au final ? Signer cette charte ne semble pas être une simple dénonciation du phénomène migratoire. Ce qu’il en ressort est un véritable engagement de la part des élus et des communes afin de prendre leurs responsabilités quand l’État ne fait pas son boulot. Cela ne signifie pas forcément que Briançon ou Saint-Denis savent comment prendre en charge les migrants et savent comment résoudre la crise de l’accueil. Mais en tout cas, je la vois comme une sorte de pari sur demain afin de faire ce qui semble le mieux sur son territoire, une sorte de mise en place de plusieurs projets ou mouvements inscrits dans une dynamique globale afin de partager les expériences sur ce qui peut être porteur, ou ce qui n’a pas fonctionné à tel ou tel endroit. L’idée est de prouver qu’il est possible de changer notre vision de la crise en mettant un peu d’huile sur l’engrenage de l’hospitalité en France et ainsi faire dérailler le système répétitif d’urgence dans lequel nous nous inscrivons depuis maintenant trop longtemps.

Nous avons besoin d’une ville ouverte sur de telles problématiques et je pense que Nantes est particulièrement en phase avec le concept de ville accueillante. Toujours dans l’expérimentation, dans la recherche, la création, la visibilité, le bien-être de ses habitants, la volonté de ne pas primer sur l’architecture-star mais plutôt dans le diffus, la cohérence et la planification sur le long terme. C’est typiquement le substrat qu’il faut au développement de projets plus ancrés dans le territoire qui pourrait s’y développer. Les autres villes qui composent l’association Anvita seraient elle aussi vectrices de dynamismes afin de mettre en place des projets humanistes, meneuses d’un combat bienveillant au quatre coins de la France. La seule contrainte actuelle est bien évidemment les différents politiques entre PS et EE/LV qui comme souvent sont un frein au développement des politiques locales.

Avec de bonnes idées et des acteurs motivés, il ne manque plus qu’un soutien administratif pour consolider ce qui se construit. Les lois liées à l’intégration des personnes en difficultés évoluent elles aussi.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

VILLE