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LA PROMESSE DE L’AUBE : UN CENTRE D’HEBERGEMENT D’URGENCE CONTESTÉ

En 2016, c’est lors de leur participation au projet d’un centre d’hébergement provisoire dans le XVI ème arrondissement de Paris que leur proposition se heurte à un mur. Entre peur de la menace que représentent les migrants et volonté de protéger l’espace boisé du Bois de Boulogne, les opposants au projet retardent la mise en place du centre.

C’est en respectant la masse que représente la forêt, en effectuant un inventaire des arbres situés sur le terrain et en venant implanter un projet respectueux de son environnement que les architectes d’AIR et Guillaume Hannoun (agence Moon architecture) pensent l’organisation du projet. Afin de sortir de la vision technique normalement associée à l’hébergement d’urgence, ils pensent le projet comme quelque chose de fonctionnel et d’appropriable, contrairement

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à ce qui avait pu être mis en place avec les containers de la Jungle de Calais. Un point très important pour eux était d’envisager ce projet comme quelque chose de donné à la ville, d’ouvert, comme une interface entre la partie bâtie existante et résidentielle et la partie boisée, afin d’offrir aux habitants du quartier un lieu qui ne soit pas centré sur lui-même et qui soit vu de l’extérieur comme un intrus dans le paysage.

Mais implanter ce type de projet dans le XVI ème arrondissement de Paris est comme un pari fou. La ville avait elle- même repoussé la concertation à une étape où les esquisses du futur bâtiment étaient inattaquables. Malgré tout le permis de construire ne pouvait pas être déposé sans consultation des riverains. Une réunion publique prenait donc place à l’université Paris-Dauphine le 14 mars de la même année. Au bout d’à peine une demie heure, le débat a du être interrompu face à la colère du public présent. Aucunes démarches des architectes n’avaient pu être expliquées, et aucunes explications sur l’organisation de l’association Aurore en charge de la gestion des cinq petits immeubles n’ont été faites. Il aurait pourtant été possible d’intégrer les riverains dans la réflexion du projet, voire même de créer un espace dédié à des rencontres avec les migrants pour faciliter les échanges entre eux.

De nombreuses pétitions ont été lancées afin de détruire le projet avant même son apparition. Ce quartier très riche de Paris est connu pour être assez recentré sur lui et ne pas voir d’un bon œil l’apparition d’étrangers chez eux. Olivier Leclercq explique dans une interview pour la revue Urbanités1 qu’une opération de logements sociaux située dans le même quartier a pris 10 ans de retard non pas à cause de la qualité architecturale du bâtiment, mais seulement car les habitants ne sont pas prêts à accueillir « des gens différents », c’est- à-dire qui n’ont pas la même catégorie sociale qu’eux. L’argument mis en place par les riverains serait de ne pas vouloir faire de ce site un ‘nouveau Sangatte’ et que la transformation du bois en campement

1 Article web revue Urbanités « Entretien : le centre d’hébergement provisoire du 16ème : comment les architectes défendent leur projet ? » le 24 juin 2016 par Clara PIOLATTO

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sauvage mettrait la vie de leurs enfants en danger2.

Ainsi, en 2016, alors que Paris propose une offre d’environ 10 000 places en hébergement d’urgence répartis de manière assez uniforme dans la capitale, seul deux quartiers chics, le VII ème et le XVI ème arrondissements, échappent à ces installations. (voir carte de Paris 2009). Tout comme la « bulle » de la porte de la Chapelle, c’est dès la conception qu’il était prévu que le projet soit au terme des trois ans démonté. Ce projet en bois modulable et transportable fut vivement rejeté par la population locale qui n’y voyait rien de bon. Le projet hébergeant 300 personnes sera quand même construit et sera ainsi géré par l’association Aurore.

En 2018, un autre projet d’utilisation du bois de Boulogne se dessine près de l’hippodrome ParisLongchamp et est validé par le Conseil de Paris. La maire de Paris, Anne Hidalgo, soutient elle aussi l’initiative qui permettrait un « rééquilibrage territorial » des différents camps déjà installés dans la capitale et ainsi la contribution de tous à l’effort mis en place. Originellement prévu pour l’accueil de Roms, le site a l’avantage d’être déjà viabilisé et dispose de sanitaires et d’électricité. C’est notamment la fermeture du centre d’accueil de la porte de la Chapelle, la « bulle » qui pousse le groupe communiste français et le Front de Gauche à vouloir investir ces lieux pour le moment inutilisés. Encore une fois le projet semble être accueilli de façon mitigée. Quand certains riverains pensent que c’est une excellente idée, d’autres s’offusquent et estiment que la présence des prostituées est déjà un fléau. En mai dernier, Ian Brossat (PCF), adjoint à la mairie de Paris en charge du logement, de l’habitat durable et de l’hébergement d’urgence estime que Paris doit pourtant montrer l’exemple en terme d’accueil3 et

2 Cyrille HANAPPE et al, « La ville accueillante », éd. Actes et Cités, 2018, p.445/446 3 Article web Le Parisien « Face à l’urgence, un centre pour migrants dans le bois de Boulogne à Paris? » le 01 mai 2018 par Julien DUFFE

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affirme qu’aucune associations de riverains ne s’y oppose. Pourtant une pétition du parti Les Républicains réunissant 50 000 signataires existe bel et bien.

Ainsi, il peut être difficile de faire changer les mentalités dans certaines villes ou certains quartiers, et l’implantation de projets voués à l’accueil peuvent prendre du retard ou être abandonnés à cause, non pas de l’inaction de l’État mais des contestations des habitants. La peur de l’étranger sévi toujours c’est pourquoi la communication sur les projets mis en place peut constituer un levier de compréhension très important face aux avis mitigés des riverains mais aussi gagner de précieuses années dans la mise en place des projets d’accueil. Dans le XVI ème arrondissement, le dialogue a été directement interrompu ce qui n’a pas joué en la faveur des architectes et de la ville de Paris. Des signes de dégradations envers le centre d’accueil des SDF situé en lisière du bois de Boulogne avait lui fait l’objet d’incendies volontaires en 2016, ce qui montre l’extrémisme de ce qui se passe dans le quartier. Un autre projet conçu par des architectes engagés dans la cause du logement d’urgence a vu le jour dans le Val-de-Marne, à Ivry- sur-Seine. Contrairement au XVI ème arrondissement, le projet semble afficher une grande réussite dans l’accueil et l’accompagnement des migrants dans leurs démarches.

IVRY-SUR-SEINE : UN CENTRE D’HÉBERGEMENT D’URGENCE QUI FAvORISE