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Outre sa symbolique sociale et son image moderne, le béton a pris le monopole de la construction grâce à son avantage budgétaire. A l’heure où la crise du logement est de plus en plus problématique en Guyane, le béton apparaît comme un sauveur, une promesse. Sa rapidité de production et d'exécution le hisse en tête de course, un phénomène accentué par le faible coût que requiert son utilisation. Avec le béton on construit plus vite et à moindre coût.

Jusqu’au début du XXème siècle, l’entraide entre voisins au sein du quartier, pour divers travaux, assure à chacun l’entretien, sans frais, de sa maison. La professionnalisation de la Guyane est venue impacter ce fonctionnement, et dorénavant l’entretien de la maison a un coût. On cherche alors à rentabiliser son logement afin qu’il ne devienne pas un gouffre financier. A Saint-Laurent notamment, les habitants entreprennent des travaux importants sur les maisons de la pénitentiaire. Certains décident de “rétrécir” leur maison. Se débarrassant de l’importante hauteur sous plafond et des combles, ils abaissent le toit pour obtenir un volume intérieur moins conséquent. Cette modification du modèle créole est rendu possible grâce à l’installation de la climatisation, qui rend obsolète la nécessité d’une maison haute et des espaces éloignés du toit et ainsi de la chaleur. Evidemment son utilisation n’est pas sans conséquences, économiques ou environnementales. Malheureusement l’installation de la climatisation apporte un confort non négligeable aux habitants, et ces derniers la favorisent au profit d’une ventilation naturelle.

D’autres, font le choix d’optimiser cet espace disponible en y ajoutant des pièces. En installant des fenêtres aux combles, ils les transforment en véritable étage ou en mezzanine, pouvant accueillir de nouveau habitants. Les dépendances également font l’objet de travaux et deviennent des appartements. Parfois indépendants, ils sont loués, apportant ainsi un revenu au ménage. Souvent aussi, ils sont occupés par un parent, qui peut profiter de son indépendance tout en étant en contact régulier avec la famille.

L’économie et la rentabilisation prime donc sur le marché de la construction, impactant le choix des matériaux et des formes architecturales. Les immeubles, inexistants jusqu’au XXème siècle, sont aujourd’hui monnaie courante et se construisent aussi bien en périphérie qu’au sein des villes. Les nouvelles constructions cherchent à atténuer le coût de construction mais aussi à rentabiliser l’emprise au sol et l’espace environnement. En effet, depuis les grandes vagues migratoires, les villes s’étendent au lieu de se densifier. Cet étalement urbain questionne non seulement l’espace disponible mais aussi la question de la mobilité.

On utilise aussi le parpaing, qui est peu onéreux mais qui empêche à la maison de respirer. De ce fait, les habitants, qui ne supportent plus la chaleur à l’intérieur se voient obligés d’installer la climatisation. L’énergie étant relativement cher en Guyane, ce qui devait au départ être une maison à moindre coût, peut vite devenir très consommatrice et onéreuse.

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La transformation des combles en étages permet de rentabiliser le volume et de partager la maison en plusieurs locataires, assurant ainsi des revenus au propriétaire ©Yves Bhagooa

Travaux sur une maison de la pénitentiaire, 2017 ©Yves Bhagooa

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La transformation du modèle créole, de la moitié du XXème siècle à nos jours, n’est pas le simple fait d’une modification du contexte sociétale et économique, mais également de l’évolution du schéma familiale et des relations sociales en Guyane.

Par exemple la rue, lieu privilégié de rencontres et de lien social, désormais envahie par la voiture qui a prit une place prépondérance, n’est plus qu’un simple lieu de passage, de transition.

La famille et son fonctionnement évoluant avec les années, elle bouleverse elle aussi le modèle créole qui est basé sur un schéma traditionnel.

Tout d’abord, la maison traditionnelle porte en elle des valeurs familiales très fortes, dûes à l’importance de la famille dans la culture créole. En effet jusqu’au début du XXème la famille est très présente dans la vie des guyanais et la parenté se lie dans l’espace sociale des villes. Les familles se réunissent régulièrement et il n’est pas rare d'accueillir chez soi ou d'héberger un parent. Les réunions familiales sont donc fréquentes et chères aux guyanais, la maison est le support de ses rencontres quotidiennes.

On observe de plus en plus un détachement de ce schéma familial, noyau de la vie guyanaise et ”de nos jours tout le monde est devant sa télé… ou dans sa voiture”1. Les jeunes accordent moins

d’importance à la famille et aux relations de voisinage si bien que les maisons se ferment et tourne le dos à la rue.

La grande diversité de communautés au sein des quartiers explique aussi la rupture des liens sociaux auparavant si forts. La barrière de la langue, la différence de culture et de modes de vie, la peur de l’autre, tous ces éléments, et d’autres encore, participent au cloisonnement communautaire et au repli des habitants.

1 RICHTER Monique, “Pour une réhabilitation de l’habitat créole à Cayenne”, Editions L’Harmattan, Paris, 2010,

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