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Ce que l’on nomme aujourd’hui habitat créole est un modèle architectural imprégné de l’influence tant européenne qu’indigène. De part leur histoire similaire, c’est une architecture que l’on retrouve dans plusieurs pays des Caraïbes, notamment aux Antilles françaises et sur le plateau des Guyanes. Plus encore, l’architecture créole est à l’image de la culture créole. Née de la colonisation, elle est l’enfant du mariage de deux puissances, l’Europe et l’Afrique, au sein d’un environnement particulier, les Caraïbes.

“L’architecture coloniale est fonction du type de colonisation développé, dans un environnement géographique particulier. Lieu de confrontation des espaces entre colons et colonisés, elle est le fruit d’un rapport de métissage culturel”1

Son histoire ne débute pas précisément à l’arrivée des colons. En effet ces derniers, pensant s’installer de façon provisoire, adoptent un mode de vie simple et se contentent d’imiter les habitats indigènes alors présents sur les territoires colonisés.

Les cases, faites essentiellement de bois, cherchent avant tout à se protéger du soleil et de la pluie. Résultantes de ces contraintes climatiques, elles répondent davantage à un besoin d’abri qu’à celui de demeure.

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Malgré l’écart social considérable instauré dès le début de la colonisation, entre les petits colons et les esclaves noirs, leurs habitats respectifs sont semblables. Les subtilités, minimes, se lisent à travers la taille des habitations - les cases des colons sont plus spacieuses - et l’ouverture des façades - l’influence africaine se manifeste par la clôture quasi hermétique des cases des esclaves. Outre ces légères différences, on ressent dans chaque case de l’époque une influence commune, celle des Caraïbes. L'intégration de cette influence au sein des habitations est la preuve d’une adaptation climatique et socio-économique de la part des nouveaux arrivants.

Jusqu’à la fin du XVIIème siècle les maisons seront érigées selon la technique de construction des pans de bois et calquées sur un modèle indigène.

1 TOULIER Bernard, PABOIS Marc, “Architecture coloniale et patrimoine : l’expérience française”,actes de la table ronde organisée par l’Institut national du patrimoine, Paris, Institut national du patrimoine, 17-19 septembre 2003 / [sous la direction scientifique de Marc Pabois et Bernard Toulier], p11

2 HELARY MOREAU Sophie, “Caractérisation du rôle de la véranda dans la constitution des ambiances de la maison antillaise”, diplôme d’études approfondies, soutenu le 3 septembre 1996

2.II.

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2. architecture créole guyanaise traditionnelle

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Avec le temps, les colons s’enrichissent et font évoluer leurs habitats jusqu’à l’installation progressive des habitations3. Ces nouvelles exploitations agricoles, au cœur du système socio- économique du XVIIIème siècle, modifient l’organisation de l’espace et les modes d’habiter alors en place. L’habitation au sens antillais représente plus qu’un simple logement, c’est un ensemble de bâtiment mais aussi d'individus. Leur fonctionnement est basé sur l’esclavagisme et maîtres et esclaves cohabitent sur l’exploitation.

L’habitat s’expend, s’agrandit et s’opère alors une véritable rupture entre le maison du colon et celle de l’esclave. Jusqu’alors très similaires, les habitats sont désormais marqués par l’écart social et économique des habitants.

Ce que l’on appelait auparavant les “grand’cases” pour désigner les maisons des colons se parent d’un nouveau nom, “maison de maître”, par opposition à la case, qui devient indissociable de la notion d’asservissement. D’ailleurs en créole, le terme “kaz”, bien que signifiant "maison" désigne plus précisément la case de l’esclave. Parallèlement le terme francisé “mézon”, illustre les maisons de maître ou de nos jours la maison moderne occidentale faite de béton.

Les maisons de maître sont fortement influencées par la culture européenne et le désir d’implantation génère des constructions plus élaborées. Au simple abri se substitue une demeure où l’on veut se sentir bien, se sentir chez soi.

Malgré le rayonnement européen, les habitats reprennent les grands principes de l’architecture des Caraïbes. L’architecture coloniale, bien que très particulière, n’est pas aveugle de son environnement. Elle s’adapte au lieu et au climat selon des principes hygiéniques, afin de se protéger de l’insalubrité et des épidémies mais aussi des éléments extérieurs jugés indésirables.

“A la Colonie, comme à la Métropole, pour assurer le logement des hommes, les données du problème sont les mêmes : d’une part, les besoins de l’usager qui diffèrent suivant la nature de son activité, et le climat où cette activité se déploie; d’autre part, le lieu où doit s’élever la construction et qui a sa propre structure et ses ressources particulières en matériaux et main-d’œuvre.”4

Ce qui distingue, à l’époque coloniale, les maisons des esclaves de celles des colons, est l’appui économique et culturel dont ces derniers disposent. Les maisons coloniales sont naturellement construites pour des propriétaires plus aisés qui sont influencés par des techniques et des connaissances venues de la métropole.

Effectivement, en parallèle de la donnée économique, les variantes au sein de l'architecture s'expliquent par le lien établi entre la culture et la forme, notamment par Amos Rapoport. Architecte et auteur, la culture est un de ses domaine d'étude de prédilection. Il exprime au sein de son ouvrage

Pour une anthropologie de la maison, publié en 1973, la relation étroite qu’entretiennent la forme

bâti et la culture. En effet, les colons ont retranscrit, avec un langage nouveau, adapté à ces nouvelles conditions climatiques de Guyane, une image de l’architecture qui leur était propre.

3 Aux Antilles françaises et en Guyane, les habitations sont des exploitations agricoles. On utilise le terme « habitation » pour traduire le terme anglais « plantation » dans le contexte caribéen.

4 TUR Ali, “Architecture et urbanisme aux colonies française”, L’Architecture d’Aujourd’hui n°3 “France d’Outre-Mer”; mars 1936, p.14

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