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ORGANISATION DE LA MAISON CRÉOLE, ENTRE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR

Si, à l’instar d’Amos Rapoport, nous concevons qu’un logement n’est pas simplement une maison mais un “système de milieux”1 , comprenant l’ensemble des lieux pratiqués au quotidien, alors la

maison créole se lit au travers de plusieurs composants.

Au temps de la colonie, qu’il s’agisse de la case de l’esclave ou de la maison de maître, ces deux habitats font partie d’un ensemble qui comprend d’autres espaces construits et leur environnement direct. En effet la maison créole est indissociable de son jardin, autant que de ses dépendances. Au temps des habitations, le bâtiment principal servant de logement est au cœur d’un ensemble qui regroupe les dépendances, le jardin et les espaces agricoles. Au sein des villes, les espaces agricoles sont remplacés par la cour, au sein de laquelle l’on retrouve les dépendances.

Le système de milieux reste sensiblement le même et malgré l’environnement qui diffère, les constructions nouvelles reproduisent un schéma déjà connu. Les maisons traditionnelles qui se construisent après l’abolition de l’esclavage reprennent les grands principes de la maison de maître. Néanmoins ce nouvel environnement urbain engendre une appropriation de l’espace et la proximité des résidences est à l’origine d’une vie sociale naissante. L'espace de la rue vient s'ajouter au système de milieux de la maison créole. La rue qui se trouve au devant de la maison par exemple, est un lieu d’échanges et de représentations, et le quartier devient le berceau des relations sociales, dès lors si spécifiques à la vie créole.

Malgré ce mouvement urbain et le mode de vie qui s’adapte entre la campagne et la ville, on retrouve donc, au sein des grandes bâtisses de la ville, les mêmes composantes qu’en milieu rural. La forme de la maison change peu mais les dimensions sont réadaptées. Le jardin est toujours présent, plus réduit mais tout autant indispensable. Même les familles plus modestes, qui résident en ville dans des maisons plus petites et plus sommaires, possèdent une parcelle cultivable. Véritable poumon vert dans la ville, le jardin participe à cette sensation de fraîcheur tant recherchée.

En Guyane, ce jardin est appelé la Cour. C’est un espace primordial, occupant une place centrale au sein de la maison créole, bien avant la conception des maisons de maître. Aussi appelé jardin Caraïbe ou jardin Créole, il est d’origine indigène et prodigue plantes médicinales, fruits, légumes et herbes aromatiques aux habitants. Bien plus qu’un simple potager, il assure l’autosubsistance alimentaire de la famille. Les surplus, revendus sur le marché ou à la sauvette, apportent également un complément aux revenus. Souvent au fond du jardin, se trouve le poulailler.

“Le Jardin Créole et la case sont en étroite relation. L’ensemble fonctionne comme un système autarcique” 2 Au sein de cette extension extérieure généreuse, on trouve aussi le puit, élément indispensable au quotidien familiale avant l’arrivée de l’eau courante. A proximité de la cuisine et de la salle-de-bain, il alimente en eau la famille, pour la préparation des repas et pour la toilette.

1 RAPOPORT Amos, “Culture, architecture et design” Edition Infolio, 2006

2 Caraïbes paysages, “Le jardin créole” , consulté le 09 janvier 2020 http://caraibes-paysages.com/guadeloupe/le_jardin_ creole.html

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La cour n’est pas utilisée pour les activités familiale, le climat guyanais n’invitant pas à rester dehors sous le soleil. Puisque chaque maison créole possède sa galerie, ouverte aux vents, elle est largement préférée au jardin. Néanmoins la cour accueille également des constructions, en dur, appelées dépendances.

Caractéristiques de l’habitat traditionnel créole, les dépendances sont représentatives de la vie en Guyane avant l’équipement des maisons en eau courante et en électricité. Elles hébergent l’espace cuisine, qui, pour des raisons d’hygiène, ne peut se trouver au sein du logement. Les visiteurs indésirables sont nombreux en Guyane et la nuit les cafards envahissent les espaces non cloisonnés. De plus avant l’électricité, la cuisine se faisait au charbon, très salissant, il était préférable qu’elle se tienne à l’écart. Au sein des dépendances se trouvent aussi la salle de bain et parfois, une pièce à tout faire. Ces espaces sont purement fonctionnels et si la préparation du repas se fait dans la cuisine c’est au sein de la maison principal que l’on déjeune. De même la pièce à tout faire fait office de rangement, d’arrière cuisine mais rarement de pièce de vie.

Le corps de bâtiment principal quant à lui abrite les activités quotidiennes. La journée s’y déroule au rythme de la famille, qui, la nuit venue, s’endort à l’abri entre ses murs. La maison traditionnelle créole est conçue comme un refuge, un écrin de fraîcheur au cœur de la ville, un oasis de verdure pour recevoir amis et famille.

Bien que le modèle créole puisse être généralisé par les éléments ci-dessus décrits, il existe au sein de cette généralité, des particularités, propres à chaque type d’habitat et d’environnement.

A Cayenne par exemple, où la bourgeoisie créole est très présente, on retrouve au détour de ses rues, de grandes maisons de maître. Berceau de la société créole elle sont l’exemple incontournable de l’architecture traditionnelle créole urbaine. Pour approfondir l’étude du modèle traditionnel, la suite du développement s’attachera donc à détailler une maison typique traditionnelle Cayennaise. Deuxième plus grande ville de Guyane, Saint-Laurent du Maroni présente aussi ses particularités. Construite par et pour le bagne, c’est une ville qui, initialement, était architecturalement et urbainement divisée en deux. D’un côté le quartier pénitentiaire du bagne, de l’autre, la ville civile, où l’on retrouve des maisons créole en bois, semblables à celles rencontrées à Cayenne. Le quartier pénitentiaire quant à lui est composé d’édifices propres au fonctionnement du bagne mais aussi de maisons, dédiées à l’époque, aux surveillants. Conçues par les bagnards mais selon les principes de l’architecture traditionnelle créole, ces maisons sont l’exemple type de la transposition du modèle créole sur un autre type d’habitat.

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2. architecture créole guyanaise traditionnelle