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Typologie, une partition en cinq classes

Chapitre III. LES RÉSEAUX DE CHOIX

2. Typologie, une partition en cinq classes

Travail sur 2 dimensions. Une nouvelle analyse factorielle de correspon- dances.

La première approche des types de projets est complétée et affinée par une seconde analyse factorielle de correspondances139, laquelle grâce à un autre

programme permet une classification cette fois sur l’ensemble des rubriques de l’analyse de contenu, c’est-à-dire qu'en plus de l’orientation (structure des scolarités) et de l’enseignement, nous sommes renseignés sur l’ouverture du collège sur l’extérieur et la socialisation de l'élève. Si l’on retrouve les réseaux précédemment décrits on obtient une figuration plus claire des projets peu impliqués. Cette analyse dégage une partition des discours en cinq classes. Il y a 62,5% de projets conservateurs contre 37,5% de projets réformistes, ce qui révèle un impact modéré de la réforme. Mais le fait de la moindre implication a une signi- fication en "creux" de la politique éducative et donc l'étudier est nécessaire pour à la fois considérer la totalité de la réalité scolaire, mais encore pour donner aux projets impliqués leur juste place. On compte 19% de projets conservateurs, 12% de compensatoires, 31% d'élitistes, soit 62% de projets peu impliqués, ensemble que nous qualifions de classique. L'autre ensemble plus réformiste, concerne les projets très impliqués et représente 38% des projets : 21% de projets modernisants et 17% de projets industriels.

Les types de projets sont décrits dans le graphique, à partir des valeurs majeures de ceux-ci, afin de figurer l'organisation des réseaux tels qu'ils se révèlent significativement différents.

Les logiques éducatives en oeuvre permettent de définir les compensatoires comme des collèges centrant leur politique sur le rôle utilitariste de l'école, soit une réparation scolaire en vue d'une réponse plus adaptée à la demande économique en main-d'oeuvre qualifiée, ils développent notamment le dépistage. Les conservateurs campent sur une réprésentation classique de l'école, ils ne s'inté- ressent pas à des conceptions nouvelles sur la socialisation de l'élève ou sur l'organisation des scolarités, ils ne s'impliquent pas dans la réforme sur le projet. Les élitistes conçoivent une politique scolaire qui ne fait pas de concessions à une politique d'orientation en secondaire court, ni à un renforcement des enseignements technologiques. Les modernisants sont les collèges qui ont la politique la plus large. Ils développent tout à la fois : l'aménagement des scolarités, l'accueil des élèves, le tutorat, le soutien pour classes de niveaux, les voyages, les activités de clubs, l'image de l'établissement, l'orientation au collège... Enfin, les industriels développent trois axes : la pédagogie, la socialisation et l'information sur l'orientation.

On notera la tendance pédagogisante et moralisatrice des projets de type industriel. Les modernisants eux, donnent plus dans le réformisme de "bon ton", les élitistes résistent à la modernisation tous azimuts mais, ils mettent en place des cycles d'observation en trois ans. Les conservateurs et les compensatoires, eux, restent retranchés en dehors du mouvement général.

Le repérage des types peut être complété par la description hiérarchique qui met à jour les proximités de discours, les filiations qui existent entre les projets que nous distinguons. Elle permet de saisir la consistance des projets, ainsi au-delà des

options caractéristiques de leurs différences il y a bien entendu tout un tissu de choix communs. L'analyse hiérarchique des classes de projets montre que l'ordre des filiations est le suivant : les élitistes et les modernisants constituent la classe la plus nombreuse, c'est-à-dire aussi que la majorité des projets expriment une certaine neutralité d'engagement, ils sont prudents. Ensuite, vient la classe qui regroupe les modernisants et les industriels, là l'engagement vers une politique plus nettement utilitariste représente quand même 38% des collèges, ce n'est donc pas une dimension marginale. En dernier lieu vient la classe des projets compensatoires et conservateurs, un peu moins nombreuse et engagée fermement dans le refus de l'engagement.

Ainsi, l'ensemble des réformistes, se définit notamment sur des choix tels que : l'information sur le secondaire court, l'information générale sur l'orientation, l'orientation en secondaire court, le soutien modulaire, les stages en entreprises, les contacts avec les entreprises, la participation des entreprises au projet, le suivi de l'élève pour son orientation, le développement des classes technologiques, le projet d'orientation de l'élève.

Dans le groupe des classiques (élitistes, conservateurs et compensatoires) les valeurs communes sont, par opposition au groupe précédent, des absences de choix éducatifs. Le seul engagement dans une démarche qui s'apparente au projet d'établissement réside souvent dans le développement de l'offre des options au collège.

Dans le groupe des projets conservateurs et compensatoires, le seul choix éducatif exprimé concerne le dépistage.

L'analyse des profils des types de projets, nous donne une description complémentaire à la réprésentation graphique des réseaux de choix, et décrit les ensembles de valeurs à partir desquelles les individus-collèges ont été affectés.

— Les industriels choisissent également : l'information sur le secondaire court, les classes passerelles, le soutien modulaire, les intervenants extérieurs, les stages en entreprises, la diminution des écarts entre les voeux des familles et l'affectation de l'élève,

— Les modernisants choisissent également : l'information sur le secondaire court, l'information générale sur l'orientation, la production par l'élève d'un projet d'orientation écrit, les contacts avec les entreprises, les classes technologiques. Mais ils ne choisissent pas de socialiser les élèves afin qu'ils adaptent leurs projets à leurs aptitudes.

— Les élitistes choisissent aussi : le développement de l'offre d'options diverses au collège, les classes à options langues vivantes ou sport, les classes de niveau et le soutien pour des classes de niveau. Les élitistes conçoivent une politique scolaire qui garantit un bon niveau des études : l'école se préoccupe de la diversité de l'offre des options, d'organiser des scolarités en fonction des niveaux scolaires

— Les conservateurs choisissent aussi : les cycles d'observation en trois ans et le dépistage.

— Les compensatoires choisissent encore : que l'élève apprenne à se connaître pour élaborer son projet d'orientation, qu'il adapte son projet à ses possibilités et qu'il se responsabilise pour mieux s'intégrer au collège. Par contre ils ne choisissent pas le développement des classes technologiques.

Ces profils nous instruisent sur la complexité des registres de valeurs présents dans un même type de projets. On remarque ainsi dans le discours modernisant une

forte dimension industrielle. Pour les compensatoires, l'ensemble des choix sur la socialisation de l'élève décrivent la logique de suivi et de "réparation" de l'élève également repérable dans les projets industriels. Les projets conservateurs se révèlent proches des compensatoires en développant le dépistage. Les projets élitistes présentent deux caractéristiques : celle marquant l'opposition à une logique utilitariste de l'école, et celle indiquant le souci d'une formation de bon niveau.

Profil des conservateurs

pas de classes de niveau cycles d'observation en 3 ans dépistage

pas de groupes de niveau

pas de pédagogie de classes hétérogènes pas d'information générale sur les scolarités pas de classes à options langues vivantes ou sport pas de pédagogie par objectifs

pas d'accueil CM2

pas de socialisation autour des aptitudes de l'élève pas de socialisation autour de la responsabilisation pas de structures d'insertion

pas de soutien par niveau pas de suivi pour l'orientation pas de tests ni brevets blancs pas de voyages

pas de développement de l'image de l'établissement

Profil des compensatoires

pas de cycles en 3 ans pas de groupes de niveaux

pas de cycles d'orientation aménagés socialisation pour l'orientation de l'élève socialisation autour des aptitudes de l'élève socialisation autour de la responsabilisation pas d'ateliers, club, foyer socio-éducatif

pas de soutien modulaire pas de voyages

pas de stages en entreprises pas de contacts avec les parents

pas de développement des classes technologiques

Profil des élitistes

classes de niveau

pas d'information sur le secondaire court pas de dépistage

pas d'information générale sur les scolarités classes à options langues vivantes ou sport développement de l'offre d'options diverses pas d'information des parents sur l'orientation

l'élève ne doit pas élaborer un projet d'orientation pas renforcement des enseignements technologiques pas d'accueil de classes de CM2

pas de socialisation autour des aptitudes de l'élève pas de socialisation autour de la responsabilisation pas d'activités de délégués d'élèves

soutien aux classes de niveau faible pas de suivi pour l'orientation pas de tutorat

pas de contacts avec les entreprises

Profil des modernisants

groupes de niveau

information générale sur les scolarités cycles d'orientation aménagés

l'élève doit élaborer un projet d'orientation accueil des classes de CM2

pas de socialisation autour des aptitudes de l'élève activités de délégués d'élèves

ateliers, club, foyer socio-éducatif structures d'insertion

soutien modulaire suivi pour l'orientation tutorat

voyages

stages en entreprises contacts avec les entreprises contacts avec les instances sociales

développement de l'image de l'établissement classes technologiques

Profil des industriels

information sur le secondaire court pédagogie pour classes hétérogènes pédagogie pour classes de niveau information générale pour l'orientation pédagogie par objectifs

information des parents sur l'orientation classes passerelles

renforcement des enseignements technologiques socialisation autour des aptitudes de l'élève socialisation autour de la responsabilisation développement des enseignements scientifiques soutien modulaire

tests, brevets blancs intervenants extérieurs stages en entreprises contacts avec les entreprises satisfaction des voeux des familles

Par ailleurs, nous avons effectué ce type d'analyse factorielle pour compléter notre interrogation portant sur le discours en filigrane des projets. Nous avions remarqué plus haut, que les choix éducatifs exprimés souvent plus discrètement dans les projets concernaient tous des thèmes intéressant l'orientation. Il s'agissait du dépistage, de l'information sur les lycées professionnels, de l'information des classes technologiques sur l'entreprise, de l'aide pour l'orientation, des tests et brevets blancs, de la participation des entreprises au projet, des classes passerelles, le développement des classes technologiques et la réduction des écarts entre les voeux des familles et l'orientation.

Nous regarderons ici, comment s'organisent les corrélations entre les options fortes des projets et les options plus discrètes. La comparaison de l'importance de

l'expression d'un choix éducatif dans le projet140 nous permettra d'observer ce que

nous désignons comme le degré de transparence des discours. Les techniques de rationalisation des organisations, dont le projet est issu, étant présentées comme favorisant la transparence des objectifs de l'action, nous voulons vérifier si les projets très impliqués s'expriment plus clairement que les projets moins impliqués. Du point de vue de l'analyse cela consiste à observer si les liaisons entre les choix fortement exprimés ( code 2) et les choix plus discrets (code 1), sont moins nombreuses que les liaisons entre les choix fortement exprimés (code 2) et les absences de choix (code 0).

Essentiellement trois types de discours s'opposent sur le mode d'expression : un discours qui fait très peu de choix, un discours qui exprime fortement ses choix éducatifs, et un discours très souvent discret (code 1). On peut noter que ce mode d'expression est le fait des projets très impliqués; on rencontre peu de choix faiblement exprimés dans le groupe des projets peu impliqués. Il apparaît également que les valeurs fortes, auxquelles sont liés les catégories d'un discours plus discret, relèvent plus souvent du registre modernisant.

Système de corrélations :

option fortement exprimée Registre option exprimée plus discrètement pas de suivi psychologique de l'élève élitiste dépistage

activités de délégués d'élève modernisant suivi pour l'orientation socialisation autour des aptitudes de l'élève compensatoire tutorat

stages en entreprises modernisant soutien pour classes de niveau faible information générale sur les scolarités industriel contacts avec les entreprises développement des activités de délégué d'élèves modernisant accueil des élèves de CM2

modernisation modernisant concertation

L'analyse du discours en filigrane ne révèle pas de clivage net entre les projets industriels et modernisants. Cependant les valeurs modernisantes repérées dans la typologie précédente sont plus souvent liées à des choix plus discrets.

Un discours souterrain existe dans la formulation du projet, et ce sont les collèges modernisants qui s'expriment le plus de cette façon; ils ont un discours moins transparents que les autres. Cette constatation s'ajoute à l'observation d'un éventail très large de choix éducatifs dans le cas de ces projets.