• Aucun résultat trouvé

Types d’enseignement et types de pédagogie associés aux jeux sérieux

CHAPITRE I : Problématique

CHAPITRE 2 : Cadre de référence

2.5. Jeu sérieux comme outil d’apprentissage

2.5.3. Types d’enseignement et types de pédagogie associés aux jeux sérieux

Le jeu sérieux vise à la fois l’enseignement et les apprentissages, de ce fait sa conception peut être associée à différents types d’enseignement et différents types de pédagogies. Il existe plusieurs taxonomies qui rendent compte de divers objets d’apprentissages (e.g. par problème, par compétence, etc.) selon que l’enseignement se base sur des connaissances ou sur des compétences. L’enseignement des connaissances (déclaratives) renvoie à des préalables nécessaires à l’acquisition et au développement des connaissances de plus haut niveau, et l’enseignement des compétences (procédurales) qui correspond à la contextualisation de ces connaissances (Bloom, 1956; Anderson, L., Krathwohl, D., Airaisan, P., Cruikshank, K-A., Mayer, R-E., Pintrich, P., Raths, J., et Wittrock, M-C, 2001). Dépendamment des objectifs poursuivis par l’enseignant, il est possible de focaliser uniquement sur l’un ou l’autre des enseignements ou combiner les deux. Toutefois, il ne suffit pas uniquement de déterminer le type d’enseignement, il semble pertinent de voir quel style d’enseignement est-il possible d’associer à la conception des jeux sérieux. Legendre (2005) définit le style d’enseignement comme la « configuration de comportements et d’attitudes (faits et gestes, intérêts, communication, caractère) qui caractérisent un enseignant au regard des composantes et des diverses relations d’une situation pédagogique. » (p. 1275). Cette définition semble particulièrement pertinente. En effet, le jeu sérieux constitue un outil à travers lequel on retrouve différentes intentions (cf. 2.5.2.1). Par conséquent, la conception des différentes composantes des jeux sérieux (les règles, les consignes, les actions possibles, etc.) peuvent être développées à partir de style d’enseignement. Le jeu sérieux étant une plateforme interactive,

les comportements et attitudes peuvent renvoyer aux différents feedbacks (visuel, sonore, kinesthésique, etc.) fournis par le jeu face aux actions de l’utilisateur.

Les styles d’enseignement ont fait l’objet de nombreuses recherches (e.g. Mosston, et Ashworth, 2002; Mucchielli, 1991), de ce fait, il existe différents styles d’enseignement identifiés dans la littérature. Toutefois, ce travail s’appuie sur les styles d’enseignement développés par Silver, Hanson et Strong (1998). Selon ces auteurs, bien que les enseignants opèrent dans différents styles, ils font tout de même le choix d’un style plus qu’un autre. Ils identifient quatre styles d’enseignement20 :

1. Sensing/Thinking - outcomes oriented

2. Sensing/Feeling – empathetic and people oriented 3. Intuitive/Thinking - intellectually oriented

4. Intuitive Feeling – innovation oriented

Les quatre styles évoqués paraissent facilement transposables dans la mécanique des jeux sérieux. Au regard du jeu vidéo (tableau X), chacun y joue pour des raisons différentes (le fun, le challenge, etc.). Le résultat dans les jeux vidéo est un signe de performance et permet d’évoluer dans le jeu. Dès lors, les joueurs très compétitifs accorderont de l’importance aux résultats (Schaffer, 2006). Le jeu vidéo est aussi axé sur la personne et les émotions, plus la personne va développer un lien émotionnel (pour l’histoire, les personnages, les environnements, etc.) plus son intérêt à jouer sera important (Denis, 2006). Dans le cas des jeux sérieux cela pourrait amener, certes, au plaisir de jouer mais aussi au plaisir de jouer pour apprendre. Par ailleurs, selon les théories constructivistes et socioconstructivistes, le jeu joue un rôle nécessaire dans le développement de l’enfant. Finalement, l’usage du jeu par son univers imaginaire offre la possibilité aux utilisateurs d’avoir des usages, des ressenties, des histoires

20

Traduction libre de l’auteur :

Sensation/Réflexion : le style d’enseignement est orienté vers les résultats

Sensation/Émotion : le style d’enseignement se veut empathique et orienté vers la personne Intuition/Réflexion : le style d’enseignement est orienté vers le développement intellectuel Intuition/ Émotion : le style d’enseignement est orienté vers l’innovation

différentes pour un même jeu. Le jeu vidéo favorise alors la pensée créative (Gee, 2007; McCall, 2010). Par conséquent, comme le jeu sérieux utilise des mécanismes relatifs aux jeux vidéo, il appert important d’inclure les éléments discutés ci-haut dans le jeu sérieux, afin de maintenir l’intérêt des joueurs-apprenants. La conception de jeu sérieux devrait tenir compte de ces facteurs.

Selon nous, le modèle théorique de Silver, et al., (1998) avec ses quatre styles mettant l’accent sur les résultats, la personne, le développement intellectuel et l’innovation semble le plus approprié à la problématique de conception des jeux sérieux. À savoir, dépendamment des objectifs du jeu et des caractéristiques personnelles du joueur, il pourrait être possible de construire les scénarios pédagogiques en fonction de ces quatre styles.

Concernant le type de pédagogie, encore une fois celui-ci dépend de l’intention visée par le jeu sérieux. Toutefois, il est possible de dégager quatre types pédagogiques que l’on peut associer aux jeux sérieux.

Les styles

d’enseignements

Caractéristiques des styles d’enseignements

Références liées aux jeux vidéo

Sensation/Réflexion Orienté vers les résultats Le joueur prend du plaisir en visant la

performance, le résultat, ce qui lui permet d’évoluer (de progresser) dans le jeu et de consolider ses compétences.

Sensation/Émotion Orienté vers la personne Le joueur prend du plaisir grâce aux liens

émotionnels créés avec les personnages, l’histoire, l’univers, etc.

Intuition/Réflexion Orienté vers le

développement intellectuel

Le joueur améliore certaines de ses capacités intellectuelles, il apprend.

Intuition/Émotion Orienté vers l’innovation L’univers des jeux vidéo, l’histoire, les

personnages, etc., favorise la pensée créative

Tableau X: Récapitulatif des liens entre les styles d’enseignement et les références issues du jeu vidéo

a) Le constructivisme : l’apprentissage se fait par construction et reconstruction, l’élève/l’apprenant réajuste, restructure les connaissances à partir de ses représentations (Kerzil, 2009).

L’utilisateur met en place un certain nombre de mécanismes pour évoluer dans le jeu, il expérimente, analyse, ajuste. En somme, il construit du sens autour de ses actions, “They can learn by doing rather than learning first and doing later21” (Schaffer, 2006, p.56).

b) Le socioconstructivisme : dans cette approche le processus d’apprentissage est le résultat des interactions avec les pairs et le milieu. Dans son livre, Shaffer illustre bien ce point en présentant les intérêts d’un jeu comme “The Debate Game”: “What matters is presenting an interpretation and defending it with specific evidence rather than appealing to authority to establish the legitimacy of a claim22”. (Shaffer, 2006, p.33) Ce que dit l’auteur ici est très important car le jeu permet aux élèves/apprenants d’aller au-delà de ce que le contenu scolaire exige, il pousse leur réflexion, ils doivent argumenter et justifier leur position auprès des pairs, ce qui est d’une pertinence certaine dans la compréhension et la construction de sens. Cela s’inscrit dans une approche socioconstructiviste, dans laquelle les apprentissages partent du social vers l’individuel. Ils se font à partir des interactions avec les pairs.

Par ailleurs, l’évaluation du jeu Technocity (jeu vidéo pédagogique à l’intention de jeunes et visant à les sensibiliser aux métiers de l’électronique et électrotechnique) auprès de jeunes à fait ressortir « l’importance de la présence d’un tuteur » (Alvarez, 2007, p118.) On s’inscrit alors dans le concept théorique de la zone proximale de développement de Vygotski, dans laquelle, en fonction de la maturité cognitive de l’élève/apprenant, la tâche à réaliser peut se faire à l’aide d’un tuteur ou non, ce qui permet l’apprentissage car « ce que l'enfant sait faire aujourd'hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain» (Vygotski, 2003, p.355). Par

conséquent, la présence d’un tuteur lors de l’utilisation des jeux sérieux reste importante.

c) Le néo behaviorisme : Il s’agit d’un modèle transmissif. Une part active de l’élève/l’apprenant est considérée dans cette théorie, à savoir qu’il ne fait pas juste recevoir un stimulus et fournir

21

Ils peuvent apprendre en faisant plutôt que d’apprendre, d’abord, et faire après.

22

Ce qui compte, c’est de présenter une interprétation et la défendre avec des évidences spécifiques plutôt que de faire appel à une autorité pour établir la légitimité des propos.

une réponse, l’élève/l’apprenant établit également des liens entre eux. Pour Hull (1943), il existe des variables intermédiaires qui vont avoir une influence sur le contrôle du stimulus, ces variables peuvent être la motivation, l’habitude, les émotions, etc.

Cela correspondrait aux jeux sérieux de type transmission de l’information, dont la finalité vise la prise de conscience sur des évènements. Elle correspond également aux différents feedbacks fournis dans le jeu qui permettent à l’utilisateur d’identifier un problème/une erreur.

d) L’apprentissage situé : Selon Lave et Wenger (1991), les apprentissages doivent être faits dans un contexte réel où les connaissances déclaratives et procédurales sont emboîtées. Selon Brown, Collins et Duguid, (1989) ainsi que Lave et Wenger (1991), l’apprentissage est un processus continu dans lequel on retrouve trois composantes : le contexte, les apprentissages se font en contexte et grâce aux interactions que l’on a avec l’environnement (Brannigan, 2009); la communauté, « l’apprentissage est construit dans une relation réflexive entre les pratiques sociales d’une communauté » (Lopez, 2008 p. XVIII) ; et le contenu est « considéré comme additionnel aux apprentissages situés » (Brannigan, 2009 p. 5).

L’utilisation de la réalité virtuelle peut favoriser les apprentissages situés, puisqu’elle permet de manipuler des environnements réels sous forme d’application informatique.

Selon David-Perkins (in Schaffer, 2006), l’étude de la connaissance scientifique correspond au savoir et au savoir-faire en matière de justification et d’explication. Cet auteur associe alors les savoirs et les savoirs faire, il semble important d’intégrer cette combinaison dans la construction des jeux sérieux auprès des élèves/apprenants. Par conséquent, penser les jeux sérieux selon cette double approche est essentiel.

Les différents types de pédagogie qui ont été présentés peuvent être associés aux jeux sérieux. La plupart d’entre eux s’inscrivent dans une démarche active des apprentissages. La conception de jeu sérieux devrait tenir compte de ces types de pédagogie.

Selon certains auteurs, il existe des caractéristiques propres aux jeux vidéo commerciaux qui tendent à rendre l’expérience du jeu plus effective (Kearney, 2005; Saridaki, Gouscos et Meimaris, 2009) et que l’on retrouve plus rarement dans les jeux vidéo développés comme outil éducatif. Par conséquent, se pose la question, de ce qui dans le jeu vidéo commercial, modifie l’expérience du jeu favorisant ainsi davantage l’expérience d’apprentissage.