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CHAPITRE I : Problématique

CHAPITRE 2 : Cadre de référence

2.7. Technologie de l’information et de la communication (TIC)

Dans cette partie, le jeu sérieux est considéré comme un outil TIC.

La littérature actuelle sur l’usage des jeux sérieux ou des jeux vidéo a su mettre en avant les apports de ces derniers dans le contexte scolaire. Le développement d’habiletés de coopération, de la motivation, le fait qu’ils aident les élèves à problématiser, etc. (Gee, (2007), Sauvé, Renaud et Gauvin, 2007) sont autant de bénéfices qui sont mis de l’avant. Dès lors, s’intéresser à ces médias auprès d’une clientèle qui a des incapacités intellectuelles semble pertinent.

2.7.1. Incapacités intellectuelles et TIC

L’usage des TIC avec des personnes qui ont incapacités intellectuelles semble prometteur. Toutefois, selon certains auteurs (Wehmeyer, 1998; Wehmeyer, Palmer, Davies et Stock, 2011; Wong, Chetwyn, Li-Tsang et Chow, 2009), tels que pensés et conçus les outils TIC peuvent être complexes pour les personnes qui ont des incapacités intellectuelles car souvent, ils ne sont pas développés pour elles. Par conséquent, il peut être difficile de déterminer les bénéfices des TIC qui sont développées pour une norme, et non pour ces personnes. Néanmoins, l’adaptation de ces outils semble être favorable à ces personnes (Lachapelle, Pigot et Lussier-Desrochers, 2007;

Sik Lanyi, et al, 2010), notamment au regard de l’amélioration de la qualité de vie (e.g. accès à l’emploi, amélioration de certaines habiletés, etc.) et du soutien auprès du tuteur légal (Wehmeyer, Palmer, Smith, Parent, Davies et Stock, 2006; Wehmeyer et al, 2011). Ce sont ces raisons qui forcent à s’intéresser au développement d’outils TIC pour de personnes avec des incapacités intellectuelles.

Selon Standen, Brown et Cromby (2001), les environnements virtuels, par exemple, offrent la possibilité à ces personnes de trouver une stimulation grâce à des répétitions agréables et à l’augmentation graduelle du niveau de défi. Cela favoriserait les expériences de réussite puisque l’on s’assure que les utilisateurs vivent des expériences optimales (cf. concept du flow). En 1996, ces mêmes auteurs avaient dégagé trois caractéristiques des environnements virtuels qui en font l’un des médias les plus appropriés pour les personnes qui ont des incapacités intellectuelles38 :

a) L’apprentissage par erreur se fait sans souffrir des conséquences réelles (l’humiliation ou des conséquences dangereuses de l’erreur).

b) Les environnements virtuels permettent de faire diverses manipulations

qu’ils seraient impossibles de faire en contexte réel.

c) Les règles et concepts abstraits peuvent être transmis sans faire l’usage de langage ou symbole. (Standen, et al., 2001, p.291).

Également, selon certains chercheurs (e.g. Langone, et al. 2003; Melching, et O’Brien, 2010; Sik Lanyi, et al. 2010, 2012; Standen, Brown et Cromby, 2001, Standen et Brown, 2005, 2006, Standen, Anderton, Kasrsandas, Battersby et Brown, 2009) l’usage de TIC (e.g. environnement virtuel, jeu sérieux, jeu d'ordinateur, etc.) permet de travailler sur des concepts complexes, dans des contextes sécuritaires, de vivre les échecs différemment (Standen, Anderton, Kasrsandas, Battersby et Brown, 2009) et de faire toutes les erreurs possibles sans ressentir l’impatience de l’entourage face à ces dernières (Salem-Darrow, 1996). Les TIC offrent également la possibilité d’expérimenter plusieurs solutions dans les scénarios (dans le cas du jeu), encouragent les

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Traduction libre de l’auteure :

 Learn by mistake but without suffering the real, humiliating and dangerous consequences of their errors.  Virtual worlds can be manipulated in ways the real world cannot be.

apprentissages actifs et offrent aux utilisateurs une expérience de contrôle qui s’étend au-delà du processus d’apprentissage (Jih et Reeves, 1992; Pantelidis, 1993). Leurs avantages résident dans le fait qu’ils offrent une expérience d’interaction avec des feedbacks immédiats. De plus, leurs usages favoriseraient un élargissement de différentes possibilités (e.g. sociale, culturelle, etc.), contribueraient à diminuer les phénomènes d’isolement (Hourcade et Parette, 2001) et faciliteraient l’acquisition des compétences de vie sociale (Standen et Brown, 2006). Ce qui semble être nécessaire lorsque les interventions éducatives portent sur l’autonomie et l’inclusion.

En 2014, Ozaran, Cicek et Calgiltay dans leur étude sur l’évaluation d’un jeu sérieux, « Magic Hands » utilisant comme artefact la Kinect39, ont observé que des enfants avec des incapacités intellectuelles âgés de 8 à 15 ans ont su s’adapter assez rapidement à la technologie offerte, et ce même sans aucune expérience de cette dernière. De plus, les enfants du grade 3 et 5 ont rapidement appris à maîtriser le jeu et ont eu recours de moins en moins à l’aide de l’enseignant pour le finir. Ils ont été capables de le finir seuls. Toutefois, des limites ont été émises au regard de l’environnement qui était trop abstrait pour les enfants, du manque de verbalisations (interactivité) et du contrôle du jeu via l’usage des deux mains, cela fût difficile pour les enfants. Malgré ces limites, les observations de ces auteurs indiquent que l’usage de ce type de média (le jeu sérieux) semble constituer une méthode d’enseignement de concepts efficace pour des enfants qui ont des incapacités intellectuelles, qu’il appert avoir un impact positif sur leur motivation et que ces enfants semblent ouverts à l’usage de ce type de technologie. Il s’agit de conclusions intéressantes qui forcent à s’intéresser davantage à ce genre de média pour l’apprentissage d’habiletés nécessaires à l’autonomie et la participation sociale.

En 2002, Brown, Shopland et Lewis ont développé un outil « Vitual Travel Training » qui est un outil technologique qui se base sur la réalité virtuelle et qui vise l’apprentissage de compétences de déplacement (les objectifs d’apprentissage identifiés étant : traverser une rue de manière sécuritaire, les questions de sécurité personnelle et la recherche de chemin pour diverses destinations) auprès de personnes qui ont des difficultés d’apprentissage (dans leur article, les auteurs ne précisent pas le type et les caractéristiques de ces personnes). Lors de l’évaluation du produit, il est ressorti que:

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Périphérique de la console Xbox360 et qui permet de contrôler le jeu à l’aide de la voix ou de la gestuelle du joueur.

Anecdotal evidence from the trainers suggests that the incorporation of V.R. training into a programme of travel training does have beneficial results. The skills learned in the V.R. environment appeared to transfer to the real world. There were indications that this skill transfer reduced the overall time taken to teach a user all of the skills required to enable them to travel independently. 40(Brown, et al., 2002, p. 75.)

Les conclusions des auteurs sont prometteuses et forcent à penser que le couplage réalité

virtuelle et jeu sérieux représentent une bonne alternative pour des personnes qui ont des incapacités intellectuelles et qu’il est pertinent de s’y intéresser pour les programmes de formation. Dès lors, il appert important de développer des outils TIC qui répondent aux caractéristiques des personnes qui ont des incapacités intellectuelles afin qu’elles puissent bénéficier des différents avantages de ces derniers.

Dans les interventions de réhabilitation, l’usage du jeu vidéo a également mis en avant des bénéfices intéressants concernant les « perceptual disorders, conceptual thinking, attention, concentration and memory in patients with brain damage following stroke or trauma41.» (Griffiths, 2004, p. 342). Bien qu’il ne s’agisse pas de personnes qui ont des incapacités intellectuelles, l’information est toutefois pertinente, étant donné les caractéristiques cognitives qui caractérisent ces personnes (e.g. autisme, trauma crânien). Toutefois, il est important de préciser qu’en faisant l’usage d’un jeu sérieux ou de jeux vidéo pour soutenir les apprentissages des personnes qui ont des incapacités intellectuelles, il est important de tenir compte du double apprentissage que cela exige : l’apprentissage de la mécanique du jeu et l’apprentissage du contenu utilitaire. Il convient alors de développer des règles de jeu faciles d’appropriation qui ne détourneraient pas l’attention des utilisateurs sur ce que l’on veut qu’ils apprennent.

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Traduction libre de l’auteure : Des témoignages de formateurs suggèrent que l'incorporation de la réalité virtuelle dans un programme de formation aux déplacements a des résultats bénéfiques. Les compétences apprises dans l’environnement virtuel semblaient se transférer dans le monde réel. Il y avait des indications que ce transfert de compétences réduit le temps global pris à enseigner à un utilisateur toutes les compétences nécessaires pour lui permettre de voyager de façon indépendante.

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Traduction libre de l’auteure : troubles de la perception, la pensée conceptuelle, l'attention, la concentration et la mémoire chez des patients atteints de lésions cérébrales après un AVC ou un traumatisme.

Il existe peu de documentation actuellement sur l’usage des jeux vidéo ou de jeu sérieux par cette population et donc peu de données sur leur engouement. Toutefois, certaines recherches ont su montrer un effet positif de ce média, notamment sur la prise de décision et le temps de réaction (Standen, Rees et Brown, 2009), et sur l’impact sur la mémoire (Rose, et al. 1999, cité par Standen, et al. 2009). Les recherches sur le jeu sérieux et les incapacités intellectuelles sont encore embryonnaires, bien que les résultats de ces études soient discutés par les auteurs eux-mêmes (e.g. petitesse des échantillons, pas d’études longitudinales, etc.). Les conclusions semblent prometteuses et forcent à penser qu’il serait intéressant de généraliser davantage l’utilisation des jeux sérieux ou des jeux vidéo auprès de ces personnes. Il faudra, toutefois veiller à penser à l’avance à des stratégies d’implantation dans les différents milieux fréquentaient par la personne qui a des incapacités intellectuelles afin de prévenir les risques de rejets, les mauvaises expériences et l’incompréhension de l’usage des TIC avec des personnes qui présentent des incapacités intellectuelles (Lachapelle, et al, 2007; Parsons, Daniels, Porter et Robertson, 2008).

Par conséquent, compte tenu des retombées que peuvent avoir les jeux vidéo/les jeux sérieux et du fait qu’ils permettent l’engagement de nombreuses capacités telles que sensorielles, cognitives et sociales (Standen, et Brown, 2005; Standen, et al, 2009; Durkin, 2010), il semble utile de se pencher sur ces médias pour des personnes qui ont des incapacités intellectuelles. De plus, il est nécessaire de préciser que l’usage de ce type de technologie peut s’associer à des retombées intéressantes, telles que le développement des compétences technologiques (qui sont essentielles au 21ème siècle), le développement des activités de collaboration, favoriser l’engagement des personnes qui ont une faible estime de soi (Saridaki et Mourlas, 2011), etc.

À travers l’exploration et l’explication théorique présentées, les concepts d’autonomie, d’incapacités intellectuelles et les problématiques liées aux transports publics ont été mieux cernés. Le questionnement de départ était de savoir comment favoriser l’apprentissage des transports publics à l’aide d’un outil vidéo ludique : le jeu sérieux. La littérature a aidé à mieux comprendre et à appréhender ce concept en relation avec les incapacités intellectuelles, permettant ainsi une meilleure précision des objectifs de recherche (cf. chapitre 1-1.7). Toutefois, afin de pouvoir observer des retombées positives de ce média, il convient que celui- ci puisse répondre adéquatement aux besoins et caractéristiques de personnes qui ont des

incapacités intellectuelles. C’est ainsi que l’on s’intéresse aux règles ergonomiques d’aménagement et aux balises pour l’adaptation au regard du développement d’un jeu sérieux.