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A6.7 Tunisie : Placer progressivement les autorités régionales et locales au centre du développement

territorial

C o n t e x t e – d é f i s e t o p p o r t u n i t é s

Avant la révolution de 2011, la Tunisie était en général considérée comme un modèle d’inté-gration dans l’économie mondiale avec des niveaux de croissance soutenus au fil du temps. 

Pourtant derrière la façade se cachaient des disparités socio-économiques croissantes, des inégalités et du chômage, créant de grands clivages au sein de la société, particulièrement au niveau intra-régional. Au-delà d’un certain seuil, ce type d’écarts constitue une fracture dans le contrat social entre l’État et le citoyen qui

menace directement la stabilité politique et les espoirs de croissance future, comme la Tunisie l’a expérimenté en 2011.

Avant le printemps arabe, le gouvernement avait pris certaines mesures pour résoudre les déséquilibres territoriaux, y compris via des investissements publics ciblés, des transferts fiscaux et des programmes  sociaux. Ces actions étaient cependant sou-vent conçues et mises en œuvre de manière très centralisée et verticale. Elles suivaient une logique sectorielle étroite (avec un accent particulier sur les infrastructures) et étaient promues à travers une myriade d’institutions  et  d’instruments  de  finan-cement déconnectés les uns des autres.

Par-dessus tout, elles ne laissaient qu’un espace limité aux autorités régionales et locales pour prendre part au processus et construire progressivement leur capacité à jouer un rôle développemental. En l’ab-sence d’une décentralisation véritable, leur rôle était confiné à être des récipiendaires  passifs des initiatives venues d’en haut.

Sans surprise, les programmes et inves-tissements publics qui en ont résulté dans

les territoires se sont révélés largement inefficaces. Ils n’ont souvent pas coïncidé avec les  besoins réels et ont échoué à mobiliser de façon optimale les ressources existantes au niveau infranational (notamment celles du secteur privé).

La constitution de 2014 crée en principe un environnement politique favorable à une décen-tralisation ambitieuse tournée vers le développement. Pourtant les entraves structurelles à un tel changement sont importantes, notamment un manque de leadership, une incapacité à réformer l’administration et la faiblesse des niveaux de gouvernement infranationaux à agir comme des moteurs de développement. Les sources de financement pour le développement  territorial restent également largement contrôlées par le niveau central. Considérant de tels obstacles, la réussite de la nouvelle génération de politiques et de programmes pourrait L E C A S E N Q U E L Q U E S M O T S

L

es inégalités croissantes et le manque d’opportunités dans les territoires marginalisés ont été les déclencheurs clés de la révolution de 2011 en Tunisie. La stabilité politique, tout comme le succès de la transition démocratique, repose largement sur la capacité à assurer une plus grande équité spatiale. Reconnaissant cet état de fait, la constitution tunisienne de 2014 propose une rupture fondamentale avec l’organisation très centralisée de l’État. Elle proclame la décentralisation comme projet politique visant à redistribuer le pouvoir et à permettre aux autorités régionales et locales de fonctionner comme des acteurs de développement autonomes.

Cependant un réel développement territorial nécessitera un ensemble cohérent de politiques nationales ainsi que des réformes en matière de gouvernance pour mettre effectivement  les autorités régionales et locales en situation d’assurer un tel rôle. Depuis 2011, l’UE a pleinement incorporé la dimension régionale / locale dans sa stratégie globale de coopération.

Plusieurs programmes d’appui de l’UE complémentaires visent désormais à encourager à la fois des activités économiques dans les régions et des réformes de décentralisation qui favorisent un développement territorial durable piloté localement. Le changement ne se fera pas en un jour étant donné les contraintes structurelles. Des approches graduelles et séquencées seront la clé pour en garantir la réussite.

requérir avant tout de profondes réformes en matière de gouvernance pour créer un véritable espace pour l’action locale. Pour atteindre des résultats durables, le développement territo-rial doit aller au-delà de la seule localisation des politiques nationales / sectorielles et être vu plutôt comme le produit d’initiatives autonomes par des autorités locales et régionales mises en responsabilité.

L e s a c t i o n s e n t r e p r i s e s

Pour appuyer le processus de transition de manière stratégique, l’UE a approfondi son parte-nariat politique privilégié avec la Tunisie dans le cadre de la Politique de Voisinage, un enga-gement qui s’est reflété ultérieurement dans les volumes de financement croissants. Depuis  le début, l’UE a identifié les autorités régionales et locales comme des acteurs institutionnels  clés dans la résolution des défis multiples auxquels est confrontée la Tunisie. De ce fait, le  développement territorial a été inclus comme domaine prioritaire dans le Cadre unique d’ap-pui (2014–2015). Dans une phase initiale de ce programme, l’UE a utilisé son contrat relatif à la construction de l’appareil d’État avec le gouvernement central pour réhabiliter les quartiers les plus vulnérables et aider les autorités locales à améliorer leur situation financière.

A partir de la fin 2015, plusieurs nouveaux programmes d’appui de l’UE ont été approuvés,  notamment : a) une initiative régionale pour le développement économique durable (32 mil-lions d’EUR) axée sur les entreprises compétitives, la création d’emplois et la formation professionnelle et b) un programme sur le développement institutionnel local (43 millions d’EUR), « Cap vers la décentralisation et le développement intégré des territoires » (CAP2D ; 2016–2019). Le but de CAP2D est de renforcer la capacité de toutes les autorités concernées (au niveau local, régional et national) à élaborer des stratégies régionales intégrées dans huit régions pilotes pour une incorporation ultérieure dans un schéma de développement national.

Le programme vise à se concentrer sur le maillon faible de la chaîne : l’architecture institu-tionnelle locale et régionale ainsi que la qualité de la gouvernance locale. Ceci est vu comme une condition préalable pour un développement territorial piloté localement.

En plus du CAP2D, la délégation de l’UE a terminé sa formulation d’une initiative pilote de développement local intégré (60 millions d’EUR) qui commencera en 2017. A bien des égards, les deux programmes devraient être vus comme les deux faces d’une même pièce. CAP2D apporte l’appui venu d’en haut pour mettre en œuvre les changements politiques et insti-tutionnels liés à la réforme de décentralisation du gouvernement. L’initiative pilote travaille partant de la base. Son appui vise à : a) mettre les autorités locales en situation d’assurer la direction dans les processus de développement local et b) expérimenter des approches innovantes de la gouvernance locales qui pourraient être institutionnalisées ultérieurement.

Gérer la complémentarité entre les deux schémas constitue le facteur de réussite essentiel de l’ensemble du processus de réforme.

P o t e n t i a l i t é s e t r i s q u e s d e c e t t e s t r a t é g i e

En tenant compte de ces différentes initiatives, la Tunisie pourrait se révéler un vrai labora-toire de mise en œuvre de l’approche territoriale du développement local. Pourtant, appliquer effectivement une telle approche en Tunisie sera un processus complexe, requérant du temps  et de l’expérimentation autant qu’une bonne gestion d’un certain nombre de risques parmi lesquels ceux qui suivent :

L’articulation de l’élaboration des politiques nationales sur la décentralisation et le développement territorial. Les deux ensembles de politiques nationales sont cru-ciales pour libérer le potentiel des territoires. Elles doivent donc être menées d’une façon cohérente et articulée. En pratique, une telle connexion n’est pas évidente. Le gouvernement n’a pas encore rendu publics ses plans pour les deux politiques et la mesure dans laquelle un réel débat sera possible sur les choix politiques fondamentaux est incertaine. D’autres risques sont l’absence d’une autorité ayant clairement le mandat du développement ter-ritorial, le manque de cadre de coordination interministériel ainsi que la fragmentation des responsabilités budgétaires. L’UE pourrait jouer un rôle à ce stade critique en utilisant le dialogue politique et CAP2D pour aider à développer ces politiques d’une façon réelle-ment inclusive et pour créer des cadres plus propices à la coordination et au financement  des politiques. Ceci requerra un usage judicieux des mesures complémentaires liées à l’appui budgétaire, allant au-delà des activités typiques et de l’assistance technique. Il serait aussi très opportun de lier l’apport de l’appui budgétaire à un indicateur essentiel comme les progrès réalisés dans l’autonomisation des autorités locales comme agents du développement territorial (par exemple mesuré par le degré de dépenses d’investissement publiques qui peuvent être programmées régionalement / localement).

Une approche multi-acteurs du développement des capacités. Au lieu des approches classiques centralisées, la tâche à accomplir est d’évoluer vers un véritable système de gou-vernance à multiples échelons grâce auquel toutes les entités joueraient leur rôle légitime (en cohérence avec le principe de subsidiarité) tout en contribuant au bon fonctionnement du système intergouvernemental. Le défi le plus critique sera sans doute l’habilitation  graduelle des autorités régionales comme véritables acteurs de développement jouissant d’un niveau suffisant d’autonomie économique et administrative. 

Un appui à des politiques territoriales fondées sur le lieu et conduites par des autorités locales. La stratégie de réponse de l’UE au développement territorial (telle que reflétée dans le CAP2D et d’autres programmes) se concentre sur le fait de charger  les autorités régionales / locales de déterminer leurs propres stratégies de développement inclusif. Au regard de cet objectif majeur, l’UE pourrait explorer les conditions dans lesquelles l’appui budgétaire pourrait être apporté pour faciliter la conception et la mise en œuvre de politiques territoriales fondées sur le lieu et conduites par des autorités locales. Cette option localiserait l’appui budgétaire via la promotion de contrats entre le niveau central et le niveau local pour la planification, le financement et la mise en œuvre de stratégies  territoriales intégrées. Si c’est habilement conçu, ceci pourrait aider à construire un réel système intergouvernemental pour coproduire des biens et des services publics tout en évitant le risque d’installer des processus parallèles via les schémas d’intervention des bailleurs de fonds.

A6.8 Ouganda : Utiliser une approche territoriale pour