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A6.8 Ouganda : Utiliser une approche territoriale pour recadrer un futur programme de développement

intégré

C o n t e x t e – d é f i s e t o p p o r t u n i t é s

Durant les années 70 et 80, l’Ouganda s’est retrouvé piégé dans un cercle vicieux de faible gouvernance, de conflit et d’instabilité politique. Avec l’arrivée de la paix, un processus ambi-tieux de décentralisation a été lancé au début des années 90. Il vise à restaurer la confiance  entre l’État et les citoyens, reconstruire les capacités du secteur public et à créer les

gouver-nements locaux à même de répondre aux besoins de développement urgents. Au fil  du temps, le cadre constitutionnel, légal et institutionnel a été affiné. Les autorités  locales (AL) aux différents niveaux ont sou-haité développer leurs capacités, interagir avec les citoyens et fournir des services publics. Elles l’ont fait avec l’appui d’un large éventail d’initiatives des bailleurs de fonds.

Alors que la décentralisation est une réalité dans le paysage du secteur public ougan-dais, le système dans son ensemble révèle des caractéristiques d’économie politique qui rendent difficile la tâche des AL d’as-surer  efficacement  leur  mandat  général  (d’acteur de développement) ainsi que leur mandat  spécifique  (de  partenaire  fiable  du gouvernement central). Cette difficulté  a été exacerbée par des tentatives de recentralisation du pouvoir de la part du gouvernement central, notamment par : a) l’abolition d’une taxe essentielle pour les AL qui réduit leurs sources de recettes tout en augmentant leur dépendance vis-à-vis des subventions conditionnelles de près de 90 % et b) le renforcement du contrôle national sur les processus de planification  des districts, transformant le plan de déve-loppement des districts en un outil de localisation des priorités sectorielles définies au niveau  national.  Le  résultat  en  a  été  un  espace  et  une  autonomie  insuffisants  pour  que  les  AL  assurent leur mandat général et agissent comme des catalyseurs du développement local.

Il y a des fenêtres d’opportunité dans le contexte ougandais qui pourraient entraîner le chan- gement. L’aggravation des inégalités territoriales, avec son lot de risques de conflit et d’ins-tabilité, pourrait être un incitatif pour les décideurs politiques du niveau central, les poussant à tester de nouvelles façons de tirer profit du potentiel de développement des AL. S’ajoute  à cet incitatif le mauvais bilan des tentatives très verticales de mettre en œuvre des poli-tiques sectorielles. Par ailleurs, il y a une masse critique d’institutions locales (notamment L E C A S E N Q U E L Q U E S M O T S

A

u début des années 90, la décentralisation était vue comme une réponse post-conflit politiquement adéquate  pour reconstruire les institutions de l’État en Ouganda, particulièrement au niveau local. Après plus de deux décennies, les réformes ont un bilan mitigé. Alors que le cadre de

décentralisation reconnaît les autorités locales comme acteurs de développement ayant à la fois un mandat général et un mandat spécifique, plusieurs contraintes structurelles limitent  la performance d’ensemble ; une situation aggravée par les récentes tendances à la recentralisation. Dans ce contexte, l’UE prévoit d’appuyer un programme de développement intégré dans le cadre du 11e FED pour la province nord de l’Ouganda.

Plutôt que d’utiliser l’approche classique centralisée (et souvent inefficace) pour gérer les schémas intégrés, la délégation de  l’UE a décidé d’appliquer un cadre d’approche territoriale du développement local pour la conception du programme. Ceci est censé créer un espace pour de véritables stratégies fondées sur le lieu et conduites par les autorités locales, stimuler le développement des capacités grâce à l’apprentissage par la pratique et tester des modes de coopération intergouvernementale plus efficaces qui pourraient dans le  futur être transposés à l’échelon supérieur et institutionnalisés.

Pour réussir, cette approche innovante demandera de

l’expérimentation, de la planification itérative, un nouveau style  de partenariat et beaucoup de facilitation.

l’Association des gouvernements locaux d’Ouganda), de bailleurs de fonds et d’organisations d’appui qui cherchent à dépasser les contraintes politiques et institutionnelles, contraintes imposées par le système de décentralisation actuel et pesant sur la performance des AL.

L e s a c t i o n s e n t r e p r i s e s

A travers l’initiative de développement pour le Nord de l’Ouganda axée sur la nutrition et la sécurité alimentaire, les infrastructures de transport et la gouvernance locale (150 mil-lions d’EUR planifié sous le 11e FED), l’UE peut promouvoir le rôle développemental des AL.

Reconnaissant le succès limité des approches sectorielles descendantes pour le développe-ment intégré, la délégation de l’UE a choisi de concevoir le nouveau programme d’appui en utilisant une approche territoriale du développement local. Au lieu de voir les AL comme des récipiendaires passifs et uniquement comme des agences de mise en œuvre des politiques sectorielles, la délégation cherche à autonomiser les AL de façon à ce qu’elles puissent parti-ciper au processus comme acteurs de développement de plein droit. Cette décision est basée sur deux hypothèses : a) le programme dépend d’un système performant de fourniture du service public à multiples échelons ; et b) les districts mis en responsabilité peuvent contri-buer aux efforts nationaux soit en mettant en œuvre leurs propres plans de développement  de district basés sur les priorités locales et les ressources des territoires, soit en remplissant les fonctions spécifique dévolues ou déléguées par les ministères sectoriels.

C o n d i t i o n s e s s e n t i e l l e s p o u r u n e m i s e e n œ u v r e e f f e c t i v e

L’adoption d’une approche territoriale du développement local implique trois changements majeurs :

■ une distance prise avec les appuis sectoriels pour se diriger vers une approche territoriale intégrée qui repose sur des stratégies fondées sur le lieu ;

■ un accent fort sur la construction de partenariats multi-acteurs de façon à assurer des synergies optimales entre les acteurs concernés aux différents échelons ; 

■ la décision de placer les AL au poste de pilotage en tant que facilitateurs tout en utilisant le programme pour développer les nécessaires systèmes et capacités des gouvernements locaux.

Cette approche est reflétée dans les trois composantes du programme d’appui de l’UE.

■ Le développement de chaînes de valeur sera central dans la première composante du programme qui traite de la nutrition et de la sécurité alimentaire. Des incitatifs seront fournis aux opérateurs privés pour travailler avec des petits paysans. L’appui à l’agriculture sera complémenté par un ensemble d’interventions dans le domaine de la nutrition mis en œuvre à l’échelle communautaire.

■ La composante infrastructure de transport vise à créer des opportunités pour que les paysans accèdent aux marchés régionaux, nationaux et internationaux tout en facilitant l’importation d’intrants agricoles et de biens de consommation.

■ La troisième composante se concentre sur la gouvernance locale dans l’optique de placer les AL en situation d’agir comme facilitateur du développement territorial.

Cette troisième composante est cruciale, le but est de mettre en place les systèmes pour la fourniture et la durabilité des actions entreprises via les deux autres composantes. A cette fin, le programme testera, développera et (là où cela est possible) institutionnalisera des  systèmes et processus locaux innovants. Ceux-ci incluent des partenariats horizontaux (entre AL, OSC, OCB et le secteur privé local) ainsi que des partenariats verticaux (entre agences de l’État central et AL) pour améliorer la coproduction des services publics. Le programme fournira un financement direct aux districts pour leur permettre de conduire un réel proces-sus d’apprentissage par la pratique et de développement des capacités. Un mécanisme pour l’innovation politique et institutionnelle sera établi, notamment avec l’identification de faci-litateurs de processus qualifiés. Un défi majeur sera de documenter les expériences menées  ainsi que les bonnes pratiques qui en émergeront. Ces témoignages locaux pourront ensuite être utilisés pour nourrir le dialogue politique multi-acteurs au niveau national sur les chan-gements nécessaires pour transformer les AL en acteurs de développements effectifs. Ce  dialogue multi-acteurs impliquera les ministères concernés, l’Association des gouvernements locaux d’Ouganda, les élus et personnels des districts, d’autres fournisseurs de services issus du secteur privé et non marchand, ainsi que des usagers des communautés.

Pour s’assurer que les AL sont aux commandes dès le départ, la stratégie de mise en œuvre devrait être affinée grâce à quelques analyses additionnelles.

■ Durant la formulation du programme, l’UE a appliqué le cadre intégré de diagnostic de la décentralisation (CIDD), un outil créé par la DG DEVCO, afin de mieux comprendre les fac-teurs affectant la performance des AL dans un contexte donné. Cette analyse initiale sera  affinée grâce à une analyse d’économie politique visant à identifier le champ de réformes  réalistes de l’organisation actuelle de la décentralisation qui bénéficieraient aux AL. 

■ L’analyse regardera aussi les dispositifs institutionnels pour coordonner les différentes  composantes du programme en analysant comment fonctionne le système actuel, quelles interfaces sont utilisées avec le niveau local, etc.

■ Il est important d’analyser la disposition des AL concernées à faciliter une approche ter-ritoriale intégrée, la volonté des ministères sectoriels concernés à travailler via un cadre territorial consolidé au niveau des districts, et l’effet positif que l’adoption d’une approche  territoriale du développement local pourrait avoir sur l’élimination des silos sectoriels.