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Parmi l’ensemble des mots sturmiens, le mot de Fibonacci

f =abaababaabaababaababa· · ·

est sans doute le plus connu. Rappelons qu’il est d´efini comme la limite de la suite

f−1 =b,f0 =aet, pour n≥1,fn =fn−1fn−2. De fa¸con ´equivalente, on peut montrer

quef est le point fixe du morphismeϕ:{a, b} → {a, b}d´efini parϕ(a) =abetϕ(b) =a.

Il est possible de d´eriver du mot de Fibonacci f un chemin sur l’alphabetF poss´edant

des propri´et´es g´eom´etriques remarquables. La construction est obtenue comme suit.

Tout d’abord, ´ecrivons le mot de Fibonacci sur l’alphabet {2,0} ⊂ F plutˆot que{a, b}.

Alors

f =202202022022020220202· · ·

Ensuite, appliquons l’op´erateur Σ1suivi de l’op´erateur Σ0. Rappelons que l’op´erateur Σα

finies (voir page 85). Nous obtenons alors le mot

p= Σ0Σ1f =01030323030101210103010121· · ·

qui est un chemin infini sur la grille discr`ete (voir la figure 6.2).

Ce chemin a ´et´e d´ecouvert ind´ependamment dans (Monnerot Dumaine, 2009), o`u la

construction est ´equivalente mais l´eg`erement diff´erente.

Il est pratique de d´ecrire le cheminpau moyen des virages `a droite et `a gauche (encod´e

respectivement par 3et1) plutˆot que les quatre pas ´el´ementaires0,1,2 et3. La suite

des virages du chemin p est donn´ee par Σ1f ou, de fa¸con ´equivalente, par ∆p. Nous

posons alorsq= ∆p.

Dans la suite, dans le but de simplifier la notation, nous utilisons la notation · sur

l’alphabet F en remplacement de la r´eflexion σ0 : 0=0, 1=3,2 =2 et3 =1 et les

motsw∈ F∗ v´erifiant w‹=wsont appel´es σ0-palindromes.

Consid´erons la suite (qn)nN∈ F d´efinie par q0=ε,q1 =3 et

qn=

qn−1qn−2 sin≡2 mod 3,

qn−1qn−2 sin≡0,1 mod 3.

pour n≥2. Les premiers termes de (qn)n∈N sont

q0 = ε

q1 = 3

q2 = 3

q3 = 31

q4 = 311

q5 = 31131

q6 = 31131133

q7 = 3113113313313

q8 = 311311331331331131133

Il suit clairement de la d´efinition que |qn|est le n-i`eme nombre de Fibonacci.

Proposition 20. (Blondin Mass´e et Paquin, 2009) Le mot infiniq est la limite de la

suite (qn)n∈N.

D´emonstration. Puisque ∆(q) = f, il suffit de montrer que ∆(qn)αn = fn−1 pour

tout entier n≥3, avecαn=σn

2(2). La d´emonstration se fait par induction surn. Tout

d’abord, nous avons

∆(q3)σ23(2) = ∆(31)0=20=f2,

∆(q4)σ24(2) = ∆(311)2=202=f3,

∆(q5)σ25(2) = ∆(31131)0=20220=f4.

Maintenant, supposons que le r´esultat est vrai pour tout entier mtel que 3≤m < n et

montrons qu’il est ´egalement vrai pourn. Nous pr´esentons seulement le casn≡2 mod 3

puisque les arguments sont semblables pour les cas n ≡ imod 3, i ∈ {0,1}. Soit n =

3k+ 2 o`u kest un entier. Alors

∆(q3k+23k+2 = ∆(q3k+1q3k3k+2

= ∆(q3k+1)∆(σk

0(3)3)∆(q3k3k+2

= ∆(q3k+1)σk

2(0)∆(q3k3k+2

= ∆(q3k+13k+1∆(q3k3k

= f3k+1f3k

= f3k+2,

´

Etant donn´e une lettreα∈ F, le chemin Σαqnpr´esente certaines propri´et´es de sym´etrie.

Lemme 28. Soit n ∈ N et α = σn

0(3). Alors q3n+1 = pα, q3n+2 = rα et q3n+3 =sα

pour un certain σ0-palindromep et certains palindromesr ets.

D´emonstration. La d´emonstration se fait par induction surn. Pourn= 0, nous avons

q1 = ε·3,

q2 = ε·3,

q3 = 3·1.

Maintenant, supposons que q3n+1 = pα, q3n+2 = rα et q3n+3 = sα, o`u p est un σ0

-palindrome,r,ssont des palindromes etα=σn

0(3). Alors

q3n+4 = q3n+3q3n+2=q3n+2q3n+1q3n+2=rαpαr·σn+10 (3),

q3n+5 = q3n+4q3n+3=q3n+3q3n+2q3n+3=sαrαs·σ0n+1(3),

q3n+6 = q3n+5q3n+4=q3n+4q3n+3q3n+4=rαpαrαsαrαpαr·σn+2(3).

On constate que rαpαr est un σ0-palindrome et sαrαs,rαpαrαsαrαpαr sont des

pa-lindromes, tel que voulu.

La d´emonstration du fait que le chemin infini q est auto-´evitant est l´eg`erement

tech-nique. En outre, il est possible de construire des polyominos `a partir de certains pr´efixes

de q:

Lemme 29. Soitn∈Netα∈ F.

(i) Le chemin Σαqn est simple.

(ii) Le chemin Σα(q3n+1)4 est le mot de contour d’un polyomino.

D´emonstration. (i) La d´emonstration se fait par r´ecurrence sur n. Clairement, les

chemins Σαq1 = Σα3, Σαq2= Σα3et Σαq3= Σα31sont simples. Supposons maintenant

que c’est le cas de tous les chemins Σαqmtels que 1≤m < net montrons que le r´esultat

Σ1q7

Σ0q7

Σ0q6

Figure 6.3: D´ecomposition du chemin Σ1q9 selon les chemins Σ1q7, Σ0q6 et Σ1q7.

Figure 6.4: Tuiles de Fibonacci d’ordren= 0,1,2,3,4.

s’applique aussi au chemin Σαqn. L’id´ee est de diviser le chemin Σαqnen trois morceaux

tel qu’illustr´e `a la figure 6.3. En vertu de l’hypoth`ese d’induction, nous savons que les

chemins Σβqn−3 et Σγqn−2 sont ´egalement simples. Il ne reste alors qu’`a constater que

les trois chemins plus petits sont chacun contenus dans des boˆıtes disjointes.

(ii) Il est suffisant de montrer que Σα(q3n+1)3 est simple. Dans un premier temps,

remarquons que

q3n+5 = q3n+4q3n+3

= q3n+3q3n+2q3n+2q3n+1

= q3n+2q3n+1q3n+1q3nq3n+2q3n+1.

Or, q3n+1 est un pr´efixe de q3nq3n+2, de sorte que q3

3n+1 est un facteur deq3n+5. Il suit

de (i) que Σα(q3n+1)3 est ´egalement simple.

La tuile de Fibonacci d’ordre nest le polyomino admettant Σα(q3n+1)4 comme mot de

contour, o`un∈N. Les cinq premi`eres tuiles de Fibonacci sont illustr´ees `a la figure 6.4.

Les r´esultats pr´ec´edents nous permettent de conclure ce qui suit :

Th´eor`eme 15. Les tuiles de Fibonacci d’ordren >0 sont des tuiles 2-carr´ees.

D´emonstration. Nous savons du lemme 28 que q3n+1 = px pour un certain σ0

-palindromepet une lettrex∈ {1,3}. Six=3, alors nous consid´erons l’image miroir du

chemin, c’est-`a-dire σ0((q‡3n+1)4), qui est conjugu´e `a (px)4, de sorte que nous pouvons

supposer, sans perte de g´en´eralit´e, que x=1. Alors, d’une part, nous obtenons

Σα(q3n+1)4 = Σα(p1·p1·σ0(pe)1·σ0(pe)) = Σαp·Σρ(α)Σαp·Σρ(α)p,

o`u ρ est la rotation de π/2 et puisque T(p) = 0. D’autre part, le conjugu´e q0

3n+1 =

q3n−1q3n deq3n+1 correspond `a un autre mot de contour de la mˆeme tuile. En utilisant

encore une fois le lemme 28, nous pouvons ´ecrire q3n =r1 etq3n−1 =q3 pour certains

palindromesqetr. Par cons´equent,p1=q3n+1 =q3nq3n−1 =r1q1de sorte quep=r1q.

Mais p est un σ0-palindrome, ce qui signifie que q03n+1 = q3n−1q3n =q1r1 =pe1 =p1.

Ainsi, commep est unσ0-palindrome ´egalement, nous trouvons

Σα(q3n+10 )4 = Σα(p1·p1·pe1·pe) = Σαp·Σρ(α)Σαp·Σρ(α)p.

Clairement, les deux factorisations carr´ees exhib´ees sont non trivialement distinctes, de

sorte que le r´esultat est d´emontr´e.

Tout comme pour les tuiles de Christoffel, les tuiles de Fibonacci v´erifient la conjecture

3.

Corollaire 4. Soit ABABune BN-factorisation carr´ee d’une tuile de Fibonacci. Alors

A etB sont des palindromes.

D´emonstration. La conclusion suit du th´eor`eme 15. En effet, puisque p est un σ0

-palindrome, alors Σαpest un palindrome. Le mˆeme argument s’applique pour la seconde

factorisation.

donn´ee par

A(n) = 1,5,29,169,985,5741,33461, . . .

qui correspond pr´ecis´ement `a la sous-suite des nombres de Pell d’indices impairs

P(n) = 0,1,2,5,12,29,70,169,408,985,2378,5741,13860,33461, . . .

qui satisfait la r´ecurrence Pn= 2Pn−1+Pn−2. Les tuiles de Fibonacci constituent donc

un nouvel exemple d’objet combinatoire mettant en relation `a la fois le nombre d’or et

le nombre d’argent (voir suite A000329 dans (Sloane, 2007)).