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Troisième catégorie centrale : De la rencontre de la Parole à la découverte des autres

Dans le document Lire la Bible au coeur de l'Église du Québec (Page 100-117)

CHAPITRE II ANALYSE DES DONNÉES

3.3. Troisième catégorie centrale : De la rencontre de la Parole à la découverte des autres

En réponse à la problématique qui est à l’origine de cette recherche et à la suite de l’analyse du verbatim des entrevues, une troisième catégorie centrale est apparue à l’étape de la codification sélective. Cette catégorie centrale « De la rencontre de la Parole à la découverte des autres et du “Faire Église” » est en relation avec les catégories principales suivantes : « Découverte (des autres) », « Groupe », « Relations » et « Faire Église ». Cette dernière catégorie centrale porte sur les « effets » de la lecture de la Bible dans un groupe. Cependant, ces effets ne touchent pas tant la dimension personnelle comme dans la catégorie centrale précédente, mais concernent le groupe de lecture de la Bible. C’est donc la dimension collective ou communautaire qui est touchée par la lecture de la Bible avec d’autres. C’est l’expérience d’un groupe à l’écoute de Dieu, réuni autour de la Bible qui se fait Parole, qui se construit peu à peu. Dans ce groupe, les membres apprennent à se connaître, à tisser des liens, à dépasser les différences et à vivre la fraternité. Des amitiés solides se créent aussi. Puis, sous l’impulsion de l’Esprit, ce groupe fait l’expérience d’être Église dans la conjoncture actuelle de la société québécoise et de l’Église universelle.

Pour parvenir à nommer cette troisième catégorie centrale, c’est l’analyse ouverte, axiale et sélective qui a permis la mise en relation de quelques catégories principales. La première catégorie principale retenue est celle de la « Découverte » qui sera présentée et précisée sous l’angle de la « Découverte (des autres) ».

Catégorie principale 3.1 : Découverte (des autres)

Avant de présenter l’ensemble des catégories principales liées à cette troisième catégorie centrale, il convient de rappeler que la catégorie principale « Découverte » a été déjà été présentée comme la catégorie qui donne accès aux autres pièces de l’édifice. Précédemment, il a été possible de la préciser en relation avec la « Découverte (du texte) », aussi comme « Découverte (de soi) ». Maintenant, cette catégorie est nommée comme « Découverte (des autres) ». Une caractéristique majeure de cette catégorie principale, c’est vraiment l’ouverture aux autres expérimentée par les membres du groupe de lecture. Il a été possible d’observer que l’attitude habituelle du lecteur de la Bible se manifeste souvent par une recherche de la compréhension du texte de manière plutôt individuelle, souvent solitaire. Cependant, le même lecteur, quand il participe de façon active à un groupe de lecture de la Bible, s’ouvre peu à peu à la découverte, non seulement celle du texte et celle de lui-même, mais aussi celle des autres. C’est ce dernier aspect qui sera exploré ici. Dans la présentation de cette catégorie principale, l’attention sera aussi portée sur les effets de la lecture de la Bible dans un groupe formellement constitué. Certaines conditions qui rendent difficiles ou impossibles le déplacement seront aussi nommées.

La lecture de la Bible avec d’autres rend possible une véritable rencontre entre les personnes qui s’enrichissent ainsi mutuellement. Charles1 précise que « le fait de faire une lecture communautaire de la Bible permet de rencontrer d’autres personnes et, comme croyant, le fait de rencontrer d’autres croyants autour de la Parole de Dieu, cela devient très enrichissant ». Un premier effet de participer à un groupe de lecture, c’est la découverte des personnes et de l’impact de la Parole dans leurs vies. Aline21 l’exprime ainsi : « Découvrir

les personnes à travers ça aussi. Des gens que je ne pensais pas, même si on est proche dans le quotidien, découvrir leur relation à Dieu. » Elle précise en lien avec la découverte des autres que celle-ci est réciproque entre les membres d’un même groupe : « Il y toujours un aspect comme la Parole de Dieu est différente, eux aussi dans leur vie, qu’il y a quelque chose de différent qui m’apparait dans leur vie. » Pour Benoît20, le fait de lire la Bible avec d’autres permet de connaître chacune des personnes et ainsi en arriver à se sentir unis les uns les autres. Il l’exprime ainsi « Il y en a que je n’aurais pas appris à connaître encore dans le groupe qui étaient plus à l’écart. On les voyait moins souvent. Comme je dis, le simple le fait que ces personnes viennent en groupe, c’est déjà une forme d’unité. » La découverte des autres pour Françoisva au-delà de la simple participation à un groupe de lecture de la Bible. Il découvre non seulement une participante, mais une personne avec ses qualités humaines. Il10 en parle de cette manière : « Tu sais, je vois des gens, comme une

dame entre autres. Elle est toujours très attentionnée à notre égard. Elle va apporter des petites choses, comme elle a apporté pour Pâques du chocolat, puis, tu sais, j’apprends à la connaître différemment, tu sais. Je vois que c’est comme une grand-maman, puis vis-à-vis de nous, elle a toujours des petites douceurs. » Il est évident que le lecteur de la Bible qui donne priorité au savoir au détriment de la relation aux personnes ne pourra pas s’ouvrir autant à la découverte des autres. Son attention est toute centrée sur les connaissances davantage que sur les personnes. C’est la situation d’Isidore17 : « Au début, c’était de neuf

heures trente à dix heures trente. Après ça, ils ont mis neuf heures, mais à neuf heures, c’est du parling là. C’est là que je trouve que l’on perd du temps. Je ne vais pas là pour manger. Je vais là pour apprendre. » Cette manière de réagir à la vie du groupe ne facilite pas la découverte des autres et empêche un certain déplacement chez le lecteur.

La catégorie « Découverte des autres » n’est pas sans lien avec la catégorie « Groupe » Cette découverte des autres expérimentée par les membres d’un groupe de lecture facilite la création de liens durables entre les personnes et le désir d’en arriver à former un véritable groupe. La prochaine catégorie « Groupe » en fera la démonstration.

Catégorie principale 3.2 : Groupe

L’acte de lecture de la Bible réunit un groupe de personnes qui, en découvrant le texte, rencontre la Parole de Dieu. La catégorie principale « Groupe » montre comment la lecture de la Bible avec d’autres crée des liens et construit peu à peu le groupe. C’est l’expérience que partagent les personnes qui ont accepté de participer à cette recherche.

Benoît23 se rappelle comment, au début, il n’avait pas vraiment d’intérêt à participer à ce projet de lecture de la Bible : « Au début, je tenais même pas à participer. Bien non, si je suis disponible. L’année que je vais avoir d’autres choses, ce n’était pas grave. Je travaillais en bas. Je ne voyais pas ça comme un groupe. Je voyais ça comme un ressourcement. Si je ne suis pas là, ce n’est pas grave. Il y en aura d’autres. » Peu à peu, il a pris conscience que ces personnes qui se réunissent autour de la Parole forment un groupe qui se construit par la participation de tous les membres. Il21 précise : « On ne veut pas que ce soit juste la personne

animatrice qui trouve les choses. J’ai l’impression que l’on cherche. » C’est ainsi qu’il24 reconnaît que le mouvement de l’acte de lecture de la Bible produit quelque chose de spécial : « Là, on forme un groupe. À cause de ce mouvement-là. On sent là que l’on fait une lecture. On essaie de trouver quelque chose. Un autre groupe pourrait trouver autre chose tu sais. Chaque groupe a sa personnalité. »

Une autre caractéristique qui dit l’importance du groupe de lecture, c’est que ce dernier aide les membres à lire et à comprendre le texte de la Bible. Sur ce sujet, Benoît27 s’exprime ainsi : « Faut vraiment écouter les autres. Il faut s’habituer aux autres. Donc, le fait qu’un moment donné que l’on soit un groupe, cela aide à faire une lecture. » Charlessouligne l’importance des autres membres du groupe qui l’aident à ne pas en rester à une lecture intellectuelle du texte. Il43 dit : « Je suis porté à aborder la Parole de Dieu à partir de l’intelligence,

tout en sachant qu’il ne faut pas que cela reste là. Il faut que cela descende. Puis des fois, il y en a qui m’aide à la faire descendre. » Pour sa part, Denise rappelle le rôle de la personne accompagnatrice qui incite le groupe à s’impliquer dans la recherche. Elle38 raconte : « N., qui nous demande avant de commencer, des

fois : “Qu’est-ce que vous en pensez? Qu’est-ce que vous comprenez? Y a-t-il quelque chose? ou Nommez- moi les acteurs qui sont dans le texte”. » Selon elle28, le groupe permet une interaction qui aide à la

compréhension du texte : « Il y a de l’interaction. Tout à coup, tu sais, bon, une va dire, ah, est-ce que l’on peut peux penser à telle chose? Est-ce qu’on pourrait comprendre comme ça? Un autre amène autre chose. » Pour François17, les autres personnes du groupe, qui pensent souvent différemment, sont aidantes : « Sont

aidantes parce que l’on m’ouvre comme une fenêtre sur un aspect que je n’avais pas vu du tout, du tout, du tout. » Gaston4 rapporte quelque chose de semblable en faisant référence au temps de partage dans le groupe : « Puis en partageant, cela dégageait, puis aussi en écoutant les autres. Les autres apportent des

réponses aussi, souvent les autres. Souvent la question que je pose, et que je n’ai pas la réponse ou comment la comprendre. En partageant, whop c’est vrai, c’est vrai. » Pour Benoît37, le plus important pour lire

et comprendre le texte, c’est l’existence même d’un groupe : « C’est de faire partie d’un groupe de lecture, s’il n’y a pas un groupe, comme j’ai dit, c’est fondamental. Donc, il faut qu’il y ait un groupe. Il faut qu’il y ait d’autres personnes qui ont le même objectif que moi à ce niveau-là. C’est la priorité, sinon cela ne peut pas exister. » Donc, le groupe est important. Denise, en faisant référence à l’image de la Trinité, insiste sur cette dimension communautaire. Elle11 pose la question suivante : « Comment entre eux là cette participation et nous, où est-ce que l’on se situe dans cet aspect communautaire? »

Même si le groupe a une réelle importance et qu’il facilite l’acte de lecture de la Bible, les difficultés sont quand même présentes. Charles partage qu’un autre membre du groupe l’a aidé à comprendre que les personnes sont tous différentes. Cela l’a aidé à surmonter une difficulté. Il a alors compris la richesse de lire la Bible avec d’autres. Il39 raconte : « Mais, là, j’ai compris que c’est N., le prêtre, qui m’a aidé à comprendre : “Écoute Charles, c’est ça.” Il dit que c’est sûr que toi, tu abordes la Parole au niveau de la raison, au niveau de l’intelligence. Par contre, pour d’autres, c’est différent. À ce moment-là, pour d’autres, c’est plus au niveau du cœur. » Pour Henriette, la présence d’un membre appartenant à une autre confession religieuse a permis au groupe de se situer dans son identité comme catholique tout en accueillant cette personne différente. Elle13

raconte ce que le groupe a exprimé à cette occasion :

Disons que la seule chose qu’on lui a dite était que ses petits papiers de publicité, on n’en voulait plus. Que pour le reste, lui on l’acceptait pleinement. Un moment donné, par exemple, on lui a dit : « Tu nous acceptes, donc pour nous, la Vierge est importante. Pour nous, les sacrements sont importants, mais toi, ton apport aussi est important de façon différente. Et ce, pour moi, cela a été un bon bout de cheminement que j’ai fait au point de vue œcuménique.

Cette tension dans le groupe racontée par Henriette, Isidore la vit aussi même s’il est bien accueilli par le groupe. Isidore, qui aime la manière de lire et d’interpréter des évangélistes, est à l’origine de cette tension parce qu’il apporte au groupe de la documentation de l’Église évangélique. Il21 partage : « Quand j’amène ça, disons là, je vois que “Whop”, il y a des tensions. Je dis : « C’est la même Bible que nous autres : message Luc, tel verset… Prends ta Bible, puis prends la mienne, puis le gars va en apporter une, puis c’est la même chose, le même message. » Il exprime aussi son insatisfaction face au groupe et à son fonctionnement. Il25

mentionne au sujet du groupe : « Cela aide, mais on ne progresse pas, parce que cela pourrait aider. Moi, je calcule que cela devrait être le soir pour que les jeunes viennent. Ce sont tous des vieux qui sont là. »

La catégorie principale « Groupe » montre donc comment la lecture de la Bible avec d’autres permet que le groupe se construise peu à peu. Le groupe remplit une fonction essentielle. Il rassemble les personnes autour

de la lecture de la Bible et, par l’acte de lecture qui aide à la compréhension, solidifie le groupe, lui permettant de forger son identité et de vaincre les difficultés. Dans ce groupe de lecture, des liens se tissent peu à peu et des relations signifiantes unissent les personnes malgré les difficultés rencontrées.

Catégorie principale 3.3 : Relations

L’analyse du verbatim des entrevues a fait apparaître la catégorie principale « Relations » qui montre l’importance de celles-ci entre les membres dans un groupe de lecture de la Bible. Pour les personnes, il ne s’agit pas seulement de se réunir pour lire un texte de la Bible, mais davantage de permettre au texte de devenir Parole. Ce mouvement de l’acte de lecture de la Bible en lien avec la vie a comme effet de favoriser que des relations signifiantes puissent se vivre à l’intérieur du groupe. Cette catégorie va au-delà de la simple connaissance des personnes pour permettre une découverte progressive des autres avec leur personnalité et leur histoire.

Une première caractéristique de cette catégorie « Relations », c’est la qualité de celles-ci dans le groupe de lecture de la Bible. Quand le groupe a une plus longue durée dans le temps, ces relations entre les membres sont vécues et présentées comme des relations de proximité. Ce sont des relations, habituellement chaleureuses qui font vivre, qui permettent aux personnes de se connaître davantage, d’entrer en confiance et même de développer des amitiés. Aline9 en parle ainsi : « Bien, ce sont des relations de vie, de proximité. Ce

sont tous des gens avec qui j’ai vécu à N., qui ont le même souci que moi, qui ont les mêmes joies que moi, mais en tout cas, pas sûr les mêmes joies… mais ce sont des gens très proches de mon quotidien. » Pour Benoît, le groupe favorise l’intégration et l’unité. Il20 dit : « Il y en a que je n’aurais pas appris à connaître encore dans le groupe, qui étaient plus à l’écart. On les voyait moins souvent. Comme je dis, le simple fait que ces personnes viennent au groupe, c’est déjà une forme d’unité. » Pour Charles27, les relations dans le groupe

sont bonnes : « Bon, alors, disons qu’avec les autres personnes dans le groupe, disons, ce sont les relations quand même cordiales, amicales, disons, dans le groupe. »

Denise21 précise : « Avec le temps, c’est la relation de confiance qui s’est développée avec les gens qui sont, comme moi là, fidèles aux rencontres. Alors, il y a quelque chose là, tu sais. Quand j’arrive, on partage, on jase, on échange un petit peu sur notre vécu. Oui là, il y a une relation de confiance qui s’est développée par rapport au groupe. » Plus tard, dans l’entrevue, elle31 ajoute : « Moi, en tout cas, c’est ce que je vis, je me sens en confiance par rapport aux personnes qui sont là et je n’ai pas peur de m’exprimer. »

Ce qui permet au groupe de persévérer dans le temps, c’est lorsque les membres du groupe de lecture développent peu à peu une attention aux personnes et démontrent un intérêt pour ce que les autres vivent.

Henriette18 partage son expérience : « D’abord, au début, on avait institué ça pour permettre aux gens de mieux suivre le dimanche15. Au début, c’était le but, mais cela a évolué et ça peut s’arrêter là. Cette évolution

dans le temps, Henriette16 l’explique de cette manière : « Parce qu’il est passé d’un groupe de rencontre

évangélique à un groupe de cheminement. » Elle17 ajoute : « Un groupe de partage évangélique tout

simplement : t’arrives, tu exprimes l’évangile, tu dis tel personnage me dit ci, tel personnage me dit ça ta ta ta ta …et là bien tu pars de là avec peut-être, je dirais un bagage qui est plutôt cérébral. » Quand on passe au cheminement personnel, on devient attentif à ce que les personnes vivent autour de nous autres. C’est ça la grosse différence. On devient attentifs les uns les autres et cette attention-là a fait qu’on a pris part et ça reste comme ça. »

Ce souci pour les autres se manifeste par la tolérance et l’acceptation et c’est ce qui permet de dépasser les différences, d’accueillir les personnes telles qu’elles sont et de faire route ensemble. Sur ce thème, Émile5

s’exclame : « Oui oui, la tolérance, puis, c’est ça, ce sont des caractères forts. Les gens ont des caractères forts. Les opinions sont dites, exprimées directement sans détour et puis, voilà ça fait un joyeux mélange. » Il25

renchérit en précisant que les relations dans le groupe ont évolué grâce à l’acceptation mutuelle entre les membres : « Un moment donné, il faut que t’acceptes que l’autre est comme ça. Que toi, tu es comme ci et que l’autre accepte que toi tu es comme ça. Mais il ne faut pas toujours appuyer sur le bouton de la différence. Tu sais, c’est un peu ça, fait que, oui, je dirais qu’au début, cela a demandé une période d’ajustement, puis que maintenant je pense que l’on a atteint un équilibre. »

À d’autres moments, ce sont des positions idéologiques qui rendent difficiles les relations entre les personnes dans un groupe de lecture de la Bible. Ces difficultés ont une telle importance qu’elles compliquent les relations, obligent à une certaine prudence et font parfois que les personnes se retirent du groupe. Pour le groupe, il y a un défi important qui invite à savoir gérer les différences et à travailler à l’unité du groupe de lecture de la Bible. Sur ce sujet, Benoît14 précise : « Par contre, j’ai remarqué que les gens qui sont plus

traditionalistes sont moins portés à rester. Ils peuvent venir et ne restent pas. » Pour Émile3, en lien avec la

sous-catégorie « Situation de l’Église », les relations dans le groupe posent aussi un défi important : « Tu sais bien, dans notre groupe comme dans le reste de la société, il y a des gens qui sont beaucoup plus à droite. Il y a des gens qui sont plus à gauche. Puis, moi, je me considère un peu plus à gauche qu’à droite. Fait que, tu sais, quand les gens tiennent beaucoup aux traditions, déplorent l’Église du passé, ils sont incapables d’entendre quelques critiques que ce soit qui sont formulées. » Plus loin dans l’entrevue, il23 ajoute : « Fait que, c’est ça que j’appelle, moi, doctrinaire, puis des fois, dogmatique par rapport aux positions de l’Église,

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