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Une Église dynamisée par la Parole : Un passage à vivre

Dans le document Lire la Bible au coeur de l'Église du Québec (Page 145-149)

CHAPITRE III INTERPRÉTATION THÉOLOGIQUE

3.3 Une Église dynamisée par la Parole : Un passage à vivre

En fidélité à l’Esprit, l’Église sait qu’elle doit s’appuyer sur la Parole de Dieu pour remplir sa mission dans le monde aujourd’hui. C’était là un souhait de Vatican II qui a redonné les Écritures aux fidèles. Depuis le Concile, la Bible occupe une plus grande place dans la vie pastorale des Églises locales et plusieurs initiatives ont été réalisées grâce à la pastorale biblique. Cependant, après cinquante ans, l’Église se rend bien compte que les fruits espérés se font encore attendre. En convoquant le Synode sur la Parole de Dieu (2008), Benoît XVI souhaitait que l’Église retrouve le dynamisme présent dans la Parole de Dieu. Dans l’exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, ce dynamisme est redonné au peuple de Dieu. Sur ce sujet, Anne Fortin (2012 : 13), pour bien marquer à quel niveau se situe le texte, écrit : « Ce document ne « dit » rien; il n’a pas de message. Cependant, il réalise quelque chose de plus important : il fait entrer le lecteur, la lectrice dans une théologie de l’acte, l’acte même de parler de Dieu. » Elle précise aussi que cela « concerne la relation intérieure dans ce qu’elle a de plus invisible, dans la chair. Verbum Domini s’arrête sur l’écoute du Verbe fait chair. » C’est cette écoute et cet accueil de la Parole qui, selon Anne Fortin (2012 : 14), « fait marque dans celui et celle qui la reçoit » et qui transforme la personne.

À un autre niveau, mais toujours avec le même objectif se situe la proposition 30 du Synode, reprise par Benoît XVI dans Verbum Domini. Cette proposition montre un chemin possible pour que la Parole de Dieu puisse renouveler la vie pastorale de l’Église. Elle porte sur la promotion de l’animation biblique de la pastorale (Faucher 2012 : 10). Dans l’Église du Québec, cette promotion et sa mise en application sont urgentes si l’Église veut retrouver son dynamisme spirituel. Certes, beaucoup d’efforts ont été faits pour comprendre et pour affronter cette crise que vit l’Église du Québec depuis plusieurs décennies. Beaucoup d’énergies ont été déployées pour revitaliser la pastorale par le renouveau liturgique, le renouveau catéchétique et les réaménagements pastoraux, mais sans beaucoup de résultats. La crise perdure… L’Église du Québec porte l’énorme préoccupation d’une bonne gestion des acquis pastoraux, mais hésite encore à miser véritablement sur la Parole de Dieu qui fait toujours du neuf. Encore aujourd’hui, ses efforts se concentrent beaucoup sur la paroisse sans vraiment la renouveler dans l’esprit de l’Exhortation apostolique postsynodale Christifideles

Laici au no 26. On y lit :

Pour que toutes ces paroisses soient de vraies communautés chrétiennes, les autorités locales doivent favoriser: a) l'adaptation des structures paroissiales avec la grande souplesse accordée par le Droit Canon, surtout en favorisant la participation des laïcs aux responsabilités pastorales; b) les petites communautés ecclésiales de base, que l'on appelle aussi communautés de vie, où les fidèles puissent se communiquer mutuellement la Parole de Dieu et s'exprimer dans le service de l'amour; ces communautés sont d'authentiques expressions de la communion ecclésiale et des centres d'évangélisation, en communion avec leurs Pasteurs.

Dans cet effort de renouvellement, le Guide pour les petites communautés ecclésiales du diocèse de Saint-Jean-Longueuil (1994) est un document qui retient spécialement l’attention. Il se présente comme une réponse possible à la réflexion des évêques du Québec sur « les voies d’avenir de la communauté chrétienne locale ». Au point de départ, le Guide rappelle une des conclusions de la recherche Risquer

l’avenir. Bilan d’enquête et prospectives :

Les petites communautés y sont identifiées comme l’une des voies d’avenir à privilégier. Le rapport propose « au sein des communautés locales, de s’engager dans un processus de création de communautés restreintes où il sera possible d’aborder des questions vitales à la lumière de l’Évangile, où les membres se connaîtront personnellement, où la recherche de la communion avec Dieu sera une préoccupation explicite ». Il souhaite aussi « voir la paroisse traditionnelle se transformer progressivement en une communion de communautés restreintes » (1994 : 9).

Il convient de reconnaître, les efforts réalisés au diocèse de Saint-Jean-Longueuil, sous la conduite pastorale de feu Mgr Bernard Hubert, pour donner un nouveau souffle à l’Église locale en misant sur un réseau de petites communautés qui se rassemblent autour de la Parole.

Il faut aussi rappeler le document de l’Assemblée des évêques du Québec, Annoncer l’Évangile dans la

culture actuelle du Québec qui invitait à « imaginer des voies nouvelles qui permettront à la Parole de

Dieu de devenir le centre de rassemblements ecclésiaux de tailles différentes et de nature différenciée » (1999 : 64). Une section du document (p. 88) avait pour titre : Une Parole partagée dans les mouvements et les petits groupes ». Encore une fois, ce document n’a pas été reçu avec toute l’attention qu’il méritait. Ces initiatives de l’Église du Québec n’ont pas été vaines, mais elles doivent être rappelées encore aujourd’hui pour être mises en action.

Il n’y a pas de doute, les évêques du Québec ont accueilli chaleureusement le concile Vatican II, mais sans s’engager vraiment à mettre la Parole de Dieu au cœur de l’animation pastorale. Il en est de même pour le « principe communautaire » qui a été souvent réduit aux célébrations liturgiques du baptême et du pardon. De manière concrète, dans la vie pastorale courante, l’Église du Québec ne s’est jamais vue comme une Église naissant véritablement de cette Parole de Dieu qui rassemble la communauté en faisant naître l’Église. Même le récent synode sur la Parole de Dieu (2008) n’a pas réussi encore à ébranler l’Église du Québec en vue d’un véritable renouvellement pour son édification toujours en devenir. Et pourtant, c’est cet accueil de la Parole qui fait vivre un véritable cheminement spirituel. C’est cette expérience que les personnes qui participent à un groupe de lecture de la Bible ont su témoigner dans les entrevues. C’est aussi ce qu’Actes 2, 14-47 fait découvrir à propos de ces Juifs pieux. En effet, quand des personnes, grâce à l’Esprit, accueillent la Parole,

leur vie spirituelle est transformée et cette rencontre avec la Parole suscite le désir de s’intégrer à la communauté des croyants.

Si l’Église du Québec a tardé à s’engager dans l’esprit de Dei Verbum (1965) et qu’elle hésite encore à aller de l’avant avec Verbum Domini (2010), pour dynamiser la vie pastorale, il n’en est pas ainsi en Amérique latine. Au cours des années qui ont suivi le Concile, la majorité des évêques ont privilégié deux moyens pastoraux pour mettre en pratique Vatican II. Ils ont misé sur la lecture de la Bible et l’ont rendue accessible aux baptisés par la diffusion et la formation de groupes bibliques. Ils ont aussi favorisé la mise en œuvre du principe communautaire de Vatican II en renouvelant l’organisation pastorale. La création et l’accompagnement des communautés ecclésiales de base réunies autour de la Bible en sont un bon exemple (Document de Medellin 1986 : 145; Document de Puebla 1977 : 213; Document de Saint-Domingue 1993 : 108-109; Document d’Aparecida 2007 178-180). Après cinquante ans de pratique pastorale dans l’Esprit du concile Vatican II, il est possible d’affirmer que les Églises d’Amérique latine ont compris et accueilli l’importance de la Parole de Dieu et du principe spirituel ainsi que communautaire pour la vie de l’Église. Cependant, il faut aussi reconnaître que ce mouvement a été fortement ralenti en Amérique latine au cours des dernières décennies. Selon certains auteurs, les efforts de restauration de l’Église, au nom de la fidélité à la Tradition, peuvent expliquer en bonne partie cette situation. Selon Gerald A. Arbucke, le mouvement de restauration dans l’Église a pour objectif de revenir à ce qui faisait la force de l’Église avant Vatican II et ainsi échapper au renouveau suscité par la réflexion théologique et pastorale issue du Concile (2000 : 13-14). Pour ce qui en est de l’Église au Québec, en fidélité avec Vatican II, elle est invitée à assumer encore plus concrètement le principe communautaire et spirituel dans sa manière d’être Église et d’annoncer la Bonne Nouvelle. De plus, c’est en s’appuyant sur la Parole de Dieu qu’elle aura véritablement un avenir parce qu’il faut le reconnaître : l’Église vit une crise sérieuse. Mathieu Lavigne (2012) écrit à ce sujet : « L’Église est en crise. Son avenir dans plusieurs pays d’Occident est incertain. Elle ne semble toutefois pas avoir fait le deuil de sa puissance d’autrefois. Et si cette crise était une chance? Et si l’avenir de l’Église passait non pas par un retour à sa puissance perdue, mais par un retour aux sources? À sa source : l’Évangile. »

L’Église du Québec a un avenir qui s’annonce tout différent de son passé. Le modèle d’une Église vécue dans un contexte de chrétienté éclate de partout depuis longtemps et est très loin de la réalité actuelle. Le Québec a beaucoup changé et continuera de changer. L’Église fait des efforts louables pour s’adapter à cette nouvelle réalité du Québec, mais ces efforts sont peu féconds. Pour être présence signifiante dans ce Québec distinct qui ne cesse de se chercher, l’Église est invitée à se mettre davantage à l’écoute de Dieu qui parle de multiples manières, à proposer des chemins de vie spirituelle et à se laisser « instituer » de façon permanente.

Elle se doit aussi de discerner les appels du Seigneur à travers tous ces changements sociaux, politiques et ecclésiaux. Le drame pour l’Église du Québec n’est pas de faire face à l’inconnu, mais bien de se refermer par peur de l’inconnu. Il ne s’agit pas de porter un regard pessimiste sur la situation actuelle de l’Église dans la société québécoise. Il faut plutôt croire que l’Église, pour réaliser sa mission évangélisatrice, a un rendez-vous avec les femmes et les hommes de chez nous qu’elle ne peut se permettre de manquer. Elle est appelée à être, depuis toujours, l’Église de Jésus. L’époque des grands rassemblements et des grandes églises fait maintenant partie du passé. Elle est sans doute invitée à se réunir dans des rassemblements plus restreints, où les relations fraternelles feront vivre, et où la rencontre avec Jésus sera première et tout cela à l’exemple des petites communautés de Paul du 1er siècle (Cadrin 2007 : 98). En étant plus humble, plus fragile, plus

vulnérable, mais surtout plus compatissante, l’Église portera davantage les traits de Jésus. Elle sera alors reconnue et célébrée comme l’Église de Jésus au service du peuple de Dieu dans la société québécoise, surtout si elle a une attention évangélique toute spéciale pour les personnes vulnérables, appauvries et exclues de la société.

Pour ma part, cette interprétation théologique m’invite à poursuivre la réflexion et à entrevoir comment il me sera possible d’y donner suite dans mon travail comme formateur et accompagnateur de personnes et de groupes au cours des prochaines années. Dans le chapitre V, je tenterai donc d’esquisser quelques prospectives pastorales en m’appuyant sur les résultats et sur la réflexion que ce travail de recherche a suscités. Tout cela, avec l’objectif d’améliorer ma pratique comme intervenant et d’enrichir mon terrain d’intervention.

Dans le document Lire la Bible au coeur de l'Église du Québec (Page 145-149)