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À partir de nos nombreuses lectures et de l’observation attentive de la société et de la politique béninoises (présentant des similitudes avec les mêmes champs observés sur le continent africain) que nous avons personnellement analysées, sur le terrain de même qu’à partir de la documentation trouvée, nous avons pu constater, en procédant à une généralisation partielle peu ou prou précautionneuse, qu’il y avait une forte prégnance, sur la vie des populations, du facteur religieux et traditionnel dans maints États d’Afrique subsaharienne, notamment en Afrique de l’Ouest. Dans ce contexte, le Bénin, en dépit de la laïcité décrétée constitutionnellement, n’échappe pas à cette situation puisq ue même les médias et les institutions politiques accordent une importance non négligeable aux élites religieuses et traditionnelles. Une telle laïcité nous a paru, de facto, inclusive puisqu’elle n’est pas hostile a priori aux institutions religieuses, pu isqu’elles ne sont pas cantonnées strictement à la sphère privée.

On observe au Bénin, surtout au Sud, que si certaines ethnies ont des origines lointaines communes, il n’en demeure pas moins qu’elles se sont diversifiées par la suite, sociologiquement, et qu’il y a par ailleurs, relativement, un pluralisme religieux observé en leur sein.

D’autre part, il convient de préciser que l’univers de la politique au Bénin est plus soumis à des considérations laïques que religieuses, contrairement à ce qui se passe au Nigéria voisin. Il est vrai que le régionalisme et la religion rentrent, par moments, en ligne de compte dans le champ politique béninois, mais c’est surtout le cas au moment des élections présidentielles ou pour l’attribution de certains postes dans la haute fonction administrative ou privée.

De surcroît, contrairement au système politique observé au Nigéria, État fédéral et anglophone, au Bénin, État central, quelque peu décentralisé, il n’existe pas de bipartisme religieux et encore moins un ethno-régionalisme qui s’appuie

exclusivement sur la région ou l’ethnisme. Ainsi, alors qu’au Nigéria178, le nord est essentiellement musulman religieusement, et, ethniquement parlant, haoussa, tandis que le sud est chrétien, au niveau cultuel, tout en étant occupé majoritairement par les ‘‘nations’’ yorouba et Igbo, ce n’est pas le cas au Bénin. Ainsi, dans le cas béninois, le Nord (cette région du Nord ne correspond pas totalement à la situation géographique. Elle commence déjà dans la partie centrale du pays à la hauteur de Savè, plus précisément à Tchaourou. D’aucuns estiment même que le Nord commencerait à partir de la commune de Dassa. De la même façon, le Sud au Bénin va au-delà des délimitations auxquelles beaucoup s’attendraient. Par exemple, la Commune d’Abomey qui est considérée comme une localité située au Sud pourrait être située au centre du pays. Il s’agit donc d’un Nord et d’un Sud conceptuels, tels que se les représentent dans leur imaginaire les ressortissants béninois qui tiennent en réalité compte d’une répartition migratoire originelle au niveau ethnique en termes de désignation) ne contient pas exclusivement dans ses limites territoriales une population musulmane. Il est aussi animiste et chrétien dans certaines de ces localités, non des moindres, comme c’est cas au niveau des communautés ditammaris. On trouve ainsi dans la partie septentrionale du Bénin une mosaïque d’ethnies bien plus diversifiées, même si elles sont majoritairement unifiées linguistiquement, au niveau de la communication intercommunautaire, par l’usage de langues nationales comme le

dendi et le bariba.

Par ailleurs, si au Nigéria, l’État fédéral a opté pour un statut formel des élites traditionnelles, par exemple, à l’instar du Ghana, leur situation reste encore floue au Bénin, dans la mesure où aucune loi n’est encore votée à ce jour, même si les gouvernants pourraient opter pour cette voie179.

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Christian COULON, « Les itinéraires politiques de l’islam au Nord -Nigeria » in Jean-François BAYART (dir.), Religion et Modernité politique en Afrique Noire : Dieu pour tous et chacun pour soi, Paris, Karthala, 1993, p. 20 & pp. 25-60.

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Voir Nassirou BAKO-ARIFARI & Pierre-Yves LE MEUR, « La chefferie au Bénin : une résurgence ambiguë » in Claude-Hélène PERROT et François-Xavier FAUVELLE-AYMAR (dir.), Le retour des Rois : les autorités traditionnelles et l’État en Afrique contemporaine, op. cit., p. 125. Mariano PAVANELLO, « Le paradoxe de la chefferie constitutionnelle au Ghana » in Claude-Hélène PERROT et François-Xavier FAUVELLE-AYMAR (dir.), Le retour des Rois : les autorités traditionnelles et l’État en Afrique contemporaine, op. cit., pp. 52-61. Elisabetta SAVOLDI, « Représentations du pouvoir traditionnel chez les Nzema du Ghana sud -occidental : La rhétorique ‘‘cérémonielle’’ du festival inaccompli » in Claude-Hélène PERROT et François-Xavier FAUVELLE-AYMAR (dir.), Le retour des Rois : les autorités traditionnelles et l’État en Afrique contemporaine, op. cit., p. 83 & p. 91. Élisée SOUMONNI, « L’évolution des rapports entre pouvoir officiel et autorités traditionnelles au Bénin et au Nigéria depuis la fin des années

Enfin, la religion et la tradition sont considérées comme sacrées, un peu plus que dans certains États, nous a-t-il semblé d’après diverses enquêtes, car le Bénin est réputé dans plusieurs pays, même africains, comme un haut lieu, par exemple, de l’occultisme endogène, en l’occurrence le pays par excellence du Vaudou. Il serait aussi un haut lieu de la sorcellerie, dans l’imaginaire de beau coup de populations, et du berceau du christianisme céleste, selon certaines sources.

D’après nos observations et les remarques de nos enquêtés, l a tradition ne serait pas impunément bafouée au Bénin. Elle serait encore peu ou prou respectée dans les campagnes, y compris même dans plusieurs villes, un peu plus que dans d’autres pays de la Sous-région (c'est-à-dire l’Afrique de l’Ouest) relativement moins tributaires des coutumes. Nous avons constaté, à l’occasion de plusieurs enquêtes sociologiques, qu’il y avait beaucoup de fêtes traditionnelles et cultuelles, au Bénin, notamment à Ouidah, commune particulièrement teinte de religiosités et de coutumes, dans laquelle nous avons concentré l’essentiel de nos recherches. On observe un peu partout dans le pays et même dans des villes les plus cosmopolites du pays une bonne proportion des populations vêtues, assez souvent, en habits traditionnels. Au niveau des dévolutions successorales traditionnelles, c ertains rois traditionnels béninois nous ont appris qu’au Ghana par exemple un sacre coutumier pouvait être acheté très facilement.

Au niveau cultuel, de façon générale, la religion ne serait pas encore considérée comme un entreprenariat au degré où elle paraîtrait l’être dans certains pays africains. C’est ce que nous a signifié un prêtre, Didier Sèmèvo, appartenant à la congrégation de la Vieille église catholique issue de la tradition d’Utrecht180. Ce 1980 » in Claude-Hélène PERROT et François-Xavier FAUVELLE-AYMAR (dir.), Le retour des Rois : les autorités traditionnelles et l’État en Afrique contemporaine, op. cit., pp. 169-176. Jean-Luc MARTINEAU, « Oba et universitaires yoruba sous les gouvernements militaires nigérians : Participation ambiguë et stratégie de survie sociale (1966 -1992/3) », in Claude-Hélène PERROT et François-Xavier FAUVELLE-AYMAR (dir.), Le retour des Rois : les autorités traditionnelles et l’État en Afrique contemporaine, op. cit., pp. 177-212.

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Entretien avec le Père Didier SEMEVO en octobre (puis en novembre) 2014. Agé d’une trentaine d’années, il est originaire du département du Zou et issue de l’ethnie fon. Il s’est présenté à nous comme un prêtre de l’Église vieille catholique traditionnelle, tradition d’Utrecht, formé au Cameroun. Didier Sèmèvo aurait été choisi par le cardinal, Primat, de son Eglise pour être Évêque, mais il n’a pas encore été officiellement ordonné. Il a eu à effectuer des missions religieuses, mais aussi des retraites spirituelles, au Togo, Ghana et Nigéria. Le Père Sèmèvo exerce sa prêtrise dans le Sud du Bénin surtout à Cotonou. Antérieurement à son ordination, il a travaillé comme entrepreneur dans le bâtiment. Avec le Père Sèmèvo nous avons évoqué la religiosité au niveau du christianisme, surtout catholique, au Bénin, mais aussi dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale.

dernier a officié dans plusieurs pays africains, quand il n’y a pas seulement transité, comme le Ghana, le Nigéria, le Cameroun, le Togo, etc. Il nous expliquait ainsi qu’au Bénin les premières quêtes servaient encore à financer les frais de l’office religieux, alors que les secondes étaient destinées à soutenir les œuvres sociales de l’Eglise. Il nous apprenait par contre qu’ailleurs, en l’occurrence au Nigéria, le culte était centré sur une générosité autour du pasteur et de sa famille. Autrement dit, dans plusieurs pays de la Sous-région, à l’exception du Ghana et du Bénin, selon ce prêtre, le culte chrétien est centré sur l’homme, serviteur du Christ et non vraiment sur le Christ, qui est instrumentalisé pour capter de l’argent. C’est ce qui aurait conduit par exemple Paul Biya a fermé près de 500 églises au Cameroun, d’après le prêtre Didier Sèmèvo181. Il s’agirait donc d’une véritable commercialisation de la religion qu’on retrouverait, en dehors du Cameroun et du Nigéria, au Congo aussi comme au Bénin. D’autre part, le même prêtre nous a expliqué que les cultes étaient plus fréquentés au Bénin qu’ailleurs ( à l’exception du Ghana), dans les campagnes comme dans les villes, si on appréciait le nombre de fidèles, en considération des pourcentages.

En somme, toutes ces particularités que nous avons énoncées ont motivé le choix de la thématique principale de notre thèse, que nous préciserons progressivement dans les lignes qui suivent.

Les questions des relations entre religion et politique ou encore trente tradition et politique ont d’ailleurs déjà été abordées sous plusieurs aspects par divers chercheurs spécialistes des sciences sociales sur l’Afrique noire, en l’occurrence au niveau des configurations des relations que les élites religieuses et traditionnelles entretiennent avec l’administration, de la période coloniale à la période postcoloniale, et ce faisant avec les gouvernants politiques.

L’Europe même, malgré sa précocité en matière d’obtention des libertés individuelles par ses citoyens, n’échappe pas à cette reconnaissance du poids des traditions et des religions. François Furet a montré, dans son ouvrage phar e consacré à la Révolution française, que Napoléon Bonaparte, malgré son charisme et son autorité, n’avait pas réussi à effacer, dans l’esprit des Français, le recours aux traditions religieuses182. La tentative d’instauration d’une religion civile n’a pas réussi à faire oublier les anciennes religions comme le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme. L’Empereur avait alors tenté, à partir d’un système

181

Ibid. 182

de concordat, d’établir une collaboration institutionnalisée entre l’État, né de la Révolution française, et les autorités desdits cultes, tout en réorganisant ces derniers. Mais même la laïcité en France aujourd’hui n’a pas réussi à cantonner exclusivement les faits religieux dans la sphère strictement privé. Ainsi, c ertains ouvrages récents consacrés aux politiques relatives à la laïcité183 tendent à montrer une certaine survivance du poids de la religion dans la sphère publique, alors que l’État français l’avait exclue de ses préoccupations (la France est un État laïc où coexistent plusieurs cultes). En Afrique et au Bénin, ce lien nous semble encore plus ténu, comme nous le découvrirons.

183

Voir notamment Patrick WEIL (dir.), Politiques de la laïcité au XXe siècle, Paris, PUF, 2007 ; Anne-Sophie LAMINE, La cohabitation des dieux : pluralité religieuse et laïcité, Paris, PUF, Paris, 2004.

§ A : REVUE HISTORIQUE DE LA PLACE DES ÉLITES TRADITIONNELLES ET RELIGIEUSES DANS L’ÉTAT EN

AFRIQUE EN AFRIQUE ET AU BENIN ET DE LEURS RELATIONS FACE A L’ADMINISTRATION

L’analyse sociologique des structures d’un État africain tend à montrer que les croyances religieuses et le recours à la tradition y sont plus marqués. Il arrive même que des chefs d’État fassent appel à la religion pour intervenir dans la politique nationale afin de ramener la paix, comme au Mozambique avec l’Église catholique184. Le christianisme, par exemple, a une importance cruciale dans certains pays africains, notamment « en Afrique du Sud, où 80 % de citoyens noirs sont membres d’une Église chrétienne », et où « l’Église est la seconde institution la plus respectée »185.

En Afrique de l’Ouest, pour revenir sur le Nigéria, voisin de l’État béninois, la référence à Dieu et aux différences coutumières entre communautés, qui se différencient, est récurrente. C’est ce qui pourrait expliquer des crispations identitaires, aux conséquences parfois violentes, où les uns et les autres, du Nord au Sud, défendent leur identité autour de canons religieux et traditionnels. Le recours à la divinité est mitigé comme le rappelle Jean-François Bayart dans cette formule : « Dieu pour tous, donc, mais chacun pour soi »186. Ce dernier, à travers cette pensée, signifiait surtout que les faits religieux pouvaient être déterminants dans la constitution de l’éthos collectif des cultures africaines187 : l’expression du politique passerait principalement par le religieux en Afrique subsaharienne188. Les croyants constitueraient ainsi une communauté de foi, laquelle transcenderait l’appartenance à une ethnie189. La foi pourrait donc conforter les relations entre des individus pourtant issus d’ethnies diverses190.

Christian Coulon a lui aussi montré l’immixtion du religieux dans la sphère politique au Nigéria, où l’État aurait échoué à cantonner la religion des citoyens dans l’espace purement privé191. Il fait part ainsi d’une confrontation entre « les

184

Jean-François BAYART, « Introduction » in Jean-François BAYART, dir., Religion et Modernité politique en Afrique Noire, op. cit., p. 10.

185

Solofo RANDRIANJA, « Nationalisme, ethnicité et démocratie », art. cit., p. 86. 186

Jean-François BAYART, « Introduction », art. cit., p. 11. 187 Ibid. 188 Ibid. 189 Ibid. 190 Ibid., pp. 12-13. 191

modes politiques, d’un côté, et, de l’autre, des codes religieux qui prennent nettement des allures d’‘‘énonciations politiques à part entière’’ »192. Le politologue Coulon suggère ainsi que le Nigéria serait un État où les « identités religieuses » détermineraient une « classification du champ politique », dans la mesure où la religion ferait office, pour de « nombreux acteurs sociaux », de « référence suprême »193. Ce serait le cas, selon lui, dans un nord nigérian fortement imprégné par l’islam dans sa constitution194. Le professeur Coulon résume ainsi cette place de la religion dans le nord du pays :

« Si l’islam a incontestablement façonné au Nord-Nigeria un stock culturel qui donne forme et substance à l’action politique, celui-ci fonctionne sur le mode de l’hétérogène. Il dispose d’un répertoire extrêmement varié et porte des actualisations multiples. En outre, et cela complique l’analyse, ces identités islamiques peuvent se combiner avec d’autres types de représentations (ethnies, sexe, âge, groupe social, appartenance politique) ; et ces enchevêtrements sont tout à fait significatifs des dynamiques de l’historicité.195»

L’analyse que fait Christian Coulon de la pénétration du champ politique par l’islam prévaut aussi pour le christianisme, comme le montre Achille Mbembé196. Un bipartisme politique se structurerait au Nigéria autour des adeptes de l’islam et de ceux du christianisme : les uns et les autres revendiqueraient des intérêts conformes aux préceptes de leur religion197.

La présence d’une multiethnicité, ici constituée sur base religieuse, dans un État africain peut donc conduire à une instrumentalisation par laquelle « l’ethnicité politisée transforme un groupe ethnique en une sorte de coalition capable autant de prédation que de distribution des gains pour se reproduire »198. En effet, l’islam, bien qu’il soit divisé en plusieurs courants et influences, rigoristes ou réformés, est ainsi instrumentalisé dans le nord du Nigéria pour subjuguer les sociétés humaines, suivant une structuration d’expressions politiques, notamment à Zaria et à Kano199. 192 Ibid., p. 21 193 Ibid. 194 Ibid. 195 Ibid., pp. 21-22. 196 Ibid., p. 23. 197 Ibid., pp. 25-60. 198

Solofo RANDRIANJA, « Nationalisme, ethnicité et démocratie », art. cit., p. 73. 199

Christian COULON, « Les itinéraires politiques de l’islam au Nord -Nigeria », art. cit., pp. 25-60.

À ce sujet, le politologue Coulon affirme qu’« il ne s’agit pas, bien entendu, de faire du ‘‘religieux’’ une ‘ ‘essence de l’âme africaine’’, mais de mettre en évidence la façon dont il participe à la perception, à la formulation et à la structuration du politique »200.

Au regard des analyses qui précèdent, il appert donc que la religion est devenue, pour des Nigérians, un ensemble de signifiants et de signifiés posés comme un système référentiel dans lequel ils évolueraient201. Qu’en est-il du rapport entre les élites politiques, voire modernes, et les élites traditionnelles au Nigéria et de leur situation dans la société ?

Nous pouvons, pour illustrer de tels liens et statuts, nous référer au cas des rois et chefs traditionnels en territoire yorouba. De façon générale, la population nigériane n’a émis aucune réprobation significative à ce que les rois traditionnels de l’aire yorouba, appelés notamment « Oba », à l’instar des universitaires, soient plébiscités comme des interlocuteurs privilégiés face à l’armée au pouvoir202. Mais les « Oba » n’avaient pas retiré de leur alliance un meilleur statut et une plus grande influence sur les processus décisionnels203. Si leur visibilité a été réelle entre 1966 et 1979, puis entre 1983 et 1999, leur pouvoir, qui était relativement encore temporel à l’époque coloniale, s’est amoindri204.

Cependant, si le prestige de ces rois traditionnels et chefs de terre, originaires de l’espace yorouba, est resté relativement important, car ils étaient perçus comme des institutions mobilisatrices des communautés ou des relais des autorités centrales, celui des chefs des cités historiques a connu un déclin réel205. L’historien Jean-Luc Martineau résume ainsi leur position, par rapport à celle connue au Bénin, en ces termes :

« Malmenés, détrônés, restaurés, réhabilités en tant qu’individus, les Oba n’ont jamais disparu de la scène sociale yoruba. L’institution royale a été réorganisée, refondue ou restructurée radicalement à de nombreuses reprises mais jamais sa disparition ou son extinction naturelle n’ont été programmées par les pouvoirs en place au Nigéria. Une analyse diamétralement opposée devrait être 200 Ibid., p. 61. 201 Ibid. 202

Jean-Luc MARTINEAU, « Oba et universitaires yoruba sous les gouvernements militaires nigérians : Participation ambiguë et stratégie de survie sociale (1966 -1992/3) », in Claude-Hélène PERROT et François-Xavier FAUVELLE-AYMAR (dir.), Le retour des Rois : les autorités traditionnelles et l’État en Afrique contemporaine, op. cit., p. 178.

203 Ibid. 204 Ibid. 205 Ibid., pp. 180-181.

retenue pour l’espace yoruba béninois. Cette visibilité n’a cessé d’aller de pair avec une autorité morale que n’ont pas vraiment démentie quelques spasmes antimonarchiques ici ou là »206.

Il n’en demeure pas moins, alors que les rois développent des stratégies de survie et d’adaptation, face à de nombreuses crises sociopolitiques et économiques, que, du sommet au bas de la société nigériane, leur rôle est difficile à définir ou à cerner207.

Toutefois, si la Constitution de 1979 le privait de tout « pouvoir exécutif ou législatif », l’« Oba », en raison de ses liens avec sa communauté, demeurait « le médiateur de la confiance de ses sujets, donc un garant de la paix civile et de l’ordre public »208. Dans les années 1990, le pouvoir militaire procédera à un rétablissement d’un conseil consultatif auquel prendront part les rois qui, par la même occasion, vont acquérir une reconnaissance institutionnelle, sans néanmoins participer au processus décisionnel209.

En définitive, si une House of Chiefs n’existe plus depuis 1966, les « Oba » négocient, parfois difficilement, de 1930 à 1992, leur position à chaque changement constitutionnel et institutionnel, tout en s’adaptant, à l’instar des universitaires, par une collaboration, certaines fois outrancière, avec le pouvoir en place, au gré de leurs intérêts, qui n’hésite pas à s’afficher avec eux, par moments, au point d’éloigner la chefferie supérieure (à cause d’une modernisation et d’une transformation parfois exagérée dénaturant sa nature initiale), quelque part, des préoccupations de la population210. De la même façon, les relations des rois avec les universitaires évolueront aussi, jusqu’en 1983 au moins, en fonction de leurs avantages réciproques où les premiers cherchaient à justifier et accroître leur légitimité sociale par l’entremise des seconds, qui eux cherchaient à se draper, en