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BENIN

Cette section nous permettra d’entrevoir les dispositions prévues par l’État qui fixe les droits et obligations des élites traditionnelles et religieuses. Nous y verrons aussi leur position, de facto, dans la société.

Dans la société béninoise, en dépit de sa diversité, la notion d’autor ité est fortement ancrée, notamment celle dont serait nanti un chef traditionnel. L’histoire politique et l’environnement sociologique conditionneraient bon nombre de Béninois. Ces derniers intégreraient de ce fait la conception de la hiérarchie, au vu du passé féodal de leur État.

La plupart des Béninois, si ce n’est tous, sont liés à une collectivité familiale, de même qu’à une ethnie et à une région. Les liens entre l’individu et sa communauté, dans une localité rurale ou citadine, persistent plus ou mo ins, à l’occasion, notamment, de cérémonies culturelles ou cultuelles. Au cours de celles-ci, le chef de famille, voire le chef traditionnel, exécute des actes religieux et cérémoniels suivant des prescriptions et usages culturels (d’ordre coutumier), voire cultuels.

Depuis quelques années, ce souci de faire participer les élites traditionnelles, mais aussi les élites religieuses, au développement de leurs localités, et donc de l’État, a suscité un débat national sous le gouvernement du Président Boni Yayi. Parce que justement la Constitution et les textes officiels béninois, notamment les lois, ne prévoyaient aucune place pour les élites religieuses et traditionnelles dans la décentralisation, il se posait un problème quant à leur rôle effectif. En effet, s'il n’existe aucunement, dans les textes juridiques béninois, une consécration officielle du rôle des élites traditionnelles et religieuses, comme nous l’avons précédemment mentionné, comme acteurs au niveau des communes, dans les faits elles sont regardées, par une bonne partie des populations, comme des autorités devant jouir d’une certaine considération. C'est pourquoi, dans leurs relations interpersonnelles, au quotidien, avec les citoyens, les maires et les conseils municipaux essayent de cohabiter paisiblement, pour éviter les heurts, avec les élites religieuses et traditionnelles de leur localité (puisque ces élites jouissent d’une relative fidélité d’une partie de la population) . Ainsi, les chefs traditionnels sont invités aux grands débats nationaux et locaux575. Les élites

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traditionnelles, par exemple, sont donc associés, de facto, à la gouvernance locale, même s’il faut signaler une scission interne au sein du Conseil National des Rois du Bénin et l’apparition d’autres organes qui compliquent une prise en compte de la chefferie traditionnelle par l’État de façon unitaire576.

En matière de gouvernance locale, la Charte Nationale sur la Gouvernance locale au Bénin invite, en son article 6, les élus locaux des municipalités à recourir aux sages pour régler des conflits577. Elle reconnaît, en son article 18, l’implication des élites religieuses et traditionnelles dans « les prises de décisions importantes engageant la vie de la communauté locale », dans la mesure où elles constitueraient « des relais de choix entre l’administration communale et les populations à la base »578. La même charte définit cette gouvernance locale comme un « système d’administration et de gestion locale dans lequel l’ensemble des acteurs sont appelés à coordonner leurs efforts dans la conception, la mise en œuvre et le contrôle des actions de développement local »579. D’après une définition de Moukaïla Amadou, « la gouvernance locale est un sous-produit de la gouvernance politique et de la gouvernance administrative : elle indique la manière dont la politique est menée et dont le pouvoir est exercé à l'échelon local »580.

C’est donc comme acteurs de la société civile que les rois, les dignitaires traditionnels et religieux ont été invités, une première fois, à un « séminaire sur le recentrage du concept de Société Civile au Bénin », organisé à Cotonou, du 18 au 20 septembre 2007581.

Il nous faut définir cette notion de société civile, pour mieux percevoir le segment de la société dans lequel s’insèrent les chefs traditionnels et religuex. La société civile serait, d’après Jeanne Becquart-Leclercq, dans la ligne de la

576 Ibid. 577

ONG ALCRER & Coopération Internationale Allemande, Charte Nationale sur la Gouvernance Locale en République du Bénin, op. cit., p. 11 et p. 15.

578

Ibid., p. 11 et p. 15. 579

Ibid., p. 6. 580

Voir en 1.4 du Chap. I. Moukaïla AMADOU, La problématique de la communication dans la gouvernance locale au Bénin : le cas de la commune de Savè, Mémoire de Master, Université Nationale d’Abomey-Calavi (UAC), INJEPS, département des Sciences et Techniques de l’Action Sociale et Culturelle, Master en Développement Communautaire, 2008 in

http://www.memoireonline.com/07/09/2300/La-problematique-de-la-communication-dans-la-gouvernance-locale-au-Benin-le-cas-de-la.html consulté le 17 mars 2014.

581

Ministère chargé des Relations avec les Institutions (MCRI)/ Direction des Relations avec les Organisations de la Société Civile, Forum National des Rois et des Dignitaires du Bénin, op. cit., p. 3

définition de Gramsci, le « niveau intermédiaire entre la base socio-économique des rapports de production et le pouvoir politique »582.

Quant à Bayart, il estime que la société civile se réfère à une « relation dynamique, complexe et ambivalente (c'est-à-dire pas seulement conflictuelle) entre l’État et la société, et non forcément à un champ distinct, repérable en tant que tel, entretenant des rapports de pure extériorité avec un pouvoir territorialisé ailleurs »583.

Il paraît important pour l’État béninois d’arriver à déterminer définitivement la place et le statut des élites traditionnelles et religieuses, afin de mieux les faire participer au « développement économique et social » de l’État, comme le souhaite le gouvernement du Président Boni Yayi584. Nous étudierons d’abord la position des élites traditionnelles pour commencer, dans le paragraphe qui suit, ensuite celle des élites religieuses.

582

Jeanne BECQUART-LECLERCQ, « Légitimité et pouvoir local », art. cit., p. 252. 583

Jean-François BAYART, Achille MBEMBE, Comi TOULABOR, Le politique par le bas en Afrique noire, Paris, Karthala, 2008, p. 67

584

Ministère chargé des Relations avec les Institutions (MCRI )/ Direction des Relations avec les Organisations de la Société Civile, Forum National des Rois et des Dignitaires du Bénin : Rapport Général, op. cit., p. 3.

§A : LA POSITION DE JURE ET DE FACTO DES ÉLITES TRADITIONNELLES

Une autre façon de voir comment la tradition s’insère au Bénin est d’étudier son vécu au sein des familles qui constituent le socle de la société dans son ensemble. Le statut d’un chef traditionnel se distingue bien peu de celui du chef de famille, si ce n’est par son degré d’autorité. Sa préséance doit être étudiée à travers sa position et son rôle au sein de la collectivité familiale ou de la famille. Il est donc judicieux de comprendre les structures de la famille béninoise et les liens qui unissent ses membres.

Il n’est pas vain également d’identifier les éléments qui permettent à la famille de fonctionner comme un ensemble unitaire selon des comportements sociaux similaires. La tradition peut s’enraciner dans un groupement humain où les membres qui le composent sont reliés les uns aux autres par un lien social qu’est la parenté. Joachim Wach fonde le lien de parenté, entre des individus, sur l’alliance, ici le mariage ou le sang. D’après lui, « c’est le facteur physiologique ou biologique qui détermine les relations des membres à l’intérieur de la famille, du clan ou de la tribu » et entraîne une certaine unité585. La famille est donc l’unité où les liens se tissent en premier. Joachim Wach voit donc la famille comme « la plus petite unité sociale existante », c'est-à-dire la base sur laquelle se construisent les collectivités586. Si on remonte plus haut, jusqu’à l’État qui est un ensemble complexe, hiérarchisé et structuré de relations humaines, la finalité , au niveau de l’intérêt, d’un regroupement humain peut être le partage d’un pouvoir sociopolitique.

Joachim Wach met un autre élément social en évidence dans sa description des groupements familiaux ou humains : la notion de loi. En effet, les règles constitutives d’un groupe donné servent à intégrer les membres qui en font partie, tout en excluant ceux qui lui sont extérieurs, donc étrangers, dont ils entendent se distinguer587. Ainsi, un totem peut être un facteur distinctif, engendrant des règles qui s’appliquent à ceux qui les respectent et les différencient d’autres individus. D’ailleurs, le totem peut être un animal divinisé588. Par exemple, à Ouidah, la communauté autochtone de la commune, représentée par l’ethnie des Houédas, se distingue physiquement par des scarifications spécifiques, mais aussi

585

Joachim WACH, Sociologie de la religion, op. cit., p 54. 586 Ibid., p. 56. 587 Ibid., p. 67. 588 Ibid., p. 68.

religieusement lorsqu’elle honore un serpent issu de l’espèce du python royal, appelé Dangbé. Celui-ci, d’après les croyances locales, aurait sauvé un des anciens rois houédas, de même qu’une partie du peuple, en cavale. Il est donc, à ce titre, interdit aux Houédas de manger de cette espèce de serpent et d’en tuer, afin de témoigner leur gratitude. D’ailleurs, un autel est érigé au python, aujourd’hui vénéré, et son culte est placé sous la Direction du Dah (terme signifiant « chef »)

Dangbénon, c'est-à-dire, étymologiquement, « le Grand Prêtre du Python »589. Par extension, si un culte d’une communauté pourrait être propre à ce groupe particulier et exclure d’autres groupes, il peut également être partagé avec certains d’entre eux590. Ce schéma explicatif de la famille peut se retrouver au Dahomey où il existe une division ternaire ou trine de la parentèle. Ainsi, on y dénombre, successivement, la petite famille, constituée autour de la mère et des enfants, puis celle intermédiaire ou compound, plus élargie (c'est-à-dire un père avec plusieurs de ses femmes et leurs enfants), enfin la collectivité familiale dans son ensemble qui regroupe plusieurs familles nucléaires avec, à leur tête, un grand chef pour les représenter591.

Pour en revenir au Bénin, en l’occurrence dans le sud, où se trouve le plus fort taux de concentration de populations humaines du pays, la société se subdivise, selon une hiérarchie décroissante, en clan (qui peut devenir une ethnie en fonction de l’importance numérique des membres le composant et du volume d’espace sur lequel il s’étend), en tribus, puis en collectivités familiales, enfin en familles moins élargies et nucléaires592. Il y a ce qu’on appelle, en langue fon, Ako, c'est-à-dire le clan qui regroupe plusieurs lignées familiales593. Au-dessous de la structure sociétale, il y a le Hennu, sorte d’ancêtre divinisé qui représente la famille ou qui sert de base à la collectivité familiale594.

D’après Elias Béhanzin, descendant d’une famille princière, originaire d’Abomey (ancienne capitale politique du royaume du Danhomè), dont l’ancêtre était le fameux roi et personnage historique Béhanzin, le Hennu c’est « la

589

Nous nous sommes entretenu avec Dah Dangbenon, homme d’une soixantaine d’années, parlant français, pendant 10 min à Ouidah au cours de notre séjour au début du mois d’août 2009, au sein du temple des pythons.

590

Joachim WACH, Sociologie de la religion, op. cit., p. 75. 591

Ibid., p. 74. 592

Voir Germain de SOUZA, Conception de vie chez les « Fon », op. cit., p. 22 & Claude SAVARY, La pensée symbolique des Fõ du Dahomey, op. cit. pp. 101-111.

593

Germain de SOUZA, Conception de vie chez les « Fon », op. cit., pp. 22-23. 594

fondation première de la famille et l’ensemble des descendants réunis autour de l’être fondateur, celui a qui tout le monde est rattaché »595. Il existe un grand

Hennu d’ordre royal, appartenant aux familles royales et princières lointainement

originaires de Tado, localité située géographiquement au centre dans l’actuelle Togo, et un autre dont seraient issus les autochtones de la localité d’Abomey596. Pour Elias Béhanzin, Hen renvoie à une notion de honte ou de ridicule. En évoquant le Hennu, il s’agirait d’une misère ou de quelque chose de caché, donc d’intime qu’on veut protéger et préserver, « contre vents et marées », du regard d’autrui597. En d’autres termes, Hen c’est la honte de la famille qui ne peut être exposée. Elias Béhanzin met l’accent sur le fait que cela implique que « les problèmes soient débattus et réglés dans la famille et non amenés au dehors », car « le Hennu est contre le tribunal »598. Elias Béhanzin insiste encore sur les conséquences qu’entraîne la notion du Hennu, à savoir que, à Abomey, lorsque les représentants de la famille disent « Hennu ho dôgbé wê mi dja », ils signifient par-là qu’ils parleront d’un problème du Hennu, donc privé599. Dès lors, les étrangers, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas membres de la famille ou du clan, « se lèvent automatiquement et ne reviennent pas »600. Jadis, les indélicats risquaient de perdre la vie s’ils n’obtempéraient pas601. Pour Elias Béhanzin, on ne peut rassembler l’ensemble du Hennu en un lieu à cause de la gestion du temps, des différentes activités et des divisions internes. Ainsi, seuls ceux dont « l’agenda le permet, se réunissent »602. Un arbre appelé Kpatin peut servir de fondation à l’établissement d’une nouvelle famille603. La population de la commune de Ouidah est constituée

595

Entretien avec Elias BEHANZIN :

L’entretien avec E. Béhanzin s’est déroulé via un réseau social (FACEBOOK), sur Internet. E. Béhanzin était au moment de notre échange étudiant en troisième cycle de droit et cadré d’une structure privée de son pays. Âgé d’une trentaine d’années, il est originaire d’Abomey et issu de la famille royale Béhanzin. Nous avons évoqué avec lui certaines questions autour des considérations sociologiques dans l’univers ethnique fon suivant les traditions culturelles.

596 Ibid. 597 Ibid. 598 Ibid. 599 Ibid. 600 Ibid. 601 Ibid. 602 Ibid. 603 Ibid.

par exemple de plusieurs collectivités familiales604. Il y aurait ainsi 34 clans à Ouidah605.

L’être (humain, animal, entre autres) qui est à l’origine d’un groupe ethnique plus large, ou clan selon les acceptions, est le Tohwiyo ou ancêtre fondateur, plus précisément « le fondateur surnaturel » d’une famille selon le philosophe Germain de Souza606. Il convient d’expliciter la notion de Tohwiyo qu’il importe de définir plus en profondeur. D’après Elias Béhanzin, il peut être perçu comme « le symbole par lequel celui qui a fondé la famille a cru réussir sa vie. C’est souvent un genre de fétiche à qui on voue un culte »607. Dans le terme

Tohwiyo, To signifierait père, alors que le Wiyo renverrait à quelque chose ou à un

être de vénéré, adoré608. Donc le Tohwiyo serait, selon Elias Béhanzin, « l’ancêtre, devenu une divinité, à vénérer »609. Pour Eric Capo-Chichi, Tohwiyo signifierait plutôt la dignité ou la fierté du père610.

Par contre, il y aurait à Abomey plusieurs Hennu et Tohwiyo611. M. Béhanzin précise aussi qu’on peut déplacer l’élément matériel, visible, symbolisant le Tohwiyo, à l’instar de l’Arche du peuple juif612. De tels liens avaient, à l’origine, un impact politique, puisque la religion et la nation (si ce n’est ici le clan, l’ethnie, voire le peuple) sont soudées, à l’instar de ce que pouvait être le judaïsme pour le peuple hébreu, puis juif.

Les grands groupes communautaires reposent sur des ethnies au Bénin. L’ethnie peut résulter d’une construction sociale613. En référence à une telle

604

Yénakpondji J. CAPO-CHICHI, Emmanuel GUIDIBI, dir., Monographie de la commune de Ouidah, op. cit. , p. 11.

605

Alain SINOU, dir., Ouidah et son patrimoine, op. cit., p. 68. 606

Germain de SOUZA, Conception de vie chez les « Fon », op. cit., pp. 23-24. 607

Entretien avec Elias BEHANZIN. 608

Ibid. 609

Ibid. 610

Entretien téléphonique avec Eric CAPO-CHICHI : L’entretien s’est tenu le 15 mars 2014 au téléphone. Gestionnaire de Marchés Publics au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) en France, E. Capo-Chichi présente la particularité d’être de nationalité franco-béninoise et de maîtriser les milieux culturels de son pays d’origine, notamment ceux du Sud. Âgé de 55 ans, il a vécu en milieu fon à Abomey, bien que ressortissant du groupe ethnique mahi. M. Capo-Chichi nous a renseigné sur les considérations étymologiques de la communauté telle que perçue en milieu traditionnel fon.

611

Entretien avec Elias BEHANZIN. 612

Ibid. 613

Philippe POUTIGNAT & Jocelyne STREIFF-FENART, Théories de l’Ethnicité, Paris, PUF/Quadrige, 2008, pp. 41-42.

situation, le Bénin offre un cas particulier où l’on remarque par exemple que le groupe fon a pu inclure des groupes différents, par le passé. Il en est de mê me des différenciations construites entre l’homme du Nord et l’homme du Sud au Bénin. Si les habitants originaires du Sud sont, à l’origine, liés par des groupes pan -ethniques, au Nord, le lien entre les populations, plus diversifiées par leurs origines, est construit autour d’une alliance régionale de personnes résidant dans le Septentrion qui auraient été exclues par les élites du Sud, lesquelles auraient été les premières au pays à rentrer en contact avec les occidentaux et le colon français. Les divisions et dissensions d’avec les régions centrales du Bénin remontent aussi à l’époque précoloniale où les Fons étaient craints et haïs par les peuples

yoroubas-nagos et mahis résidant dans les localités situées tout juste au Nord des

frontières d’Abomey, capitale du royaume du Danhomè.

En résumé, les frontières ethniques peuvent donc s’assouplir ou se renforcer en fonction de stratifications tant sociales qu’économiques, mais aussi à partir de stratifications politiques, tout en dépendant des rapports de force614.

Somme toute, tout individu est lié à une famille ou à une collectivité familiale, puis à un clan. Par conséquent, toute personne serait reliée à une ethnie au sommet desquels se trouvent des chefs, liés les uns aux autres de façon hiérarchique. Il existe plusieurs types de chefs. Ceux des familles et grandes familles, ceux des clans et ethnies qui ont fondé des royaumes pouvant s’étendre sur une ou plusieurs localités. Il y a une véritable hiérarchie au sein des unités humaines dans une localité, au fur et à mesure qu’on remonte au lien central reposant sur la famille originelle. Ainsi, il y a, au sommet, dans l’organisation du groupe ethnique fon d’Abomey, des chefs de collectivités familiales princières, appelés Dah, signifiant « chef » en langue fon, mais dont l’autorité est inférieure à celle du roi. Chaque chef de famille est, par ailleurs, un porte-parole de sa collectivité auprès du roi615.

Pour illustrer cette vision, Issa Démolè Moko, ancien préfet béninois et ministre de la Décentralisation, nous a donné une idée de l’organisation des habitants originaires du Sud du département du Zou, notamment ceux d’Abomey (ancien centre politique du royaume du Danhomè), où les rapports observés sont quelque peu similaires à ceux qui peuvent exister au sein d ’autres ethnies ou régions du pays616. L’Atacora constitue, toutefois, une exception, car il y a dans

614

Ibid., pp. 169-170 & p. 174. 615

Entretien avec Issa Démolè MOKO. 616

cette province du Nord-ouest du Bénin des sociétés acéphales d’où sont absentes les autorités traditionnelles. On y trouve plutôt des notables. Dans les départements du Mono et du Couffo, également, il n’y a, relativement, que de modestes chefs traditionnels. En effet, la plupart du temps, le centre hiérarchique et organisé, notamment la royauté, auquel pourraient se subordonner lesdits chefs se trouverait plutôt au Togo617.

Ces distinctions étant établies, nous pouvons nous concentrer de nouveau sur le cas du département du Zou. Dans celui-ci, plus précisément à Abomey, on retrouve les Dah (nous avons choisi de rendre ce terme invariable, pour ne pas déformer sa prononciation indigène en langue fon qui paraît être la même au singulier qu’au pluriel), chefs de collectivités familiales, en l’occurrence les chefs de grandes familles, d’origine princière et royale, comme les collectivités Glèlè, Ahoyo, Zodéhougan, etc. Mais selon quelques nuances apportées par M. Moko, ces chefs ne sont pas vraiment des chefs traditionnels, mais plutôt des chefs de grandes familles. Il fait ici une distinction entre chefs traditionnels et chefs de collectivités familiales. Pour ce qui est de la hiérarchie au sein des familles à Abomey et de