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TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS FRANÇAIS PAR LES ORGANISATIONS SUISSES

Rappelons que la problématique de ce travail de recherche est : de quelle manière la gestion

des carrières transfrontalières dans le Rhin supérieur est-elle spécifique pour les différentes parties concernées ?

Ce chapitre correspond à la partie concernée – employeurs, répondant à la question de recherche suivante : Quelle mise en application des dispositifs de gestion des carrières

suisses auprès des travailleurs transfrontaliers français ?

Dans ce chapitre, nous nous intéressons à l’application pour les travailleurs transfrontaliers des dispositifs de gestion des carrières mis en place au sein des organisations suisses. Nous souhaitons comprendre s’il existe une spécificité induite par le statut « international » des travailleurs transfrontaliers ou bien si l’application des dispositifs reste la même pour tous les employés.

Dans la région du Rhin supérieur, on observe un flux important de travailleurs français qui se rendent tous les jours en Suisse alémanique pour aller travailler. Comme nous avons pu le constater dans le chapitre précédent, l’offre de carrière suisse semble plus intéressante aux yeux des travailleurs transfrontaliers que l’offre de carrière française. Il est vrai que l’offre suisse propose une évolution verticale et linéaire au sein de la même organisation, contrairement au nouveau modèle qui se développe en France et qui se tourne vers une trajectoire moins traditionnelle et plus nomade (Ventolini et Mercier, 2015). Ainsi, les travailleurs transfrontaliers sont de plus en plus nombreux à se tourner vers le marché du travail suisse pour trouver un emploi (40 949 individus) (Bundesamt für Statistik, 2018).

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Cependant, il existe peu de recherches sur la gestion des carrières de ces individus par les organisations suisses. Nous proposons donc une enquête qualitative afin d’analyser cette gestion des carrières. Notre étude repose sur le cadre théorique de Baruch et Peiperl (2000), qui regroupe des pratiques organisationnelles de gestion des carrières. Notre recherche a été réalisée auprès de 20 organisations suisses et donc auprès de 20 participants (6 femmes et 14 hommes). Tous travaillent en Suisse et au sein d’organisations qui embauchent des travailleurs transfrontaliers français. Ces organisations sont aussi bien des PME que des grandes multinationales (de 30 à plus de 100 000 employés). Cette étude permet de nommer les pratiques de gestion mises en place au sein des organisations suisses et de montrer leur application auprès des travailleurs transfrontaliers français.

Dans ce chapitre, nous allons donc pouvoir appréhender le point de vue des organisations quant à la gestion des carrières des travailleurs transfrontaliers. Cela nous permettra de comprendre les possibles similitudes entre attentes des travailleurs transfrontaliers français et réponses apportées par les organisations suisses.

Notre position par rapport au contrat psychologique est la suivante :

ATTENTES DES TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS - Emploi - Carrière - Trajectoire de carrière Travailleur transfrontalier

ATTENTES DES ORGANISATIONS

- Salaire - Statut social

- Sécurité - Carrière

- Bienfaits - Eloge

Organisation

Contrat psychologique : processus entre contributions et rétributions

ATTENTES DU MARCHE DU TRAVAIL TRANSFRONTALIER

- Compétences interculturelles

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Cette étude a fait l’objet d’une communication dans une conférence internationale à comité de lecture, la conférence Atlas AFMI de Poitiers, en mai 2020.

Lutz, A., (communication acceptée en 2020), « Dispositifs de gestion des carrières des travailleurs transfrontaliers », 10ème conférence annuelle Atlas AFMI, 18-20 mai 2020, Poitiers

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1. Dispositifs de gestion des carrières des travailleurs transfrontaliers

D

ISPOSITIFS DE GESTION DES CARRIERES DES TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS

C

AREER MANAGEMENT DEVICES FOR CROSS

-

BORDER WORKERS

Axelle Lutz

Résumé

La région du Rhin supérieur connait un flux important de travailleurs français qui traversent quotidiennement la frontière suisse pour se rendre sur leur lieu de travail. Cependant, peu de recherches sur la gestion des carrières de ces individus par les organisations suisses ont été effectuées. L’enquête qualitative sur laquelle repose cet article, mobilisant le cadre théorique de Baruch et Peiperl (2000) et réalisée auprès de 20 organisations suisses embauchant des travailleurs transfrontaliers français, permet de comprendre quelles pratiques de gestion sont mises en place au sein de ces organisations et quelle est leur application auprès des travailleurs transfrontaliers français.

Mots clés : travailleurs transfrontaliers, gestion des carrières, évolution de carrière, pratiques

organisationnelles

Abstract

The Upper Rhine region is experiencing a large flow of French workers who cross the Swiss border daily to get to their place of work. However, little research has been done on the career management of these individuals by Swiss organizations. The qualitative survey on which this article is based, mobilising the theoretical framework of Baruch and Peiperl (2000) and conducted among 20 Swiss organisations hiring French cross-border workers, allows us to understand what management practices are put in place within these organisations and how they are applied to French cross-border workers.

Key Words: Cross-border Commuters, Career Management, Career development,

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Introduction

Dans la région du Rhin supérieur, les frontaliers français se tournent tout particulièrement vers la Suisse alémanique pour trouver un emploi, on en dénombre 36 100 rien que dans la région de Bâle (Isel et Kuhn, 2016). Cet attrait repose sur un salaire pouvant aller jusqu’au double du salaire français (OCDE, 2017c), mais également sur l’investissement de l’apprentissage tout au long de la carrière et le renforcement des compétences (Lanvin et Monteiro, 2019). De plus, les organisations suisses peuvent proposer en interne des formations pour permettre de développer ces compétences et ainsi évoluer dans sa carrière contrairement aux organisations françaises, qui dépendent plus d’aides étatiques (Louart, 2003) et donc de formations externes (Klarsfeld et Mabey, 2004). Cela permet de renforcer l’attractivité de ce territoire. Ainsi, il semblerait possible de faire carrière plus aisément en Suisse qu’en France, puisqu’elle repose sur la valeur des individus, ce qui leur permet d’atteindre des postes plus élevés (Davoine et Ravasi, 2013). En revanche, peu d’études s’intéressent à la vision des organisations quant à cette gestion des carrières. On retrouve quelques notions dans les travaux de Cerdin (2004) qui aborde la place centrale de cette gestion dans la gestion des ressources humaines ou encore de Guérin (1992) qui souligne l’offre de carrière par les organisations. La nouvelle trajectoire de carrière, la trajectoire nomade, qui prendrait le pas sur la trajectoire de carrière traditionnelle, a également joué un rôle sur l’éviction du rôle des organisations dans la gestion des carrières puisque l’individu est devenu gestionnaire de sa carrière (Ventolini et Mercier, 2015). Pourtant, dans un contexte tel que celui d’un territoire transfrontalier où différents modèles de carrière se croisent, la gestion des carrières par les organisations ou par les individus se pose de nouveau. Le modèle de carrière germanique, suivi en Suisse (Davoine et Ravasi, 2013), reposerait alors sur une gestion par les organisations puisqu’il se tourne sur la valeur des individus pour leur permettre ou non d’évoluer (Freye, 2010) et que cette valeur est évaluée par les organisations. Il est également important de souligner que, de nos jours, la gestion des carrières des ressources humaines s’internationaliserait (Chanlat, 2007 ; Davoine et Ravasi, 2013 ; Davoine et al, 2015). Dorénavant, l’opportunité est offerte à ses employés de connaitre une expérience internationale. Cependant, même en sciences de gestion, les formes de mobilité internationale alternative à l’expatriation, comme la mobilité transfrontalière, sont surtout abordées au regard de la littérature existante sur le management international, au détriment

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de l’approche comparative de la gestion des carrières (Cerdin et al., 2012). Or la gestion des carrières en Suisse est tournée depuis un moment vers l’international (Davoine et Ravasi, 2013).

À partir de ce constat, cet article repose sur la question centrale suivante : quelle application

des dispositifs de gestion des carrières suisses auprès des travailleurs transfrontaliers français ?

Mobilisant le modèle des pratiques organisationnelles de gestion des carrières proposé par Baruch et Peiperl (2000), cette étude tend à analyser la gestion des carrières des employés transfrontaliers français par les organisations suisses. L’objectif de cette recherche est de : - Comprendre s’il existe une adaptation de la gestion des carrières, appliquée dans les

organisations suisses, pour les travailleurs transfrontaliers français.

Pour cela, une étude qualitative a été conduite auprès de 20 organisations suisses (managers, ressources humaines, chasseurs de têtes et agences d’aide à l’emploi). En premier lieu, nous introduirons les fondements théoriques sur lesquels se base notre étude ; suite à la présentation de la méthodologie mobilisée par cette recherche, nous présenterons les principaux résultats. Enfin, nous mettrons ces derniers en perspective avec la littérature scientifique de référence et les implications managériales.