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Des trajectoires de carrière traditionnelles gérées de manière commune et basées sur les compétences, notamment interculturelles

Rappel du cadre général de la recherche

1. Des trajectoires de carrière traditionnelles gérées de manière commune et basées sur les compétences, notamment interculturelles

De l’analyse des terrains, des résultats sont ressortis : les trajectoires de carrière des travailleurs transfrontaliers, les dispositifs de gestion des carrières des travailleurs transfrontaliers ou encore les spécificités d’un territoire transfrontalier et de son marché de l’emploi. Les résultats sont présentés étude par étude.

1.1. Des trajectoires de carrière traditionnelles

Une étude initiale du premier terrain a permis de mettre en exergue les attentes des travailleurs transfrontaliers français sur leurs conditions de travail et leurs possibilités de carrière en Suisse. Il existe peu de littérature pour cette catégorie de travailleurs. En les comparant aux commuters internationaux et aux expatriés, cette étude a permis de caractériser leur relation au travail. Notre démarche cherche à combler une lacune de la littérature en se situant dans une approche comparative de la gestion des carrières internationales (Cerdin, 2004). Elle enrichit le modèle de comparaison des carrières de Dahan et Dufour (2012). Les transfrontaliers correspondent à un personnel recherché et attendu, notamment sur le marché du travail suisse. Il était donc pertinent de comprendre ce qui les différencie des autres catégories de travailleurs internationaux quant à ce sujet via notamment une étude comparative.

Aux critères relation d’emploi, frontière(s), compétences, mesure du succès et responsabilité du modèle de comparaison de Dahan et Dufour (2012) viennent s’ajouter deux autres critères spécifiques aux transfrontaliers mis en évidence par les résultats : l’expérience et l’international. L’expérience représente le parcours d’un individu au sein d’une ou plusieurs entreprise(s), qui lui permet de produire des connaissances (Bailly et al., 2009). Le critère « international » caractérise les personnes qui souhaitent travailler dans un environnement international (Cerdin, 2012). Les résultats soulignent l’influence de ce critère sur la motivation des transfrontaliers ainsi que sur leur intégration au sein de leur entreprise et du pays dans lequel ils travaillent. En cela, les résultats confirment l’importance de l’ancre de carrière internationale ajoutée par Cerdin en 2007 pour souligner l’apport du travail à l’étranger comme une valeur ou une attente fondamentale (Dahan et Dufour, 2012).

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Regardant la trajectoire de carrière poursuivie par les transfrontaliers, les résultats indiquent que les individus interrogés suivent principalement une trajectoire de carrière traditionnelle. Cependant, l’étude n’indique pas si les transfrontaliers « font carrière » ou bien s’il existe un éventuel plafond de verre par rapport aux travailleurs nationaux.

La recherche met à jour les critères de succès associés aux carrières des transfrontaliers : les responsabilités hiérarchiques offertes aux travailleurs transfrontaliers, des motivations d’ordre salarial comme de meilleures rémunérations et conditions de vie. En revanche, les participants de cette étude avancent la question de l’insécurité de l’emploi via une crainte de perte d’emploi du jour au lendemain facilitée par la loi du travail suisse. Cela les mène à suivre une carrière traditionnelle plutôt qu’une carrière nomade. Effectivement, selon l’étude exploratoire du premier terrain, la plupart des transfrontaliers français qui travaillent en Suisse recherchent le confort d’une carrière traditionnelle, verticale et linéaire. Ces personnes semblent s’éloigner du modèle qui se diffuserait en France, le modèle de la carrière nomade, non linéaire (Ventolini et Mercier, 2015).

1.2. Des dispositifs de gestion des carrières communs à tous les employés

La seconde étude a fait ressortir l’absence de différenciation entre travailleurs nationaux et travailleurs transfrontaliers quant à l’utilisation par les organisations de dispositifs de gestion des carrières de leurs employés.

La littérature est foisonnante quant à la gestion des carrières des individus, notamment celles des cadres (notamment Dany, 2002 ; Cadin et al., 2000, 2003) ou des hauts potentiels (notamment Falcoz, 2001 ; Guerrero, 2001 ; Bentein et al., 2012). En revanche, elle semble peu fournie concernant celle des travailleurs transfrontaliers. Il était donc pertinent de s’intéresser à la gestion des carrières de ces derniers et d’avoir alors le point de vue des organisations à ce sujet.

Nous nous sommes appuyés sur le modèle des pratiques organisationnelles de gestion des carrières de Baruch et Peiperl (2000). Celui-ci repose sur dix-sept pratiques allant de l’évaluation des performances aux mouvements latéraux pour créer une expérience inter-

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fonctionnelle, en passant par des centres d’évaluation, des orientations professionnelles par un superviseur direct, un mentorat formel ou encore une planification de la relève. À partir de celles-ci, il en est ressorti que les organisations suisses semblent toutes proposer le même suivi, et donc la même gestion des carrières, à leurs employés qu’ils soient nationaux, frontaliers ou encore internationaux.

La gestion des carrières dans les organisations suisses repose sur les compétences de leurs ressources humaines. Ainsi, les compétences priment sur les diplômes et permettent d’évoluer au sein de l’organisation. Il leur est donc primordial de les détecter, les développer et les valoriser. Pour cela, différents dispositifs sont mis en place tels que des formations, des mobilités ou encore des promotions.

Cette deuxième étude démontre alors que les organisations suisses ne font pas de différence en matière de gestion des carrières que leurs travailleurs soient suisses, frontaliers ou étrangers internationaux. Ce qui importe ce sont les compétences.

Pour conclure, il est ressorti de cette étude que les organisations suisses consultées utilisaient des pratiques de gestion des carrières destinées à tous. Pour assurer leur bon fonctionnement, elles prennent la décision de privilégier les compétences et le travail accompli par leurs employés. Elles assurent alors la durabilité de leurs ressources humaines en proposant des programmes de formation, de développement professionnel ou encore de découverte d’autres métiers de l’organisation. Les organisations suisses possèdent alors des dispositifs de gestion de carrière qui leur donnent l’occasion de fidéliser leurs ressources humaines. En effet, si les départs sont mal contrôlés, cela peut avoir d’importantes conséquences (Giraud et al., 2012).

1.3. Des compétences interculturelles mal discernées bien qu’attendues

Une double analyse, à la fois verticale et horizontale a permis de comprendre quelles étaient les attentes du marché du travail transfrontalier en termes de compétences, ceci d’un point de vue des différentes parties prenantes de l’employabilité (selon St Germes, 2006) : entreprises, employés et territoire. Nous avons apporté une attention particulière aux

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compétences interculturelles et à leurs différentes dimensions (cognitive, émotionnelle, comportementale, motivationnelle et identitaire).

Selon Evans (1989), le modèle de carrière français repose sur les diplômes alors que le modèle de carrière germanophone (appliqué en Allemagne et en Suisse) repose sur les compétences. Il était donc pertinent de s’interroger sur les attentes en matière de compétences sur le marché de l’emploi du Rhin supérieur. De plus, ce territoire étant trinational, nous nous sommes focalisés sur les compétences interculturelles, qui se retrouvent dans la capacité d’un individu à développer un comportement adapté, à agir et communiquer de façon adéquate (Deardoff, 2006) dans un contexte interculturel. Ce dernier étant la rencontre entre différentes cultures. Ces compétences semblent donc des plus intéressantes dans un contexte tel que celui de notre recherche.

De l’analyse de nos données est ressortie une adéquation des attentes concernant les compétences transversales. En revanche, nous observons une diversité des représentations des compétences interculturelles ainsi que des divergences d’opinion quant à leur importance. De plus, les compétences interculturelles restent individuelles, au mieux collectives lorsqu’il s’agit de travailler en groupe ou d’interagir avec des personnes d’autres cultures. Pour finir, un amalgame entre compétences transversales et compétences interculturelles est observé lors des réponses des différentes parties prenantes de cette étude. Ainsi, d’après l’étude exploratoire de ce troisième terrain, les compétences transversales et interculturelles sont attendues sur le marché du travail transfrontalier par toutes les parties prenantes mais ne sont pas forcément reconnues en tant que telles.

Les résultats de ces trois études se recoupent et permettre de mieux cerner la pratique de gestion des carrières dans la région transfrontalière du Rhin supérieur. Nous allons mettre en lien ces différents résultats afin de répondre à notre problématique et nous les confronterons avec la littérature existante.

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