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Travail de (re)subjectivation, un « penser » différent, ses avatars somatiques et

3. Devenir adolescent lorsque l’on a un frère ou une sœur autiste

3.1 Adolescence et représentation de soi

3.1.3 Travail de (re)subjectivation, un « penser » différent, ses avatars somatiques et

Ainsi, par une réorganisation de son fonctionnement psychique vers une logique de plaisir sous

le primat de la génitalité acquise, l’adolescent se construit progressivement une image de son

corps comme capable de procréer. Le travail de l’adolescence peut se concevoir alors comme

une « réappropriation de l’histoire infantile dans un projet désormais sexué » (Birraux, 1994).

3.1.3 Travail de (re)subjectivation, un « penser » différent, ses avatars somatiques et

psychiques

Le changement psychique lié à la puberté amène l’adolescent à évoluer dans sa manière d’être

au monde, et requiert un « penser » différent.

La subjectivation – comme processus en partie inconscient par lequel un individu se reconnaît

dans sa manière de donner sens au réel, au moyen d’une activité de symbolisation (Wainrib,

2006) - revêt une force particulière à l’adolescence.

Parce que « c’est à cet âge que s’exacerbent les obstacles internes et externes à l’appropriation

par le sujet de ses pensées et désirs propres, de son identité propre » (Cahn, 1997),

l’adolescence constitue une étape ultime dans le processus de subjectivation pour autant que

s’élabore de nouvelles modalités du travail psychique.

Il s’agit d’un travail de symbolisation, de liaison-déliaison-reliaison des affects, pensées,

mouvements émotionnels, identifications, projection qui doit être élaboré sur le plan subjectif,

« la subjectivité étant la reprise dans un Je qui se constitue, de tous ces mouvements

contradictoires, créateurs et destructeurs » (Pirlot, 2009).

Elle permet à l’adolescent d’intégrer son vécu en l’inscrivant dans une continuité articulant le

passé et la projection dans l’avenir.

Gutton (1991) définit le processus d’adolescence, qu’il conceptualise sous le terme de

« pubertaire », comme un processus de (re)subjectivation.

Pour lui, le « pubertaire » est au fonctionnement psychique ce que la puberté est au

fonctionnement du corps (Gutton, 1991). L’événement pubertaire serait initialement vécu

comme une extériorité génitale puis suivrait un travail de (re)subjectivation qui oeuvrerait à

l’introjection-appropriation du corps génital. Le processus de subjectivation est alors ce qui

permet à l’adolescent de rester le même en devenant autre, à partir de la survenue du

« pubertaire », tout en changeant de corps et d’objets sexuels (Gutton et Bourcet, 2004).

Comme le souligne Cahn (2006), la contrainte interne (pulsionnelle) et externe (de

l’environnement, des objets) peut venir consolider ou modifier les modalités antérieures du

processus de subjectivation. Il s’agit pour lui d’un « processus de différenciation permettant, à

partir de l’exigence interne d’une pensée propre, l’appropriation du corps sexué, l’utilisation,

dans le meilleur des cas, des capacités créatives du sujet dans une démarche de désengagement,

de désaliénation du pouvoir de l’autre ou de sa jouissance et, par là même, de transformation du

surmoi et de constitution de l’idéal du moi » (Cahn, 2006).

Pour Delaroche (2005), le processus adolescent constitue en fait une nouvelle répartition du

moi idéal et de l’idéal du moi dans le sens où la projection de toute puissance de l’infantile est

libérée et alliée à l’introjection dépressive d’une loi qui faut faire sienne. Le moi idéal en tant

qu’instance imaginaire peut devenir une sorte de refuge en cas d’impossibilité à se référer à

l’idéal du moi symbolique, notamment si la reviviscence du complexe d’Oedipe vient réactiver

des manques narcissiques. Au contraire, par la progressive supplantation du moi idéal par

l’idéal du moi peut se mettre en place une castration symbolique qui permet à l’adolescent de

se tourner vers d’autres objets pour obtenir à nouveau la satisfaction narcissique perdue, ou en

devenir d’être perdue (ce qui suppose au préalable d’avoir accepter de perdre ce premier objet),

et de se situer au-dehors de la relation à caractère incestueuse que représente le moi idéal. La

place du phallique imaginaire, en tant qu’élément symbolique qui bouge, permet dès lors la

mise en route de la dialectique de la subjectivation (Delaroche, 1999).

Ce travail d’intégration et d’appropriation de soi peut être propice à un travail de sublimation

de soi. Ce changement psychique lié à la puberté requiert ainsi un « penser » différent, mais

peut avoir des avatars divers, psychiques et somatiques (Gutton et Bourcet, 2004).

Pour Cahn (1998), ce travail de subjectivation différenciatrice, d’appropriation subjective de

l’activité représentative, prend son sens et son aspect définitifs, plus ou moins acceptables ou

défectueux, à l’issue de l’adolescence. Il s’agit d’un travail de mise en sens et d’appropriation

des éléments psychiques, de déliaison-reliaison dans tous les domaines, narcissiques et

objectaux, qui peut cependant se trouver compromis par excès de déliaison.

Le processus d’adolescence débouche alors selon lui « sur une nouvelle représentation de soi et

du fonctionnement psychique où l’après coup et le remaniement de la relation d’objet

aboutissent à ce que Aulagnier (1978) qualifie d’ « élaboration conclusive » d’un Je par ailleurs

en autoconstruction permanente par lui-même, caractérisé par la parole, coïncidant avec son

savoir lui-même, englobant dans l’action refoulante qu’il exerce une partie refoulée de son

histoire et un projet sur ce qu’il espère devenir » (Cahn, 1998, p. 48).

Etant une reprise des différentes problématiques qui l’ont précédée, dans un contexte

psychique-biologique-environnemental nouveau et à partir d’un matériau ancien, la

problématique adolescente aurait une triple issue : la continuation du même, l’abandon de

l’ancien et la création du nouveau ou le compromis entre ces alternatives.

Dans la continuité de Cahn, Konicheckis rapproche le processus de subjectivation de ce que

Winnicott (1960) appelle le vrai self dans le sens où il caractérise une manière d’être de

l’individu « avec sa subjectivité propre et singulière » (2006). Par défaut du mécanisme

d’appropriation subjective, certains sujets présenteraient un faux-self, qui plutôt que de

dissimuler le vrai self, représenterait selon lui « un self insuffisamment développé qui serait

incapable d’exister par lui-même ».

L’activité de subjectivation peut être conçue comme « un mouvement de va-et-vient entre le

pôle psychosomatique et des pôles de transformation psychique» (Wainrib, 2006).

S’appuyant sur les données récentes des neurosciences, Wainrib considère l’émergence d’une

entité psychosomatique à partir des connexions neuronales qui s’auto-organisent à l’intérieur

des limites corporelles pour instituer une coordination de l’ensemble et apporter des

informations sur le milieu interne. Pour lui, l’architecture de la subjectivation peut se déployer

dans les liens entre cette entité et tout un système de liaisons psychiques, à qui revient la tâche

de symboliser les relations entre notre organisme et son environnement.

Ainsi, tout ce qui se forge dans la vie psychique et relationnelle dépend des changements d’état

affectant le pôle psychosomatique. En retour, ce fonctionnement réussit ou échoue à

transformer le rapport au monde en plaisir, ou tout au moins en évitement relatif de la

souffrance brute. Lorsque la subjectivation ne parvient pas à symboliser les effets de

l’environnement sur notre organisme, ne serait-ce que dans un scénario fantasmatique, l’entité

psychosomatique tend alors à se désorganiser.

Comme le souligne Boubli (2003), le processus de subjectivation peut se trouver en échec à

l’adolescence face à la réactivation des traumatismes primaires et induire une désorganisation

somatique. S’il n’est pas possible pour l’adolescent de se défendre au niveau de son moi en

tolérant la dépression et si les voies du comportement moteur ne s’ouvrent pas, celui-ci risque

alors de s’engager selon elle sur la voie de la déliaison somatique, signant la faillite du

processus de subjectivation face à l’effraction d’excitations. Ce serait notamment le cas des

adolescents trop conformistes chez qui le recours au passage à l’acte est inhibé.

Synthèse :

Trois axes nous permettent de définir l’évolution de la représentation de soi à l’adolescence :

- L’axe narcissico-objectal, dans le sens où la réactivation des processus de séparation et de la

problématique oedipienne sollicite les assises narcissiques et les investissements objectaux.

L’adolescent passe alors du temps des autres (identifications) à un temps personnel (identité)

avec le choix de l’objet hétéro-sexué.

- L’axe de l’image du corps, dans le sens où l’adolescent doit s’approprier son corps en

transformation, les nouveaux statuts et fonctions qui en découlent.

- L’axe de la subjectivation, avec le travail de symbolisation des affects et des pensées réactivés

par la puberté, le travail de différenciation par rapport à l’autre, pour pouvoir s’approprier son

histoire et se projeter dans l’avenir.

3.2 Evolution de la représentation de soi chez l’adolescent ayant un frère ou

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