• Aucun résultat trouvé

Cadre éthique et déontologique, précautions méthodologiques dans la recherche

La démarche méthodologique amène à poser un certain nombre de problèmes éthiques et

déontologiques pour tenter d’assurer une validité scientifique à la recherche.

Cette démarche nécessite de se référer aux règles éthiques définies par la communauté

scientifique, en se rapportant à la loi Huriet (1988, modifiée et actualisée en 2004), qui a pour

fonction de protéger les personnes contre les risques de l’expérimentation et de la recherche

biologique ou médicale, mais aussi au code de déontologie des psychologues (1996) ou encore

au code de conduite des chercheurs établi par Caverni (1998). Le chercheur doit d’autre part

prendre appui sur sa propre éthique, c’est-à-dire agir en fonction de ce qu’il pense être bien

pour le sujet.

Dans tous les cas, la question est d’effectuer ses choix dans le respect des droits de la personne,

en assurant notamment sa dignité, sa liberté et sa protection.

L’accès à la population et l’utilisation des données fournies par nos groupes de référence

impliquent un consentement éclairé des sujets pour participer à la recherche (Benony, 1999).

Chaque sujet adolescent, et ses parents lorsqu’il était mineur, ont pu exprimer un consentement

informé et libre. Au-delà des critères d’information concernant les objectifs et la procédure de

la recherche, la garantie de l’anonymat et de la confidentialité, le droit de se retirer à tout

moment, et le droit au feed-back, le fait de veiller au consentement des personnes sollicitées

nous a amené à nous interroger sur la valeur de ce consentement et l’intérêt que présente la

recherche pour le sujet. « Quelles sont les conséquences d’une évaluation psychologique sur la

personne ? A-t-on le droit de réveiller chez certains sujets des souvenirs enfouis, douloureux,

qui ne demanderaient qu’à être oubliés alors que l’objectif de la recherche n’est pas

thérapeutique, même si incidemment il peut l’être ? » (Benony, 1999).

Dans quelques cas, et notamment au niveau du groupe d’étude clinique, il nous a semblé que le

consentement de certains sujets pouvait s’expliquer par une forme de loyauté familiale. Comme

le souligne Pedinielli (1994), les motivations conscientes et inconscientes qui amènent une

personne à accepter de participer à une recherche peuvent revêtir des significations variées

voire ambiguës. Afin de prendre en compte les diverses attentes et désamorcer les éventuelles

craintes des sujets participant, il a été précisé à chacun que les conclusions de la recherche ne

seraient envisagées que de manière générale et qu’il ne serait question de compte-rendu

personnalisé.

En fin de protocole, une synthèse du contenu des deux séances a été réalisée, et nous avons

proposé à chaque sujet de s’exprimer sur la manière dont il avait vécu la passation. Il n’a pas

semblé nécessaire de proposer un soutien psychologique extérieur. Cependant, quelques sujets

ont pu faire part de leur surprise face à certaines questions qu’ils ne s’étaient jamais posés et

qui les amenaient dès lors à ouvrir leur champ de réflexion. Nous supposons que ces rencontres

ont pu avoir des répercussions sur le vécu des frères et sœurs en question, mais nous n’avons

pas les moyens de les évaluer directement.

Le recueil des données, qui constitue un des moments fondamentaux où la subjectivité du

chercheur est sollicitée (Bourguignon, 1995), a donné lieu à un questionnement sur notre

positionnement.

En effet, les outils cliniques et projectifs induisent une implication du psychologue, lequel doit

tenter de faire la part entre ce qui lui appartient et ce qui relève de la situation clinique en

elle-même. L’entretien clinique implique toujours une asymétrie entre les interlocuteurs (Chiland,

2002). En situation de recherche, la demande émane du chercheur et non pas du sujet, il s’agit

de s’assurer que le sujet parvient à déployer sa propre subjectivité. Cette démarche suppose

d’être attentif aux aspects relationnels, à ce que le chercheur peut provoquer ou induire chez le

sujet.

La relation avec quelques sujets adolescents a nécessité de lever certaines résistances pour

pouvoir favoriser leur engagement dans une dynamique intersubjective. Quelques

aménagements dans le protocole se sont révélés nécessaires. Le Rorschach, initialement

proposé lors de la première séance, a été reporté à la deuxième séance en inversant l’ordre de

passation avec le TAT. Sachant que le Rorschach induit une régression plus forte que le TAT

compte tenu de la nature de son matériel (Emmanuelli, 2001), cette modification nous a permis

de mieux préparer son introduction et de lui consacrer plus de temps. La réalisation de l’activité

d’écriture, qui s’est révélée coûteuse pour un nombre important de sujets, nous a amené à nous

interroger sur le cadrage de la consigne dans l’espace et dans le temps : offrir la possibilité ou

non de différer le retour après l’investigation, proposer plusieurs moyens de transmission (voie

postale, voie électronique plus congruente avec les pratiques actuelles des adolescents), donner

ou non une indication sur les dimensions du texte attendu. Tout au long de l’investigation

auprès des adolescents, une question récurrente a été celle de faire la part entre ce que le sujet

voulait nous transmettre et ce qu’il pouvait réellement élaborer, la difficulté étant d’apprécier

quelles pouvaient être les limites de notre intervention pour éviter de se montrer intrusif.

A l’inverse, l’investigation auprès des parents du groupe d’étude clinique a nécessité parfois

d’adopter une attitude de fermeté pour pouvoir inscrire l’entretien dans une durée limitée. La

difficulté ici a été surtout de pouvoir être suffisamment contenant dans une position de

neutralité bienveillante, sans outre passer nos fonctions d’étudiant-chercheur, face à la

souffrance exprimée et à la demande d’aide qui pouvait être sous-jacente. La recherche d’une

position de « bonne distance » (Benony, 1999) a supposé une analyse de nos propres

contre-attitudes et des émotions engagées dans la relation.

Dans une démarche de co-construction du sens tel que l’entend Blanchet (1989), le sujet et le

chercheur construisent ensemble le sens du discours en apportant chacun leurs investissements,

leurs désirs, leurs représentations par rapport à l’objet d’étude. Par la prise en compte de sa

subjectivité, le chercheur analyse la relation instaurée pour tenter de saisir la réalité psychique

du sujet. Aussi, il doit combiner à sa rigueur méthodologique l’analyse de ces dimensions

transférentielles pour accroître la pertinence de ses interprétations. Or, toute la difficulté

peut-être, comme le souligne Devereux (1980), de pouvoir gérer l’angoisse que peut susciter les

données pour le chercheur, sans s’accrocher à une méthodologie rigide et à une théorie

« idéologique » sécurisante inspirée par le contre-transfert, mais au contraire en prenant

conscience de cette angoisse et en tentant de la comprendre dans ses diverses significations.

Une question majeure qui s’est posée au cours de la recherche a été celle du choix d’arrêter le

recueil de données à un moment donné. Cherchant à contrôler les facteurs d’échantillonnage

définis pour rendre les deux groupes comparables, la taille des deux groupes de sujets

s’accroissait sans jamais parvenir à remplir l’ensemble des critères posés au départ. Le parti

pris a été alors celui de faire le deuil d’un idéal méthodologique pour éviter de se perdre sous la

masse des données, et d’accepter que par la complexité des variables prises en compte la

recherche clinique ne peut prétendre démontrer les causalités, généraliser ses résultats

(Bourguignon, 1995).

Outline

Documents relatifs