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travail : classement des dispositifs et visions différenciées de l’insertion

En 1998, le cabinet de M. Aubry en indique aux représentants associatifs qu’il souhaite simplifier la politique d’IAE. Il s’agit alors de clarifier le pilotage du secteur, de faciliter la prise de décision en désignant un chef de file, l’administration du ministère de l’Emploi, sans toutefois en exclure les autres administrations ministérielles, et notamment celle de l’Action sociale111. On verra que pour l’ensemble des acteurs associatifs rencontrés lors de l’enquête, cette décision politique a pour conséquence d’invisibiliser tout un pan de leur activité professionnelle.

Cette section, revient sur une autre dimension de la réforme qui est présentée par le cabinet de M. Aubry comme la démonstration de la volonté de l’État de reconnaitre l’action

110 Le ministre des Affaires sociales et de l’Emploi de 1986 à 1988.

111 Dans les textes réglementaires, le ministère de l’Emploi ne cesse d’affirmer que la réforme de 1998 instaure un « pilotage associant tous les acteurs » et que l’administration de l’Action sociale « reste pleinement associée à la mise en œuvre de l’insertion par l’activité économique » (Circulaire DGEFP 99-17 du 26 mars 1999 qui réforme l’insertion par l’activité économique).

associative en matière d’insertion par le travail en la dotant de fondements juridiques clairs. Au-delà des discours d’affichage dont l’objet est de susciter l’adhésion des représentants associatifs aux objectifs de la réforme et leur enrôlement dans ses travaux préparatoires, l’action politique consiste à sectoriser l’action associative. La réforme instaure un chapitre au sein du code du travail spécifiquement consacré à l’« insertion par l’activité économique ». Cette catégorie juridique regroupe les différents dispositifs existants autour d’une définition générique qui s’appuie sur leur objet et leurs modalités d’action communs : l’insertion par l’activité économique « a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle», elle « met en œuvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement» 112. La création de cette catégorie générique s’accompagne, comme on l’a vu dans la section précédente, de l’instauration de procédures et d’espaces de pilotage communs aux différents dispositifs associatifs (l’agrément délivré par l’ANPE, les CDIAE animés par les services déconcentrés de l’administration de l’emploi). Dans cette perspective, la logique de la réforme de 1998 s’inscrit dans la continuité du rapport Alphandéry qui insistait sur la nécessité d’harmoniser et d’unifier la réglementation sur les associations d’insertion par le travail.

Cette logique de sectorisation entre en tension avec la logique de spécialisation des acteurs associatifs. L’entrecroisement des deux logiques - la sectorisation poussée par l’État et la spécialisation défendue par les acteurs associatifs - met en lumière le caractère paradoxal du processus d’institutionnalisation de l’insertion par l’activité économique. Autrement dit, si la réforme conduite par le ministère de l’Emploi rapproche les acteurs associatifs au sein d’un même espace, elle entérine dans un même mouvement les divisions internes à cet espace.

Cette section analyse la structuration de l’espace de l’IAE. Elle montre que les négociations entre les représentants associatifs et le ministère de l’Emploi aboutissent à la segmentation de cet espace en deux pôles, un pôle social et un pôle entrepreneurial. Ces deux pôles sont définis à partir d’un faisceau de critères qui renvoie :

- À la réglementation qui détermine le périmètre d’intervention de chaque catégorie de dispositifs d’insertion en fonction de ses rapports au marché d’une part et aux pouvoirs publics d’autre part

- Aux pratiques professionnelle et aux conceptions différenciées des acteurs associatifs en matière d’IAE, en sachant que ces manières différentes de voir et de faire l’insertion ont en partie déterminé la réglementation (lors des négociations entre les acteurs associatifs et les responsables politiques), mais qu’en retour cette réglementation, en tant qu’elle est l’objet d’une appropriation par les acteurs associatifs, contribue à accentuer leurs divergences de vue.

A. Le pôle social de l’espace de l’IAE

Les ateliers et chantiers d’insertion, un service public privatisé

L’appellation « ateliers et chantiers d’insertion » (ACI) désigne une catégorie de dispositifs d’insertion par le travail dont la gestion est assurée par des personnes morales de droit public (conseils généraux, centres communaux d’action sociale) ou de droit privé à but non lucratif (associations). Ces dispositifs se développent sans cadre réglementaire au début des années 1990, à la suite de l’application du volet insertion de la loi sur le RMI (cf. Section 1 du présent chapitre). Si les entreprises d’insertion (EI) et les associations intermédiaires (AI) embauchent un nombre croissant d’allocataires du RMI à mesure que le dispositif monte en charge, leur capacité d’accueil reste limitée, malgré l’accroissement des crédits étatiques. La mise au travail de la grande majorité des allocataires du RMI s’effectue en réalité au sein de dispositifs créés spécialement à cet effet, et dont l’appellation varie : « chantier de production », « chantier d’insertion », « chantier école », « chantier formation ». Le terme « chantier » fait écho à la nature du travail (activité physique de transformation de matériaux) et à son organisation (l’exercice collectif d’activités manuelles). Dans la plupart des cas, les chantiers sont gérés par des associations. Ils regroupent une dizaine d’allocataires du RMI embauchés dans le cadre de contrats aidés du secteur non-marchand (les contrats emploi solidarité)113 et encadrés par des salariés permanents (Abhervé, 1992).

113 Instaurés par le gouvernement de M. Rocard en 1990, les contrats emploi solidarité sont des contrats aidés du secteur non marchand à mi-temps rémunérés sur la base du SMIC horaire régis par le droit du travail, soumis à la compétence de l’inspection du travail et relevant des instances prudhommales.

La reconnaissance juridique des chantiers en 2005114, entérine le modèle économique mis en œuvre au sein par les acteurs associatifs depuis le début des années 1990. Celui-ci se caractérise par une dépendance importante vis-à-vis de pouvoirs publics. Les subventions publiques représentent souvent plus de 80 % des ressources des ACI. L’État prend en charge l’écrasante partie de la rémunération des salariés en contrats aidés. Les ACI bénéficient également d'exonérations de certaines cotisations à la charge des employeurs. Sous l’effet de la décentralisation des compétences en matière d’insertion, les ACI perçoivent également des financements d’autres institutions publiques (des conseils généraux au titre de la mise au travail des bénéficiaires du revenu de solidarité active qui succède au RMI en 2009, et dans une moindre mesure, des mairies)115. Cette proximité avec les pouvoirs publics implique des dirigeants d’ACI la maîtrise de compétences administratives (rédaction des dossiers de subvention) et de négociations (sur le nombre de postes d’insertion, les montants des subventions, etc.).

L’importance des financements publics amène l’État à encadrer l’activité commerciale des ACI afin d’éviter qu’ils ne livrent une concurrence déloyale aux entreprises implantées sur le même territoire. Les ACI se voient ainsi contraints d’orienter leurs activités de production vers le secteur de l’« utilité sociale » qui désigne des activités « qui ne sont rentables ni dans les conditions de droit commun, ni dans le cadre d’une entreprise d’insertion » 116. Les ACI peuvent donc investir l’ensemble des secteurs d’activité économique, à condition d’une part qu’ils ne livrent pas une concurrence déloyale aux entreprises ordinaires (ou aux entreprises d’insertion) et d’autre part que les emplois occupés par leurs salariés ne se substituent pas à des emplois privés ou publics existants.

L’utilité sociale ne désigne donc par un secteur d’activité spécifique. Elle est mesurée par les services du ministère de l’Emploi à partir d’un faisceau de critères qui renvoie au contexte territorial où s’implante le chantier (l’absence ou l’insuffisance des offres du secteur privé sur

114 Si la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998 mentionne l’existence des « chantiers » et les inscrit dans le secteur de « l’utilité sociale », c’est la loi de programmation de cohésion sociale de 2005 qui officialise cette catégorie de dispositifs en l’inscrivant dans le code du travail sous l’appellation d’« ateliers et chantiers d’insertion ». Le fonctionnement de ces dispositifs est détaillé dans la circulaire DGEFP n°2005/ 41 du 28 novembre 2005 relative aux ateliers et chantiers d’insertion.

115 Un rapport de 2013 consacré au financement de l’insertion par l’activité économique indique que les financements des conseils généraux représentent en moyenne 28 % du financement total des ACI. (IGAS, IGF, 2013).

116 Extrait tiré de la circulaire DGEFP n°2005/ 41 du 28 novembre 2005 relative aux ateliers et chantiers d’insertion.

le territoire), à sa politique commerciale (la vente des biens ou des services produits par les ACI au prix du marché), et à la mise en œuvre d’un accompagnement spécifique des salariés par le personnel permanent de la structure. Ainsi, lorsqu’un ACI souhaite s’engager dans une activité d’entretien d’espaces verts, l’administration vérifie la présence d’entreprises privées positionnées sur ce créneau d’activité. Si ce secteur d’activité n’est pas investi par ces acteurs, les fonctionnaires autorisent l’ACI à s’y engager. À l’inverse, lorsque des entreprises interviennent déjà sur ce créneau d’activité, l’ACI peut être autorisé à entrer en concurrence avec elles, s’il vend ses prestations au prix du marché. Toutefois, le montant des recettes tirées de la commercialisation des prestations d’entretien d’espaces verts est limité. Il ne doit pas excéder 30 % du total des charges des ACI117.

Les activités commerciales des ACI font donc l’objet d’un double encadrement par l’État. D’un côté les ACI sont incités à réaliser leur activité économique au sein du secteur de l’utilité sociale, c’est-à-dire dans un espace économique où les biens et les services produits ne sont pris en compte ni par les entreprises ni par le service public. D’un autre côté les recettes tirées de la vente de leur production sont limitées à 30 % du montant total de leurs dépenses.

Si la grande majorité des acteurs associatifs respecte cette règlementation118, l’activité économique des ACI entraine le développement d’une économie parapublique dont le fonctionnement repose sur la dévaluation du coût du travail. En effet, afin de ne pas dépasser la limite des 30 % évoquée plus haut, les ACI ont tendance à fournir à leurs clients - qui sont majoritairement des structures publiques (collectivités locales, établissements publics, offices HLM, etc.) - des prestations gratuites ou à un prix insignifiant. Toutefois, ces pratiques entrainent une baisse artificielle du coût du travail « à des niveaux de prix horaire totalement dérisoires (de 3, 4 ou 5 euros de l’heure) » (IGAS et IGF, 2013 : 19). Les collectivités locales bénéficient ainsi de services dont le coût est « loin de couvrir la valeur marchande de la prestation réalisée qui serait facturée si elle était réalisée par un autre opérateur » (idem).

117 « Afin d’éviter tout effet de concurrence déloyale avec les entreprises la part des recettes de commercialisation ne peut excéder 30 % des charges de l’ACI », extrait de la circulaire DGEFP du n°2005/41 du 28 novembre 2005 relative aux ateliers et chantiers d’insertion.

118 Un rapport publié en 2013 par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des finances (IGF) estime que la part moyenne des recettes commerciales des ACI n’excède pas 13,4 % du total de leurs ressources, le reste de ces ressources étant composé de financements publics (IDAS, IGF, 2013).

La dépendance des ACI à l’égard des pouvoirs publics - en termes de financement, mais également de marché – assimile ces associations d’insertion à un « quasi service public » (Lazuech, 2006) : financées en grande partie par les pouvoirs les pouvoirs publics, elles réalisent la grande majorité de leurs activités pour les comptes de ces mêmes pouvoirs publics. En 2005, année de leur reconnaissance législative et de leur inscription dans le code du travail, les ACI emploient 32 300 salariés. Le nombre des contrats aidés s’élève à 64 300, soit 17,9 % du total des contrats aidés du secteur non-marchand signés cette année-là (DARES, 2006). En 2012, le ministère de l’Emploi recense pour 68 248 contrats aidés signés par les ACI.

Le travail comme support de (re)mobilisation et de réinsertion sociale : la pédagogie spécifique des ACI

Les professionnels des ACI mobilisent une conception spécifique du travail d’insertion. Pour eux, l’activité économique constitue un support à partir duquel ils peuvent amorcer un processus de réinsertion sociale, de reprise de confiance en soi. Ainsi, dans une autre enquête, les fonctionnaires de l’IGAS et de l’IGF remarquent que les dirigeants d’ACI assimilent l’activité de production à un « support d’apprentissage d’un certain nombre de comportements et moins souvent (à) des activités conduisant à une pré-qualification dans le secteur économique concerné » (IGAS et IGF, 2006 : 17). Ce constat fait écho aux propos recueillis auprès des nombreux dirigeants d’ACI lors de l’enquête de terrain. Pour eux, le passage en structure d’insertion a moins pour objectif la réintégration du marché de l’emploi non-aidé que l’inculcation d’attitudes et de comportements considérée comme une condition préalable à cette intégration :

« La peinture, le bâtiment, la menuiserie, ça reste une activité support, on ne prend pas les gens pour qu’ils deviennent menuisiers ou peintres. Par contre s’ils respectent les consignes, s’ils savent tenir un plan, s’ils savent bosser régulièrement et qu’ils sont à l’heure, enfin tous les aspects qui sont autour de l’insertion, on peut les faire évoluer vers un autre métier quel qu’il soit. » (François, président d’une association gestionnaires d’ACI, entretien réalisé le 17 octobre 2012.)

« À partir d’une situation d’activité grandeur nature, on peut l’adapter pour faire en sorte qu’elle serve de support à l’évolution personnelle et professionnelle d’une personne. Et donc l’outil de production doit être au service de l’évolution personnelle de la personne, de ses compétences et pas uniquement des besoins de la production en lien avec la concurrence. » (Homme, dirigeant d’une association gestionnaire d’ACI, puis délégué général d’une fédération nationale d’ACI, entretien réalisé le 24 juin 2014.)

Cette conception de l’activité comme support de remobilisation et de réafiliation sociale implique la mise en place d’un encadrement sur le poste de travail et d’un accompagnement social plus important que dans les autres structures d’insertion. Les textes qui encadrent le fonctionnement des ACI parlent d’une « démarche pédagogique et formative » permettant l’acquisition de « savoirs et de savoir être ». Cette démarche justifie l’octroi d’aides conséquentes de l’État. Les ACI disposent ainsi d’une aide spécifique pour mettre en œuvre un « accompagnement » renforcé auprès des chômeurs qu’ils mettent au travail119.

La formalisation et la diffusion de cette démarche pédagogique sont les objectifs principaux des fédérations d’ACI. L’une des plus importantes d’entre elles, la fédération Chantier école, forme ses adhérents à l’utilisation d’instruments visant à détecter et à évaluer l’intensité des difficultés de leurs salariés (il s’agit du « logiciel pour l’évaluation et l’accompagnement »)120, à repérer et mesurer leur progression dans l’acquisition de « savoirs de base et de comportement»(les « référentiels compétences et capacités professionnelles » et les « livrets de suivi des salariés en insertion »), à attester de l’évolution de leur situation par rapport à l’emploi (les attestations professionnelles que les professionnels délivrent aux salariés en insertion lorsqu’ils quittent l’ACI), etc.

Les instruments produits par les fédérations d’ACI véhiculent une représentation des chômeurs mis au travail en « éloignés de l’emploi », dont l’absence d’activité s’explique par des déficiences individuelles, et à qui il s’agirait d’inculquer des attitudes, des comportements

119 Pour bénéficier de cette « aide spécifique à l’accompagnement », les ACI peuvent proposer des « projets d’accompagnement » à l’administration déconcentrée de l’emploi : mise en place d’ateliers de recherche d’emploi, de formation, d’actions en matière de lutte contre l’illettrisme, etc. (Circulaire DGEFP du n°2005/41 du 28 novembre 2005 relative aux ateliers et chantiers d’insertion.)

120 Citations extraites du document Comment réussir un chantier école qui présente la démarche pédagogique de la fédération et les différents instruments sur lesquels elle repose, documents en possession de l’auteur.

plutôt que des savoir-faire relatifs à l’exercice d’un métier. Les « livrets d’évaluation et d’accompagnement vers l’emploi » élaborés par le « réseau Cocagne » 121 offre une bonne illustration des instruments produits par les fédérations associatives pour évaluer la distance à l’emploi des salariés en insertion et mesurer leur progression. Ces trois livrets sont destinés à être utilisés par les encadrants techniques qui encadrent les travailleurs en insertion (rebaptisés « jardiniers en insertion ») sur leur poste de travail et les travailleurs sociaux (principalement des conseillers en insertion socio-professionnelle) qui assurent leur accompagnement social. Le premier livret est consacré à l’« évaluation des compétences professionnelles », c’est-à-dire à l’appréciation de la maîtrise des gestes techniques spécifiques à l’exercice du métier de maraîcher. Il comprend une grille qui présente les « opérations culturales » 122 que le « jardinier en insertion » est censé maîtriser. L’encadrant technique tire au sort une opération culturale puis évalue sa réalisation par le jardinier en insertion.

Dans le second livret d’évaluation, l’évaluation de la maîtrise des gestes techniques spécifiques à l’exercice du métier de maraîcher laisse place au repérage de « compétences transférables ». Le livret recense seize « capacités liées à l’emploi […] utiles et recherchées dans d’autres secteurs d’activité porteurs ou en tension ». Ces « capacités liées à l’emploi » sont d’ordre social et comportemental. Les « jardiniers en insertion » sont évalués sur leur assiduité, leur ponctualité, leurs « capacités de communication » et « d’intégration à une équipe de travail » (dont les indicateurs sont l’acceptation des remarques et l’obéissance aux ordres), leur « curiosité », leur « adaptabilité », leurs capacités de concentration et d’initiative. D’autres compétences transférables visent à mesurer la « résistance physique et mentale » du salarié « en insertion » (qui passe par le fait d’accepter les « travaux salissants », de « supporter des conditions de travail difficiles et prolongées », de « porter des charges lourdes », d’accepter des travaux « répétitifs », « par tous les temps »).

Les encadrants techniques indiquent dans un logiciel les compétences transférables « acquises » et celles « à renforcer ». Ils peuvent ensuite visualiser le « profil » du salarié « en insertion » et le mettre en correspondance avec les compétences attendues dans des secteurs d’activités en « tension », c’est-à-dire des secteurs d’activités pour lesquels les employeurs peinent à recruter

121 Les citations qui suivent sont extraites des trois « livrets d’évaluation et d’accompagnement vers l’emploi » élaborés par le Réseau Cocagne qui fédère des chantiers d’insertion ayant une activité de maraîchage biologique et de vente de paniers à des particuliers. Le réseau compte 120 jardins en 2012, qui emploient environ 4 000 personnes.

122 À titre d’exemple l’opération culturale « semis » est divisée en différentes compétences. L’une d’entre elles consiste à « effectuer les semis (profondeur, densité, régularité ou espacement entre les lignes) ».

en raison de la pénibilité des tâches à effectuer par les travailleurs : métiers d’aide à la personnes, d’entretien et de nettoyage, restauration, bâtiments, distribution, mécanique, métallurgie, etc. Cet exercice d’évaluation consiste à apprécier les dispositions des salariés à se conformer à la discipline physique - porter des charges lourdes, travailler dans des conditions difficiles, etc. - et psychologique - obéir aux ordres - qu’implique le travail ouvrier. Les jardiniers en insertion sont incités à bâtir un « projet professionnel réaliste » orienté vers des « secteurs d’activités en tension ». De ce point de vue, l’évaluation des salariés en insertion formalisée par l’entremise des instruments du réseau Cocagne constitue un exercice d’intériorisation de leur position de relégation sur le marché du travail et du rétrécissement de leurs possibles professionnels.

Une dernière batterie d’indicateurs vise à « identifier les freins à l’emploi » relatifs à « la situation sociale » du jardinier en insertion. Il s’agit de procéder à « une mesure globale des problématiques sociales et de leur impact potentiel sur le parcours d’insertion » du chômeur, lors de son embauche (« diagnostic social initial ») et avant son départ (« diagnostic social final »). Certains indicateurs s’appuient sur des nomenclatures administratives et laissent peu de place à la subjectivité de l’évaluateur. Il s’agit par exemple du niveau de formation ou de handicap des jardiniers en insertion. D’autres dépendent étroitement de l’interprétation personnelle du travailleur social chargé du « diagnostic ». C’est le cas de la mesure du « niveau d’isolement social » du jardinier en insertion ou de celle de ses « souffrances psychologiques » - pour lesquelles l’évaluateur doit spécifier si elles sont « invalidantes », « limitantes », « sans