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L’institutionnalisation des dispositifs d’insertion par l’économique par différentes administrations de l’État

au secteur associatif de l’action sociale

III. L’institutionnalisation des dispositifs d’insertion par l’économique par différentes administrations de l’État

Cette section analyse l’action des responsables politiques et administratifs qui réglementent les dispositifs de mise au travail, développés parfois dans l’illégalité, souvent à la lisière du droit, par les acteurs associatifs. Elle montre que ces responsables mobilisent des conceptions du travail d’insertion et s’approprient les dispositifs associatifs de mise au travail en fonction d’enjeux qui leur sont propres.

A. Des conceptions et des attentes administratives différenciées en matière

d’insertion par l’économique

Au début des années 1980, le développement des entreprises intermédiaires suscite des débats dans le champ de l’action sociale. La thématique de l’« insertion par l’économique » fait l’objet d’un nombre croissant de colloques, de journées d’études et d’articles dans la littérature professionnelle. Les grandes fédérations du secteur de l’action sociale - la FNARS, l’Union des foyers de jeunes travailleurs (UFJT), la Fédération des centres sociaux, de la sauvegarde de l’enfance et l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) - comptent parmi leurs adhérents des associations qui développent des initiatives qui, pour reprendre une formule consacrée par les acteurs de l’époque, « mélangent le social et l’économique ». Au niveau national, ces acteurs associatifs réunis dans un « collectif insertion » réclament un cadre réglementaire plus adapté aux particularités des entreprises intermédiaires que celui fourni par la circulaire n° 44. Des négociations ont lieu entre le collectif insertion et différentes administrations qui, par le biais de leurs services déconcentrés, financent les initiatives associatives en matière d’insertion par l’économique.

Au sein de la DAS, le bureau chargé de « l’innovation en matière sociale » participe aux négociations. L’administration de l’Action sociale intervient sur les questions d’insertion par l’économique en finançant les dispositifs adossés aux établissements sociaux sur lesquels elle exerce sa tutelle. La seconde administration qui s’implique dans l’élaboration d’une

réglementation spécifique aux entreprises intermédiaire est la Délégation à l’emploi (DE), administration centrale rattachée au ministère du Travail et de l’Emploi. Sa mission « Promotion de l’Emploi » développe une action volontariste tournée vers l’expérimentation et gère différents programmes instaurés dans le cadre de la lutte contre le chômage des jeunes comme les Emplois d’initiative locale (EIL)57. La mission finance également des entreprises intermédiaires via une ligne de crédit expérimentale. En juin 1983, le directeur de la mission publie un rapport intitulé « La réinsertion par l’économique » qui plaide pour un renforcement des moyens publics accordés aux entreprises intermédiaires et une coopération accrue entre les administrations impliquées sur les questions d’insertion58. Il soutient l’idée d’une réglementation élaborée conjointement par l’administration de l’Action sociale et celle de l’Emploi.

La Délégation interministérielle à l’insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté (DIIJ) est la troisième administration qui porte un intérêt aux entreprises intermédiaires. Elle est créée en 1983 à la suite du rapport sur L’insertion professionnelle et sociale des jeunes de B. Schwartz59. Pour la délégation, les entreprises intermédiaires s’inscrivent en complémentarité des dispositifs en faveur des jeunes chômeurs placés sous sa tutelle comme les missions locales et des Permanences d’accueil d’information et d’orientation (PAIO).

Les entreprises intermédiaires constituent progressivement un enjeu d’intervention pour ces trois administrations. Chacune d’elles s’empare de la question de la mise au travail des jeunes chômeurs dits « difficiles » ou « en difficulté », élabore des propositions et se positionne vis-à-vis des représentants associatifs réunis au sein du collectif insertion. Dans un projet de circulaire, la DIIJ propose de placer 10 000 jeunes suivis en mission locale au sein de ces structures (Fleury, 1999 : 68). La mission promotion de l’emploi élabore un autre projet de circulaire où elle prévoit la création de 5 000 postes de travail au sein des entreprises intermédiaires pour 10 000 jeunes par an (Bailleau, 1986 : 65). À travers ces projets de

57 Instauré en 1981, le programme EIL prévoit le versement d’une aide de l’État pour développer « des services et des activités qui n’ont été jusqu’à présent pris en compte ni par les services publics ni par les entreprises à but lucratif ». Les emplois sont créés principalement par des associations et réservés à des chômeurs. Près de 6 000 emplois sont créés dans le cadre de ce programme en 1985 (Marchal, 1986).

58 Le rapport constate que « si les administrations s’engagent, c’est toujours sur la base d’une interprétation des textes ou bien dans le cadre d’actions expérimentales », c’est pourquoi « il est temps que les pouvoirs publics fassent quelque chose car l‘idée de réinsertion n’est toujours pas reconnue de façon officielle » (Fleury, 1999 : 66).

59 Bertrand Schwartz est un ancien résistant, ancien élève de polytechnique et ingénieur au corps des Mines. Créateur de la revue Education permanente, il dirige plusieurs organisations dans le champ de la formation puis devient conseiller technique au ministère de l’Éducation nationale. Son rapport qui traite principalement de l’articulation entre formation et emploi ne mentionne à aucun moment l’existence des entreprises intermédiaires.

réglementation, chaque administration tente de faire valoir sa propre vision de l’insertion par l’économique et d’étendre sa tutelle sur ces dispositifs.

Finalement, deux circulaires sont publiées à quelques mois d’intervalle. Leur comparaison montre que la question de l’insertion par le travail fait l’objet d’attentes et d’enjeux spécifiques à chaque administration. L’administration de l’Emploi, la DIIJ et l’administration de l’Action sociale formalisent des définitions concurrentes de l’insertion par l’économique qui renvoient à des approches divergentes des populations mises au travail, des statuts juridiques des dispositifs, et des pratiques au sein des entreprises intermédiaires.

Une première circulaire interministérielle instaure un « programme expérimental de soutien aux entreprises intermédiaires » 60. Les témoignages recueillis pendant l’enquête indiquent que l’administration de l’action sociale participe à l’élaboration des premières versions du texte. Mais sa rédaction finale est le fait du cabinet du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle et des fonctionnaires de la délégation à l’emploi et de la DIIJ (Fleury, 1999 : 69-70). Les entreprises intermédiaires sont présentées comme des dispositifs complémentaires aux mesures de lutte contre le chômage des jeunes gérées par le ministère de l’Emploi. Elles ciblent une population restreinte : la frange des chômeurs de 18 à 25 ans dont les difficultés d’insertion sont telles qu’ils ne peuvent bénéficier des stages de formation professionnelle ou des contrats de formation en alternance61. Leur passage dans les entreprises intermédiaires se limite à quelques mois, le « temps nécessaire à l’acquisition des capacités permettant d’améliorer leur chance d’accès à l’emploi ou à une formation qualifiante » 62.

La circulaire affirme la « double nature » des entreprises intermédiaires : d’un côté, elles assurent « une fonction d’insertion des jeunes », de l’autre, elles sont de « véritables entreprises » qui « produisent des biens et des services aux conditions du marché », sont « soumises aux contraintes normales de la vie économique et aux obligations qui s’appliquent à toute entreprise » (viabilité économique, respect de la législation sur les entreprises, recours

60 Circulaire du 25 avril 1985 relative au programme expérimental de soutien aux entreprises intermédiaires.

61 La circulaire indique que les entreprises intermédiaires ont pour fonction de « compléter le dispositif » des politiques de l’emploi. Elles travaillent en collaboration étroite avec les dispositifs d’insertion récemment créés et financés par l’administration de l’emploi : les Permanences d’accueil et d’orientation (PAIO), les missions locales. Excepté le critère d’âge, la circulaire se refuse à définir plus précisément les jeunes accueillis en entreprise intermédiaire Il s’agit d’accueillir « de manière générale » les « jeunes sans emploi n’ayant pu trouver de place depuis de nombreux mois dans aucune filière d’insertion ou de formation ».

au contrat de travail salarié, intégration dans le tissu économique local). Le programme prend la forme d’un appel à projet : après instruction du dossier de candidature, l’administration attribue des subventions aux associations gestionnaires d’entreprises intermédiaires. Si l’instruction des dossiers est réalisée par les services des administrations de l’Emploi et de l’Action sociale, les crédits dépendent du budget du ministère de l’Emploi.

La mise en place d’un système de financement dégressif et l’imposition d’objectifs de rentabilité constitue un autre indice de la domination du ministère de l’Emploi sur l’administration de l’Action sociale. Les entreprises intermédiaires doivent élaborer une stratégie économique afin de bénéficier d’un « taux de ressources propres » d’au moins 50 % après trois ans de fonctionnement. Autrement dit, les revenus tirés de la commercialisation de la production doivent égaler les financements publics. La circulaire encourage la réalisation d’études de marché par les services de l’administration du ministère de l’Emploi lors de l’instruction des dossiers. Enfin, la circulaire « incite » les dirigeants d’entreprises intermédiaires à renoncer au statut associatif pour adopter, « en régime de croisière », un statut de société commerciale.

Cette première circulaire positionne les entreprises intermédiaires dans les politiques de l’emploi et insiste sur leur dimension économique (objectif de rentabilité économique, dégressivité des subventions, respect de la fiscalité sur les entreprises, etc.). Elle amène le ministère des Affaires sociales et son administration, la DAS, à réaffirmer son rôle dans la production des politiques d’insertion par l’économique en publiant son propre texte trois mois plus tard63. Il n’y est plus question d’entreprise intermédiaire ni de lutte contre le chômage mais « d’insertion par l’économique » et de « nouvelle forme d’action sociale ». De même, les populations concernées ne sont plus les jeunes chômeurs mais les catégories de publics traditionnellement pris en charge dans les établissements sociaux sur lesquels l’administration de l’Action sociale exerce sa tutelle : des individus connaissant des « handicaps sociaux (…) pour qui l’absence d’emploi est liée à des difficultés d’insertion plus globales (…) cumulant les échecs : marginaux, ex-toxicomanes, sortants de prison ou d’hôpitaux psychiatriques, et que l’on retrouve dans les centres d’hébergement et les clubs de prévention» 64. Contrairement au

La circulaire n°85-13 du 15 juillet 1985 « fixe les nouvelles règles d’intervention du ministère » en direction des structures d’insertion par l’économique. Ce texte s’inscrit dans le prolongement de la circulaire 44 de 1979 sans s’y substituer pour autant.

64 Circulaire n°85-13 du 15 juillet 1985 qui « fixe les nouvelles règles d’intervention du ministère » en direction des structures d’insertion par l’économique.

texte précédent, la DAS ne fixe pas de critères en contrepartie de ses financements. Les associations gestionnaires de dispositifs d’insertion par l’économique ne sont pas contraintes d’utiliser des contrats de travail, aucune limite n’est fixée à la durée du passage en dispositif.

Christine est responsable du bureau chargé de « l’innovation en matière sociale »65 qui suit les questions relatives à l’insertion par l’activité économique à la DAS. Pour elle, la circulaire publiée par son administration comble les problèmes soulevés par la circulaire élaborée par le ministère de l’Emploi. Les attentes de ce dernier en matière de rentabilité sont trop élevées pour de nombreuses structures adossées à un établissement social et qui mettent au travail les « publics les plus en difficulté ». À travers cette circulaire, l’administration de l’Action sociale réaffirme son soutien à ces structures qui ne bénéficieront pas des financements prévus par le programme expérimental. La restriction de l’accès aux dispositifs à des jeunes chômeurs (18-25 ans) évince les catégories de publics traditionnellement accueillis dans les établissements sociaux et médico-sociaux :

« À la DAS, on aurait aimé que la première circulaire, celle du 25 avril soit différente (…) qu’elle ne soit pas ciblée uniquement sur les jeunes. Et qu’il y ait suffisamment d’argent pour que les publics en grande difficulté puissent y avoir accès. Mais c’est le cabinet de l’emploi qui avait la main. Du coup on a fait notre propre circulaire (…). On apportait des financements pour les publics les plus en difficulté. (…) Pourquoi s’arrêter à 25 ans ? On savait bien que dans nos structures, dans les CHRS, il y avait des gens plus âgés. Beaucoup de public lourd, de toxicomanes. » (Christine, fonctionnaire à la DAS, chargée de l’insertion par le travail, entretien réalisé le 27 juin 2014.)

L’analyse comparative des deux circulaires met en lumière les enjeux propres aux deux administrations engagées dans la production des politiques d’insertion par l’économique. Chaque administration intervient en fonction d’objectifs spécifiques à son domaine de compétence. En définissant les entreprises intermédiaires comme des instruments de lutte contre le chômage des jeunes, le ministère de l’Emploi légitime sa tutelle sur le dispositif. Pour le ministère des Affaires sociales, l’insertion par l’économique ne se limite pas aux entreprises intermédiaires mais inclut d’autres dispositifs qui accueillent les populations les plus

65 Ce bureau fait partie de la sous-direction de la Famille, de l’Enfance et de la Vie Sociale au sein de l’administration centrale du ministère des Affaires sociales.

« handicapées » et ne parviennent pas à satisfaire au critère de rentabilité du ministère de l’Emploi. Beaucoup d’entre eux sont des centres d’adaptation à la vie active ou des unités de production adossées à un établissement social.

La dispersion des interventions administratives a pour effet d’accentuer la polarisation de l’espace des structures d’insertion par l’économique que l’enquête de F. Bailleau avait permis de mettre en lumière. D’un côté, les dispositifs conventionnés comme les entreprises intermédiaires et financés par l’administration de l’emploi en contrepartie de critères précis (usage du salariat, taux élevé de rentabilité, vente de la production sur le marché, etc.). L’insertion est une période transitoire au cours de laquelle les jeunes chômeurs peu productifs, qui n’ont pas accès aux dispositifs de formation ou de stage, sont salariés au sein de « véritables entreprises ». Le passage en entreprise intermédiaire doit leur permettre d’acquérir des compétences et ainsi faciliter leur chance de retrouver un emploi ordinaire. De l’autre, les dispositifs financés par l’administration de l’Action sociale qui conçoit l’insertion par l’activité comme un « réentraînement à l’effort », un « éveil professionnel » pour des individus caractérisés par des déficiences d’ordre social et/ou psychologique. Ces dispositifs adossés dans la plupart des cas à des établissements sociaux relèvent de la réglementation particulièrement souple de la circulaire de 1979 relative à « l’organisation du travail des handicapés sociaux ». L’organisation du travail et le montant des rétributions des travailleurs sont très définis par les dirigeants associatifs.

B. Des effets de l’alternance politique : légalisation des associations

intermédiaires et fin de l’expérimentation des entreprises intermédiaires

Le programme expérimental de soutien aux entreprises intermédiaires prend fin brusquement, dix-huit mois après sa mise en place, victime de l’alternance politique. P. Séguin, nommé ministre des Affaires Sociales et de l’Emploi, et N. Catala, secrétaire d’état à la Formation Professionnelle, justifient leur décision de mettre fin au programme en insistant sur le fait que les objectifs quantitatifs sont loin d’être atteints. En un an, seulement 1 200 jeunes ont été embauchés dans 150 organisations labellisées entreprises intermédiaires, au lieu des 10 000 prévus. Au-delà de cet argument officiel, plusieurs témoignages recueillis au cours de l’enquête évoquent un arbitrage budgétaire défavorable aux entreprises intermédiaires. En quête

de crédits disponibles, le cabinet du nouveau ministre mobilise les crédits non consommés du programme expérimental pour financer certaines mesures de son plan d’urgence en faveur de l’emploi des jeunes prévu pour l’automne 198666. Si le système de conventionnement et les financements étatiques sont abrogés67, les entreprises intermédiaires bénéficient des dispositions du plan d’urgence en faveur de l’emploi des jeunes. Elles sont exonérées de cotisations sociales lorsqu’elles embauchent des jeunes en contrat de qualification ou d'adaptation. Par ailleurs, certaines d’entre elles continuent de percevoir des subventions d’autres administrations (par exemple, le ministère de la Justice leur octroie des financements lorsqu’elles recrutent d’anciens détenus). Toutefois, le désengagement de l’État conduit nombre d’entre elles à cesser leurs activités.

Les entreprises intermédiaires qui parviennent à survivre compensent l’absence des crédits d’État par des financements d’organismes privés comme Promofaf, l’Organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) du secteur social et médicosocial68, ou la Fondation de France. Cette dernière octroie des aides directes, ponctuelles ou sous la forme de subventions, aux entreprises intermédiaires de taille modeste et à la santé financière précaire. Pour les entreprises en bonne santé financière et au potentiel de développement important, la Fondation de France propose des produits financiers et des garanties d’emprunt bancaire afin qu’elles renforcent leurs fonds propres, investissent et développent leur activités commerciales69.

Lorsqu’il met fin à l’expérimentation sur les entreprises intermédiaires, le cabinet de P. Séguin s’intéresse à une autre forme d’initiative associative, les associations à prêt de

main-66 Sur les 50 millions de francs prévus dans le cadre du programme, 12,5 avait été dépensés au second semestre 1985. Le semestre suivant, ces dépenses s’élevaient à 25 millions alors que les crédits budgétés pour le programme passaient à 100 millions. Ce qui fait dire à N. Catala quelques années plus tard : « Cela représentait des sommes considérables par poste créé ! C'est pourquoi nous avons choisi de tirer le meilleur parti de ces ressources en les allouant à un nouveau dispositif de formation en alternance qui, dès 1987, bénéficiaient à 600 000 jeunes en difficulté ». (Citation extraite du journal Le Monde du 4 mai 1994.)

67 Voir la circulaire du 29 septembre 1986 qui prévoit l’arrêt du programme de soutien aux entreprises intermédiaires.

68 Un OPCA est une structure agrée par l’État afin de collecter des fonds auprès d’entreprises d’un secteur d’activité particulier et de financer des actions de formation professionnelle. Promofaf octroie 13,5 millions de francs à des entreprises intermédiaires que l’organisme prélève sur des budgets non utilisés, initialement consacrés à la formation des jeunes en alternance.

69 Le programme « entreprendre » de la Fondation de France soutien une centaine d’entreprises intermédiaires pour un montant de 8,2 millions de francs. Son responsable, J-C. Fages, indique qu’à « certaines entreprises intermédiaires, que nous appelons les majors, nous proposons maintenant des produits financiers pour renforcer les fonds propres ou accompagner des opérations de crédit. Pour les autres, nous avons un guichet social d'aides et de subventions ». Il poursuit en indiquant que ces majors correspondent aux entreprises « dont les dirigeants, anciens travailleurs sociaux, ont adopté des pratiques gestionnaires semblables à celles des dirigeants d’entreprises lucratives classiques. Il convient de les distinguer de celles en mauvaise santé financière et devant “ être portées à bout de bras” » (cité par le journal Le Monde du 03/02/1988).

d’œuvre, qui se développent au début des années 1980. Dans plusieurs bassins d’emploi en proie à la désindustrialisation, des syndicalistes, des élus locaux et des professionnels du secteur de la formation impliqués dans le reclassement des ouvriers licenciés, souhaitent fournir à ces derniers, arrivés au terme de leurs droits à l’indemnisation chômage, une activité rémunérée afin qu’ils ne dépendent pas uniquement de l’aide sociale dispensée ponctuellement par les services sociaux des municipalités70.

Au début des années 1980, J-R. Marsac est conseiller municipal encarté au Parti Socialiste et directeur d’un centre de formation à Redon, un bassin d’emploi particulièrement touché par les fermetures d’usines et où le chômage ouvrier croît rapidement. En 1983, il participe à la création d’une des premières associations de prêt de main-d’œuvre. Pour lui, la démarche qui conduit à la création d’Aide Emploi Service ne s’inscrit pas dans une logique d’« insertion », mais de « développement local et de mobilisation territoriale et de reconstitution de droits sociaux (…) l’objectif était de cumuler suffisamment d’heures de travail pour les (les chômeurs) renvoyer vers les Assédics (…). Et, pour le faire, on mobilise les collectivités locales et les entreprises : vous avez des gens à remplacer pendant l’été, pour des arrêts de travail divers et variés, les jobs d’été » (J-R. Marsac, Conseiller municipal Parti Socialiste et directeur d’une association intermédiaire, entretien réalisé le 18 juin 2013).

Dans la première moitié des années 1980, des associations de prêt de main-d’œuvre se développent, disséminées sur l’ensemble du territoire, comme dans le cas des entreprises intermédiaires. Dans la plupart des cas, la mobilisation des collectivités locales et des entreprises est d’autant plus aisée que les instigateurs des associations de prêt de main-d’œuvre sont des élus locaux ou des cadres de la fonction publique. Le prêt de main-d’œuvre pratiqué