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L’incorporation de l’espace de l’IAE dans les politiques de l’emploi

oppositions et stratégies d’alliance

I. L’incorporation de l’espace de l’IAE dans les politiques de l’emploi

Cette section s’intéresse aux relations entre les différentes fractions de l’espace administratif engagées dans la construction d’une action en matière d’insertion par le travail. Elle analyse deux séquences de ce processus : la première correspond au rôle central joué par un haut-fonctionnaire, proche du pouvoir politique, dans le développement des structures d’insertion et la création d’un espace de production et de coordination de la politique d’insertion. La seconde séquence revient sur la redistribution des responsabilités administratives en matière d’insertion par le travail qui inscrit la politique d’insertion par l’économique dans les politiques de l’emploi.

A. Du rapport Alphandéry au conseil national de l’insertion par l’activité

économique : le rapprochement des dispositifs associatifs d’insertion par le travail

Le rapport Alphandéry, développer et coordonner les initiatives associatives d’insertion par le travail

En 1990, un rapport va jouer un rôle important dans le développement de l’espace de l’IAE. Il incite les responsables politiques à inscrire les initiatives associatives en matière d’« insertion par l’économique » au centre de la politique gouvernementale de lutte contre le chômage de longue durée. Son auteur, C. Alphandéry est un haut fonctionnaire qui bénéficie, de par son parcours biographique, d’un prestige certain auprès des responsables politiques et de la haute administration (voir encadré ci-dessous). Dans un premier temps, cette partie revient sur le rapprochement entre les entreprises d’insertion (EI) et les associations intermédiaires (AI) opéré par le rapport. Elle analyse ensuite la mise en œuvre des préconisations du rapport par le gouvernement de M. Rocard, et notamment la création d’une instance nationale spécifiquement dédiée à la coordination de l’action publique en matière d’insertion par l’économique.

Encadré 6 – Biographie succincte de C. Alphandéry

C. Alphandéry nait à Paris en 1922 dans une famille bourgeoise ancrée à gauche. Son grand père est député-maire radical socialiste de Chaumont. Son père, « libertaire convaincu », combat dans l’armée française lors des deux guerres mondiales. À l’automne 1941, C. Alphandéry s’engage dans la résistance. Il termine la guerre comme président du comité départemental de Libération de la Drôme. Il a alors 20 ans et adhère au Parti communiste. Énarque en 1946, il effectue un passage à la direction du Trésor Public du ministère des Finances, puis rejoint le secrétariat des Nations-Unies à New York comme expert économique. Entre 1964 et 1980, il dirige la banque de construction des travaux publics, un grand groupe immobilier dont il développe avec succès l’activité bancaire. Il préside en 1969 la Commission habitat du VIème Plan.

Il quitte le Parti Communiste en 1956 suite au rapport Khrouchtchev. Il fréquente alors le cercle « Jean Moulin » où il rencontre M. Rocard, puis le club « Echange et projets » où il se lie d’amitié avec les futurs représentants de la « nouvelle gauche » comme J.-B. de Foucault et J. Delors. En 1974, il adhère au Parti socialiste, intègre la commission économique du Parti, et devient un proche soutien de M. Rocard. En 1983, il est Directeur des bureaux d’étude de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Acteur historique du financement de l’habitat social, la CDC intervient de façon croissante à partir de 1988 sur les questions d’insertion économique par le biais de son Programme Développement Solidarité (PDS)85. Entre 1991 et 2010, il préside le Conseil national d’insertion par l’activité économique (CNIAE).

C. Alphandéry découvre l’existence des associations d’insertion par le travail au début des années 1980. Responsable des bureaux d’étude de la CDC, il dirige alors plusieurs enquêtes sur le développement local et les politiques urbaines au sein des quartiers populaires. L’homme se prend de passion pour les structures d’insertion par le travail. Ces initiatives contribuent à transformer sa vision du monde et son engagement militant. Communiste d’obédience marxiste dans les années 1960, C. Alphandéry se convertit aux idéaux du secteur associatif et loue les bienfaits de la « société civile » 86.

85 Parmi les quatre grands domaines prioritaires du PDS adoptées en 1988 figurent « le développement économique, social et culturel des villes » et « l’insertion sociale ». La Caisse finance directement des structures d’insertion et leur groupement associatif. Elle commande également des études sur le développement social et urbain.

86 « Quand j’ai quitté le parti communiste, tout le mouvement de ma pensée a consisté à mettre l‘accent sur le nécessaire rôle de la société civile, du mouvement associatif (…) c’est à tous les niveaux que l’on doit retrouver le rôle des citoyens » (Alphandéry, 1999 : 17).

C. Alphandéry voit dans l’accession de M. Rocard au poste de Premier ministre en 1988 un moyen de développer les initiatives associatives en matière de mise à l’emploi. Les deux hommes, qu’une amitié lie depuis une dizaine d’années, partagent les mêmes convictions sur la nécessité de favoriser l’initiative privée et de développer le secteur associatif. C. Alphandéry présente à M. Rocard les dispositifs associatifs d’insertion par le travail, insiste sur leur efficacité et recommande au Premier ministre de les développer afin d’en faire un axe important de sa politique de lutte contre le chômage de longue durée. Intéressé, M. Rocard demande à C. Alphandéry d’établir un ensemble de préconisations visant à déployer ces initiatives87.

Le rapport intitulé « Les structures d’insertion par l’économique » est publié en juillet 1990. Il s’appuie sur un groupe de travail d’une vingtaine de membres, composé à part égale de fonctionnaires (des administrations de l’Emploi et de l’Action sociale et des Délégations interministérielles à l’économie sociale et au revenu minimum d’insertion) et d’acteurs associatifs (dirigeants et représentants de fédérations d’entreprises d’insertion et d’associations intermédiaires)88. Une quarantaine de personnes ont également été consultées par C. Alphandéry dont près de la moitié sont des fonctionnaires, les autres appartiennent au secteur associatif89.

L’influence du rapport Alphandéry sur le processus de développement et d’institutionnalisation de l’espace associatif d’insertion par le travail est double. Premièrement, le rapport met en avant la nécessité d’augmenter les crédits d’État aux associations. Les arguments mobilisés rejoignent ceux des acteurs associatifs analysés dans le premier chapitre de la thèse : le rapport met en avant les bienfaits du travail qui permet de « resocialiser », de «

87 Lors de notre entretien, C. Alphandéry raconte non sans amusement le contexte dans lequel il saisit le Premier ministre sur la question de l’insertion par l’économique. En février 1990, il passe ses vacances hivernales à la station de ski des Arcs. Le télésiège qu’il partage avec M. Rocard et Jean Pierre Soisson (alors ministre du Travail) tombe en panne pendant près d’une heure : « c’était absolument miraculeux de pouvoir parler autant de temps au Premier ministre et donc il m’a dit c’est passionnant mais il faut mettre de l’ordre dans tout ça, fais-moi un rapport et il m’a dit c’est très pressé, on était à Pâques, il m’a dit il faut que tu me remettes le rapport avant le 14 juillet. Et donc j’ai mis trois mois pour faire ce rapport » (extrait d’entretien réalisé avec C. Alphandéry le 15 novembre 2012).

88 Quatre fédérations sont représentées au sein du groupe de travail : la COORACE, le comité national de liaison des régies de quartiers (CNLRQ), le Comité national des entreprises d’insertion (CNEI), la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS).

89 C. Alphandéry explique cette parité entre fonctionnaires des administrations et acteurs du monde associatif comme le résultat d’un compromis entre la nécessité de « donner la parole aux acteurs de terrain » et des objectifs de simplification et d’harmonisation imposés par les ministères commanditaires du rapport : « c’est (l’insertion par l’économique) une politique qui est faite par les acteurs de terrain, il fallait qu’ils soient largement consultés. (…) d’un autre côté, même si c’est moi qui avais suscité le rapport, c’était quand même une commande officielle des deux ministres, Emploi et Affaires sociales et il fallait laisser une place importante à leurs administrations » (extrait d’entretien réalisé avec C. Alphandéry le 15 novembre 2012).

responsabiliser » les « exclus » et, ainsi, de leur faire « retrouver leur dignité ». L’insertion par le travail constitue une « réponse prometteuse pour enrayer le problème de l’exclusion ». Une réponse de surcroît rentable puisque qu’elle permet de réduire « le coût élevé des allocations de chômage et les aides diverses au public embauché ». Les responsables politiques doivent ainsi considérer le secteur associatif comme un « investissement », l’aide de l’État étant en retour « démultipliée par les recettes tirées des activités » commerciales des structures.

Enfin, le rapport présente les « structures d’insertion par l’économique » comme étant particulièrement adaptées à la mise au travail des allocataires du RMI. Cet argument occupe une place centrale dans le rapport. En insistant sur ce point, C. Alphandéry souhaite répondre aux préoccupations du gouvernement de M. Rocard et qu’il prenne ces initiatives « plus au sérieux ». L’accroissement soudain du nombre d’allocataires du RMI dès 1989 entraine des difficultés dans la mise en œuvre du volet insertion du dispositif. Les départements peinent à faire face à leurs obligations consistant à proposer aux allocataires des actions en matière d’insertion professionnelle90. Pour C. Alphandéry, la mise au travail des bénéficiaires « marchait très mal » et « embêtait » d’autant plus le Premier ministre que le dispositif constituait l’une des principales mesures de son programme politique. La stratégie mobilisée dans le rapport consiste alors à présenter les associations d’insertion comme des possibilités d’insertion inexploitées, susceptibles de mettre au travail un nombre important d’allocataires du RMI « lourdement handicapés ».

Ces arguments permettent de justifier les demandes faites dans le rapport d’augmenter des crédits « largement insuffisants » pour les associations d’insertion. Des demandes auxquelles M. Rocard et son ministre du Travail J.-P. Soisson répondent favorablement. Les crédits affectés par le ministère de l'Emploi aux entreprises d'insertion sont multipliés par quatre

90 La loi qui instaure le RMI scinde le dispositif en deux volets : un volet « allocation » ou « redistributif » correspond à un droit individuel et universel à percevoir, sous condition de revenu, une allocation monétaire et à bénéficier des droits sociaux essentiels (couverture maladie, aide au logement). Le volet « insertion » ou « actif » renvoie aux engagements réciproques entre la collectivité et l’allocataire définis dans un « contrat d’insertion ». La collectivité s’engage à proposer des actions « d’insertion », le bénéficiaire s’engage à réaliser ces actions en contrepartie de l’allocation (Astier, 1991, Castel & Laé, 2000). Le pilotage institutionnel du dispositif est partagé entre l’État qui finance l’allocation et les conseils généraux qui assurent la mise en place des actions d’insertion qui concernent la santé des allocataires (inscription dans une démarche de soins), leur situation vis-à-vis du logement (constitution d’un dossier de logement social) ou leur insertion professionnelle. La montée en charge rapide du dispositif, entraine des difficultés pour les départements qui ne parviennent pas à proposer à de nombreux allocataires des activités d’insertion.

en quatre ans (46 millions de francs en 1990 à 250 en 1994)91. Le nombre d’entreprises d’insertion (EI) triple sur la même période : l’administration de l’emploi en recense 207 en 1990, 420 en 1992 et 674 en 1994. Le nombre de salariés en insertion dans ces structures augmente également fortement puisqu’il passe de 1 604 à la fin de l’année 1990 à 6 585 en 1994.

Les associations intermédiaires (AI) voient également s’accroitre leurs financements. À partir de 1991, elles bénéficient d’une aide au démarrage et d’une subvention pour renforcer l’accompagnement dispensé aux chômeurs (les aides prévues par le gouvernement précédent ne consistaient qu’en des mesures d’exonération de cotisations fiscales). Le nombre d’AI passe de 225 en 1987, année de leur reconnaissance réglementaire, à 849 en 1991 et à plus de 1 000 en 199392. Sur cette période, le volume d’heures travaillées dans ces structures augmente de 26 % chaque année et atteint l’équivalent de 13 000 emplois à temps plein en 1993. La même année, près de six nouvelles AI sont créées chaque mois, et 46 418 personnes sont mises à disposition (contre 24 588 en 1990).

Le deuxième intérêt du rapport Alphandéry est qu’il élabore pour la première fois une même définition des différents dispositifs d’insertion existants93. Il est également le premier à proposer de renforcer leur coordination et de mettre en place des instances de pilotage commun. Le rapport élabore une définition commune aux entreprises d’insertion et aux associations intermédiaires, regroupées sous l’appellation générique de « structures d’insertion par l’économique ». « À la merci du marché », « nécessairement attentives à la satisfaction de la clientèle », ces structures se distinguent des organisations de mise au travail du champ de l’aide sociale (les CAVA) ou du handicap qui interviennent sur des marchés « protégés », c’est-à-dire préservés de la concurrence.

Le rapport différencie également les structures d’IAE des entreprises lucratives en insistant sur les caractéristiques des chômeurs qu’elles embauchent (« improductifs », « marginalisés », « rejetés hors des circuits productifs ») et sur leur prise en charge spécifique (un « accompagnement qu’aucune entreprise ordinaire n’a vocation à apporter » (Alphandéry, 1990 : 16)). Cette « mission de solidarité » neutralise les accusations de concurrence déloyale

91 Ce montant ne représente cependant qu'environ 0,38 % du budget global consacré par la délégation à l'emploi à l'ensemble des aides à l'emploi relevant de ce ministère, soit 66 milliards de francs en 1994.

92 Ces chiffres et les suivants sont extraits du document intitulé : Les associations intermédiaires en 1993,

Premières Informations, DARES, n°420, août 1994.

93 On verra que cette logique de regroupement des dispositifs associatifs sous une même catégorie d’action publique est au cœur de la réforme de 1998.

des représentants patronaux94. Les subventions apportées par l’État sont légitimes car elles compensent « l’effort de recrutement, de formation et d’accompagnement social » des structures d’insertion. Par ailleurs, les créneaux d’activité investis par les structures d’insertion (protection de l’environnement, gestion d’espace public, service d’aide à domicile, etc.) sont peu rentables et délaissés par les entreprises classiques. Enfin le rapport met en avant le rôle de pourvoyeurs de main d’œuvre joué par les entreprises d’insertion et les associations intermédiaires. En « préformant » des individus « encore inaptes » ou « peu utilisables » par les entreprises, les structures d’insertion par l’économique facilitent leur recrutement.

D’un côté, l’offre d’un emploi (contre une « occupation ») et le respect des contraintes concurrentielles (contre le « marché protégé ») distinguent les structures d’insertion des dispositifs de formation ou de mise au travail dans le secteur de l’aide sociale et du handicap. De l’autre, le recrutement sur critères sociaux (contre la sélectivité) et l’absence de lucrativité (contre le profit) démarquent les structures d’insertion des entreprises ordinaires. Le rapport Alphandéry formalise des modalités de fonctionnement et des objectifs communs aux EI et aux AI : d’une part « elles tendent à se développer selon les lois du marché, à devenir des entreprises à part entière », de l’autre « elles sont ramenées par leur recrutement à leur vocation de solidarité » (idem : 24), « elles offrent à des personnes en extrême difficulté un emploi régulier et un accompagnement social approprié » (idem : 15).

Cette définition identique des EI et des AI permet à C. Alphandéry d’insister sur le problème de leur dispersion et sur la nécessité de leur rapprochement. Le rapport constate avec regret l’absence de coordination entre les deux dispositifs et insiste sur le fait que si l’IAE existe dans les pratiques, elle n’existe pas en tant que secteur d’action publique. Les deux dispositifs existants sont régis par des modalités de fonctionnement différentes qui coexistent de manière autonome. Les AI pratiquent le prêt de main d’œuvre : elles embauchent des chômeurs et les mettent à disposition de leurs clients pour des missions de courte durée. Au moment du rapport, elles font l’objet d’un encadrement réglementaire précis et conséquent. Un article du code du travail définit leurs objectifs et plusieurs circulaires précisent leurs modalités de fonctionnement. Les EI embauchent des chômeurs sur des contrats à durée déterminée et les affectent à des postes de travail au sein de l’entreprise. La réglementation les concernant se résume à une circulaire produite par les administrations de l’Emploi et de l’Action sociale qui

94 Je reviens sur les rapports entre syndicats de salariés, organisations patronales et structures d‘insertion dans la partie suivante de ce chapitre.

interviennent alors à part égale dans la gestion de ces dispositifs. Les représentants associatifs des deux dispositifs (réunis au sein du COORACE pour les AI et du CNEI pour les EI) n’entretiennent aucun lien.

« Fragmentation », « absence de coordination » et de « cohésion » entre les mesures réglementaires qui encadrent le fonctionnement des EI et des AI, « dispersion » de leurs implantations, « maquis des aides, des procédures et des partenaires » et défaut de pilotage de l’État sont les constats récurrents du rapport. La mise en place d’une action publique commune aux AI et aux EI et la définition d’une « politique globale » en matière d’insertion par l’économique sont d’autant plus légitimes que le rapport insiste sur leurs points communs et les présente comme complémentaires.

En s’appuyant sur ce constat, C. Alphandéry recommande de créer une instance de pilotage et de coordination commune aux dispositifs d’insertion par le travail, un « Comité National dont la première tâche serait de mettre en cohérence des textes, aujourd’hui épars, pour définir les outils et les procédures, d’animer, de coordonner, d’évaluer et de faire connaitre les actions d’insertion par l’activité économique » (idem : 11). Cette préconisation trouvera son application dans la création du Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE)95. La partie suivante revient sur l’action de ce conseil dans les années 1990, et plus particulièrement sur sa contribution à la normalisation des relations entre les acteurs associatifs de l’insertion, les organisations patronales et les syndicats de salariés.

Un espace de coordination spécifique : le CNIAE

Le gouvernement de M. Rocard met en œuvre plusieurs préconisations du rapport Alphandéry. Entre 1990 et 1993, il double les crédits d’État au AI et aux EI. Il officialise l’existence des entreprises d’insertion en les inscrivant dans le code du travail. Mais l’une des principales mesures réside dans l’instauration du CNIAE, placé sous l’autorité du Premier ministre. Michel Rocard nomme C. Alphandéry, président du CNAIE, lequel va occuper ce poste jusqu’en 2009. Ce dernier sollicite J. Dughera pour le poste de Secrétaire général du Conseil à mi-temps. Les deux hommes se rencontrent l’année précédente, lorsque C. Alphandéry consulte J. Dughera dans le cadre de son rapport, ce dernier étant alors chargé de

95 Le CNIAE est institué par l’article 7 de la loi du 3 janvier 1991. Sa composition et les modalités de son fonctionnement sont définies par le décret du 7 mai 1991.

mission à la délégation interministérielle à l’insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté (DIIJ). Les deux hommes sont salariés de la CDC. J. Dughera est mis à disposition du conseil à mi-temps. La CDC finance également le temps de travail de l’assistante du Secrétaire général qui assure les tâches de secrétariat.

Pour les acteurs associatifs, l’accroissement des crédits d’État et la mise en place du CNIAE inaugure une nouvelle période, celle de leur reconnaissance symbolique et de la mise en politique publique de leur action. Pour un dirigeant associatif, lorsque « Claude Alphandéry, un haut fonctionnaire, est arrivé avec son rapport, on (les dirigeants de structures d’insertion) était tous vachement heureux : enfin on nous reconnaissait, la Caisse des dépôts nous déroulait le tapis rouge, on avait des moyens, on allait faire une vraie politique d’insertion ». Pour un ancien dirigeant de structure d’insertion qui siège au CNIAE dans les années 1990, « la période Rocard a représenté une vraie prise en compte, sur beaucoup d’aspects, le CNIAE, mais aussi la relance des missions locales après une période de glaciation de Séguin. La mise en place du RMI accélère tout ça. Il y a eu un vrai investissement politique » 96.

Toutefois la capacité du CNIAE à animer l’action publique en matière d’IAE, à coordonner l’intervention des différents acteurs, varie en fonction des alternances politiques. En 1993, deux ans après sa création, l’arrivée d’un gouvernement de droite prive le Conseil des financements de la CDC. « Orphelin de la caisse », selon l’expression employée par son délégué général, le CNIAE connait une période de sommeil de trois années, jusqu’au retour de la gauche au gouvernement en 1997. À partir de cette date, les gouvernements successifs confient au CNIAE un rôle central dans l’élaboration et la conduite des réformes de l’IAE. Les organisations qui siègent au CNIAE sont reconnues par les responsables politiques comme légitimes pour participer à la construction de ces réformes. Siègent au CNIAE les fédérations associatives qui représentent les différentes catégories de structures d’insertion (le CNEI