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Les transporteurs de peptides dans la nutrition et la survie de S aureus

B. Quels rôles potentiels pour les transporteurs de peptides de S aureus ?

1) Les transporteurs de peptides dans la nutrition et la survie de S aureus

Parmi les alternatives aux antibiotiques, celle de la vaccination via des vaccins cellulaires (bactéries tuées) ou des vaccins protéiques (anticorps dirigés contre des composants capsulaires ou des protéines de surface spécifiques) est particulièrement étudiée pour prévenir les infections humaines ou animales (Projan et al. 2006). Cependant encore aucun vaccin efficace n’est à ce jour disponible. Il apparaît donc comme particulièrement urgent de développer les recherches sur le fonctionnement de S. aureus pour à terme, identifier de nouvelles cibles contre cette bactérie. Dans ce contexte les transporteurs de peptides constituent une voie de recherche particulièrement intéressante.

B.

Quels rôles potentiels pour les transporteurs de peptides de S. aureus ?

A ce jour, aucune étude fonctionnelle n’est disponible concernant les transporteurs de peptides putatifs de S. aureus. Dans cette partie nous nous attacherons à expliquer quelles pourraient être les implications de ces systèmes dans le développement et la virulence de cette bactérie et les perspectives qu’elles peuvent ouvrir.

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Les transporteurs de peptides dans la nutrition et la survie de S.

aureus

Nous avons vu précédemment que chez certaines bactéries les transporteurs de peptides jouent un rôle particulièrement important en tant qu’importateurs de peptides à vocation nutritionnelle. Cette fonction est essentielle pour le développement bactérien dans des milieux pauvres en acides aminés libres comme le lait où les nutriments azotés disponibles se trouvent essentiellement sous forme de peptides issus de la dégradation enzymatique des protéines. Chez S. aureus, il semble très probable qu’au moins un transporteur de peptides exerce une fonction nutritionnelle pour les raisons suivantes :

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(i) La bactérie est auxotrophe pour plusieurs acides aminés.

Il a été montré par Rudin et al. en 1974 que la souche de S. aureus NCTC8325 (souche parentale de la souche de laboratoire RN6390) était totalement incapable de se développer en milieu défini sans apport externe de 3 acides aminés (cystéine, arginine et proline) et avait besoin de 5 acides aminés supplémentaires pour avoir une croissance correcte. Même si l’auxotrophie peut varier d’une souche à l’autre (par exemple, les souches produisant la toxine TSTT-1 sont auxotrophes pour le tryptophane, Chu et al. 1988), il apparaît que S. aureus a besoin de puiser des sources azotées dans le milieu de culture pour se développer.

(ii) La bactérie est capable de se développer dans des milieux pauvres en acides aminés libres.

Par exemple, S. aureus est capable de se développer très facilement dans le lait. Elle peut dans ce milieu atteindre des concentrations cellulaires très importantes (environ 109 cfu/ml en dans du lait stérile) (Sharer et al. 2003) en culture simple. Or les concentrations en acides aminés libres du lait (Tableau 7) semblent largement insuffisantes pour constituer la seule source de nutriments azotés nécessaires à cette croissance. S. aureus doit donc très probablement utiliser les autres sources disponibles, constituées très majoritairement de protéines. L’utilisation des protéines comme source azotée implique d’une part de pouvoir les dégrader en peptides et d’autre part de pouvoir transporter ces peptides dans la cellule.

(iii) La bactérie possède plusieurs protéases extracellulaires, pouvant potentiellement générer un grand nombre de peptides nutritionnels.

10 protéases extracellulaires ont été caractérisées chez S. aureus, les protéases à serine SspA (appelée V8) et SplA, B, C, D, E, et F, les protéases à cystéine ScpA et SspB (staphopain A et staphopain B), et enfin la metalloprotéase Aur. D’un point de vue génétique les gènes sspA et sspB sont codés en opéron (Rice et al. 2001) ainsi que les six gènes codant les protéines Spl (Reed et al. 2001). L’opéron ssp, et les gènes aur et scpA présentent un pic d’expression en fin de phase exponentielle lorsque les bactéries sont cultivées en milieu riche et sont sous le contrôle de nombreux régulateurs (Agr, SarA, MgrA, Rot, SaR, SarS…) (Shaw et al. 2004, Oscarsson et al. 2006). Ces régulateurs n’ont pas tous le même impact sur chacune des protéases, ce qui implique qu’elles peuvent également être produites de manière indépendante, notamment en fonction des conditions environnementales (Oscarsson et al. 2006).

0,7 Méthionine 4,9 Arginine 5,8 Lysine 4,8 Histidine 2,6 Phénylalanine 2,5 Tyrosine 0,8 Leucine 0,6 Isoleucine 0,7 Méthionine 2,1 Valine Nd Cystéine 3,2 Alanine 6,5 Glycine Nd Proline 44,7 Acide glutamique 1,1 Sérine 1,1 Thréonine 2,5 Acide aspartique Concentration dans le lait (mg/L) Acide aminé

Tableau 7 : Les acides aminés libres du lait Nd = non détecté

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Les protéases extracellulaires de S. aureus ont été étudiées essentiellement pour leur rôle potentiel dans la virulence (Tableau 8) mais aucune donnée n’est disponible concernant leur impact sur la nutrition azotée de la bactérie lors de l’infection de l’hôte ou dans d’autres milieux physiologiques. Les protéases SspA, Aur et SplC, contrairement à SspB, sont capables de dégrader la caséine in vitro (Tableau 8) (Rice et al. 2001 ; Popowicz et al. 2006 ; Karlsson et al. 2001) mais leur impact « in vivo » sur la croissance dans le lait n’est pas connu. Cependant il semble probable qu’avec ses 10 protéases sécrétées, S. aureus soit capable de dégrader les protéines de ce milieu pour libérer des peptides nécessaires à sa croissance de la souche aux vues de ces capacités de croissance en lait.

S. aureus est auxotrophe pour plusieurs acides aminés, peut se développer dans des milieux pauvres en acides aminés et possède, à priori, les enzymes nécessaires à la libération de nombreux peptides. Il semble alors très probable que cette bactérie possède également un système d’import de peptides, qui reste à caractériser, lui permettant de subvenir à ses besoins en nutriments azotés. Ce transporteur aurait son importance notamment lors de la croissance bactérienne dans le lait mais peut être aussi dans d’autres milieux physiologiques, rencontrés par exemple lors de l’infection de l’hôte (plasma, urine, sérum…).

D’autre part, nous avons vu précédemment que chez L. monocytogenes les transporteurs de peptides permettent l’entrée d’osmolytes favorisant la croissance de la bactérie à basse température et dans des milieux à forte pression osmotique. S. aureus présente également une bonne tolérance vis-à-vis des stress environnementaux (Clements et Foster 1999). Elle peut notamment se développer entre 10 et 45°C (température optimale 37°C) et dans des milieux présentant des concentrations en sel allant jusqu’à 15%. L’implication d’un transporteur de peptides dans la cryorésistance et l’osmorésistance de S. aureus peut donc être également envisagée.