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Streptococcus pneumoniae : trois protéines de fixation des peptides et trois

C. Les transporteurs de peptides : les mécanismes non élucidés

1) Streptococcus pneumoniae : trois protéines de fixation des peptides et trois

Streptococcus pneumoniae (couramment appelé pneumocoque) est une bactérie à Gram positif et un important agent pathogène humain. C’est en effet la cause la plus commune de méningites bactériennes chez l'adulte et est également fréquemment associé à des cas de pneumonies et d’otites.

Cette bactérie possède dans son génome un opéron amiA,C,D,E,F, homologue à opp, ainsi que deux gènes codant des protéines de fixation supplémentaires, AliA et AliB présentant plus de 60% d’identité avec AmiA. Des tests de croissance en milieu chimiquement défini dans lequel un acide aminé essentiel n’est apporté que sous forme de peptides a permis de montrer que les trois protéines de fixation étaient fonctionnelles, utilisaient le même translocon AmiCDEF pour transporter les peptides, et présentaient des spécificités de substrat différentes, en partie recouvrantes (Alloing et al. 1994). Différents phénotypes ont été ensuite associés à des mutations du système Ami.

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a. Un rôle dans la régulation de la compétence

Le lien entre transporteur de peptides et compétence chez S. pneumoniae a été établi à partir de plusieurs constatations (i) une insertion dans le gène aliB abolit l’induction spontanée de la compétence (Alloing et al. 1994), (ii) des mutants aliA présentent une baisse drastique d’efficacité de transformation (Pearce et al. 1994) et (iii) un triple mutant amiA,aliA,aliB- est affecté dans la régulation de son cycle de compétence au cours de la croissance (Alloing et al. 1996). L’ensemble de ces résultats indique que le système Ami/Ali joue un rôle dans la régulation de l’induction de la compétence. Or il a été montré que ce phénomène était, chez S. pneumoniae, contrôlé par un heptadecapeptide non modifié, secrété dans le surnageant, appelé CSP (Compétence Stimulating Peptide). L’hypothèse d’une internalisation de CSP par le système Ami/Ali a été testée en mesurant l’efficacité de transformation du triple mutant amiA,aliA,aliB- en présence de peptides CSP synthétiques. Les résultats montrent qu’aucune des protéines de fixation n’est nécessaire à l’induction de la compétence via CSP infirmant l’hypothèse proposée (Alloing et al. 1996). Le mécanisme d’action de CSP, ensuite élucidé, indique qu’il s’agit une phéromone à mode d’action extracellulaire (et qui n’a donc pas besoin d’être internalisée par un transporteur de peptides) puisqu’elle se fixe sur un système à deux composantes membranaire (ComDE), qui lui-même permet d’activer un régulateur de réponse à l’origine de l’induction des gènes de compétence (Fig.27) (Claverys et al. 2006).

Il a été alors proposé par Claverys et ses collaborateurs en 2000, que le système Ami/Ali soit impliqué dans la compétence en tant que « senseur » de l’environnement. En transportant des peptides, le système jouerait sur le pool d’acides aminés intracellulaire qui lui-même contrôlerait un régulateur global, à la manière de CodY chez L. lactis ou Lrp chez E. coli (cf paragraphe précédent : Les transporteurs de L. lactis : un rôle dans la perception de l’environnement) (Fig. 27). Même si un gène codant un régulateur CodY putatif est présent dans le génome de S. pneumoniae, ce mécanisme n’a toutefois pas été démontré et d’autres hypothèses peuvent être envisagées. On peut penser notamment que le système Ami/Ali puisse faire entrer une phéromone, différente de CSP mais pouvant également intervenir dans l’induction de la compétence (Fig.27). Ce type de régulation par deux phéromones ayant deux modes d’action distincts a d’ailleurs déjà été décrit concernant l’induction de la compétence par B. subtilis (la phéromone à mode d’action extracellulaire ComX et celle à mode d’action intracellulaire PhrC, cf paragraphe précédent : Sporulation et compétence chez B. subtilis).

pré-CSP

?

CSP ComAB comC ComE ComE~P ComD

P~

ComX ComX~P

+

Compétence AliB Ami Peptides AliA AmiA

+

Régulateur “CodY like”

+

+

Adhérence Régulateur “PlcR like”

+

Mécanisme d’induction de la compétence par CSP Différentes hypothèses pouvant expliquer le rôle

du transporteur de peptides Ami/Ali dans la compétence et l’adhérence aux cellules eucaryotes

Fig.27 : La régulation de la compétence et de l’adhérence aux cellules eucaryotes via le transporteur de peptides Ami chez S. pneumoniae, deux voies envisageables.

Hypothèse 1: Les peptides du milieu sont importés par le transporteur Ami/Ali, dégradés en acides aminés, et constituent un pool intracellulaire d’acides aminés. Certains acides aminés agissent alors sur un régulateur pléiotrope type CodY, qui indirectement ou directement va induire les gènes de la compétence ou de l’adhérence (flèches rouges).

Hypothèse 2: Une ou plusieurs phéromone(s) sont produites par la cellule, réimportées par une ou plusieurs des protéines de fixation des peptides AmiA, AliA ou AliB, puis fixées par un récepteur type PlcR, qui indirectement ou directement va induire les gènes de la compétence ou de l’adhérence.

d’après Claverys et al. 2000

Phéromone

Pool d’acides aminés

1.

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b. Un rôle dans l’adhérence des bactéries aux cellules eucaryotes

Un autre phénotype associé au système Ami/Ali de S. pneumoniae concerne l’adhérence aux cellules épithéliales eucaryotes. En effet, lors d’une expérience de mutagenèse insertionnelle aléatoire, il a été mis en évidence qu’une interruption dans les gènes amiC, amiA et aliA entraînait une forte diminution (entre 50 et 60 %) de la capacité des bactéries à adhérer aux pneumocytes et aux cellules épithéliales pulmonaires humaines (Cundell et al. 1995). Or il a été montré que des récepteurs glycoconjugués eucaryotes contenant soit du N-acetyl-D-galactosamine ß1-3 galactose (GalNAcß1-3Gal) soit du N- acetyl-D-galactosamine ß1-4 galactose (GalNAcß1-4Gal) étaient impliqués dans la liaison entre les cellules eucaryotes utilisées précédemment et S. pneumoniae. Des tests d’adhérence sur ces récepteurs purifiés et immobilisés ont permis de préciser le rôle de chacune des protéines de liaison aux peptides : AliA et AmiA ne sont respectivement impliquées que dans un seul type de liaison, au GalNAcß1-3Gal et au GalNAcß1-4Gal. Ces deux protéines de fixation des peptides auraient donc des fonctions distinctes et complémentaires dans le phénomène d’adhésion de la bactérie aux cellules eucaryotes (Cundell et al. 1995).

Pour expliquer la relation transporteur de peptides / adhérence, on peut d’abord imaginer que les protéines de fixation AmiA et AliA, qui sont des lipoprotéines de surface, soient capables de se lier directement aux récepteurs eucaryotes. Cependant cette hypothèse est peu probable puisque les mêmes phénotypes sont obtenus avec un mutant du gène amiC- qui code une protéine du translocon. Il parait donc plus raisonnable de penser que le rôle du transporteur de peptides est indirect, en modulant l’expression de gènes codant des protéines impliquées dans l’adhérence, comme cela a été montré chez un autre streptocoque. En effet, chez S. gordonii, la protéine de fixation des peptides HppA joue un rôle dans la régulation du gène cshA codant une protéine de surface ayant un rôle majeur dans l’adhésion aux cellules humaines (McNab et Jenkinson 1998).

La possibilité que le système Ami/Ali joue un rôle indirect dans l’adhésion laisse encore une fois entrevoir plusieurs hypothèses pouvant expliquer ce phénomène (Fig. 27). Comme précédemment, le système Ami/Ali pourrait jouer un rôle en tant que senseur de l’environnement via le pool intracellulaire d’acides aminés qui agirait sur un régulateur pléiotrope. Cependant il parait alors difficile d’expliquer comment les deux protéines de fixation AmiA et AliA induisent deux réponses simultanées mais distinctes (adhérence à des

récépteurs différents). L’hypothèse d’une phéromone spécifiquement internalisée par chacune des protéines de fixation et induisant une réponse propre semble alors la plus probable.

c. Un rôle dans la colonisation in vivo

L’impact des différentes protéines de fixation, AmiA, AliA et AliB sur la colonisation du nasopharynx par S. pneumoniae (première étape de l’infection avant dissémination dans les poumons) et la virulence de la bactérie a été mesuré sur des modèles murins par Kerr et ses collaborateurs en 2004. Dans un premier temps une dose sublétale (2.5.105 bactéries) de souche sauvage ou du triple mutant amiA,aliA,aliB- ont été inoculées par voie intranasale à des souris puis les bactéries ont été dénombrées dans le nasopharynx après 48 heures pour tester leur capacité à coloniser cet organe. Les résultats montrent que le mutant présente une viabilité significativement inférieure à celle de la souche sauvage. Ce test a été ensuite reproduit avec des mutants simples et révèle que les trois protéines de fixation sont impliquées dans la colonisation du nasopharynx avec cependant un effet de la mutation aliB moins important que pour les deux autres. Cela montre que le transporteur de peptides a une importance sur le développement de la bactérie in vivo, sans que l’on ne sache cependant par quel mécanisme (nutrition azotée, adhésion… ?) ni le rôle précis de chacune des protéines de fixation sur ce phénomène (fonctions redondantes ou spécifiques ?).

Dans un deuxième temps, la virulence des différentes souches a été évaluée en calculant le taux moyen de survie des souris après injection intranasale de 106 bactéries. Aucune différence de survie n’a pu être observée entre la souche sauvage et les mutants, et le comptage des bactéries dans divers organes (nasopharynx, poumon, sang) 6, 12 et 24 heures après infection ne donne lui non plus, aucune différence significative. Bien qu’impliqués dans la colonisation, les transporteurs de peptides n’interviennent pas de manière significative dans la virulence et la dissémination de S. pneumoniae.

Le système de transport des peptides de S. pneumoniae semble donc avoir un rôle dans diverses fonctions. Pour chaque phénotype mis en évidence, il est intéressant de noter que plusieurs protéines de fixation sont impliquées : (i) au moins deux d’entre elles, AliA et AliB, joueraient un rôle dans l’induction de la compétence (ii) AmiA et AliA seraient impliquées dans l’adhérence aux cellules (iii) les trois protéines auraient un impact sur la capacité de la bactérie à coloniser l’hôte in vivo.

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On peut alors se demander si chaque protéine de fixation au sein de ces phénomènes a un rôle spécifique (transport de phéromone, nutrition azotée, perception de l’environnement) ou si elles présentent une redondance fonctionnelle. Tant qu’aucun mécanisme n’aura été élucidé, qu’aucune phéromone ou régulateur n’auront été identifiés, il paraît difficile d’appréhender le rôle précis de chaque protéine de fixation et les raisons de leur multiplicité.

2)

Streptococcus agalactiae : une multiplicité de perméases mais