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Les différents modes de communication bactériens

B. Les transporteurs de peptides et leur rôle dans la communication

1) Les différents modes de communication bactériens

Si pendant longtemps les bactéries ont été considérées comme des organismes unicellulaires indépendants, ces dernières années, les preuves qu’une grande partie des espèces bactériennes peuvent développer un comportement de « groupe » se sont multipliées. Ainsi il a été montré que les bactéries peuvent communiquer entre elles afin de coordonner leurs activités, capacité que l’on pensait auparavant restreinte aux organismes pluricellulaires. Cette communication repose sur la synthèse et la diffusion de petites molécules qui peuvent être perçues soit par d’autres organismes soit par une bactérie de la même espèce. Dans le cas d’une communication intra-espèce, les molécules constituant le signal sont alors appelées autoinducteurs. Souvent, ces signaux permettent à la cellule d’évaluer la densité bactérienne

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dans une niche spécifique. En effet, plus la concentration cellulaire est élevée, plus la concentration en autoinducteurs augmente, jusqu’à atteindre un seuil à partir duquel la bactérie pourra percevoir le signal et adapter une réponse spécifique. On parle alors de quorum sensing, terme cependant fréquemment utilisé pour désigner la communication intercellulaire en général (comprenant également des phénomènes ne nécessitant pas de hautes densités de population). Les mécanismes contrôlés par quorum sensing sont nombreux, et de manière générale, liés à des comportements qui ne sont efficaces que lorsqu’ils sont engagés simultanément par de nombreuses cellules comme la sécrétion de facteurs de virulence ou de bactériocines, la formation de biofilms, la conjugaison, la sporulation ou encore la bioluminescence (Miller et Bassler 2001).

Les molécules de signalisation utilisées pour la communication bactérienne peuvent être divisées en deux classes principales selon leur nature.

a. Les N-acyl homoserine lactones (AHL)

Les AHL sont des molécules de communication exclusivement décrites chez les bactéries à Gram négatif. Elles sont synthétisées par des enzymes spécifiques de type LuxI puis sécrétées dans le milieu. Elles sont ensuite réinternalisées par diffusion passive puis une fois une concentration seuil atteinte, fixées par une protéine de type LuxR. Ce régulateur acquiert alors sa forme active, lui permettant de se fixer aux promoteurs de gènes cibles, dont son propre promoteur, et d’en activer la transcription (Fig.17A). Le système type LuxI/R a été identifié chez de nombreuses espèces bactériennes et son implication a été montrée dans divers phénomènes, notamment dans la production de facteurs de virulence chez Pseudomonas aeruginosa, l’induction de la bioluminescence chez Vibrio fischeri, l’initiation de la conjugaison chez Agrobacterium tumefaciens… (Miller et Bassler 2001, Henke et Bassler 2004).

b. Les phéromones peptidiques

Les phéromones peptidiques sont des oligopeptides généralement courts, pouvant avoir subi ou non des modifications post-traductionnelles (Dunny et Leonard 1997) et utilisés comme signal de communication chez les bactéries à Gram positif. Ces peptides peuvent être subdivisés en deux sous-classes, ceux qui agissent de manière extracellulaire et ceux qui

LuxR LuxI LuxR Gène AHL HK RR P Gène RR P Peptides Régulateur Opp Gène Régulateur Peptides A. B. C.

Le système LuxI/R des bactéries à Gram négatif : la molécule signal AHL est synthétisée par la protéine de type LuxI puis sécrétée par diffusion passive. La molécule est ensuite réinternalisée puis une fois la concentration intracellulaire en AHL suffisante, elle est fixée par une protéine de type LuxR qui va moduler la transcritpion des gènes cibles

Fig.17 : Les principales voies de communication bactérienne

La communication via des peptides à mode d’action extracellulaire des bactéries à Gram positif: le peptide de signalisation est synthétisé sous forme de précurseur puis sécrété. Après maturation il est alors detecté par un récepteur à histidine kinase (HK) qui s’autophosphoryle. Le groupement phophate est ensuite transmis à un régulateur de réponse

(RR) qui va alors moduler la

transcription des gènes cibles.

La communication via des peptides à mode d’action intracellulaire des bactéries à Gram positif: le peptide signal est synthétisé sous forme de précurseur puis sécrété. Après maturation il est pris en charge par l’ABC-transporteur de peptides Opp et réinternalisé. Une fois à l’intérieur de la cellule, le peptide est immédiatement pris en charge par un

régulateur qui va moduler la

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doivent être internalisés (Lazazzera 2001). Les mécanismes permettant la détection et le relais de ces signaux sont radicalement différents selon la sous-classe considérée (Fig.17B et C):

(i) Les peptides à mode d’action extracellulaire sont synthétisés sous forme de précurseur puis sécrétés dans le milieu, généralement via un ABC-transporteur. Ils présentent souvent des modifications comme par exemple l’ajout d’un groupement isoprenyl (phéromone ComX de Bacillus subtilis, Magnuson et al. 1994) ou d’un pont thio-lactone (phéromone AIP des Staphylococcus ssp, Otto et al. 1998). Ces signaux, lorsqu’ils atteignent la concentration requise, sont détectés par un récepteur membranaire à histidine kinase, qui grâce au contact avec la phéromone va s’autophosphoryler et transmettre son groupement phosphate à un régulateur de réponse. L’ensemble des deux protéines, histidine kinase et régulateur de réponse, forme ce que l’on appelle un système à deux composantes. Enfin, le régulateur de réponse phosphorylé va contrôler la transcription des gènes cibles et donc induire la réponse de la cellule (Fig.17B). Si la communication via des peptides est exclusivement décrite chez les bactéries à Gram positif, on peut cependant retrouver le mode de transmission d’un signal par un système à deux composantes chez quelques bactéries à Gram négatif. Par exemple, Vibrio harveyi possède un système de communication hybride puisque les deux molécules signal synthétisées, AI-1 qui est une AHL (similaire à celles utilisées par le système LuxI/R) et AI-2 qui est un furanosyl borate diester (autre classe d’autoinducteurs qui ne sera pas décrite ici), sont toutes deux prises en charge par des systèmes à deux composantes distincts qui transmettent alors le signal à une protéine réceptrice commune (Miller et Bassler 2001). Cette voie de communication qui induit le phénomène de luminescence de cette bactérie a été également décrite chez d’autres espèces notamment chez Shigella flexneri pour laquelle elle provoque l’induction de facteurs de virulence (Gonzalez et Keshavan 2006).

(ii) Les peptides à mode d’action intracellulaire sont de petite taille et non modifiés. Ils sont synthétisés par la cellule, sécrétés sous forme de précurseur, et contrairement à la classe de peptides signaux précédente, ils doivent être réinternalisés après maturation pour se fixer sur un récepteur cytoplasmique qui régule alors l’expression des gènes cibles (Fig.17C). Ce sont dans ces voies de communication qu’interviennent les systèmes de transport Opp puisqu’ils sont nécessaires au transport de la phéromone vers l’intérieur de la cellule. Or nous avons vu précédemment qu’une fonction majeure de ces systèmes était de fournir des nutriments azotés à la cellule, et de ce fait qu’ils sont généralement capables de transporter une large gamme de peptides. Comment les peptides de communication sont-ils « reconnus » au sein de peptides nutritionnels ? Y’a t’il des systèmes Opp spécifiques d’une part de la

nutrition et d’autre part de la communication, ou au contraire un même transporteur pour plusieurs fonctions ? Dans ce dernier cas, a-t-on compétition entre les différents peptides ou de fortes différences d’affinité qui permettraient d’importer préférentiellement une phéromone ?

Dans la partie qui suit nous développerons 3 exemples de communication via des peptides à mode d’action intracellulaire chez des bactéries différentes, E. faecalis, B. subtilis et Bacillus thuringiensis, en insistant particulièrement sur le rôle des transporteurs de peptides. Pour chacun de ces exemples, de nombreuses études ont permis de révéler chaque étape du mécanisme de communication qui conduit à l’induction de phénomènes distincts chez les 3 bactéries (respectivement la conjugaison, la sporulation et la compétence, l’induction de facteurs de virulence). L’étude de ces mécanismes permettra d’illustrer les différentes réponses apportées par les bactéries aux questions posées précédemment.