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2.5 Transport par charriage d’un lit composé de plusieurs tailles de grains

2.5.2 Transport par charriage d’un lit composé de plusieurs tailles de

La présence de différentes tailles de sédiment sur le lit d’une rivière peut perturber la physique du transport de plusieurs manières. En effet, les interactions entre les grains de différentes tailles et celles entre un grain d’une taille donnée et l’écoulement sont susceptibles de se trouver modifiées de façon significative (voir figure 2.17). Par ailleurs, la structure du fond du lit est elle susceptible d’influencer la forme du profil de vitesse de l’écoulement (voir partie 2.1).

Le transport d’un lit de sédiment à plusieurs tailles de grain est étudié depuis long- temps, sur le terrain et en canal expérimental. Pour traiter ce problème deux approches en particulier ont été développées.

La première approche a consisté à estimer le transport total comme une fonction d’un ou plusieurs moments statistiques de la distribution des tailles de grains. Cette

17. Soit du cas D1/DN modéré dans le cas d’un lit de sédiment formé de N tailles Di, avec i =

démarche revient à utiliser les premières lois proposées (comme celle de Meyer-Peter and Müller [1948]), en normalisant les grandeurs avec le diamètre médian, D50, des

grains présents sur le lit. Cette démarche a été - et est encore - utilisée le plus souvent pour caractériser le transport sur le terrain, car elle nécessite peu d’informations. Cela revient à poser qs∗= qs pRgD3 50 = c (τ∗− τc∗)3/2 (2.53) avec τ∗ = τ ρRgD50 , τc∗ = τc,50 ρRgD50 (2.54) avec τc,50 le seuil de mise en mouvement des grains de diamètre D5018.

Cette démarche revient à assimiler le lit de sédiments hétérogène à un lit de sédi- ments homogène dont la taille est donnée par le D50 de la distribution. Si ce raison-

nement est très pratique, son principe est en lui-même discutable. Par ailleurs, cette formulation du transport, ne peut, par construction, décrire et/ou prédire quoi que ce soit concernant la dynamique de ségrégation des tailles de grain à la surface du lit. Or ce phénomène se développe naturellement dans tous les systèmes sédimentaires (voir figures 1.2, p. 11 et 1.1, p. 10).

Pour ces raisons, une seconde approche est de considérer que le lit de sédiment est composé de N populations de tailles de grain, et de chercher à décrire le transport de chacune de ces populations. On notera alors Di le diamètre des grains de la catégorie i (i = 1, 2, .., N ) et qs,i le flux volumique de sédiments de taille Di par unité de largeur.

On définit alors [Parker et al., 1982; Parker , 2008] les nombres sans dimensions associés aux grains de taille Di

qs,i∗ = qqs,i RgD3 i , τi∗ = τ ρRgDi , τc,i∗ = τc,i ρRgDi . (2.55)

Dans ce cadre, les études menées ont cherché à quantifier comment les flux qs,i

changent avec la contrainte τ et la distribution des tailles de grains présents sur le lit,

18. L’utilisation ici du nombre 50 comme indice du diamètre, ne signifie pas le numéro de la taille, mais le fait que 50% des diamètres mesurés se situent en deçà de cette taille. Le D50, (comme le D16,

le D84,etc.) est déterminée à partir de la courbe de fréquence cumulée des tailles de grains mesurée sur

le lit.

L’utilisation d’une taille caractéristique par la communauté scientifique travaillant sur le transport en rivière s’explique par deux raisons principales. Tout d’abord, il est intuitif de penser que la rugosité moyenne du lit joue un rôle notable, notamment sur la capacité de transport, et qu’elle doit être commensurable à une taille caractéristique des grains qui composent le lit. Secondement, si la rugosité d’un milieu est difficile à mesurer en tant que telle, la distribution de probabilité des tailles de grains formant les lits de rivière est une donnée fréquemment acquise sur le terrain.

m l p a b Reférence Type de données

1 -9/2 9/2 11.2 0.822 Parker et al. [1982] De rivières naturelles

1/4 -9/8 9/2 70 0.908 Wilcock and Kenworthy [2002] Expérimentales

1/4 -9/8 9/2 115 0.923 Wilcock and Kenworthy [2002] De rivières naturelles

1/2 -9/4 9/2 10 0.894 Wilcock and Crowe [2003] Expérimentales

1 - 9/2 9/2 11.2 1 Powell et al. [2001, 2003] De rivières naturelles

Table 2.1 – Valeurs typiques des coefficients de l’équation (2.57) proposées dans la littérature.

c’est-à-dire les différentes tailles de grains Di et leurs fractions dans la composition du lit Fi, i = 1, 2.., N19. Parker [2008] passe en revue de l’ensemble des travaux - en

laboratoire et sur le terrain - ainsi réalisés, ce qui permet de faire deux constats de premier ordre :

– 1. qs,i est toujours proportionnel à Fi.

– 2. Loin de la contrainte seuil, on retrouve un relation similaire au cas du lit ho- mogène : q∗s,i∝ τi∗3/2.

Cela étant, on observe que le transport dans les rivières naturelles se situe toujours au voisinage de la contrainte seuil. Il est donc nécessaire si l’on veut parler du cas naturel, de décrire ce domaine de la loi de transport. Pour cela, beaucoup d’auteurs proposent qu’il existent une relation du type [Wilcock , 1988; Parker , 2008]

qs,i∗ Fi = Fh(τi∗, τ ∗ c,i) τ ∗3/2 i , (2.56)

avec Fh(τi∗, τc,i∗ ) une fonction capturant l’ensemble de la complexité introduite par la

distribution des tailles de grains. De nombreuses relations ont été proposées pour cette fonction Fh, qui est censée décrire le comportement du transport au voisinage de la contrainte seuil. On peut exprimer les relations proposées sous la forme générique

Fh τi∗, τ ∗ c,i = a τ ∗l i · [τ ∗ im− b · τ ∗m c,i]p , (2.57)

où a et b sont des paramètres d’ajustement, et l, m et p des exposants tels que l+m×p =

19. Le problème de la définition et de la mesure des fractions granulométriques est discuté dans la partie 2.6.3.

a)

b)

D

i

/D

c

D

i

/D

c

b)

τ

c,c

τ

c,i

Figure 2.18 – a) Représentation de différentes fonctions G proposées dans la littéra- ture, la relation d’Egiazaroff (M) , la relation modifiée d’Egiazaroff (+), la condition d’indépendance avec la taille (soit γ = 0 dans l’équation (2.59))(), la condition d’éga- lité des seuils dimensionnés (soit γ = 1) (◦), et diverses relations de l’équation (2.59) utilisant γ = 0.81, γ = 0.90 et γ = 0.72. Figure extraite de Parker [2008]. b) Données de contraintes seuils (dimensionnées, et normalisées par la contrainte seuil associée au diamètre caractéristique Dc) obtenues dans l’étude expérimentale de Wilcock and Crowe

[2003]. La courbe en trait plein représente l’ajustement des données par l’équation don- née dans le tableau 2.2. Figure tirée de Wilcock and Crowe [2003].

0, ce qui permet, lorsque τi∗ >> τc,i∗ , que la fonction Fh ne soit pas fonction de τi∗. Le tableau 2.1 résume les valeurs de ces paramètres proposés dans la littérature.